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09/01/2013

Mariage reptilien pour tous

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Dimanche prochain, le 13 janvier 2013, aura lieu la prochaine manifestation contre le mariage pour tous. Elle s'annonce comme un événement important. Sur Twitter, on lit les futurs manifestants compter les cars ou les trains qui vont les emmener sur place. La plupart d'entre eux semblent impatients. Pour ma part je suis attristé que dans mon pays, en 2013, il se trouve tant de gens pour manifester contre ce que je vois comme une évolution positive de la société, un signal d'accueil et d'intégration supplémentaire envers les homosexuels, qui comme toutes les populations minoritaires ont longtemps souffert d'être stigmatisés. 

 

Je remarque d'aillers que depuis que ce débat a lieu, et comment oser dire qu'il n'a pas lieu comme le font les anti mariage pour tous, étant donnés tous les moyens dont ils se saisissent pour manifester leur opinion, depuis qu'il a lieu disais-je, ces stigmatisations et autres insultes ont connu un nouveau fleurissement. Ceux qui marcheront dimanche répliqueront qu'ils sont eux aussi l'objet d'insultes dans ce débat, et ils auront raison. J'oserai toutefois leur faire remarquer que les homosexuels sont eux insultés pour ce qu'ils sont. Les autres le sont "uniquement" pour leurs opinions. Et qu'être l'objet de quoilibets pour ses pensées est, malheureusement, notre lot à tous. Certains sont choqués ? Oui, je pense qu'il y a une différence de violence entre une insulte qui dit "tu n'es pas ce qu'il faut" et une insulte qui dit "tu ne penses pas ce qu'il faut".

 

Et surtout, j'en ai assez de lire partout des arguments qui m'apparaissent, dans le fond, profondément malhonnêtes. Oh, ce n'est très souvent pas conscient, et cela suffit à comprendre que les procès d'intention sont en l'espèce tout à fait déplacés (comme ils le sont toujours dans le fond). Je vous propose d'être concis. Les arguments avancés par les tenants des valeurs familiales traditionnelles sont :

  1. L'enfant avant tout. Elevé par un couple homosexuel, l'enfant sera plus malheureux que s'il était élevé par un couple hétérosexuel. Il sera incapable de retracer sa filiation, ne saura jamais qui était son vrai père/ sa vraie mère. Sur ce deuxième point, comment font les enfants adoptés aujourd'hui ? Ils sont donc incapables de retrouver leur parents d'origine ? Quoi, parce que les parents qui élèveront un enfant seront du même sexe, automatiquement ils lui interdiront de faire les recherches nécessaires à retracer sa filiation ? Alors la vie c'est déterminé dans un bout de papier et stop, la loi t'a dit que non mon bonhomme, tu ne peux pas faire de recherches ? Sur le premier point, c'est annoncé comme cela, sans aucun élément de preuve, et pour cause, on ne dispose de rien de sérieux dans ce domaine, ni pour démontrer que les familles homoparentales favorisent le bonheur des enfants, ni pour démontrer le contraire.
  2. On dégaine du coup l'argument n°2 : le principe de précaution. Puisqu'on ne sait pas, autant ne pas prendre de risque. Alors forcément, la précaution, c'est beau. En plus, on parle d'enfants. Tremblez braves gens ! Ce sont à des enfants innocents que vous songez dans votre égoïsme incommensurable faire prendre des risques ! En réalité, quand on ne sait pas, on peut brandir son ignorance avec autant d'assertivité pour prendre n'importe quelle décision. Ou n'importe quelle autre.

 

Aujourd'hui que constate-t-on ?

Aucun des pays qui a adopté le mariage homosexuel n'a observé d'épidémide de névroses dans sa population. Aucun des pays qui a adopté le mariage homosexuel n'a observé de délitement soudain de sa société. Aucun des pays qui a adopté le mariage homosexuel n'a observé que les enfants élevés par des couples homosexuels étaient plus malheureux que les autres. Aucune étude ne prouve sérieusement qu'il n'y aura pas d'impacts négatifs ? Oui. Mais en l'état actuel des choses, et nous avons déjà un certain nombre d'années d'observation à notre disposition puisque les premiers pays à avoir accordé le mariage aux homosexuels l'ont fait au début des années 2000 si je ne me trompe pas, en l'état des choses donc, on n'observe pas de raison de trembler.

 

Premier petit point de réponse en conséquence : je ne vois pas pourquoi la peur, l'autre nom du joli principe de précaution, serait meilleure conseillère que... quoi que ce soit d'autre. La peur est bonne conseillèe quand il faut fuir devant un ennemi. Là, personne qui nous menace, c'est bon.

 

Deuxième point, et c'est le fond de mon argument ce soir, qui était en fait implicite dans mon billet précédent, et que je vais maintenant rendre explicite. Les réactions que j'observe contre le mariage pour tous m'apparaissent épidermiques depuis le début. Elles sont emballées, on y voit beaucoup d'implications personnelles. On nous explique qu'un grand risque plane sur notre société, que les conséquences seront graves. L'aspect profondément émotionnel, très humain, de ces réactions, m'a dès le début alerté sur ce qu'elles signifient. Il y a quelque chose de primal à mes yeux dans tout ceci, même si j'ai conscience de ce que ce terme peut avoir de provocateur voire de vexant.

 

Mais il faut que nous arrêtions de nous mentir sur les moteurs de nos réactions lorsque nous rentrons dans ce genre de débats qui mettent en jeu notre intimité. Et comme je l'écrivais précédemment le mariage est avant tout une question intime et non de société. Nous ne réagissions pas tant parce que notre raison et nos beaux sentiments nous poussent à aller à gauche, à droite ou tout droit. Des raisons nous en avons tous, et des beaux sentiments aussi. Ils sont nos bannières qui nous permettent d'être acceptés dans nos communautés de proximité, celles du sang, celle des expériences partagées qu'elles soient privés ou professionnelles.

 

Nous réagissons très souvent en étant guidés par notre cerveau reptilien. Je ne sais plus qui disait que lorsqu'il s'agit de prendre une décision, le reptilien en nous l'emporte (presque) toujours. Poussons tous ensemble un NON retentissant pour manifester que nous ne voulons pas en rester à ce stade ! Ca nous fait du bien et ça nous pousse à rechercher mieux. Mais observons que cela reste toutefois une règle trop peu souvent brisée. Et pourquoi le reptilien l'emporte si souvent ? Parce que notre nature, notre biologie, qui veut que nous survivions, nous faire choisir ce qui nous permet d'être dominant sur les autres. Car être dominant est précisément le meilleur moyen de survivre.

 

Nos choix que nous prétendons être des choix de société, sont très souvent les choix d'un mode de vie particulier, le nôtre, dont on souhaite qu'il soit dominant sur les autres. Cela nous assure, à nous, une meilleure vie, plus facile, plus longue que celle des autres.

 

Les personnes qui vont manifester dimanche ne le font pas pour protéger les enfants d'un risque de malheur qui est trop souvent posé comme une simple inférence (je pose comme hypothèse qu'il existe un risque, et je construis toute mon argumentation autour de cette hypothèse, sans avoir plus à me soucier de savoir si cette hypothèse a une quelconque pertinence). Ils vont manifester parce qu'à travers cette loi, c'est leur mode de vie que l'on remet en cause, parce qu'on leur signifie qu'il n'est plus dominant, que les autres vont avoir la même place qu'eux. Leur socle vacille de ce fait. On devrait faire une analyse sociodémographique des tenants de chaque bord, pour voir à quel point cette notion de position dominante à défendre est réelle. Pour moi elle ne fait pas l'ombre d'un doute.

 

Tout ce que demandent les homosexuels à travers cette loi dans le fond, ce n'est pas tant que leur amours soient reconnues. Ils n'ont pas besoin de leurs voisins pour savoir s'ils s'aiment. Il y a là un souhait de sortir d'une situation de dominé, socialement s'entend. Et dans une société moderne, cette demande est légitime.