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17/07/2005

Faut-il s'intéresser à la politique ?

Je propose ici un petit texte sur lequel j'ai travaillé très récemment au sujet de l'intérêt que les gens peuvent/doivent (?) porter à la politique.
Je suis sur ce sujet très preneur des commentaires qu'on pourra me faire.
Bonne lecture !

 

Les peuples ont-ils le devoir de s'intéresser à la politique?
J’indique dans le premier point de ma synthèse sur le TECE que l’exigence exprimée par les gens de vivre en démocratie crée pour eux une obligation de s’intéresser à la chose publique et donc aux sujets politiques qui leur sont soumis. C’est ainsi, et à mon avis seulement ainsi, qu’ils deviennent citoyens. On ne naît pas citoyen, on le devient (ce n’est pas de moi mais je ne sais plus qui l’a dit – probablement plusieurs personnes !). Car s’ils remettent l’entièreté de la gestion de l’état dans les mains de leurs élus, sans plus exercer leur droit de regard, ou à tout le moins, sans plus s’en soucier (dans le sens de l’exercice d’un regard critique sur ce qui est fait et proposé), la démocratie représentative risque alors de se transformer en oligarchie. De fait. Car il n’y a rien de pire en démocratie qu’un homme (ou une assemblée) qui a le pouvoir et à laquelle on donne toute latitude pour agir, sans contrôle. Le dérapage et l’abus de pouvoir se nourrissent de cela.

 

Mais peut-on réclamer pour autant que les gens s’intéressent à la politique ? Chacun dans le cadre de son développement personnel, et en fonction des goûts qu’il nourrit pour telle ou telle discipline, a le droit de se pencher ou non sur tel ou tel sujet. Après tout pourquoi exigerait-on de quelqu’un qu’il s’intéresse à une discipline si celle-ci l’ennuie ? Personnellement je ne fais pas de broderie. Parce que ça ne m’intéresse pas. Peut-on dire que j’ai tort de ne pas en faire, dans le sens ou cela serait un devoir de ma part de m’y intéresser ? Evidemment non. Alors pourquoi en serait-il autrement de la politique qui, après tout, s’apprend comme on apprend les mathématiques, la physique, les sciences sociales et humaines, et encore bien d’autres domaines ?
Pour répondre à cette question je vais analyser deux points :

  • En quoi la politique est-elle différente des autres disciplines ?
  • Qu’entend-on exactement par s’intéresser à la politique ?

N.B : je ne considère ces questions que dans le cadre de modèles politiques démocratiques.
En quoi la politique est-elle différente des autres disciplines ?

 

Tout d’abord, je distingue quatre grands types de disciplines : les activités artistiques, les disciplines scientifiques dures (physique, mathématiques, etc.), les sciences humaines (sociologie, psychologie, philosophie, etc.), et les disciplines autres (tous les loisirs autres que les arts en gros).
Afin d’être précis dans cette analyse, partons de la définition de la politique (dictionnaire de l’académie française - 8ème édition) : "art de gouverner un état et de diriger ses relations avec les autres états". Quel est donc l’objet de la politique ? Il s’agit en premier lieu de mettre en place les éléments (organes législatifs, exécutifs, judiciaires) qui seront appelés à gérer l’état. On attribue à ces éléments des compétences c’est-à-dire des pouvoirs d’agir en tel ou tel domaine. Ces attributions se font sur la base de textes fondamentaux qui fixent les valeurs essentielles sur lesquelles l’état (et dans une démocratie, l’état c’est avant tout le peuple - on le confond trop souvent avec ses représentants) souhaite se développer, ainsi que les principes structurels qui vont lui permettre de faire respecter ces valeurs. On voit déjà ici que c’est l’état, et donc le peuple, qui est la source fondamentale de la direction politique, ou en tout cas qui devrait l’être, ce qui implique bien qu’il s’en occupe.
La politique pose donc les bases qui vont permettre à la société de se créer (c’est-à-dire qu’elle fixe les règles qui rendent possible la vie commune) et de perdurer, et qui vont orienter le développement des autres disciplines (je dis orienter car la politique peut fixer des objectifs pour ces disciplines – c’est le cas de la recherche et de la culture par exemple).

 

Différemment (pas contrairement) des autres disciplines précitées, la politique nous concerne tous, de façon nécessaire, et nous pouvons agir dessus pour la définir et l’orienter à notre guise. C’est sur la base de cette description que je peux maintenant différencier clairement la politique des autres disciplines.
Les loisirs sont les plus simples à écarter. On perçoit clairement, sans avoir besoin d’une grande argumentation, qu’il serait insensé de réclamer que chacun d’entre nous s’intéresse aux loisirs. Il s’agit seulement de goûts que l’on exprime et on peut le faire comme bon nous chante. D’ailleurs, si cela ressortait d’un devoir, il faudrait alors s’intéresser à tous les loisirs, pas seulement à tel ou tel. Et c’est bien entendu impossible étant donnée leur étendue. Les loisirs ne nous concernent pas tous. Pris un par un il est évident que nous ne sommes pas tous touchés par leur exercice. Et même pris en tant que groupe, on conçoit clairement qu’il est possible que quelqu’un n’exerce pas de loisir, sans que cela puisse lui être reproché pour autant.

 

Il en va presque de même des activités artistiques. Il semble en effet tout à fait possible de n’être concerné par aucune d’entre elles. Mais elles ont tout de même un statut particulier car, pour reprendre Kandinsky (Du spirituel dans l'art - voir cet article intéressant: http://www.ananumerique.vrlinx.co.uk/kds.htm), l’art est l’expression à la fois de la vérité intérieure de l’artiste, mais aussi de la période dans laquelle il s’inscrit. C’est dans cette mesure qu’il participe pleinement à l’histoire humaine et que son impact sur nos vies, même s’il est impalpable et lointain, existe néanmoins. L’art a souvent accompagné les grands changements humains, et parfois les a même précédé voire engendré. Ainsi il m’apparaît que l’art nous concerne tous, même si ce n’est que de loin. Ca ne veut pas dire que nous développons tous forcément un goût pour lui, mais il nous concerne en tant qu’il participe à l’état de la société telle quelle est aujourd’hui et dans laquelle nous vivons. Cependant, on peut tout de même imaginer qu’une société se soit formée sans le développement de l’art (il serait à ce titre intéressant de vérifier si une telle société existe ou a existé – je ne le sais pas et pour être franc j’en doute) dans la mesure où l’art n’est pas une activité nécessaire pour permettre à une société de se créer et de perdurer.
Remarque : ce point mériterait un débat beaucoup plus approfondi. Car l’art fait partie des rares activités qui sont, par essence, proprement humaines. Dans cette mesure on pourrait prétendre que l’art est nécessaire dans la mesure où il répond à une nécessité proprement humaine. Le sujet est passionnant et on peut en parler longtemps !

 

Concernant les disciplines scientifiques dures, elles se rapprochent peut-être un peu des disciplines artistiques en ce qu’elles répondent à une curiosité, à un besoin de découverte et de compréhension de son environnement qui m’apparaît également comme étant le propre des hommes. Mais à nouveau le fait que ces sciences nous concernent n’a rien de nécessaire. On pourrait tout à fait vivre sans les connaître. Les lois physiques n’ont pas besoin qu’on les connaisse pour fonctionner. Et il ne faut pas confondre la recherche de ces lois et de leurs mécanismes avec les lois elles-mêmes. Car les lois physiques, elles, s’imposent à nous, et évidemment de façon nécessaire. On serait fou de prétendre que sur la Terre nous ne sommes pas soumis au phénomène d’attraction par exemple. En revanche, si on voulait continuer (erronément donc) sur ce point, j’objecterai que même si les lois physiques me concernent de façon nécessaire, c’est-à-dire sans que je puisse m’en extraire, du moins je ne peux rien faire qui les modifie. Je peux éventuellement m’extraire de la force de certaines lois (l’attraction pour en revenir à cet exemple) en m’extrayant de leur cadre d’influence (on sait créer des conditions d’apesanteur), mais ce n’est alors que pour me replonger dans le cadre d’autres lois physiques. Dans la mesure où je suis un corps physique je ne pourrai jamais m’extraire des lois physiques. La politique nous concerne donc tous, et elle nous concerne de façon nécessaire, c’est-à-dire qu’on ne peut pas y échapper, elle nous concerne qu’on le veuille ou non. Parce que nous vivons en société et que c’est bien elle qui fixe les règles de la vie sociale, c’est son rôle.

 

De plus, nous pouvons agir sur elle. Nous avons notre mot à dire pour l’orienter dans le sens que nous voulons, nous en tant que peuple rassemblé dans un même état. Pour cela, encore faut-il s’y intéresser.
Mais qu’entend-on exactement par s’intéresser à la politique ?

 

Il ne s’agit pas, on l’a compris dans le point précédent, de s’intéresser à la politique comme on s’intéresse au football ou à toute activité qu’on exerce par goût. Pour reprendre les termes que Kant utilise dans les Fondements de la métaphysique des mœurs il s’agit là d’un intérêt non pas pathologique (c’est-à-dire par inclination), mais pratique. Kant dirait encore que la politique nous intéresse d’ailleurs, qu’on le veuille ou non, c’est-à-dire qu’elle entre en contact avec nous et influence nos vies, et c’est quelque chose qu’on ne peut pas choisir. Elle nous intéresse dans la mesure où nous y avons un intérêt, et on peut même dire que cet intérêt est très intime, personnel et égocentré dans un sens. L’intérêt que nous devons donc y porter vient de ce que la politique nous touche, touche à nos vies et à la façon dont nous pouvons les mener, et ceci de façon nécessaire, inévitable. S’intéresser à la politique c’est donc avant tout se préoccuper de soi. De soi en tant qu’individu pris à part, mais aussi en tant qu’il participe de l’ensemble qu’est la société.

 

De plus, dans la mesure où l’on peut considérer que les peuples souhaitent plus généralement vivre en démocratie qu’en dictature, dans des régimes qui favorisent les valeurs humaines de justice et de liberté, s’intéresser à la politique dans le sens que je viens d’évoquer, c’est précisément participer au développement de ces valeurs [, qui ont un caractère éminemment moral. Or, pour en revenir à Kant, les valeurs morales sont liées à la loi morale et donc à un impératif catégorique. Défendre ces valeurs, notamment par le biais de la politique, relève donc d’un impératif catégorique. C’est la loi morale qui réclame que nous agissions en ce sens. C’est pour cela que ceux qui, dans l’histoire, ont abandonné leur démocratie aux mains de dictateurs, ont commis là une faute morale. Par faiblesse, par lâcheté ou par simple paresse, peu importe l’explication. - Cette parenthèse mériterait sans doute plus d'attention. Je suis très preneur des corrections/ explications complémentaires que vous lecteurs éventuels pourrez me proposez]

 

Alors comment peut s’exprimer cet intérêt, ce souci pour la politique ? Faut-il dès lors s’inscrire et prendre sa carte de militant dans tel ou tel parti ? Descendre dans la rue tous les dimanches pour manifester son opinion? S'inscrire dans des associations politisées? etc.? Pas forcément. Tout d’abord, il faut voter. L’abstention n’est pas acceptable (Je ne vois qu’un cas où elle peut être tolérée, c’est lorsqu’un sujet soumis au vote n’est pas politique. Ce n’est évidemment pas le cas des élections de nos représentants qu’ils soient locaux, nationaux ou européens. Mais qu’un vote ne soit pas sur un sujet politique, cela a-t-il déjà eu lieu ? Nous a-t-on déjà demandé de nous exprimer par notre vote sur des broutilles non politiques ?). C’est au mieux un comportement ingrat et inconscient, de gens qui se reposent sur les autres pour gérer leurs propres vies (ce qui en passant leur interdit de se plaindre des choix que ces derniers seraient amenés à faire sans eux). C’est bien facile de vivre, de faire prospérer ses affaires librement, de participer à des loisirs comme bon nous semble, de rédiger des articles dans la presse, de s’exprimer dans des endroits publics sur les sujets que l’on souhaite, etc. quand on ne participe pas aux votes qu’on nous propose. Mais ceux qui s’abstiennent oublient que tout cela n’est possible dans un cadre favorable que parce que certains s’occupent de créer les conditions de notre liberté et de la justice. Et, pour revenir sur un cas concret, aux personnes qui ont cru pouvoir à bon droit s’abstenir de voter au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2002 sous prétexte qu’il était évident que Le Pen ne passerait pas, nous pourrons leur rétorquer que ce n’est pas grâce à eux. Voilà des gens qui ont laissé leur responsabilité être exercée par d’autres. Heureusement que ces autres se sont déplacés et se sont exprimés !

 

Enfin, il ne suffit à mon sens pas de voter. Il faut aussi exercer une vigilance vis-à-vis de la conduite des affaires publiques par les représentants élus. Cette vigilance doit porter sur les éléments primordiaux qui fondent le régime sous lequel nous vivons : les valeurs de justice, de liberté, notamment la liberté d’expression, l’équilibre des pouvoirs, etc. Si l’on voit l’une de ces valeurs mise à mal par une décision politique il est alors du devoir des citoyens de réagir face à cette décision, de s’exprimer, si nécessaire par une voie autre que celle du vote. C’est cette vigilance qui doit nous conduire à débattre ensemble des sujets les plus importants pour notre société (débats qui, s’ils sont menés avec respect et un vrai souci d’écoute, peuvent également avoir le précieux avantage de créer le sentiment d’appartenance à un grand groupe d’homme, l’état, voire l’humanité pour les plus ouverts, sentiment qui est à mon avis la source de la solidarité). C’est l’intérêt montré par les peuples pour leur vie politique qui donne toute sa force, toute sa vigueur à la démocratie. Et c’est ainsi que naissent les citoyens.

 

Faut-il étendre cette responsabilité de s’intéresser à la politique à la défense de choix plus particuliers, comme des choix de politiques économiques ou sociales ? On rejoint là le chemin d’un autre débat, proche de celui que j’ai essayé d’éclaircir ici, et très intéressant lui aussi : celui de l’engagement.

Commentaires

je vais faire court....j'ai la flemme de taper tt ce que j'ai à dire...anyway....a voir le nombre de reactions à ton sujet....je crois que tu tiens une reponse pragmatique à ton etudes d'interet!

Écrit par : zarathoustraetlambre | 27/07/2005

C'est bien possible !

Mais la question n'est pas "les gens s'intéressent-ils à la politique? " mais "faut-il"? ce qui est différent.

Enfin, mon blog est tellement neuf et avec si peu de visiteurs encore que ça me semble un peu prématuré de juger de l'intérêt des sujets que j'évoque à la seule aune des réponses que j'obtiens.

Écrit par : pikipoki | 27/07/2005

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