06/09/2005
L'orgueil, l'écoute, et le déni
Aujourd’hui, je voudrais aborder un sujet en quelque sorte périphérique aux travaux sur la gestion du stress que j’ai déjà proposé, mais qui est complémentaire à certaines remarques que j’ai faites, notamment dans ces billets là. Mais qui fait pleinement partie du travail sur soi qui est à mener dans cette démarche de gestion du stress et de développement personnel. Il s’agit de l’orgueil. L’orgueil peut devenir à mon sens un piège dans deux situations types : la communication et la reconnaissance d’une faute.
Mais pour entamer ce billet, je voudrais d’abord indiquer en quoi, à mon avis, l’orgueil peut être bon. Il existe un premier degré d’orgueil qui est bénéfique, c’est celui où l’on s’approuve soi-même. Cette mesure là d’orgueil est bonne, et je dirais même nécessaire. C’est celle par laquelle on ose s’affirmer devant les autres, prendre toute sa place parmi eux. C’est celle par laquelle on s’accepte tel que l’on est et qui nous permet d’aller de l’avant en croyant en nous et en nos projets. Peut-être cette définition se rapproche-t-elle en grande partie de la fierté.
Passons maintenant aux pièges de l’orgueil. Et d’abord l’impact de celui-ci dans la communication. Nous avons tous, comme le montrait Maslow dans sa très pertinente pyramide des besoins, un besoin de reconnaissance (ou d’estime des autres). La satisfaction de ce besoin fait partie de ce qui nous permet d’être véritablement heureux. Ce besoin de reconnaissance passe, entre autres, par la reconnaissance par les autres de nos idées et de nos opinions, et de la justesse de celles-ci.
Et c’est ainsi que naissent les discussions de murs. L’orgueil intervient en nous empêchant d’écouter l’autre, parce qu’on n'accepte pas de faire la moindre erreur (ou plus simplement on n’accepte pas que les autres puissent penser qu’on fait une erreur), et parce qu’il nous fait poser notre besoin de reconnaissance comme une priorité absolue, supérieure au reste, ce reste étant la compréhension pleine du sujet débattu (et on a souvent bien du mal à entrevoir seul tous les tenants et aboutissants d’un sujet), mais aussi le respect pour l’autre et ses opinions (respect ne signifiant bien sûr pas nécessairement adhésion). Ainsi le message qu’on souhaite faire passer n’est plus : « les critiques contre l’administration Bush dans sa gestion des conséquences de l’ouragan Katrina sont justifiées / ou font preuve d’anti-américanisme primaire » mais « mon opinion est intelligente et pertinente, et tu dois comprendre pourquoi, et me donner ma juste valeur »
C’est-à-dire qu’on se met soi-même en jeu, au lieu de mettre seulement nos idées en jeu. Si l’autre rejette notre vision des choses, il nous rejette nous aussi en entier pensons-nous. Et nous ne le supportons pas, à cause de notre besoin de reconnaissance, vicié par notre orgueil qui l’a érigé en objectif absolu au détriment du reste. Pourtant, on obtiendrait bien plus sûrement la reconnaissance que l’on appelle de nos vœux en adoptant une attitude mesurée. Il n’y a même rien de plus efficace devant quelqu’un qui commence à s’emporter. La personne se retrouve seule à éructer, et s’aperçoit alors du décalage de son comportement avec celui que vous permettez en restant calme et posé. Parfois c’est même un peu jouissif ;o) C’est un exercice très difficile de percevoir ce qui dans son propre discours est erroné ou partiel (c’est-à-dire d’identifier que nous pensons selon un angle de vue, qui n’englobe donc pas tous les aspect du sujet). Mais lorsqu’on parvient à le faire…
Pour illustrer encore ce point, je vais prendre un autre exemple: l’expérience de Stanley Milgram, rapportée dans le film I comme Icare. Elle montre que 63 % de la population est capable d’envoyer des décharges de 450 volts à un inconnu qui n'a rien fait. Comment est-ce possible ? Il suffit de donner à la personne le sentiment d’être déchargée de responsabilité (le professeur, avec sa blouse blanche, semble garant du caractère scientifique de l’expérience, il fait autorité, et l’expérience se déroule dans un hôpital, un endroit sérieux), et de laisser faire l’orgueil. Arrivé à un certain point de l’expérience celui qui inflige les décharges se retrouve coincé entre le mal-être issu de le souffrance qu’il fait subir et son orgueil. Il a accepté jusque là le principe (complètement absurde !) de l’expérience, et arrêter là où il en est serait renier ce qu’il a fait jusque là. Ce serait admettre que depuis le début il se trompe.
C’est alors un véritable cercle vicieux qui s’engage. Plus la personne va infliger de souffrance injustifiée à l’autre, plus elle va se sentir mal, mais plus aussi il lui sera difficile d’accepter de reconnaître son tort (parce qu’elle devra admettre qu’elle a fait un mal de plus en plus grand, c’est donc plus difficile). Ce cercle vicieux connaît beaucoup « d’applications » dans la vie courante, et en particulier dans nos relations avec les autres. Nous avons commis une erreur, mais notre orgueil nous empêche de la reconnaître, alors on s’enferre dans un comportement de rejet, et parfois même, pour soutenir notre comportement, qui devient à un moment donné complètement déconnecté de la réalité de ce qui a été vécu, on en arrive à inventer, à fantasmer.
L’une des formes de ces « fantasmes » c’est le déni. Le déni c’est l’opération par laquelle on va refuser d’accepter une réalité, souvent une faute que l’on a commise, à tel point qu’on va se persuader soi-même qu’on n’a jamais commis cette faute, malgré les évidences. C’est ainsi qu’une personne alcoolique, surprise en train de boire, va maladroitement cacher sa bouteille, et devant la personne qui a vu toute la scène, déclarer, de bonne foi, qu’elle n’a pas bu, et que d’ailleurs il n’y a aucune bouteille dans la maison ! Cette personne parle sincèrement, elle croit profondément ce qu’elle dit lorsqu’elle le dit (c’est la raison pour laquelle je suis un peu méfiant vis-à-vis de la sincérité). Mais la culpabilité ressentie à cause de sa faute est telle qu’elle ne peut pas l’accepter et qu'elle se retrouve « obligée » d’utiliser le déni pour s’en défaire. La réalité est trop dure pour qu’elle la regarde en face.
Et pour finir, un petit exercice, qui sera particulièrement difficile (voire impossible) pour les hommes (et oui, nous sommes souvent bien plus orgueilleux que les femmes messieurs) : dites aujourd’hui, par téléphone ou de vive voix (c’est le mieux si vous le pouvez) à trois personnes de votre entourage que vous les aimez. Vous trouvez ça difficile, voire insurmontable ? Et bien c’est votre orgueil qui vous en empêche en grande partie, car vous ne supportez pas l’idée de vous montrer vulnérable devant les autres. Mais si vous parvenez à le faire, vous verrez tout ce que ça vous apportera et tout ce que ça apportera à ceux à qui vous le direz. Et ce sera encore plus fort pour ceux qui n’ont pas l’habitude de donner cette tendresse. Essayez. C’est pour vous.
(et toc, là ils y en a qui ne doivent pas faire les malins ;o) ).
17:20 Publié dans Un peu de développement personnel | Lien permanent | Commentaires (8) | Facebook |
Commentaires
dis Pikipoki je vous voulais vous dire que je vous aimais !!!
même que j'aime aussi Quisti et aussi Well
alors je l'ai dis trois fois, j'ai gagné quoi ?
Écrit par : langui | 07/09/2005
Pour quisti et Well c'est pas à moi qu'il faut le dire (mais enfin bon là je sais que c'est souvent fait, ce qui m'étonne peu puisque toi y en a être une femme ! et c'est souvent beaucoup plus facile à dire pour une femme!)
Pour le reste ma foi ... tu as ma reconnaissance ! ;o) (comme il est bon et magnanime pikipoki n'est-ce pas? - bon et maintenant va bosser toi aussi, na ;o) quoi moi aussi faut que j'aille bosser? ben j'voudrais bien...)
Écrit par : pikipoki | 07/09/2005
La vulnérabilité ne vient pas de l'orgueil, car Aimer n'est pas se "déshabiller" et dire que l'on Aime même si l'on n'est pas aimé est plutôt transcendant ! Langui est elle vulnérable maintenant qu'elle a avoué ! Il y aurait encore beaucoup à dire mais le travail m'appelle ! Dites PIkiPoki où trouvez vous tout ce temps pour écrire ?
Écrit par : quisti | 07/09/2005
Bonjour quisti,
Je ne dis nullement que la vulnérabilité vient de l'orgueil. Simplement que l'orgueil empêche parfois d'accepter de montrer sa vulnérabilité. En fait, accepter sa vulnérabilité à mon sens, c'est un peu accepter de lâcher prise et de ne pas tout contrôler (ceci étant impossible, si on le cherche à tout prix, voilà une situation qui génère du stress!).
Aimer n'est pas se déshabiller : peut-être mais il paraît que se déshabiller, ça aide à aimer ;o) (bon ok, je sors --> [])
Écrit par : pikipoki | 07/09/2005
Gagnez en âge et vous parviendrez mieux à vous déshabiller!
Je dois dire que j'ai eu du mal aussi à prononcer ces mots bêtes, pourtant, en vieillissant on apprend que la seule faiblesse que l'on puisse avoir c'est de ne pas avoir la lucidité, l'humilité de connaitre ses propres failles mais en aucun cas celle de dire je t'aime. D'ailleurs ne pas savoir le dire ne serait-ce pas une faiblesse ? Que de gens perdus pour n'avoir su parler, que d'êtres éloignés par un égo démesuré..... D'enfants définitivement éloignés de leurs parents, de frères, de soeurs, combien de divorces ? et puis au jour du décès combien de "si j'avais su.." alors un peu de courage au sexe "fort" ! il faut des C.... pour dire je t'Aime. N'en faut-il pas plus pour le dire que pour le faire ;o)
Écrit par : langui | 08/09/2005
ho ho ! ;o)
Je vous rejoins sur tout votre commentaire. Et notamment je trouve aussi que c'est au final une preuve de faiblesse que de ne pas parvenir à dire ces mots à ceux qui comptent pour nous.
Écrit par : pikipoki | 08/09/2005
C'est qui Well?
Écrit par : Wonka | 13/09/2005
bin t'enfin !
Écrit par : pikipoki | 13/09/2005
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