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07/12/2005

Inférences et surinterprétations

Je dois faire un petit retour sur un ancien billet écrit dans ma série sur la communication et l'écoute et qui traitait des inférences. En effet, pour toute personne qui n'a pas travaillé un peu au préalable sur cette question, je m'aperçois que ce que j'écrivais peut porter à confusion en mélangeant inférences et surinterprétations. Les inférences (enfin il ne s'agit ici que de celles qui sont trompeuses) ne sont pas assimilables à des surinterprétations, simplement elles peuvent en être la cause.

 

Petit rappel, sans doute pas inutile. L'inférence est ce par quoi on va aboutir, à partir d'une observation, à une conclusion susceptible de guider un choix, une décision. Ce qui est bien pratique dans la vie de tous les jours. Par exemple, lorsque j'observe un chien avec un collier courrir tout seul dans la rue, je me dis qu'il s'est enfuit de chez lui, et qu'il pourrait être bon de le récupérer et de contacter ses maîtres afin d'éviter un accident malheureux (toute ressemblance avec un évènement vécu serait une sacrée coïncidence).

 

Mais parfois on se laisse berner par nos inférences, on oublie leurs limites, et on s'empresse de conclure sur la base d'observations qui ne sont pourtant pas suffisantes pour le faire. C'est ainsi qu'une personne pourra croire que si elle a gagné au loto, c'est grâce au trèfle à quatre feuilles ramassé plus tôt dans la journée. En dépit du manque évident de lien logique entre les deux évènements. On attribue à un phénomène une cause imaginaire, non corroborée. C'est le même processus qui agit dans certains types de surinterprétations, lorsque l'on veut prêter à des gens des idées qui seraient à la source de certains de leurs discours.

 

Un exemple que j'avais pris dans mon premier billet était celui de personnes très promptes à déceler sous le moindre propos économique une intention libérale nécessairement ennemie du peuple. Et il est bien possible qu'on retrouve le même type de procédé derrière certains discours anti-racistes "faciles" et empressés de stigmatiser l'autre sans vraiment chercher à comprendre son discours. Je pense ici notamment au dernier commentaire de Kryztoff qui me semble aller dans le même sens. Qu'on me comprenne bien, je ne pense pas que Finkielkraut (puisqu'il s'agit encore de lui) ait été très fin dans ses propos recueillis par Ha'aretz. Mais à lire certaines critiques qui lui sont faites, je crois qu'on va un peu trop vite pour vraiment être objectif dans l'analyse de son intention.

 

Et c'est d'ailleurs, chose amusante, la lecture de La sagesse de l'amour, toujours du même, qui vient en renfort de mon idée. Finkielkraut décrypte vers la fin du livre une forme de bêtise qui est je crois très répandue: celle des gens qui savent mieux, de ceux "à qui on ne la fait pas" et qui prétendent lire derrière les paroles des autres la vérité que ceux-ci chercheraient à cacher. Pour ne pas faire de doublon et que cette idée soit bien claire je cite:

"Glorieuse surdité de celui à qui on ne la fait pas parce qu'il a l'oreille plus fine. C'est ainsi que se répand une bêtise travestie en vigilance. Ses adeptes n'invoquent pas pour couper court au dialogue le sceau d'une autorité transcendante. Ils lisent derrière les propos du partenaire la vérité cachée qui le détermine. A leur vis-à-vis ils opposent non le front têtu de qui n'entend pas mais le sourire en coin de qui entend mieux. Leur arrogance et leur ressassement se donnent l'alibi en béton d'une compréhension plus profonde."

 

Ces interprétations sont difficiles à déceler, chez les autres, et probablement encore plus chez soi (notamment à cause de l'entrée en jeu de l'orgueil). Il est pourtant important de le faire si l'on ne veut pas se transformer en sourd. Et pour revenir à l'intention initiale de ce billet, les inférences ne sont donc pas les jumelles des surinterprétations mais le terreau dans lequel ces dernières  peuvent trouver leurs meilleures racines.

Commentaires

PIKIPOKI,

Ce que vous dites est assez bien observé. Mais pourquoi avoir choisi ce terme d'interférence, plutôt qu'un autre?. Cela ne pourrait il s'appeler aussi une projection? Ou autre?

Auriez vous un exemple plus complexe? Je comprends trés bien l'exemple de la croyance, qu'on appelle aussi en psychanalyse la "pensée magique": se convaincre qu'une chose a pour expliquation ce qu'on en imagine.
Mais si je comprends le raisonnement sur l'interprétation d'une pensée d'un sujet (ex Finkelkraut), par une lecture sortie de son contexte, découpée, subjectivement utilisée pour en dire autre chose, je ne vois pas comment vous faites pour régler la question , par exemple des convictions politiques, si tentés nous sommes pour surintérpréter des propos politiques sur le terrain de nos "interférences". ?

Curieux ce mot "d'interférence", il connote "électrostatique". Où en avez vous trouvé l'idée de son usage pour illustrer votre propos? Simple curiosité.

Écrit par : dg | 08/12/2005

Vous avez mal lu DG.
Je ne parle pas d'interférences, mais d'inférences. Et là hop!ça prend tout son sens ! Ou sinon, relisez mon ancien billet sur les inférences, vous comprendrez mieux ce qui est spécifique à ce sujet.

Écrit par : pikipoki | 09/12/2005

Il est vrai que j'ai lu le mot comme il était écrit, et il est vrai qu'étant peu famillier, j'étais allé lire le billet concernant le sujet, donc votre invitation est inutile, et votre "et hop" me semble bien rapide pour illustrer votre réflexion, concernant mes "questions".
Lire un mot à la place d'un autre ne semble pas entrer dans la logique de ce que vous vouliez démontrer il me semble. Je crois même que cela a un nom spécifique, mais qui ne me vient pas en tête , car j'ai une mauvaise mémoire.
Par contre en lisant sa définition dans le dictionnaire, comme vous le rappeliez dans votre billet spécifique, mais tourné sous une autre forme(j'aime bien le dictionnaire, car c'est assez précis) j'ai trouvé :
Opération intellectuelle par laquelle on passe d'une vérité à une autre vérité, jugée telle en raison de son lien avec la première . La déduction est une inférence.
Ou bien règles d'inférence : règles qui permettent dans une théorie déductive, de conclure à la vérité d'une proposition à partir d'une ou plusieurs propositions , prises comme hypothèses.

Donc, je ne pense qu'avoir réécrit un mot à la place d'un autre, et cela ne gage pas que je n'aurais pas compris le sens large de votre billet, ni que je m'en serai servi pour en tirer une déduction autre que ce que vos propos tentaient de démontrer. D'ailleurs, la forme de mes questions est en soi , le contraire de l'affirmation . Quelque chose m'échappait dont je vous demandais précision.
Donc j'ai du mal à saisir votre réaction.

Je repose donc ma question soulévée par la notion d'inférence. Auriez vous un exemple autre à me donner.?
Pour moi, par exemple, l'interprétation des propos de Finkelkraut a pu aussi être du ressort d'un choix volontaire de les tirer hors du contexte complet de son interview. C'est une supposition possible.
Et face à certain propos d'autres domaines, comme ceux du domaine politique, où se place la conviction par rapport à l'inférence? Comment vous l'expliquez vous ?

Ne me dites pas encore "et hop", cela est frustrant car cela ne répond pas à mes questions.

Écrit par : DG | 09/12/2005

DG
Ne partons pas aussi mal dans notre discussion. Mon intention n'était mauvaise à votre égard soyez-en assurée. Mon hop n'était qu'un sourire dans mon commentaire, rien d'autre.

Je trouve important pour ma part de bien préciser le sens des mots et d'être précis dans leur utilisation. C'est pourquoi je revenais sur votre confusion entre inférence et interférence (je n'ai écris nulle part interférences dans mon billet). Ce n'est pas la même chose et à mon avis on ne peut pas bien comprendre ce que je disais si on lit interférence.

Pour répondre maintenant à votre question, l'inférence est différente d'une "projection" ou même d'une forme de "pensée magique". En fait, et c'est ce que j'indique dans mon billet, l'inférence peut en être la cause, mais seulement la cause. C'est-à-dire que parce l'on va mal utiliser une inférence et lui donner une valeur de vérité qu'elle n'a pas toujours, on va se tromper soi-même et construire des pensées erronées. L'inférence peut donc se situer à la source des "projections" et des "pensées magiques".

Concernant votre point particulier sur l'usage fait des propos de Finkielkraut, il est effectivement possible que plus qu'une surinterprétation issue d'une inférence ce soit la volonté du journaliste qui soit en cause. Mais je ne saurais porter un jugement définitif sur ce point même si je pense plutôt à la première solution.

Enfin pour ce qui est des convictions, je ne vois pas bien quelle est votre idée. Avoir des convictions, qu'elles soient politiques ou autres, ne signifie pas nécessairement qu'on est victime d'inférences. Une conviction ne me paraît pas le résultat d'une déduction mais d'un choix entre plusieurs possibilités. Bien sûr il y a des observations à la base de ce choix, et qui ont pu être faussées par des inférences fautives. Mais ça n'a rien de nécessaire. Si par exemple j'ai comme conviction que l'écologie est le sujet sur lequel les politiques devraient se pencher en priorité, cela n'est pas le fruit d'une inférence, mais d'observations, de lectures, etc.

En fait il faut bien laisser l'inférence à sa place et ne pas lui donner un impact autre que celui qu'elle a. Vous le rappelez justement, l'inférence est une déduction. Les inférences dont je parle sont les déductions faites erronément sur la base d'un lien logique bien moins réel que ce que l'on peut croire du type: le verre bouge sur la table lors de l'expérience de spiritisme, alors les esprits existent.

En espérant que cette réponse vous convient plus.

Écrit par : pikipoki | 09/12/2005

Oui merci de ce temps à préciser votre réflexion.

Vous avez totalement raison de dire que le sens des mots et leur utilisation exacte est importante.
J'avoue avoir parfois des carences dans ce domaine, n'étant pas de formation littéraire mais manuelle, mais j'essaye de m'instruire et de lire et de choisir, autant que je peux, les termes que j'utilise.( Mais étant être humain, je me trompe aussi, suivant les circonstances de ma situation et de mes dispositions)
Au fait , "interférence", était sans doute un lapsus.
Bon j'essaye de suivre le raisonnement des inférences. Vous pensez donc qu'elles permettent de créer des "déconvenues" dans la qualité de l'attention à un propos dans son entier, quitte à transfomer ce propos, en tirer une vérité , me trompe je? . Ne pas entendre ou lire à cause d'inférences, par exemple est le terrain de la sur-interprétation? Vous explicitiez l'exemple de l'interprétation faite sur le terrain des questions économiques. C'est cela qui m'a amené à poser la question de la conviction. Je voudrais rebondir sur cet exemple ou celui de Finkelkraut et amener une autre question . Comme je vous le disais à un autre moment, un énoncé , un propos affirmatif , une réflexion affirmative et générale qui ne porte pas la définition des limites de son énonciateur, peut dans sa forme paraître s'affirmer comme une vérité, vérité qui avec un peu de recul peut aussi être critiquée, en raison de connaissances ou expériences contraires qui portent la critique. Dans ce cas , il ne s'agit donc pas d'inférence que de formuler la critique. Dans un propos, il doit sans doute y avoir suffisement de critères ( affirmation, tonalité, sens, renvoi à des expériences, des connaissances...etc) qui donnent à rebondir suivant que l'on s'attache à l'un ou à l'autre, voire plusieurs. Qu'est ce qui selon vous définirait une meilleure prise en compte d'un propos tenu dans tel ou tel domaine de prise de position, et serait suffisement objectif?

J'avoue avoir du mal à saisir, à cause de la définition du dictionnaire, si une inférence est condamnable, étant du domaine de la déduction. La déduction me paraît utile aussi. Qu'en pensez vous?
Cela est il utile malgré tout , pour vous, et dans quels cas, ou cela se résume t'il à rester hors de la réalité du propos ? Que pouvez vous en dire ?

Écrit par : dg | 09/12/2005

DG
Il ne s'agit pas de condamner les inférences. Mais seulement de reconnaître la limite qu'elles peuvent avoir et apprendre à ne pas "conclure trop vite".
Bien sûr que les déductions sont utiles. La question ne se pose même pas. Le problème n'est pas de faire des déductions, mais comment on les fait. Les inférences ne sont pas présicément des déductions, mais les processus qui permettent de faire des déductions. Et lorsqu'elles sont mal utilisées, elles peuvent mener à faire de mauvaises déductions, de mauvais raisonnements. C'est là où l'on peut parfois se piéger.

Écrit par : pikipoki | 10/12/2005

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