21/08/2005
Barenboïm à Ramallah
Ce soir Arte doit diffuser le concert en direct de Daniel Barenboïm à Rammallah. Quelques mots sur ce concert et sur ce grand chef d'orchestre.
Daniel Barenboïm est le Kapelmeister de Berlin mais aussi (et surtout?) chef d'orchestre de l'excellent Chicago symphonic orchestra. Pour situer un peu le niveau de cet orchestre de Chicago, il suffit de dire qu'en y prenant son poste Barenboïm a pris la succession d'un certain Sir Georg Solti. Pas moins. Georg Solti, pour ceux qui ne connaissent pas ou mal (ce qui reste tout de même un peu mon cas), c'est entre autre le chef qui, donnant sa première représentation de La Traviata (oui oui sa première !), à Covent Garden en 1994, en fait immédiatement une version de référence, se révélant ainsi un très grand chef de l'art dramatique (j'ai également de lui un Cosi Fan Tutte pour lequel je n'ai jamais trouvé de version qui rivalise). Bref Barenboïm est aujourd'hui considéré comme l'un des plus grands musiciens de notre temps.
Et il entama en 1999 un projet audacieux, avec un ami palestinen (Barenboïm, on l'aura ne serait-ce qu'à son nom compris, est juif). Il monte un orchestre de jeunes musiciens israéliens, palestiniens, jordaniens, egyptiens, libanais, ... Ils appelent cet orchestre le West-eastern Divan Orchestra. Et se fixent l'objectif de donner des concerts à travers les pays du moyen-orient, et notamment à Ramallah. Ce concert devait initialement être donné en 2004. Malheureusement il ne pût avoir lieu. Si tout se passe bien, il devrait normalement avoir lieu ce soir donc.
Mais son déroulement ne paraît toutefois pas certain, surtout son bon déroulement. Car l'action de Barenboïm soulève la polémique, et de façon assez forte, ce qui n'étonne guère en ces temps troublés. Un excellent documentaire était diffusé hier soir, toujours sur Arte, intitulé "Nous ne pouvons qu'atténuer la haine". On y voit Barenboïm visiter Ramallah, découvrir la construction du mur qui doit protéger les israéliens des attaques terroristes palestiniennes, et recevoir un prix à la Knesset. Mais Barenboïm n'entend pas se cantonner à son rôle de chef d'orchestre. Son projet avec son jeune orchestre est musical, mais pas seulement. Il entend passer un message, adoucit par la musique et son langage universel qui montre justement qu'avant d'appartenir à certaines fratries, à certaines corporations, à certaines nations, à certains groupes religieux, tous ces éléments qui construisent une part importante de notre identité, nous venons tous de la même souche, cette souche qui fait que juif ou arabe, croyant ou athé, européen ou asiatique, nous pouvons tous comprendre le message de l'art et en particulier de la musique.
Le documentaire est très inttéressant en cela. Il montre les véritables découvertes que font les jeunes participants à l'orchestre de Barenboïm sur ce qu'est l'autre, et la compréhension qui s'installe progressivement entre eux, compréhension qui est d'abord rendue nécessaire par l'orchestre et la musique, et de l'autre côté, les positions inflexibles des gens de la Knesset et de certains extrémistes israéliens (on voit notamment l'un d'entre eux brandir un petit bandeau sur lequel il a écrit: "Musik macht frei" en ayant repris le dessin du portail d'Auschwitz, lors du discours de Barenboïm en acceptation de son prix).
France Télévision faisant souvent des rediffusion d'une chaîne à l'autre de ses documentaires je conseille de guétter le retour de celui-ci, et ce soir de jeter un oeil et une oreille attentifs au concert qui, espérons-le, aura bien lieu, et dans des conditions calmes et sereines.
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