03/11/2005
Le don
On peut comprendre le sens du mot don de deux façons principales. Il y a d’abord le don comme chose (palpable ou impalpable) que l’on donne à l’autre, par générosité, et également le don comme capacité ou qualité exceptionnelle dont la providence nous a ou non pourvu. Déjà un petit aparté pour signaler cette jolie idée entendue ou lue un jour : cette deuxième catégorie du don ne devient réelle que si elle s’accompagne de la première. En d’autre terme le don de tout génie qu’il soit scientifique ou artistique ne saurait être entier si celui-ci n’est pas utilisé de façon généreuse, s’il n’est pas offert aux autres (quel peintre génial peut-être reconnu comme tel s’il garde ses œuvres dans son garage ?). Ce n’est donc que dans la mesure où il est offert aux autres que ce don là devient UN DON à part entière.
Ce qui m’intéresse aujourd’hui, et qui réveille, enfin un peu, mon blog de sa léthargie, c’est la première catégorie de don évoquée plus haut, et encore pas cette catégorie toute entière car à elle seule elle nécessiterait une analyse qui me semble très complexe et longue. Je souhaite surtout m’attarder sur la démarche personnelle que suppose le don, et sur les sentiments que cette démarche nécessitent et provoque à la fois, en souhaitant t’interpeller, oui toi lecteur, pas la peine de regarder derrière ton épaule ;o), sur l’opportunité que tu aurais d’essayer un de ces jours de faire ainsi un don.
Je ne vais donc pas du tout me livrer à une réflexion intellectuelle sur le sujet, mais plus à une description de ce qui se passe lorsqu’on fait un don à quelqu’un. Dans ma vision des choses un don est un acte directement et totalement orienté vers un autre, cet autre pouvant être proche ou lointain, connu ou inconnu. Il y a un seul critère à remplir pour que cet acte soit vraiment un don : qu’il soit dirigé vers l’autre (ou les autres) de façon exclusive, à 100%. C’est-à-dire qu’il ne s’accompagne d’aucune intention parasite. Ni d’intérêt personnel pour celui qui donne, ni même d’une attente de retour après le don. Celui qui le reçoit doit ressentir le fait que l’acte accompli l’est pour lui, de façon totale, et qu’il lui est offert de ne pas y répondre, sans que cela ne porte à la moindre rancune, au moindre jugement d’ingratitude. Qu’il ressente en fait que la seule chose qui lui est demandée, c’est d’accepter le geste fait.
Pour illustrer un peu mon idée voici deux exemples concrets, vécus ou entendus.
Le premier, entendu, est celui d’un professeur qui raconta cette anecdote un jour à ses élèves dans le cadre d’un cours sur la résolution des conflits. Un de ses amis proches venait de perdre un parent à qui il tenait énormément. Que faire dans pareille situation ? On se sent souvent désarmé, attristé par la douleur de notre ami, et incapable de faire quoi que ce soit qui puisse atténuer sa peine, l’aider à accepter la perte, redémarrer dans sa propre vie. Un peu désemparé, le professeur décida d’écrire un poème à son ami. Il a décrit la scène de l’écriture de ce texte : il s’était vidé, avait mis dans son texte tout ce qu’il pouvait donner d’amour et d’affection à son ami. Le sujet n’en était pas nécessairement la mort ou la vie, l’important n’était pas dans le sujet du poème. L’important était dans la démarche. Son ami avait reçu ce geste comme un trésor. Car il avait senti en le recevant quelle avait été la démarche qui en guidait l’écriture. C’est ça qui lui donnait une valeur si forte.
Deuxième exemple, vécu. J’ai eu l’occasion une fois de faire un geste de ce type, pour quelqu’un à qui je tenais beaucoup. Ca ne répondait à aucune occasion, cette personne n’avait pas eu de décès dans sa famille ni dans ses amis, ce n’était pas son anniversaire, ni sa fête. J’avais simplement eu envie de faire quelque chose. Je lui ai donc offert un livre, un simple livre. Petit (un peu plus de 100 pages je crois), pas cher (j’avais eu le choix entre deux éditions aux prix très différents, et j’avais volontairement choisi la moins chère pour que mon geste ne soit pas embarrassé d’un objet dont on percevrait une valeur pécuniaire importante, ce qui je pense aurait été susceptible de « brouiller » le message que je voulais faire passer, et aussi parce que l’image de couverture me plaisait bien), que j’avais emballé dans une feuille de papier Canson et sur la première page duquel j’avais ajouter un petit mot lui souhaitant une vie heureuse, sans pathos. Je le gardais dans mon sac et un jour où je l’ai croisée, j’ai pu le lui donner. Ce fut simple, assez rapide. Juste un : « tiens je voulais t’offrir ça. Ce n’est pas grand chose, juste un petit livre. Voilà » Et hop ! Je suis rentré chez moi. Cette expérience m’a marqué. Ca reste un souvenir très important pour moi, un petit moment à part, un peu magique, un de ceux qui me fondent.
Ce que j’aimerais parvenir à faire passer ici, c’est que l’important c’est essentiellement la qualité de la démarche suivie qui fait que le geste se transforme en don. L’objet (si c’en est un d’ailleurs) que l’on offre importe peu. Ca peut être un livre, un dessin, jouer un morceau de musique, peu importe. Ce qui compte c’est ce que l’on met de soi-même dans sa réalisation. Et à mon sens le geste peut tout à fait rester anonyme, il n’en perd pas sa valeur. Il peut même au contraire en prendre de cette façon. Si l’on se sent heureux de le faire, si on donne de soi-même par cet acte, de façon gratuite, sans espérer autre chose que le bien être de l’autre, alors ce qu’on offre n’en a qu’une plus grande valeur.
P.S 1 : j’inscris ce billet dans la catégorie gestion du stress bien que cela soit fort restrictif. La question du don dépasse largement ce cadre.
P.S 2 : le livre que j’offris est Geai de Christian Bobin. J’en conseille la lecture surtout pour les gens un peu fatigués voire neurasthéniques. Il agit comme un petit vent frais et chaleureux à la fois. L’autoportrait au radiateur est très bien aussi.
P.S 3 : si j’ai recours parfois à des exemples personnels, ce n’est nullement dans l’intention de faire de mon blog un espace d’épanchements où je dévoilerais mon intimité. Ce n'est clairement pas mon objectif, et ce n’est clairement pas ce que je recherche dans les blogs. Je ne le fais que dans la stricte limite où certains messages me semblent plus compréhensibles lorsqu’ils sont incarnés de cette façon. Cela humanise un peu les choses, et ça me permet également d’être plus précis dans mes descriptions. Rien d’autre.
18:15 Publié dans Un peu de développement personnel | Lien permanent | Commentaires (4) | Facebook |
Commentaires
Vous croyez pas qu'il est temps de faire sauter le PS 3 et de nous tenir ENFIN au courant de la nouvelle que nous attendons tous !!!!
Écrit par : Paxatagore | 03/11/2005
La deuxième signification de don est une distinction intéressante mais elle peut se lire exactement comme la premiere mais avec un donateur "suprême" de la qualité a l'individu qui la "reçoit".
Pour moi, la véritable qualité d'un don est que le donateur n'empiète pas sur la liberté de celui qui reçoit, qu'il soit inconditionnel.
Laurent
Écrit par : guerby | 04/11/2005
@Guerby
Remarque très juste.
Écrit par : pikipoki | 04/11/2005
Je suis obstiné vous savez !
Écrit par : Paxatagore | 09/11/2005
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