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09/05/2006

Une année encore utile ?

Utile : adj. des deux genres. Qui est profitable, avantageux, qui sert à quelque chose (définition du dictionnaire N°8 de l’académie française).

 

Il nous a été dit, de façon insistante et répétée, par des personnages qui, à priori, exercent ce qu’on appelle le pouvoir, ou tout du moins une partie de celui-ci (mais de mauvaises langues chuchotent que le pouvoir, en ayant assez de ne pas savoir qui le détient vraiment, envisagerait un exil en Terre de feu), que l’année 2006 ne serait pas sacrifiée et transformée en campagne présidentielle avant l’heure, mais qu’elle serait au contraire une « année utile ». Bref, que ce serait une année profitable, avantageuse, qui servirait à quelque chose.

 

Aujourd’hui, 4 mois de cette année 2006 ont déjà passé (trop vite d’ailleurs à mon goût), et un je-ne-sais-quoi de mal défini me titille les orteils, et me fait lever le sourcil soupçonneux du béotien taraudé par le doute. Est-on parvenu à laisser la campagne présidentielle de côté, là où elle devrait rester tant que les candidats ne sont pas déclarés ? Ces 4 mois passés ont-ils été profitables et avantageux ?

 

Sur la première question, il semble bien évident qu’on a déjà largement entamé les préliminaires. Quasiment tout y contribue. Les candidats, clairement déclarés ou seulement candidats à la candidature, qui rivalisent de mots assassins, de postures, et d’opérations de communications ; les médias, toujours plus pressés de nous sortir le dernier sondage « Sarko-Ségo au second tour, vous votez pour qui ? » (alors que le seul sondage vaguement intéressant est bien entendu celui de premier tour, incluant l’extrême droite et l’extrême gauche)  et d’interpréter les gestes des uns et des autres en termes présidentiels, que de fournir des analyses de fond sur les sujets en cours ; jusqu’à nous dont l’impatience va croissante au fur et à mesure que notre cher Président enterre ce qu’il nous reste de projets politiques et d’institutions pour les porter.

 

Concernant les médias, je trouve vraiment qu’ils jouent une partition très critiquable. Leur propension à tout interpréter en terme de campagne présidentielle et de jeu de pouvoir participe très largement à l’appauvrissement du débat, car elle occulte le fond des sujets pour ne plus s’intéresser qu’à la forme. Bien sûr qu’il y a des jeux de pouvoirs, des rivalités, des coups que les uns veulent porter aux autres. Mais ce n’est pas le rôle premier des médias que de s’intéresser à ces micro-évènements. L’information, ce n’est pas ça. Et en agissant ainsi ils contribuent largement à enfermer les diverses personnalités politiques dans ces comportements, qui ne peuvent que s’empresser de confirmer ou d’infirmer tel ou tel article, telle ou telle impression laissée à la télé, etc.

 

On établit toujours plus ou moins son comportement en fonction de ce que l’autre nous renvoit de nous-même. Il y a un côté mécanique à cela qui est inévitable. En se situant systématiquement sur le terrain de la campagne présidentielle, les médias forcent en partie les politiques à faire de même, alors que ceux-ci restent officiellement dans une position qui les oblige en même temps à ne rien laisser paraître. Et ainsi on assiste à des jeux de dupes atterrants entre journalistes et politiques, où les premiers posant systématiquement leurs questions en terme de jeu de pouvoir, les seconds se trouvent obligés de nous servir des réponses emberlificotées à base de langue de bois. Les médias ne se privent pourtant pas ensuite de critiquer le comportement des politiques. Mais qu’ils nettoient devant chez eux et réalisent à quel point il participe du processus qu’ils critiquent !

 

Ensuite, sur l’impatience qui est probablement celle de beaucoup d’entre nous. Je crois en fait qu’elle est la principale conséquence du 21 avril 2001 2002 (andouille que je suis!). Le quinquennat qui s’achève en est resté marqué parce que la politique qui a été menée durant ces 5 années, personne n’avait votée pour elle, ou en tout cas il est impossible de dire qui et dans quelle proportion. On s’est retrouvé dans une situation « bâtarde » si je peux oser le terme, mal définie. On avait barré la route à l’extrême droite, l’indispensable était fait, mais l’essentiel restait à réaliser, et on ne savait pas par quel bout le prendre. Les élections de 2007 ont donc ce rôle de définitivement clore la page de l’indétermination qui a prévalu pendant le quinquennat, et en quelque sorte de nous « laver » définitivement de ce qui est arrivé en 2001. Etant donnée l’incapacité de Chirac à fixer un vrai cap et à utiliser les énergies qui étaient réelles au soir de sa réélection, il n’est pas illégitime que l’impatience à tourner la page soit grande.

 

Sur le fait que ces 4 mois aient été profitables et avantageux, la réponse est courte je crois : non. La crise du CPE a réuni à peu près tous les défauts imaginables : mesurette sans vrai projet, incapacité à communiquer convenablement, pantalonnade abracadabrantesque en guise de sortie. Franchement, autant de talents révélés en une seule opération, ça relève du grand art. Et l’affaire Clearstream ne fait qu’enfoncer un peu plus un gouvernement à l’agonie, qui enchaîne les ratés comme on enfile des perles, et qui un peu plus chaque jour, éloigne les citoyens de la politique, alors que la toute première mission qui incombait à Chirac après sa réélection était au contraire de les en réconcilier.

 

Sur ce dernier point d’ailleurs, je ne partage pas du tout la conclusion faite par Paxatagore dans son billet sur l’emballement médiatique autour d’une éventuelle démissions de Villepin. Paxa écrit : « Le véritable problème ne me semble pas être que Dominique de Villepin ait cherché à déstabiliser Nicolas Sarkozy. C'est le propre du combat politique. Ceux qui font mine de le découvrir sont d'angéliques nouveaux nés. » Le cynisme semble faire ici office d’intelligence pour rabattre les propos scandalisés émis par certains devant cette barbouzerie. Certes il est souvent de bon ton de montrer qu’on n’est pas un naïf devant les évènements du monde, mais dans le cas de l’espèce, je ne vois pas bien sous quel prétexte il faudrait trouver qu’une tentative de manipulation est une chose normale et excusable. Qu’un type de comportement ait court de façon récurrente ne signifie évidemment pas qu’il est acceptable. La corruption aussi à court dans beaucoup de pays. Estime-t-on pour autant qu’il faut laisser faire parce que c’est comme ça depuis que le monde est monde et qu’on serait trop naïf de faire mine de s’en apercevoir maintenant ? Non.

 

Evidemment, il faut laisser la justice faire son travail et déterminer qui est responsable de quoi dans ce mic-mac. Mais tout de même, ça commence à faire pas mal de gros couacs, en l’espace d’assez peu de temps. Et il n’est pas tout à fait déraisonnable de se demander comment Villepin peut maintenant faire pour mener une action politique efficace, profitable, avantageuse, qui serve à quelque chose… utile quoi.

 

P.S: (Si vous êtes sympas, je posterai cette semaine un autre billet, que j’espère plus intéressant que ce café du commerce, sur le sujet des rites et des rituels. On y découvrira notamment un peu le travail de Mircéa Eliade.)

Commentaires

Comment vous allez savoir si on es sympa ou pas ?

Écrit par : Paxatagore | 09/05/2006

Si vous laissez des commentaires chouettes et que vous empêchez mon blog de mourrir pardi !

Écrit par : pikipoki | 09/05/2006

je suis sympa
tu es sympa
il ou elle est sympa
nous sommes sympas
vous êtes sympas
ils ou elles sont sympas

Écrit par : langui | 09/05/2006

Je rejoint votre propos (très bien écrit et formulé) sur l'action des médias, qui créent la situation de campagne, et s'en plaignent après. Les journalistes politiques sont franchement pitoyables, et en plus, ils squattent les places, empêchant un renouvellement pourtant bien nécessaire.

Par contre, je rejoint davantage Paxatagore sur les illusions qu'il ne faut pas se faire sur le milieu politique. Le système parfait n'existe pas et celui que nous avons actuellement est le moins mauvais. L'un des effets secondaires indésirables est cette compétition entre égos surdimensionnés, où tous les coups sont permis. Il faut sélectionner les meilleurs, la jungle est un mode comme un autre, qui jusque là a fait ses preuves.

Enfin, sur l'utilité de l'année, attendons la fin pour faire le bilan. Ensuite, tout dépend des attentes, de ce que l'on estime possible, et du point de vue que l'on adopte. On peut considérer cette année utile si elle a permis de mettre définitivement Chirac et sa clique hors course. Elle peut aussi être utile si elle a permis des débats sérieux, des échanges fructueux. Surtout, ne pas se focaliser sur la vision que veulent nous imposer les médias.

Écrit par : Authueil | 09/05/2006

Une rumeur a cours mais par contre le furet court. Une chasse à courre. Le court de tennis. La cour de récréation.

J'ajoute aussi mon indignation sur ces journalistes politiques et notamment sur les gus de la nouvelle émission politique de France Inter. Ils semblent croire que l'auditeur ne peut pas écouter un homme politique exposer sa théorie plus de 90s sans s'ennuyer et s'amusent donc à lui couper la parole pour ne pas le laisser finir. Si l'invité annonce qu'il ne sait pas s'il se présentera ou pas, ils lui posent alors la question plus ou moins finement toutes les 3 minutes. Probablement pour avoir le scoop a annoncer avant l'AFP. C'est pitoyable.

Écrit par : ogotaii | 09/05/2006

@Authueil
Concernant ce que dit Paxa, je comprends qu'on puisse s'agacer des cris de vierges effarouchées s'étonnant que la politique ne soit pas le pays de Candy. Mais je maintiens qu'en aucun cas il ne faut accepter les barbouzeries en disant que tout cela est normal sous prétexte de ne pas passer pour un naïf. Ce n'est pas parce que l'on n'est pas étonné de certaines pratiques qu'on ne doit pas les dénoncer. Et ce n'est pas nous rendre service que d'adopter un comportement qui banalise ces pratiques.

Quel pas y aurait-il ensuite entre ces barbouzeries et des manoeuvres de république bananière ?

Écrit par : pikipoki | 10/05/2006

"Quel pas y aurait-il ensuite entre ces barbouzeries et des manoeuvres de république bananière ?"
Ce quinquennat a débuté avec un score de république bananière...
«Principale conséquence du 21 avril 2001 [2001 ???]. Le quinquennat qui s’achève en est resté marqué »
(C’est bon j’ai été sympa, on l’aura cette note sur Mircea Eliade ?)

Écrit par : aymeric | 10/05/2006

2001 ... la honte m'étreigne !! je corrige immédiatement !!

Écrit par : pikipoki | 10/05/2006

"la honte m'étreigne. "
Allons allons...
Votre doigt a ripé d'à peine un centimètre ; pas vraiment de quoi se fouetter non plus.

Écrit par : aymeric (sympa ?) | 10/05/2006

Bon d'accord, vous êtes sympa, je ne me fouette pas alors. Bon et pour le billet sur Mircéa Eliade, je vais faire mon possible, même si ça va être un peu chaud.

Écrit par : pikipoki | 10/05/2006

Les commentaires sont fermés.