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02/04/2007

Introduction à la notion d'agressivité

Après plusieurs billets sur les travaux de Laborit, certains abordant les rivages de ses analyses par le détour de sujets assez généraux, d’autres tâchant de décrypter de façon un peu plus précise le fondement de certains de nos comportements, il est temps d’en venir à l’une des questions centrales du travail de Laborit, à savoir la question de l’agressivité.

 

Pour bien traiter ce sujet, je compte écrire plusieurs billets, qui permettent notamment de faire le tri dans les différents types d’agressivité qui peuvent exister, et qui tentent de proposer de façon claire les explications de Laborit quant aux causes fondamentales de l’agressivité, et notamment de l’agressivité sociale, qui est à n’en pas douter un sujet majeur sans cesse débattu sans grande pertinence, ce qui explique très probablement le sur-place que nous faisons dans ce domaine.

 

Mais avant de traiter la question de l’agressivité, et parce que pendant longtemps je n’ai plus rien écrit sur Laborit, je voudrais revenir rapidement sur quelques points majeurs qu’il me semble indispensable de garder à l’esprit et de bien intégrer si l’on veut comprendre la suite.

 

Il y a deux grandes idées qui soutiennent le corpus des travaux de Laborit, et notamment ses analyses sociologiques, dérivées de ses travaux en neurobiologie. La première, c’est que l’être n’a pas d’autre raison d’être que d’être. Tout entier, nous sommes programmer pour notre survie et le maintien de notre être. Cette proposition n’a pas de visée ontologique toutefois, et il ne faut pas la comprendre autrement que dans le sens d’une programmation biologique de notre vivant pour trouver les ressources, internes ou externes, lui permettant de subsister, et de se faire plaisir en établissant les stratégies nécessaires au réenforcement, c’est-à-dire à la répétition d’action gratifiantes. En cela, je ne pense pas que Laborit se trouve réellement en opposition avec Lévinas lorsque ce dernier indique, mais j’espère ne pas trahir sa pensée ici, que la raison d’être de l’homme ne peut se réduire à être, mais qu’il doit plus tendre vers un être avec, vers un être en relation avec l’autre.

 

La deuxième idée majeure de Laborit, et peut-être la plus riche, est la notion de niveaux d’organisation. Laborit montre en effet que le défaut des différentes disciplines scientifiques est notamment leur spécialisation et, si l’on me passe l’expression, leur manque d’œcuménisme. Chacune s’applique à décrire le fonctionnement de l’objet auquel leur analyse a été assignée, et mises ensemble elles finissent ainsi par décrire un squelette certes complet, mais désarticulé, sans lien clair entre ses parties.

 

La notion de niveaux d’organisation rétabli ce lien. Laborit montre, notamment par le biais de la cybernétique, en décrivant le fonctionnement d’un système autorégulé et d’un servomécanisme, comment un niveau d’organisation peut dépendre d’un autre qui l’englobe, ou qu’il englobe, comment la cellule qui remplit sa tâche en maintenant sa polarité autour de sa membrane, travaille également à maintenir intacte la faculté de l’organe à réaliser ce pour quoi il est fait, et au final participe de la conservation de l’organisme et de cet objectif que j’ai rappelé plus tôt : être, et assurer son plaisir par des actions gratifiantes.

 

Ces notions étant rappelées, elles vont nous permettre de comprendre d’emblée que l’agressivité ne peut pas être autre chose qu’une des nombreuses stratégies mises en œuvre par l’individu pour conquérir ou maintenir son homéostasie. Qu’en bref donc, il n’existe pas d’agressivité gratuite. L’agressivité n’est pas une fin en soi mais un outil dont nous usons pour répondre à un besoin, besoin auquel nous ne savons pas répondre autrement, soit faute de moyens externes réels, soit en raison de notre ignorance quant-à la façon d’utiliser ce que nous avons d’autre à disposition.

 

Partant, on comprend aisément qu’il n’y a pas de réponse satisfaisante à l’agressivité s’il n’y a pas d’analyse de ses causes, et de réponse pour réduire ces dernières. Attaquer l’agressivité de front, sans attaquer ses causes, revient à passer la serpillère chez soi quand l’eau coule, en oubliant de fermer les robinets. Ca peut durer longtemps.

 

Pour bien appréhender la question de l’agressivité, il me semble bon de rappeler avec Laborit quels sont les différents visages que celle-ci peut prendre, afin de distinguer avec précision s’il est d’abord nécessaire de répondre à toutes ces formes d’agressivité, et surtout comment répondre à chacune, en prenant en compte leurs spécificités propres.

 

Je n’entame pas toute cette analyse ici, ce sera pour les billets suivants. Tout juste vais-je indiquer, en guise d’introduction à ces prochains billets, quels sont les différents types d’agressivité relevés par Laborit : l’agressivité prédatrice tout d’abord, celle du lion qui pourchasse sa proie par exemple, l’agressivité compétitive, sans doute la forme principale d’agressivité existant chez les hommes, l’agressivité défensive, qui d’un point de vue social se rapproche parfois si près de l’agressivité compétitive qu’elle s’y fond, et enfin l’agressivité d’angoisse. Cette typologie est utilisée par Laborit dans La colombe assassinée, uniquement dans une approche éthologiste, mais je la conserve concernant l’homme car sa clarté me semble particulièrement utile pour comprendre d’où vient notre propre agressivité. Je tâcherai d’indiquer convenablement quelles sont les limites de l’analogie à laquelle je me prête ici afin de ne pas vous embarquer dans une analyse trompeuse.

 

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Commentaires

" le défaut des différentes disciplines scientifiques est notamment leur spécialisation ... "

Euh, ne serait-ce pas également leur fonction centrale, construire un objet de connaissance "spécialisé" ? Après, que des pratiques puissent être sourdes aux apports d'autres domaines, c'est probable ... ;o

Écrit par : ouranos | 02/04/2007

Ouranos
Ok, je ne suis pas rentré dans ce détail pour ne pas polluer mon billet de considérations secondaires (l'objet du texte n'étant pas de savoir si les disciplines scientifiques sont ouvertes ou non aux autres). Disons d'une façon générale que l'objet de chaque science est peut-être de se spécialiser, mais l'objet de LA science est plus de comprendre les choses de façon globale il me semble.

Écrit par : pikipoki | 03/04/2007

Il me semble que Laborit décrit le schéma de ce qui mène la science et plus précisément les chercheurs n'utiliser qu'une fraction du savoir et de la connaissance disponible. La structure recouverte par les termes recherche et
science étant contraintes par sa nature, a savoir, une sensible inertie liée aux intérêts établis par le rapport de l'individu à l'urgence personnelle.

Écrit par : Robert Flaps | 17/07/2009

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