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12/01/2007

Prédictibilité et libre arbitre

 

J’entame donc ma courte série sur le libre arbitre par un non moins court billet sur la question de la prédictibilité. Je ne serai en effet pas très long sur ce point, car il ne me semble dans le fond pas très compliqué à tirer au clair. Il me semble que l’idée ici est de dire que notre libre arbitre est la source de la grande complexité que nous constatons dans nos comportements. Et que cette complexité est ce qui nous rend fondamentalement imprévisibles. En raisonnant à rebours, on considère que puisque nous sommes imprévisibles, c’est qu’il y a quelque chose en nous qui nous rend trop complexe pour qu’on puisse toujours être sûrs de pouvoir appréhender correctement nos comportements. Et que ce quelque chose, ne peut être que le libre arbitre.

 

A l’inverse, si notre déterminisme est total, alors il semble raisonnable de dire que nos actes peuvent être prédits. Si en effet, nul hasard n’intervient ni dans nos gestes, ni dans nos mots, c’est donc qu’il existe en tout une chaîne causale, que l’on peut penser mécanique, qui fait que tel effet est produit, et pas tel autre. Or nous percevons bien, de façon intuitive, que la prédictibilité est une lubie. C’est même corroboré par le gouffre d’ignorance que nous apercevons sans cesse devant nous, malgré toutes les découvertes que nous avons déjà pu faire ou sommes sur le point de faire. Il est et il restera toujours parfaitement impossible de prévoir nos actes, car ceux-ci sont le résultat de processus bien trop complexes pour que nous puissions jamais les embrasser dans leur globalité.

 

Mais c’est mal raisonner que de penser que l’imprévisibilité que nous sommes forcés de constater induise quoi que ce soit sur l’existence du libre arbitre. Si nous ne savons pas prévoir nos comportements, cela n’a rien à voir avec le fait que ceux-ci puissent être guidés par le libre arbitre. Notre incapacité à prévoir ne montre rien d’autre que… notre incapacité à prévoir, soit du fait de notre ignorance des ressorts de nos actes, soit du fait de l’impossibilité qu’il y a pour nos cerveaux limités à envisager l’ensemble des stimuli, physiques, sociaux, environnementaux, etc. qui agissent sur nous et nous poussent à agir de telle ou telle façon.

 

L’absence de prédictibilité ne montre que notre incapacité à prédire. Cette incapacité à prédire ne dit rien sur notre prétendue liberté d’agir, et donc rien non plus sur notre libre arbitre.

 

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Commentaires

Je profite de ce premier article pour soumettre à votre sagacité quelques réflexions qui me sont venues à la lecture de votre plan et de ce billet..
Au sujet de votre plan tout d’abord : Vous éclairerez probablement ma lanterne dans les billets consacrés à ces points, mais il me semble pour l’instant que la morale, le mérite et la responsabilité sont fort décolérés de la possibilité d’établir ou non l’existence d’un libre arbitre, qui me paraît être l’objectif de votre série ou tout au moins de votre chapitre 4.
Si vous établissez la non-existence de la possibilité de choix, résoudre ces questions devient assez intéressant, quoique probablement quelque peu superfétatoire, puisqu’il semble par hypothèse que ni notre comportement ni nos pensées ne seront changées du fruit de vos réflexions. Quoiqu’il en soit la résolution de ces questions (me) paraît à priori fort dépendante de l’existence ou non de cette possibilité de choix, et traiter 2. et 3. avant 4. est donc plutôt surprenant.
J’aurais en fait assez tendance à rejoindre la conclusion que je sens poindre pour les enjeux graves, mais je pense que vous avez tord d’évacuer sommairement le cas des faibles enjeux. A mon avis, l’idée de liberté de choix qui est si importante pour la plupart d’entre nous (moi y compris) vient justement de ces enjeux là, combinés à la question de la prédictibilité.
En somme, je suspecte que tant que vous mettrez vos compatriotes devant des choix binaires ou l’alternative favorable dépasse de loin l’intérêt perçu de vous démontrer une liberté, vous pourrez systématiquement vous écrier « je l’avais prévu, le libre arbitre n’existe pas ».
Par exemple, je prédis que si je vous laisse le choix entre me donner l’intégralité de votre patrimoine ainsi que l’ensemble de vos revenus pour les 50 prochaines années, vous allez refuser.
Il est probable que l’immense majorité des lecteurs de ce blog sera d’accord pour accepter l’inéluctabilité de cette prédiction, car nous nous percevons effectivement « omnisavants » en l’occurrence. Néanmoins, omniscient de signifie pas omnipotent, et donc l’omniscience n’impliquerait pas que nous fassions tous les mêmes choix. Par exemple, un malade en phase terminale ou quelqu’un sans patrimoine et sur le point de faire un bond de 50 ans dans le futur seraient peut être potentiellement prêts à accepter. Quand au fait d’être omnipotent, il impliquerait de manière évidente que tous nos choix seraient sans enjeu, raison supplémentaire de se poser la question des faibles enjeux.
Ce que, je crois, nous entendons par libre arbitre, signifie ne pas être totalement une marionnette dont quelqu’un (quelque chose) tire les ficelles en permanence au vu et au su de tous. Etre capable d’entrer dans un supermarché sans que tous vos achats aient été à l’avance totalement pensés pour vous finalement (oui, je sais…). Si un jour votre marionnette levait sa main plus haut que le mouvement appliqué, puis se mettait à grimper le long de son fil, même avec ses mouvements contraints, vous vous poseriez la question de son libre arbitre, je pense.
Comme vous l’écrivez ci dessus, nous ne savons pas montrer les fils, et vous seriez en droit de penser qu’un petit plaisantin a trafiqué votre marionnette sans que vous en ayez eu connaissance.
J’admets, cela serait aussi ma réaction.

Mais il est faux de croire que dans l’état actuel de nos connaissances toute absence de prédictibilité puisse systématique être (aisément) réduite à un manque de connaissances. J’attire votre attention sur les inégalités de Bell (http://fr.wikipedia.org/wiki/In%C3%A9galit%C3%A9s_de_Bell) et l’expérience correspondante d’Alain Aspect.
Pour rappel (grossier), il s’agit de relations mathématiques modélisant la possibilité que le comportement probabiliste de la physique quantique soit du a une méconnaissance de notre part des informations décrivant le système créant du hasard. L’expérience confirme que ce hasard ne peut résulter d’informations –au sens communément admis- inconnues.
Je serais curieux de connaître l’interprétation que vous donnez de cet état de fait, et dans la mesure où vous accepteriez l’explication standard, comme vous conciliez l’existence de processus réellement aléatoires dans la réalité telle que nous la percevons avec le postulat d’une possibilité théorique de prédire le comportement humain qui apparaitrait alors nécessaire pour que notre incapacité à prévoir n’illustre qu’elle même.

Écrit par : Nollipap | 12/01/2007

Veuillez m'excuser pour ce double commentaire involontaire. N'hésitez pas à effecaer. Je tente de ne pas rééditer mon erreur sur celui-ci

Écrit par : Nollipap | 12/01/2007

Tu négliges pas mal de possibilités, dans ce premier article. On peut déjà argumenter que le déterminisme total ne peut pas exister, à cause des postulats de la physique quantique. On peut cependant esperer pour prévoir en termes de probabilité, mais cela est impossible à cause de la grande complexité du système : l'interaction entre deux cellules demande 25 equations différentielles, pas mal non ? la caractéristique des systèmes complexes est que la puissance de calcul nécessaire pour les décrire augmente plus vite que leur taille. pour le cerveau, il faudrait un autre univers pour stocker les ordinateurs... Ensuite, il n'est meme pas sûr que le cerveau puisse être prédit, il est vraissemblable qu'il s'agisse d'un problème comme le "jeu de la vie" ou la "regle 30" des automates cellulaires : pour prévoir l'étape n, il faut faire tourner le programme n-1 fois, il n'y a pas de raccourcis.

Mais, plus important que tout ca, je pense qu'il est urgent de préciser ce que tu entends par libre arbitre. As-tu une description phénoménologique du terme, ou bien penses-tu de manière dualiste qu'il faut qu'il y ait "quelque chose" (âme, ...) en plus du corps ?

Écrit par : Matthieu | 13/01/2007

Matthieu,
Tu apportes des informations intéressantes, mais elles sont un peu hors sujet vis-à-vis de ce que je me proposais de voir dans ce billet, à savoir la déductibilité de l'existence du libre arbitre à partir de la constatation de l'imprévisibilité de nos comportements. Ce pour quoi ma démonstration me semble suffire.

Mais ta dernière remarque est juste, il va falloir que je définisse ce que j'entends pas libre arbitre. Ces expressions tant employées font que l'on croit, souvent à tort, en avoir une même compréhension que les autres.

Mais au fait, quelle est ta définition du libre arbitre?

Écrit par : pikipoki | 13/01/2007

Hors-sujet ? hmm, t'es sévère là. Je pensais qu'argumenter contre la prédictibilité était plutot dans le sujet, d'ailleurs, c'est dans le titre :-)

Enfin, je vais répondre à ta question. J'ai une vue du libre-arbitre tres phénoménologique : que l'on puisse prendre des décisions irréductibles à une somme d'influences (génétiques ou sociologiques), c'est-à-dire que prenne des décisions imprévisibles. "irréductible" et "imprévisible" s'entendant d'un point de vue matériel, même en imaginant des progrès fantastiques de la science.

Écrit par : Matthieu | 16/01/2007

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