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01/05/2006

Tout, tout de suite !

Dans la rue, un marchant a sorti un étalage spécial où il vend des glaces de toutes sortes : chocolat, vanille, pistache, melon, mangue, café, orange, cookies, etc. Il y a tant de parfums qu’on ne sait où donner de la tête. Mieux encore, de multiples garnitures complémentaires sont suggérées pour accompagner ces glaces, augmentant le choix, déjà conséquent, qui s’offre aux clients.


Un petit garçon tenant sa maman par la main admire, l’air rêveur, le superbe étalage qui arbore ces mille délices.

 

- Maman, tu m’offres une glace ?
- Ah non mon chéri, on vient tout juste de sortir de table, et tu as pris deux fois du dessert.
- Maman, je veux une glace ! S’il te plaît !
- Ecoute, d’abord on se promène, et si tu es sage, je t’en achèterai peut-être une toute à l’heure.
- Non, je la veux tout de suite !
La mère, voyant qu’elle risque d’en être quitte pour une nouvelle bataille avec sa tendre progéniture, cède.
- Bon, tu veux quel parfum alors ?
- Je veux la plus grosse glace, avec 4 boules de parfums différents, et avec dessus de la chantilly et des copeaux de chocolat !

 

Cette scène, je ne l’ai pas vue pendant ce nouveau week-end pluvieux et occupé à mes travaux. Mais on l’imagine aisément, et sans doute y avons-nous tous plus ou moins assisté dans nos vies, d’autant qu’il en existe de nombreuses variantes. Le caprice que je décris répond à une tendance, une forme de volonté, qui est extrêmement répandue, et même oserais-je dire, que nous avons tous quelque part en nous, plus ou moins savamment cachée. Nous voulons tout, et tout de suite.

 

C’est d’abord un caractère éminemment enfantin. C’est lui qui est la source des caprices et des impatiences d’enfants. Mais on aurait tort d’imaginer que seuls les enfants en sont les porteurs. Nous autres adultes agissons bien souvent selon ses préceptes et cela prend une variété de formes qui nous étonnerait sans doute si l’on prenait le temps de s’y arrêter un peu.

 

Car voilà, nous ne savons pas attendre, et nous ne savons pas apprécier ce qui nous est donné lorsque ça l’est de façon seulement partielle. Non, il nous faut, à nous aussi, tout, et tout de suite. Cette tendance s’observe dans quasiment tous les domaines où nous agissons : au travail, où la culture du travail à long terme a quasiment disparu, sacrifiant ainsi la qualité à la rapidité ; à table, où l’on a vu proliférer les chaînes de fast food qui réalisent très exactement ce caprice d’enfant : un menu complet, avec sandwich, frite et boisson, prêt en 1 minute chrono et englouti en 2 ; même nos relations amoureuses en sont affectées.

 

On le voit au travers des nouveaux moyens utilisés pour entrer en relation : Internet et les sites comme Meetic qui permettent en une seule discussion, parfois courte, de « sortir ensemble », ou bien mieux, le speed dating (10 minutes d’entretien, emballé, c’est pesé, vous m’en mettrez pour deux semaines avec celui-là s’il vous plaît), de plus en plus d’artefacts de ce genre témoignent de notre impatience et de notre invariable caprice de gosse : on veut tout, tout de suite. Le grand amour ? Le bonheur ? On les veut là, entiers, sans défaut, et maintenant, pas demain. Parce que le bonheur, ça n’attend pas.

 

Dans le dossier que consacre Télérama cette semaine aux changements du paysage amoureux, j’ai relevé notamment ces mots dits par un notaire qui voit passer nombres de couples dans son étude :

« Je suis souvent obligé de rappeler à mes visiteurs qu’un acte notarié, c’est comme un enfant, on ne peut l’obtenir tout de suite. Dans les deux cas, il faut du temps et des précautions. Or les gens sont toujours surpris de réaliser que la loi ne s’adapte pas en temps réel à leurs actes ou à leurs décisions. L’amour c’est chaud, la loi c’est froid. Et la quête du bonheur, elle, n’attend pas. »

 

Les couples se font, se défont, parfois avec une rapidité confondante alors qu’on les entendait quelques jours plus tôt jurer au ciel que ça y est, ils avaient trouvé leur âme sœur, celle qu’ils ne pourront jamais quitter. Mais au premier nuage annonçant une imperfection dans le tableau idyllique qu’ils s’étaient fait, les amants se sont disputés, et aussitôt séparés, repartant chacun chercher l’être idéal qui répondrait sans délai à toutes leurs attentes.

 

En politique également, le tout, tout de suite, fait des ravages. On le voit avec les sondages qui jouent le rôle d'élections avant l'heure. Ils ont beau se multiplier, se contredire les uns les autres, finirent parfois par se contredire eux-mêmes, tout le monde continue de les lire et de les commenter, parce qu’ils comblent le vide laissé par l'année entière qui va précéder les prochaines élections importantes. Cela se fait au détriment d’un vrai débat de fond sur les propositions qu’il seraient intéressant d’analyser, les chiffres donnés à gauche et à droite parvenant même par moments à phagocyter totalement tout autre type d'information pourtant autrement plus importantes. Mais des chiffres prêts à consommer répondent mieux à nos caprices que de longs débats.

 

Dans le même ordre d'idée, on pourra également remarquer, du moins en France, cette tendance qui semble pathologique, à toujours rejeter à la première élection venue, le pouvoir que l’on vient de mettre en place, parce que celui-ci, n’a pas pu en un si petit laps de temps répondre à toutes les attentes exprimées, et qu’il ne le pourra d’ailleurs jamais.

 

Nos caprices d’enfant nous rattrapent partout, et aujourd’hui peut-être encore plus qu’hier, progrès technologique aidant, passant de nos connections haut débit à nos voitures toujours plus rapides, de nos formules complètes café compris à nos forfaits tout en un, téléphone, Internet, et télévision numérique. Ces caprices, ces impatiences d’enfants qui n’ont pas encore tout à fait grandi, nous empêchent de véritablement construire nos projets. Ils nous piègent en nous enfermant dans un cercle vicieux destructeur, où l’on ne pourra jamais être satisfait. Car pour construire nos vies, bâtir des fondations solides, il faut souvent accepter de prendre du temps, de se tromper, de recommencer, de se contenter d’un bien sans vouloir un mieux.

 

Vouloir tout, tout de suite, c’est vouloir vivre dans un rêve éternel, où tout est acquis d’avance, et où c’est notre environnement qui s’adapte à nous et non nous qui nous adaptons à lui. C’est pour cela que c’est destructeur : parce qu’ainsi nous mettons la barre de nos exigences de vie trop haut, à un niveau inaccessible, et de surcroît en s’en remettant en quelque sorte à un destin bienfaiteur pour atteindre ces objectifs, sans chercher véritablement à utiliser nos moyens, nos capacités personnelles pour y arriver.

 

Pourtant, je dois confesser que cette exigence d’enfant, je la comprends un peu, et d’une certaine façon même, elle m’attendrit. Surtout dans le domaine amoureux. Parce qu’elle montre dans sa faiblesse un caractère profondément humain, une déraison dont nous sommes seuls capables, et qui contrairement à tant d’autres n’est pas fondée sur la méchanceté. Elle fait un peu parti de ces travers que nous ne saurons sans doute jamais corriger, mais qui nous définissent plus ou moins. (Que cet avis personnel que j’exprime en conclusion ne vous empêche pas de réfléchir à votre comportement personnel et à le modifier si  besoin est).

 

Et maintenant que vous êtes arrivé à la fin de ce billet, j’exige que vous le commentiez TOUS et IMMEDIATEMENT !

Commentaires

Le bonheur n'attend pas. Les commentaires, si.

En plus, il faut que j'aille me raser là tout de suite maintenant, ça me gratte trop.

Écrit par : Paxatagore | 02/05/2006

Serait-ce la conséquence indirecte d’un certain mécontentement quand à une avancée des travaux un peu trop lente à votre goût ?

Écrit par : aymeric | 02/05/2006

Paxa
Bon, ça y est, vous êtes rasé ? Alors ?

Aymeric
Quoi, j'ai l'air nerveux là ? (si vous voyiez l'état de mon appart ...)

Bon sinon, ils sont vraiment faméliques ces commentaires. Y'a pas une instance juri-blogueuse où on peut se paindre d'être ignoré ?

Écrit par : pikipoki | 02/05/2006

Je n'ai rien à dire, sur le moment. Le cerveau, ce n'est pas comme d'autres organes, il a besoin de temps...

Écrit par : Eric | 02/05/2006

Juste une remarque, dans le même ordre d'idées, sans être toutefois en réponse directe à ce billet.
Mes enfants m'ont offert à Noël un petit livre intitulé "Eloge de la lenteur" (Pierre Sansot, Rivages poche). Non pour me demander de ralentir, car ils savent bien que je suis tout sauf "speed", mais au contraire pour se moquer gentiment de moi qui leur recommande toujours de réfléchir avant d'agir, de ne pas foncer tête baissée, de ne pas avoir la tête dans le guidon, de faire une bonne sieste avant de décider de quelque chose d'important...
Juste pour votre info, et parce que je suis sur la même longueur d'onde que l'auteur, voici les titres de quelques uns de ses chapitres :
- Flâner
- Ecouter
- L'ennui(voluptueux..)
- Rêver
- Attendre
- La Province intérieure (le passé, les souvenirs d'enfance,...)
- Ecrire
- La sagesse du vin
- Moderato Cantabile

et bien d'autres encore...
Mais il faut le lire pour bien comprendre.

Malgré tout, je ne pense pas que ce soit le livre d'un jeune de moins de trente ans. Je ne pense pas qu'un jeune homme pourrait écrire ce qui y est écrit, car cela nécessite l'expérience de l'action, et ensuite, l'âge venant, l'arrêt et le retour sur ce qu'on a vécu, la réflexion sur ses actions, bref la sagesse des anciens.
Pour répondre à une des phrases du texte, je crois que les jeunes ont une quantité d'énergie plus grande que les vieux ; ils la consacrent à agir. Les vieux, eux, ont une moins grande quantité, et ils l'utilisent à réfléchir. Bien sûr, tout ça est un peu caricatural, mais si, quand même, il y a du vrai là-dedans...

Écrit par : Jean-Jacques | 02/05/2006

Que c'est beau Internet ! Un petite recherche qui n'a rien à voir (webrank info), et voilà que je tombe sur un ami perdu de vue depuis... le mariage de Feriel... :) :)

A l'opposé du genre "tout tout de suite", je me demande si je pourrais revoir mon pote Marc tout simplement un jour avant la fin du monde ;)

En fait, tout dépend de ceci : as tu gardé mon mail ???

Ah ah ! la suite au prochain épisode !

Arnaud

Écrit par : Arnaud | 02/05/2006

Eric,
Bon ok je vous accorde un délai, vous avez 48h ;o)

Jean-Jacques
Ravi de vous accueillir ici.

Je suis globalement très d'accord avec ce que vous avancez dans votre commentaire. Personnellement j'aime bien me dire que la lenteur à des vertus, ne serait-ce que pour apprendre à allumer des contre-feux contre la logique de plus en plus speedée qui semble prévaloir.

Mais je suis tout à fait près à vous suivre concernant le fait qu'il y a des "conditions biologiques" qui influencent grandement nos propension à privilégier la lenteur et la réflexion ou plutôt l'action et le dynamisme.

Merci également pour les références du livre que vous indiquez.

Arnaud

Oui, j'ai ton mail, et oui il faudrait qu'on se revoit avant la fin du monde, je te contacte de suite ! Mais te rends-tu compte que tu brises à moitiée mon anonymat en rendant public mon prénom ? (vilain garnement ;o) )

Écrit par : pikipoki | 03/05/2006

Avec les jeunes ont peut avoir tout ou presque tout mais il faut du temps... Ycompris pour qu'ils prennent le plaisir d'attendre.

Ceci dit j'aime bien la conclusion.

Écrit par : Quoique | 03/05/2006

et pourtant soeur ainée avait conserver votre anonymat... cet Arnaud ne sait pas se tenir...
bref, il fut un temps, de passé assez proche où je discutait avec un scripteur du nom que vous déciderez, celui-ci sans trahir de secret avait une requète et devait pour cela choisir entre différents lieux de vie, je crois me souvenir avoir tenté de le convaincre d'attendre et justement de ne pas choisir tout tout de suite ....
autre chose, en particulier sur les couples, ne pensez vous pas ô grand PIKIPOKI que la forte et dense quantité de stress à laquelle sont soumis les personnes individuellement font qu'il est de plus en plus difficile de supporter un nuage en couple ? L'avênenement de l'individualité n'a jamais été aussi présent, dans le même temps, les frustrations individuelles sont de plus en plus constantes (la structure même des entreprises, souvent très lourde n'aide pas l'épanouissement individuel), en outre il est de plus en plus fait état de compétition, en entreprise mais aussi dans les couples, c'est à celui qui gagnera le plus, à celui qui aura le meilleur titre sur sa carte de visite... le couple doit être le lieu du refuge, le nuage destabilise le refuge.. il faut alors quitter le refuge.
Et puis, refléchissez vraiment, combien de fois par semaine prononcez vous "je n'ai pas le temps de... ou je suis assez presseé, ou dépêche toi !!!"
Pour ma part, j'ai une fille ici connue sous le pseudo de tite nièce, et j'avoue, mea culpa que je lui demande de se dépêcher au reveil, au petit déjeuner, sous sa douche, sur le trajet de l'école, puis pour faire ses devoirs, puis pour diner etc... toute la journée en somme.... dépêche toi ! mais dépêche toi ... il faut vraiment que tu apprennes à te dépêcher. et parce que j'étais pressée elle prenait son biberon toute seule dès 4 mois.....

Écrit par : langui | 03/05/2006

@Langui - "Et puis, refléchissez vraiment, combien de fois par semaine prononcez vous "je n'ai pas le temps de... ou je suis assez presseé, ou dépêche toi !!!"

jamais!

Écrit par : Quoique | 05/05/2006

@quoique
- alors vous êtes un être heureux !- doué(e) d'une grande intelligence de coeur et de vie.
je vous admire.

Écrit par : langui | 09/05/2006

"Les couples se font, se défont, parfois avec une rapidité confondante alors qu’on les entendait quelques jours plus tôt jurer au ciel que ça y est, ils avaient trouvé leur âme sœur, celle qu’ils ne pourront jamais quitter. Mais au premier nuage annonçant une imperfection dans le tableau idyllique qu’ils s’étaient fait, les amants se sont disputés, et aussitôt séparés, repartant chacun chercher l’être idéal qui répondrait sans délai à toutes leurs attentes."
Ceci est très juste : outre le "tout, tout de suite" il y a la recherche de l'être idéal qui remplit toutes les cases ; c'est un refus de s'adapter à la réalité car celui-ci n'existe pas et c'est une quête sans fin qui ne rend pas forcément heureux...
"le mieux est l'ennemi du bien " dit le proverbe...

Écrit par : polluxe | 23/05/2006

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