27/12/2006
Spinoza et la gratification
Je poursuis lentement ma lecture de l’Ethique, et je m’amuse pas mal à voir les quelques similitudes qui existent chez Spinoza avec ce que j’ai déjà pu lire chez Laborit. Aujourd’hui, je vous livre deux très courts extraits, qui rappellent fortement la théorie de la gratification et du réenforcement. Pour retomber sur une certaine logique, je me permets d’inverser l’ordre d’apparition des deux propositions dont il s’agit :
Troisième partie Proposition 36
"Celui qui se souvient d’une chose qui lui a une fois donné du plaisir, désire la posséder dans les mêmes circonstances que la première fois."
Si on venait de lire Laborit, on pourrait croire que celui-ci a copié Spinoza dans le texte. Car on est très près ici de la description du comportement qui suit l’expérience gratifiante. Après avoir vécu une expérience agréable, et avoir enregistré, via la mémoire à long terme du système limbique, les différents éléments qui la composent, on va chercher à reproduire cette expérience afin de retrouver le même plaisir : c’est le réenforcement (mot vraiment très vilain).
Une petite note pour rester toutefois prudent sur les similitudes Laborit-Spinoza. Le véritable argument de Spinoza est que l’on cherche à reproduire TOUS les éléments de l’expérience agréable, et que l’absence d’un seul de ces éléments est de nature à nous faire douter du plaisir que nous apportera la répétition de l’expérience en question, et donc à nous rendre triste. C’est ainsi que nous éprouvons le regret, sentiment de tristesse vis-à-vis d’une chose que nous aimons, mais qui, du moins l’éprouvons nous parfois, nous manque. Spinoza n’ébauche pas une théorie du réenforcement.
Troisième partie Proposition 32
"Si nous imaginons que quelqu’un tire de la joie d’une chose qu’un seul peut posséder, nous ferons tout pour qu’il ne la possède pas."
Ce point est exactement celui que j’ai déjà développé dans mon ancien billet sur la concurrence et la gratification (lien billet). Lorsque nous avons découvert une ou des gratifications qui nous donnent du plaisir, nous cherchons, comme nous l’avons rappelé plus haut, à reproduire les expériences qui nous ont donné ce plaisir. Dans la plupart des cas, ces gratifications vont faire l’objet d’une volonté de possession. Puisque si nous possédons la chose, nous nous assurons plus fortement de pouvoir recevoir la jouissance que celle-ci procure.
Mais la possession, quasiment par définition, ne se partage pas. Sinon elle n’est plus possession. Ainsi, de l’apprentissage que nous faisons de la propriété (car il ne s’agit nullement d’un instinct, la propriété est exclusivement une élément appris, acquis aux cours des années, transmis par nos ancêtres, mais elle n’a rien à voir avec quoi que ce soit d’inné : en d’autres termes, elle n’a rien à voir avec notre nature, mais seulement avec notre culture), de cet apprentissage donc, naît la cause du conflit, puisque deux individus partageant la même envie à l’endroit d’un objet, vont chacun chercher à se l’approprier, au détriment de l’autre.
Et maintenant, je me demande si Spinoza décrit un peu notre appétit du pouvoir…
P.S : ah oui, pour l’illustration, ne cherchez pas à comprendre, je voulais juste poursuivre dans la voie engagée dans mon précédent post.
18:25 Publié dans Un peu d'observations | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |
Commentaires
"les quelques similitudes qui existent chez Spinoza avec ce que j’ai déjà pu lire chez Laborit."
Penses tu que c'est Spinoza qui a lu Laborit ou l'inverse?
Écrit par : verel | 27/12/2006
Rooh tu ne songes pas sérieusement que je puisse faire l'inversion si?
Au fait, tu liras sans doute ma réponse un peu tard pour ça, mais j'espère que vous aurez trinqué à la santé des absents à la rdb !
Écrit par : pikipoki | 27/12/2006
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