13/03/2006
Regarder les étoiles, et sourire
Quand j'étais petit, j'aimais beaucoup l'astronomie. Assez tôt je m'étais mis à observer les étoiles le soir, à regarder ce grand tableau scintillant qui semblait si lointain et si proche en même temps. Cette simple observation me plongeait dans une forme de rêverie, d'absence au monde contingent dans laquelle je me sentais bien. Encore aujourd'hui j'y prends un grand plaisir, et il n'est pas rare que les jours où le ciel est dégagé, lorsque je sors quelque part, je passe quelques minutes le nez en l'air, à regarder l'éternel spectacle des astres au dessus de ma tête.
Samedi soir, alors que j'étais en soirée, je me suis approchée d'une baie vitrée pour observer la Lune qui brillait dehors. On la voyait bien, elle était déjà assez développée et sa lumière inondait le petit lac au pied duquel nous étions. Et en la regardant, je me suis souvenu d'un livre que j'avais lu il y a quelques années. Un livre d'Hubert Reeves, intitulé Oiseaux, merveilleux oiseaux, aux éditions du Seuil. Dans la préface de ce livre, Reeves indique les raisons qui l'ont amené à l'écrire et évoque notamment un passage difficile de sa vie où il fut hospitalisé. Je le reproduis:
"Au retour d'une expédition au Sahara, où tous les soirs, étendus dans le sable, nous observions la voûte étoilée et la comète Hale Bopp, j'ai connu d'importants problèmes de santé.
Première hospitalisation à Paris avec piqûres dans la colonne vertébrale (je ne vous le conseille pas...). Seconde hospitalisation en urgence à Auxerre; grave opération d'une péritonite avec complications variées. Au réveil, des tubes de plastique me transpercent de toute part. L'inconfort est total. Je ne suis plus qu'une tuyauterie percée. Les infirmières me "changent" jour et nuit. Une grande lassitude m'envahit. J'ai envie que ça s'arrête. L'idée de ma mort me devient douce.
Une nuit d'insomnie, je lève les yeux vers la Grande Ourse. Je sens monter en moi une intense émotion et m'entends dire: "Je suis en vie!". Les yeux fixés sur la constellation, ces mots se répètent plusieurs fois dans ma tête. L'idée de la mort ne m'a plus jamais effleuré.[...]
Ces étoiles si familières me disent: "Tu es toujours avec nous." Mais il me remonte aussi à l'esprit que mon corps souffrant plonge ses racines dans la vaste étendue des espaces et des temps cosmiques. Le scintillement des étoiles aperçu par la fenêtre de ma chambre d'hôpital me rappelle la moisson d'atomes qu'elles élaborent dans leur coeur et qui jouent un rôle si important dans l'évolution de l'univers."
Reeves dans tout son livre, s'emploie à décrypter, d'une façon remarquablement claire et agréable pour le néophyte, la longue liste des miracles physiques, chimiques et biologiques qui ont conduit à notre existence. L'explosion initiale du Big Bang, l'organisation et le dosage des forces qui auraient tout modifié s'ils avaient été différents, la disparition des dinosaures qui fut le point de départ de la diversité animale, etc. Reeves note avec émerveillement que la nature use de chaque faille dans l'organisation des choses pour faire naître la vie. Le levain cosmique "fait feu de tout bois". Et ce levain, encore aujourd'hui, et pour toujours, nous le portons en nous. Il est le lien éternel qui nous rattache à la vie dans son ensemble, à l'histoire de la Terre qui nous porte, à celle de nos ancêtres, à celle de nos contemporains et de nos proches, aujourd'hui.
Et voici la conclusion de son livre, que je laisse chacun méditer librement :
"Ce livre, je le rappelle, est né d'une rencontre avec des jeunes gens démobilisés et suicidaires au Québec. J'ai raconté l'importance pour moi de cet évènement pendant mes graves ennuis de santé de l'année 1997. En guise de gratitude, je leur propose l'exercice suivant: les yeux clos, revoyez intérieurement la multitude des évènements cosmiques, galactiques, stellaires, planétaires, cométaires, directement impliqués dans notre présence ici en ce moment. Cette rétrospective vous dira combien votre existence est précieuse. Elle vous permettra, du moins je l'espère, de reprendre contact avec ce levain cosmique, présent en chacun de nous comme dans chaque brin d'herbe."
22:40 Publié dans Un peu de tout | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
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