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14/02/2006

De nos croyances à nos censures

Lorsque l’on parle de croyances, le réflexe commun est d’associer immédiatement ce mot avec les religions. Un croyant n’est-ce pas est bien un individu qui croit en l’existence d’un Dieu (ou pourquoi pas en des Dieux même si c’est de moins en moins répandu), d’une entité suprême, d’un être absolu. Le fait d’ailleurs que cet être soit perçu par le croyant comme étant absolu, génère un premier conflit, tant avec les autres croyants qu’avec les non croyants. Car ceux-ci viennent par leur croyance ou leur non croyance, remettre en cause ce caractère absolu de l’être suprême. Puisqu’on peut croire à un autre être, ou même ne croire en aucun d’entre eux, c’est que cette croyance n’a qu’un caractère relatif. Les religions créent toutes ce paradoxe qu’alors qu’elles prétendent traiter d’un absolu, elles ne peuvent que faire vivre en chacun des croyants qu’une vérité subjective, contingente, bref, tout sauf absolue.

 

Voilà d’ailleurs qui permet de préciser la définition d’une croyance : c’est un élément dont la réalité subjectivée est perçue par certains comme une réalité objective. Ou pour reprendre la définition que donne Kant dans la Critique de la raison pure (ouh ça fait chic hein?) « Lorsque l’assentiment n’est suffisant qu’au point de vue subjectif et qu’il est tenu pour insuffisant au point de vue objectif, on l’appelle croyance ». Cette définition nous permet de comprendre qu’il faut étendre le cercle dans lequel on peut retrouver des croyances. Car il n’est nullement question de religion ici. Du moins pas exclusivement.

 

En gestion du stress, j’ai appris à mieux appréhender la question des croyances, qui restent une source de grandes confusions pour beaucoup (et pour moi aussi, je n’y échappe pas). Pas besoin de religion pour avoir des croyances. Toutes nos opinions sont de près ou de loin des croyances, et nous en élevons parfois certaines à une hauteur telle que des observateurs extérieurs pourraient bien croire que c’est une adoration bien excessive que nous leur portons. L’athéisme lui-même d’ailleurs est une croyance, pas en un Dieu, mais en un ensemble de valeurs qui, pensons-nous dans nos contrées occidentales, fondent de façon plus harmonieuse une société.

 

La difficulté est parfois grande à savoir bien gérer nos croyances. Car, comme tous les éléments qui structurent notre identité, l’établissement de nos croyances est souvent quelque chose qui se fait par exclusion du reste (c’est presque leur nature d’ailleurs). Toute croyance recèle ce risque d’un extrémisme en ce sens. Les croyances religieuses présentent à mon avis un risque plus fort que les autres, parce qu’elles disposent d’un soutien fort qui rassure le croyant, lui retire la sensation de malaise qui rend possible la remise en question : quand on se sent bien dans ce à quoi l’on croit, on ne ressent pas le besoin de changer. Ce soutien fort au croyant vient du passé des religions, de leur histoire fortement ancrée dans les différentes cultures, et enfin du nombre des adeptes : au milieu du nombre, on se sent au chaud, et personne n’aime rester seul au froid.

 

Pour autant, nos autres croyances ne portent pas moins elles aussi le risque de dérives. Dans Madame Bovary, Flaubert fait s’affronter deux thèses : celle de l’abbé Bournisien, et celle de M.Homais. L’abbé croit évidemment en Dieu, M.Homais, lui, croit en la science. Cet antagonisme est décrypté par Finkielkraut, oui encore dans La sagesse de l’amour (et ben quoi ? je tire tout le jus de mes lectures voilà tout). Tandis que l’abbé voudrait soumettre l’humanité et ses prétendues lois scientifiques à la vérité divine, Homais, lui, entend les administrer sous la loi de la pensée raisonnable et de la logique des sciences. Dans le fond, le passage de l’abbé Bournisien à M.Homais n’est qu’un déplacement d’absolu, qu’un changement de catéchisme, mais le fond de leur dépendance à tous les deux reste très similaire : ils sont soumis à leur croyance et sombrent ainsi dans « la bêtise ».

 

Voilà qui me ramène maintenant au débat sur les caricatures. Je pensais en avoir fini, mais la question qui est soulevée est réellement complexe, et mérite je crois ce petit retour. Certains, certainement armés des meilleures intentions, se sont posés dans ce débat en très ardents défenseurs de la liberté d’expression. Et je dois bien avouer que si je devais choisir un camp, c’est le leur auquel je me joindrai le plus volontiers, car il est le plus résolument orienté vers une démarche de progrès humain. Mais depuis le début de ce débat, j’ai émis plusieurs réserves, que je n’ai peut-être pas toujours bien su exprimer. J’espère y parvenir un peu mieux ici.

 

Un des arguments chocs lus dans les derniers billets de blogueurs sur le sujet est : « la liberté d’expression ne se négocie pas. » On a pu le lire chez Embruns notamment, et aussi chez Hugues (au passage, je salue leur capacité à délivrer un message clair, ce dont je me désespère parfois de parvenir à faire). La formule est forte, et nous avons probablement été bien nombreux à nous redresser sur nos sièges en la lisant, et à être prêts à entonner un chant vibrant pour la porter sur les remparts de cette bataille des valeurs.

 

Mais je ne cesse de la faire tourner et retourner dans ma tête depuis que je l’ai lu. Elle me gratte quelque part, me dérange, comme souvent les formules qui me semblent « toutes faites ». Et effectivement à bien y réfléchir, je crois qu’elle est trompeuse, parce qu’elle fond en un seul terme deux éléments qu’on devrait distinguer dans ce débat : le principe de la liberté d’expression, et l’exercice de cette liberté. Si je suis absolument d’accord pour dire que le principe de la liberté d’expression ne se négocie pas, je crois que non seulement il est possible, mais même qu’il faut que son exercice soit, lui, soumis à une certaine censure.

 

Le principe ne se négocie pas car c’est lui qui fonde, entre autres valeurs mais il est une des plus importantes, la démocratie. Il est absolument nécessaire que l’on puisse reconnaître ce principe de liberté d’expression qui permette qu’il n’y ait a priori aucun élément exogène qui vienne limiter l’exercice de cette liberté. Par principe, il faut pouvoir se sentir libre de s’exprimer. C’est cette possibilité que garantit le principe de liberté d’expression, c’est le fait d’avoir la faculté de s’exprimer sans avoir à craindre quoi que ce soit pour soi, et notamment pour sa santé.

 

Mais ce principe pour autant, ne garantit pas que l’exercice de cette liberté soit exempté en toute circonstance de remontrances. Il y a des paroles que la loi réprouve. Ce n’est pas pour rien. C’est que l’exercice de la liberté d’expression, va parfois à l’encontre d’autres droits. Son exercice n’a donc aucune légitimité à se faire de façon absolue. Tenir des propos racistes est puni par la loi car cela constitue un trouble à l’ordre public. Cette punition me semble normale.

 

Que la liberté d’expression soit non négociable me semble donc bien douteux. Son principe ne l’est pas certes, mais son exercice si, et je pense que c’est une bonne chose. D’ailleurs, et je terminerai sur ce point, je remarque que cet exercice, nous le négocions tous les jours. Je ne vais pas me lancer dans de la psychanalyse de bas étage, mais l’autocensure est un art que nous pratiquons tous, à des degrés divers, autant avec nos proches, avec nos collègues, qu’avec des inconnus. C’est le célèbre surmoi de Freud. Qui est garant d’une certaine paix avec les autres en nous évitant d'être en perpétuel conflit avec notre entourage. Même si lui non plus, il ne faut pas l’ériger en un autre Dieu.

Commentaires

La liberté d'expression ne se négocie pas, surtout lorsqu'elle vient heurter des "croyances" que nous ne partageons pas. Il existe pourtant des lois récentes qui la restreignent. Je ne suis pas sûr que les mêmes militent pour leur abrogation.

Écrit par : koz | 14/02/2006

Si je n'avais pas lu votre dernier paragraphe, le commentaire en serais proche... Heureusement j'ai lu jusqu'au bout.

Donc je suis en accord avec vous sur les limites de la liberté d'expression. Mais je vais ajouter une de mes limites "d'acceptation", c'est que si le pouvoir revient même démocratiquement dans les mains d'un "clergé" de quelque religions qu'il soit, j'entre en résistance au sens peut être de celui qui "terrorise" . Ce n'est pas la liberté d'expression qui est en danger, mais la laïcité.

Écrit par : Quoique | 15/02/2006

salam à tous,
regarder ce que disent vous pretres sur l'islam
http://www.aimer-jesus.com/index.php

Écrit par : reda | 21/02/2006

Vous voyez, Reda, le problème avec votre type de message, c'est que vraiment vous ne laissez aucune place au dialogue dans le fond. Vous êtes persuadé de détenir la vérité, et restez donc totalement fermé à la remise en cause.

C'est la définition de l'intolérance pour moi. Vous ne pouvez donc pas raisonnablement réclamer d'être entendu. C'est incohérent.

Ce que vous ne comprenez pas c'est que la religion n'est en aucun cas une affaire de vérité absolue. Elle est une affaire de croyance, et reste donc fondamentalement une question personnelle, où nul ne peut prétendre démontrer quoi que ce soit. Chacun a le droit de faire ce qu'il veut avec le message qu'il reçoit ou croit recevoir.

Quant au site que vous indiquez... mazète, Matrix en révélait moins... Ca me rappelle ce que m'avait dit un type il y a quelques années: la Terrre n'est d'abord pas ronde, et le prophète resterait paraît-il dans un entre-deux au dessus des nuages, avec ses élus, à nous observer, et d'abord c'est avéré par des indices trouvés avec un code de décryptage de la bible, alors bouh. Bon perso je préfère Spirou, mais chacun ses lectures.

Écrit par : pikipoki | 21/02/2006

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