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10/01/2007

Critique du libre arbitre: plan

medium_arbitre.jpgSuite à l’intéressant débat qui avait eut lieu ici sur la question du libre arbitre, et pour répondre au récent billet de Matthieu sur le sujet, je propose ici ma petite contribution. Mon intention première était de produire d’un bloc mon argumentation, mais il n’en sera rien, car cela serait beaucoup trop long pour un simple billet. De plus, ce procédé présente plusieurs avantages. D’abord il me permet d’avancer pas à pas, et de ne pas vous noyer d’un coup sous un trop grand nombre de questions. Et puis surtout il me laisse le temps d’approfondir une question qui m’intéresse beaucoup à titre personnel.

 

Ce premier billet vous présente donc les jalons de mes prochains billets sur le libre arbitre. Vous y comprendrez déjà quels sont les arguments principaux que je compte développer ensuite. Et à quel point la critique du libre arbitre peut nous pousser loin dans la réflexion sur notre construction personnelle et sur celle des sociétés.

 

[Edit du 18/01/07: j'ajoute la définition que je fais du libre arbitre: à mon sens, c'est la faculté d'exercer une volonté libre, c'est-à-dire dégagée de tout déterminisme (sociaux, génétiques, tout ce que vous voulez)]

 

1. Le libre arbitre et la prédictibilité. L’argument de Mathieu est que si nous n’avions pas de libre arbitre, et que donc notre déterminisme était total, alors nos comportements, nos gestes, nos paroles, nos écrits, seraient tous parfaitement prédictibles. Or, ils ne le sont pas, c’est une évidence. S’ils ne le sont pas, c’est bien que notre déterminisme n’est pas total, et donc que le libre arbitre existe bel et bien. Mathieu se trompe ici de conclusion. L’absence, que je crois parfaitement réelle, de prédictibilité de nos comportements, n’est pas le signe de l’existence du libre arbitre. Elle n’est que l’aveu de notre ignorance. Rien de plus.

 

2. La question morale. Si le libre arbitre n’existe pas, cela pose un problème moral qui semble insurmontable. Car si un individu n’est pas maître en sa demeure et que son comportement n’est pas le résultat de l’exercice de sa volonté mais seulement de son déterminisme, comment le rendre responsable de quoi que ce soit ? Ici je ne répondrai pas réellement aux questions posées, mais je me contenterai de les poser, en proposant de relire les arguments de Saint Thomas d’Aquin. Qui nous permettront d’en arriver à la question de l’instinct, de l’usage de la raison, et de faire un sort à la vision de l’homme robot que craint Mathieu, tout en conservant pourtant notre idée d’absence de libre arbitre.

 

3. La question du mérite. De même que sur le point 2, si le libre arbitre n’existe pas, quid de notre mérite ? Nous sommes nombreux à connaître dans notre milieu professionnel le principe, parfois élevé au rang de vertu, de la méritocratie. Qui n’est en réalité trop souvent qu’une méthode pseudo savante justifiant les évaluations à la tête du client. Et pour cause. Sur ce point nous reviendrons à nouveau sur Laborit, et sur sa critique acerbe de la notion de mérite, que j’adresserai en particulier à ceux qui s’en croit le plus ornés : mon milieu social petit bourgeois.

 

4. La question du choix : nous distinguerons ici deux cas. Celui des alternatives à faibles enjeux, et celles dont les enjeux sont importants. La résolution des premières est un peu piégeuse, puisque les alternatives sans enjeux sont celles qui nous portent le plus naturellement à effectuer des choix que nous jugeons par la suite être le fruit du hasard ou de l’indifférence, et donc celle où nous pourrons, en rompant avec le syndrome de l’âne de Buridan, faire un choix qu’on trouvera d’autant plus lié au libre arbitre que ses ressorts ne nous apparaîtront pas clairement. Mais où est le libre arbitre dans le hasard, ou dans l’indifférence ? Et surtout, je fais une autre réponse sur ce point précis : quelle intérêt y a-t-il à se poser la question du libre arbitre sur des points que nous pourrions aussi bien décider en jouant à pile ou face ? La question est dans ce cas à mon avis à ce point sans objet qu’elle ne devrait pas être posée. Le deuxième type d’alternative est donc celui qui doit nous intéresser, plus que le premier. Mais ici sa résolution est en fait assez facile. On pourra revenir rapidement sur la démonstration de Schopenhauer dans son essai sur le libre arbitre pour montrer que nos choix sont la conséquence à la fois de nos prédispositions naturelles au sens large (disons de nos gênes pour faire très court et très schématique),  de nos contingences, des circonstances dans lesquelles nous nous trouvons, et enfin de nos désirs, de nos pulsions envers nos gratifications, bref, de nos apprentissages.

 

5. La connaissance et l’ignorance. Où nous verrons que  c’est l’ignorance qui constitue le fondement de ce que nous appelons aujourd’hui à tort le libre arbitre. Et encore notre ignorance qui est la source de ce que nous nommons liberté. Car si nous étions des êtres omnisavants, il n’y a pas de raison pour que nous ne fassions pas toujours le choix de ce qui est le mieux pour nous, et donc que nous fassions tous les mêmes choix. La diversité de nos comportements est donc avant tout l’aveu de notre ignorance et de notre imperfection (et je ne dis pas que c’est là quelque chose dont on doit être triste).

 

6. La question de la responsabilité. Où je répèterai, avec l’insistance d’un névrosé, quelle est l’importance de séparer ce que nous sommes, ce que nous faisons, et ce que nous avons. Ce qui nous permettra d’apporter une conclusion qui, alors qu’elle établie bien l’inexistence, et pour tout dire la vacuité de l’idée de libre arbitre, que nous n’en devons pas moins être tenus pour responsables de nos actes. Et où l’on verra qu’être déterminé ne signifie pas être passif. Que c’est un mauvais usage des mots qui nous fait conclure de façon erroné sur ce sujet, car notre déterminisme, est tout entier en nous, et qu’il est donc nous-mêmes. Que ce corps, ces sens, et ces influx nerveux qui nous dirigent, sont les briques qui nous constituent, et qu’en conséquence, si l’on veut bien abandonner l’idée de l’existence de l’âme, nous restons bien nous-mêmes acteurs de nos vies, même si trop souvent, nous les conduisons en aveugles.

 

Enfin, pour ceux qui voudraient lire, outre le billet de Matthieu, un texte intéressant sur le sujet, je conseille fortement la fiche wikipédia du même nom. Ils verront que je m’en inspire en partie.

 

Billet suivant de la série 

Commentaires

Dans l'attente de lire tes developpements, je veux juste te signaler, si tu ne l'as pas vu, que j'ai rajouter un petit billet de commentaires ici :

http://chezmatthieu.blogspot.com/2007/01/le-libre-arbitre-le-retour-de-la.html

Je ne sais pas si tu auras le temps de lire les deux longs articles cites, mais je me permets de te conseiller de jeter au moins un oeil a la citation de Dennett que j'ai reproduit dans mon billet. Il decrit bien ma position, que je crains (je me trompe peut-etre) que tu deformes un peu.

Écrit par : Matthieu | 10/01/2007

Matthieu,

Je me demande si Bennet ne se rapproche pas en fait de la position que j'indique à la fin de ce billet, et que j'avais d'ailleurs déjà indiqué en commentaire la dernière fois: nous sommes notre déterminisme, donc celui-ci n'est pas passif, il est plutôt le mode sur lequel nous agissons.

Il est fort possible que ce débat soit en fait miné par des mots auxquels des siècles de blabla ont donné un sens trop biaisé.

Écrit par : pikipoki | 10/01/2007

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