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13/09/2005

L'orgueil appliqué (ou mon suicide bloguesque)

La polémique enfle dans la blogosphère sur la manière d’interpréter la réponse des autorités fédérales (et aussi locales, mais enfin surtout fédérales) américaines à la catastrophe de l’ouragan Katrina. Et Hugues relève à nouveau le gant aujourd’hui pour défendre becs et ongles sa position.

 

L’objet de ma note n’est pas d’argumenter sur la question car je juge que dautres l’ont bien mieux fait que je ne pourrais le faire, et produire un doublon médiocre juste histoire de générer du trafic serait ridicule. Je m’intéresse surtout à la dernière sortie d’Hugues, car à bien le lire, il me semble être un excellent exemple pour revenir de façon concrète sur ce billet … S’il me lit j’espère qu’il ne m’en voudra pas trop, car pour ma part j’apprécie souvent la forme ironique de ses billets (même si je dois reconnaître que le fond m’a posé problème certaines fois). Mais remarquez, je ne pense pas qu’il me lise (il a bien raison, il y a plus intéressant à faire), donc…

 

D’abord il faut un peu planter le décor pour comprendre quelle position tient Hugues. A la lecture de son premier billet, il ne m’a pas vraiment semblé qu’il cherchait à exonérer l’administration Bush de ses responsabilités. Ce qu’il entendait fustiger, c’était une attitude qui relèverait selon lui d’une critique un peu myotatique, issue d’un anti-américanisme primaire trop répandu chez les bien-pensants. En face, on faisait valoir la responsabilité lourde de l’administration, qui, comme toute administration, se doit de réagir aux drames survenants dans son pays et d’y apporter des idées efficaces, en montrant, analyses locales et témoignages à l’appui, que cette administration avait ici failli plus que de normal (car bien sûr on n’attend pas une réponse zéro défaut).

 

Mais dès son premier billet Hugues, pour convaincre de la justesse de son opinion et usant de son talent d’écriture, en a rajouté pour démontrer son propos. Par exemple, d’un côté il écrivait : « situation ingérable », et de l’autre il se défend ensuite de dédouaner Bush&Co de leurs responsabilités.  C’est pourtant assez contradictoire. Si  une situation est ingérable alors personne ne peut se voir attribuer une quelconque responsabilité pour la gérer, non ? La première « erreur » d’Hugues réside ici : voulant parvenir à enfoncer bien profond les opinions creuses des bien-pensants (et cette intention est assez louable car à mon sens elle participe à une essentialisation des opinions – c’est-à-dire qu’elle défait les grandes paroles de leurs habits d’apparat pour en montrer l’ossature réelle, ce sur quoi on peut réellement compter et qui est bon à prendre), il en a rajouté, dans le style mais aussi dans le fond. Si l’on connaît le style (et pour ma part je l’apprécie, je le répète), et qu’on peut donc accepter son côté sarcastique, le fond en revanche porte forcément à un regard critique. Et c’est là que le propos d’Hugues s’est ouvert aux attaques.

 

Et ces critiques l’ont très visiblement touché. Son amour propre, et, maintenant j’ose le terme, son orgueil, en ont pris un coup. De là se sont ensuivies plusieurs réactions de sa part qui me semblent être de parfaits symptômes d’un orgueil blessé (qu’on comprenne bien ma démarche : mon intention n’est absolument pas de fustiger le comportement d’Hugues ou de critiquer son opinion, mais vraiment seulement d’apporter une illustration au sujet de l’orgueil que j’ai abordé d’un point de vue plus théorique auparavant. Ceux qui croiraient qu’ils peuvent utiliser ce billet pour aller en balancer à Hugues seraient fort mal venus).

 

D’abord, la contradiction voire un soupçon de mauvaise foi. Celle d’abord que je viens d’indiquer. Hugues écrit d’abord « situation ingérable » et ensuite se défend de ne pas mettre en cause la responsabilité de l’administration américaine. Et il renchérit encore dans son dernier billet en évoquant « une catastrophe de cette amplitude [qui] ne pouvait être gérée qu'à la marge ». D’autres passages peuvent être relevés : « un sans faute était inimaginable » (c’est bien évident, personne n’a parlé de sans-faute) ; « ils auraient dû faire mieux » mais suit une explication qui montre qu’ils ne pouvaient pas sauf « à la marge ».

 

Ensuite, la confusion entre attaque de ses idées et attaques de lui-même. Hugues, dans son dernier billet, fait une explication en trois paragraphes pour justifier ses positions personnelles et montrer (là je vais caricaturer et m’exposer moi aussi aux coups de fouet) qu’il est un « gars bien », tolérant, ouvert, progressiste. Il assimile donc visiblement des critiques de ses idées à des critiques de lui-même, puisqu’il se croit obligé de démonter à tous sa valeur en tant que personne. En voyant ses idées attaquées, il se sent attaqué personnellement. Et à l’inverse, en se présentant comme « un gars bien » il pense sans doute que ses idées vont voir rejeter sur elles l’aura de sa personne et, partant (oaah j’adore toujours autant le caser lui), se trouveront elles aussi relevées dans l’estime des gens. Pourtant ses idées ne devraient pas être jugées à cette aune là.

 

Il me faut préciser ce point car j’entends déjà les cris s’abattre : les gens, bien souvent dans leurs propos, ne se contentent clairement pas de juger seulement les idées des gens, mais s’attaquent bien aux gens eux-mêmes. Et d’autre part, il est très possible qu’Hugues ait reçu des mails dont nous n’avons pas eu connaissance ou ait eu des échanges que je n’ai pas vu (je ne lis quand même pas toute la blogosphère). Tout cela est juste, très juste. Oui mais. C’est justement relayer ce mode de fonctionnement que d’y réagir de façon « habituelle ». Une réaction calme et « centrée » à ce type d’attaque (tant qu’elles ne disent pas clairement qu’elles s’attaquent à la personne) à au contraire la vertu de ramener le débat sur le terrain qu’il ne devrait pas quitter : celui des idées.

 

On voit donc s’exprimer ici les symptômes classiques de l’orgueil blessé : position de plus en plus difficile à soutenir par le refus de l’erreur et de l’acceptation de la limite de sa propre vision, transfert des critiques des idées sur soi-même, et on peut ajouter le ton. En effet, moins on se sent à l’aise dans sa position, plus on se sent bancal, plus on a tendance à devenir agressif, cette agressivité remplaçant l’argumentation et la force de la voix servant à enfoncer les clous plus fortement que par la seule pensée. Je crois qu’on sent ce glissement chez Hugues entre ses deux billets. Le style le montre.

 

Pour finir, quelle est donc l’échappatoire au piège de l’orgueil ? Dans le cas présent, et comme bien souvent, il est extrêmement simple. Il suffit dès le début de savoir centrer le débat sur les idées, et de reconnaître avec ouverture les limites de son propre discours (cherchez bien dans les vôtres, avec honnêteté, vous en trouverez quasiment toujours, et en particulier sur des sujets polémiques il est extrêmement rare qu’on n’en trouve pas de part et d’autre). Ici, il aurait à mon sens suffit à Hugues de reconnaître la limite de son expression « situation ingérable » ou même de son intention de départ de fustiger les critiques simplistes anti-bush. En fait de dire qu’au fond il ne traitait pas tout à fait du même sujet que ceux qui fustigeaient la réactions du gouvernement américain : il parlait de la récupération mal à propos de la catastrophe par une certaine frange de la population, pas de la gestion en elle-même. S’il avait dès la première critique établit clairement cette séparation alors sans doute les choses auraient-elles été moins embrouillées.

 

NB: Ce billet est extrêmement difficile à écrire. Essentiellement parce que je m’ouvre ici aux critiques de gens qui ont très clairement des capacités bien supérieures aux miennes, tant pour réfléchir que pour coucher sur le papier le résultat de leurs réflexions. Il est possible que ma production du jour soit un peu embrouillée et mérite des ajustements. J’ai tout de même voulu la poster pour mettre à l’épreuve les éléments théoriques que j’avais indiqués dans mon billet sur l’orgueil. Qu’il soit définitivement dit qu’il ne s’agit pas ici d’une critique de la position d’Hugues mais uniquement d’un travail sur l’orgueil. Si par hasard l’illustre vaticinateur passait par ici qu’il n’hésite pas à indiquer ses propres critiques à ce billet.

Et d’ailleurs, pour revenir au fond du sujet, je dois dire que je rejoins Hugues lorsqu’il dit que le plus grand sujet d’inquiétude est en fait la fragilité de la situation socio-économique d’une frange importante de la population américaine, mise à nue froidement par le cyclone. 

 

Et maintenant, j'attends les gifles ... pas trop fort siou plait...

Commentaires

Ben mon vieux... Je ne sais pas si je suis orgueilleux à ce point, mais je t'assure que tu n'as pas besoin de t'excuser aussi platement pour donner ton avis. Et si ma seconde note sur Katrina donnait le sentiment qu'une ultime critique serait reçue comme le coup de grâce à un pauvre animal blessé, rassure-toi, je suis toujours à peu près valide... A plus tard pour une discussion sur le fond...

Écrit par : Hugues | 13/09/2005

bon, cette psychologie là c'est sympa, mais l'affaire du siècle, ça en est où ? Elle est brune, blonde... ?

Écrit par : Paxatagore | 13/09/2005

@Hugues
Ok. Ce n'est pas toujours évident de savoir quel ton mettre pour ce genre de choses. Surtout concernant l'orgueil puisque précisément c'est ce qui peut empêcher d'accepter la critique. A plus tard pour d'autres sujets.

Écrit par : pikipoki | 14/09/2005

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