Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/12/2008

Un peu de vie ?

Dans mon billet de ce matin j'ai indiqué que pour moi être heureux c'était me sentir plein de vie. La réaction de Vérel me fait comprendre que cette idée n'est pas forcément très compréhensible en soi. Je n'ai pas vraiment de réponse complète et bien formulée à proposer pour répondre, mais une ou deux choses me viennent en tête qui me plaisent bien et que j'ai envie d'aborder.

 

D'abord comment cette idée là m'est venue ? Et bien elle m'est venue progressivement durant ces dernières semaines, ces derniers mois même, depuis un jour où je cherchais un endroit dans Paris pour ... prier. Pour que vous compreniez bien ce que j'écris, je signale que c'était la première fois de ma vie que je cherchais un endroit pour prier. Je ne suis pas franchement ce qu'on peut appeler croyant (c'est un euphémisme), et je ne mets plus jamais les pieds à l'église, sauf à reculons pour quelques mariages de famille. J'ai eu une éducation catholique mais très jeune j'ai commencé à avoir des doutes sur la religion et la foi (j'en avais même parlé au prêtre de ma paroisse à 9 ans avant de faire ma première communion et il trouvait que je me posais un peu trop de question - comment est-ce seulement possible, de se poser un peu trop de questions sur un sujet pareil ?), doutes qui finirent par un éloignement définitif quelques années plus tard.

 

Une des choses qui me gêne particulièrement dans la religion, c'est le rite. J'en ai parlé ici il y a déjà bien longtemps. En revanche j'ai beaucoup de respect, et même plutôt d'affection pour la foi que manifestent les croyants (quand ils la manifestent), et aussi pour la prière, la vraie prière humble et pas tournée uniquement sur soi. Je trouve que ce geste, cette attitude, a quelque chose de vraiment beau, de très humain. Se lever le matin et démarrer sa journée par une prière pour les autres par exemple (ce que je ne fais pas mais que j'ai entendu chez quelqu'un) est une manifestation personnelle de son attention aux autres qui a un vrai sens à mes yeux.

 

Mais donc je cherchais un endroit où prier, et malin comme je suis je n'ai rien trouvé de mieux que me rendre à Notre-Dame (oui, malin). Le lieu est beau certes, mais en entrant je me suis vite dit qu'il faisait désormais plus office de bâtiment touristique que d'église. Et puis est arrivé quelque chose qui m'a définitivement fait sortir. J'étais assis me demandant si j'allais rester depuis seulement quelques minutes quand des messieurs habillés en hommes d'église sont entrés les uns derrière les autres, comme en procession (mais ils portaient tellement de couches et de couleurs qu'au début j'ai pensé pour moi qu'ils étaient plutôt déguisés, et je me demandais un peu en quoi). Il y avait là si j'ai bien compris, l'évêque de Notre-Dame, ainsi que des invités, orthodoxes, qui portaient donc des vêtements très différents mais pas moins originaux que les premiers. En les voyant s'avancer lentement vers l'autel je n'ai pu retenir en moi l'idée qu'il y avait dans ces manifestations extérieures de leurs religions respectives et de leurs rangs au sein de celles-ci quelque chose de terriblement ridicule. Un hors-sujet quasiment, une inadéquation profonde avec la profondeur des messages qu'ils prétendent porter.

 

Et ce sentiment n'a guère été amoindri lorsque l'évêque a commencé son discours d'accueil. Il a en effet entamé sur le ton d'un automate parfaitement huilé et au rythme cardiaque singulièrement plat par un : "Je suis très ému de vous recevoir" qui avait ses allures de réception à la salle de l'administration des dossiers 273B 3è escalier porte gauche. Tout le contraire donc du texte qu'il était en train d'ânnoner. Pas le plus petit début de commencement d'émotion dans sa voix (et ce n'est peut-être pas quelque chose qu'on couche facilement sur le papier mais à l'oral ça s'entend), pas la moindre aspérité qui eut marqué une hésitation ou une fébrilité quelconque. Non, il faisait froidement le boulot, et c'était à se demander s'il n'attendait pas déjà la fin pour retourner terminer ses mots croisés dans son salon.

 

Ce décalage profond entre son texte et son attitude, ce mensonge manifeste donc qui nous était donné à entendre m'a clairement poussé vers la sortie. Une minute plus tard j'étais dehors. Pas question de prier dans un endroit où visiblement tout cela n'avait plus aucun sens pour personne (à ce stade je précise que j'ai bien conscience du côté provocateur que certains trouveront à mon récit, mais je rapporte fidèlement la façon dont j'ai ressenti les choses, et je pourrais comprendre que d'autres les aient perçues autrement). Dans le fond ce qui m'apparaissait alors, c'était que le spectacle que je venais de voir était dépourvu de vie. Cette célébration qui débutait allait être expurgée de toute trace de vie, et n'y resterait que des récitations mornes, apprises par coeur depuis des lustres, et dont le seul objectif n'était plus que de témoigner une vague appartenance d'esprit (mais de coeur?) à une entité dont je ne discernais plus grand chose. De la vie ça aurait été une vraie manifestation de joie en recevant ces amis pratiquants d'une autre religion, ça aurait été un message qui sort de l'ordinaire à l'adresse des personnes présentes, un truc qui vient un peu du ventre, une spontanéité, quelque chose qui fait qu'on reconnait la personnalité de l'individu.

 

Du coup pour faire ma prière je me suis dit que ce qui conviendrait le mieux serait de trouver une façon de me rendre pleinement vivant. Une activité qui manifeste quelque chose de personnel et par laquelle j'ajouterais un peu de vie là où j'étais. Je me suis rendu sur les quais, en face de l'institut du monde arabe, et j'ai jonglé pendant une heure.

Commentaires

Ce que tu dis de Mgr Vingt Trois ne m’étonne guère. Mais après tout, on ne sait pas c e qui fait réellement vivre une personne.
Je comprends mieux ce que tu veux dire par «être plein de vie », qui suppose notamment que ce qu’on vit et fait corresponde à ce que nous sommes réellement. Sinon, comme le dit Jésus, chez Mathieu, au chapitre 23, verset 27 : Malheur à vous, docteurs de la loi et pharisiens hypocrites, qui êtes semblables à des sépulcres blanchis, qui au dehors paraissent beaux, mais qui au dedans sont pleins d’ossements de morts et de toute sorte de pourriture

Mon commentaire sur l’article précédent renvoyait à ce que dit F Dolto en général et dans sa lecture des évangiles en particulier. Dans ses livres sur « l’Evangile au risque de la psychanalyse », dont je te recommande vivement la lecture, elle explique que l’évangile dit simplement que « pour vivre, il faut mourir », mourir à tout ce qui nous enferme, qui nous empêche de grandir, de rentrer en relation avec les autres.

Je me souvenais bien de ce que tu avais écrit sur les rites. Je pense que nous avons besoin de rites pour supporter notre expression. Tu expliques que cette fois ci, c’est en jonglant que tu as prié. La difficulté est que nous avons besoin de rites collectifs, de repères commun, que ce soit pour fêter le 14 juillet ou une naissance. Mais que certains de ces rites vieillissent mal, soit qu’ils ne correspondent plus à notre façon d’exprimer les choses, soit qu’ils ne soient plus compris. J’ai eu la chance dans ma vie d’être dans des communautés où les rites étaient réellement vécu

Écrit par : verel | 30/12/2008

Verel
Je ne connaissais pas ce passage de l'évangile mais c'est exactement ça que j'ai eu l'impression de vivre. Sur ce que j'entendais pas "être plein de vie" oui, c'est bien cela également.

Enfin concernant les rites, je comprends ton point et ma façon de voir les choses manque sans doute de nuance. Mais j'ai si souvent cette impression de décalage entre ce qu'ils signifient en eux-mêmes et le sens (ou l'absence de sens) que les gens semblent leur donner !

Écrit par : pikipoki | 31/12/2008

Les rites protestants sont plus simples. Pour autant le dépouillement est-il gage de sincérité ? Les protestants français, minoritaires, sont sans doute moins imbus d'eux-mêmes que les pasteurs américains, dont certains font d'excellents hommes d'affaires...

Écrit par : edgar | 08/01/2009

Merci pour ce beau billet. J'avais un jour, (il y a 15 ans de cela ?) voulu vérifier ce que me disait une amie: qu'il n'y a pas (n'y avait pas à l'époque) de fléchage indiquant un endroit pour prier dans Notre Dame. Ayant écrit au Cardinal de l'époque pour le lui signaler, j'ai reçu une réponse de son secrétariat semblant contester ce que j'affirmais; j'ai répondu en détaillant mes affirmations, mais c'en est resté là et je n'y suis pas retourné.

Écrit par : Philippe Lestang | 25/03/2009

Les commentaires sont fermés.