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14/09/2006

Automatismes acquis, mes chéris

Le dernier commentaire de DG me donne l’occasion de revenir sur la question des comportements inconscients de façon plus détaillée que précédemment. Je n’entends pas répondre au début de son commentaire, qui me semble plus devoir être adressé à Koz qu’à moi, mais sur son étonnement devant le chiffre de 90% que j’ai indiqué comme étant la part de nos comportements inconscients.

 

En préambule, je voudrais faire deux remarques sur ce point. La première, c’est que ce chiffre ne constitue pas le résultat d’une quelconque mesure scientifique précise suite à une étude spécifique sur le sujet. Il est celui qui fut indiqué lors de l’émission Rayon X qui portait sur la question du cerveau, et que j’ai indiqué dans mon billet, et je note que ce chiffre ne fut remis en cause par aucun des scientifiques présents sur le plateau de l’émission, tous venant d’horizons relativement variés bien que leurs disciplines soient toutes en relation avec le cerveau.

 

Laborit de son côté, avance le chiffre de 99%. Je ne saurai dire lequel est le plus proche de la vérité, mais l’idée générale qu’ils cherchent à faire passer c’est que quoi qu’il en soit, c’est bien la très grande majorité de nos comportements qui sont aujourd’hui inconscients. Ce point est d’ailleurs un dada de Laborit, ce qui peut expliquer qu’il exagère légèrement sur le chiffre, puisque l’un de ses objectifs principaux est de parvenir à faire sortir l’homme de l’ignorance qu’il a de son déterminisme biologique et de l’impact de l’animal qui est resté en lui, même si ça n’est pas bon pour son orgueil.

 

Ma deuxième remarque préalable, c’est que ce chiffre de 90% ne doit pas, être pris comme une mesure absolue qui se vérifie chez chaque individu. C’est bien évidemment une sorte de moyenne, qui cherche plus à rendre compte d’une réalité générale qu’autre chose. Il est possible qu’on trouve des individus qui présentent un répartition plus équilibrée entre comportements conscients et inconscients, mais on peut d’ores et déjà parier qu’ils seront très minoritaires. Et que leur étude ne pourrait donc pas remettre en cause la théorie générale avancée.

 

L’introduction est terminée, venons-en au corps de ce billet. Pour bien se rendre compte de l’importance de nos comportements inconscients, voyons d’abord d’où ils viennent. En gros on en trouve deux types : nos comportements innés, issus de notre mémoire génétique, ceux qui répondent à nos besoins fondamentaux. Laborit les nomme « réflexes innés ». Et ceux que nous construisons nous-mêmes petit à petit en fonction de nos expériences, de nos sensations lors de tel ou tel événement, et que nous gravons dans notre mémoire affective. Laborit les appelle « réflexes acquis ».

 

Alors d’abord, quid des réflexes innés ? Sur ce point, il faut bien dire qu’il souffre tout de même peu de contradiction. On serait en effet bien présomptueux de se prétendre apte à commander et/ou modifier l’information contenue dans nos gènes. Cette mémoire de l’espèce qu’ils contiennent, et qui commande directement nos comportements lorsque nous avons faim, soif, sommeil, etc. n’est nullement une mémoire sur laquelle nous pouvons agir afin de la détourner de son objectif premier. On remarquera d’ailleurs que c’est tant mieux, puisque cet objectif est d’abord de nous maintenir en vie.

 

Ah, mais j’entends des protestations dans l’assistance. On me dit que pourtant, nous sommes bien capables de nous abstenir de manger pendant plusieurs jours alors que notre organisme nous réclame sa pitance , ou de nous retenir d’aller aux toilettes alors que l’envie s’en fait pressante. J’ose balayer cette objection d’un revers de main en faisant, là aussi, deux remarques. La première c’est que ce type de comportement visant à contenir nos pulsions innées est rare. Oui, oui, je sais, tout le monde l’a fait une fois dans sa vie, voire plusieurs, mais sur l’ensemble des occasions dans lesquelles nous devons répondre à ces pulsions, nous le faisons très majoritairement en satisfaisant notre envie plutôt qu’en la frustrant. Et quelqu’un qui agirait ainsi contre ses envies de façon récurrente, serait soit un type bien barré, soit un chercheur. On n’en croise pas à tous les coins de rue.

 

La deuxième, et la plus importante, c’est que ces refus de répondre aux appels de notre corps ne peuvent évidemment qu’être limités dans le temps. Il n’est pas besoin de développer sur ce point puisqu’il est évident. Et cette limitation dans le temps rend en quelque sorte caduque le raisonnement qui viserait à démontrer qu’on peut dominer sa mémoire biologique, puisque quoi qu’il en soit c’est toujours elle in fine qui prend le dessus.

 

Mais là une deuxième objection est soulevée. On me dit que mon explication est hors-sujet, car peu importe que nous soyons effectivement prisonniers de ces besoins fondamentaux, cela ne nous rend pas moins conscients de leur existence, et lorsque nous mangeons un steak, nous sommes bien conscients que nous le mangeons. Cette objection est plus subtile que la première, je remercie la personne qui l’a soulevée, car elle va nous permettre d’approfondir notre analyse, mais je ne la félicite pas, car si elle avait bien lu mon blog, elle ne l’aurait pas faite.

 

Il y a en effet méprise ici sur la notion d’inné. Car en aucun cas le fait de lever sa fourchette pour porter le morceau de steak à sa bouche ne relève de l’action de notre mémoire génétique. Nous ne sommes pas là dans le cas d’un réflexe inné, mais d’un réflexe acquis, qui provient de l’apprentissage que nous avons fait des techniques permettant de manger. En revanche, ce qui est bien inné, c’est la salive qui nous est venue à la bouche lorsque nous avons eu en tête l’image du steak saignant qui nous attendait dans notre assiette. Ce réflexe atavique est lui issu de fonctionnement biologique dont nous n’avons absolument pas conscience. Nous ne sentons pas en nous nos hormones et nos influx nerveux agir. Tout ce que nous pouvons sentir, ce ne sont que les effets terminaux de leur activité : nous marchons, nous mangeons, etc. Mais le processus qui les engendre nous reste parfaitement impalpable.

 

Venons-en maintenant au plus intéressant : nos réflexes acquis, qu’on peut aussi appeler automatismes acquis. Ces automatismes, ont l’a déjà montré précédemment (cf. lien précédent), sont issus de nos apprentissages, de nos expériences et de la façon dont nous avons intégré celles-ci dans nos parcours personnels. Ils viennent de notre mémoire émotionnelle, par laquelle nous gravons en nous los impressions liées aux événements auxquels nous sommes confrontés. Notons ici que ces événements peuvent être parfaitement bénins, ou perçus comme tel, pas besoin qu’ils sortent de l’ordinaire pour que nous les utilisions ensuite pour sculpter notre mémoire.

 

Ces automatismes acquis vont intervenir dans à peu près tout ce que nous faisons chaque jour. Pour s’en convaincre, il suffit de dérouler le fil d’une journée. Le matin, quand nous sommes encore un peu endormis, ils sont quasiment omniprésents. Ce sont eux qui nous font enfiler nos chaussettes toujours dans le même ordre, mettre la table de la même façon, aller au même rythme, arriver au boulot à la même heure, etc. Dans la journée d’ailleurs, certains de ces automatismes évidents surgissent encore : la pause café, l’heure du déjeuner, les personnes auxquelles on parle en priorité, les exemples sont encore multiples.

 

On les retrouve encore dans un tas de petits détails qui constituent nos tics de comportements ou de langage. On ne les perçoit pas toujours bien, et certains sont parfois un peu étranges, mais ils sont nombreux. Moi par exemple, j’en suis bourré : quand je parle à quelqu’un debout, je croise très souvent les mains derrière mon dos, j’appuie avec un doigt sur l’autre, j’enchevêtre mes ongles alternativement les uns aux dessus des autres, je penche la tête vers la gauche, je lève le sourcil gauche, je me gratte le lobe de l’oreille, bref vous voyez, j’en ai à la pelle (et arrêtez de rire, c’est vexant enfin).

 

Demandez-vous d’ailleurs pourquoi quand vous marchez vous avez telle démarche plutôt que telle autre. Et si vous vouliez en changer, pensez-vous que cela vous serait facile ? Elle est faite de tant de détails qu’il serait à mon avis bien compliqué de parvenir à la transformer complètement. Et pourtant, chacun des détails que vous ne sauriez modifier témoignerait de la profondeur de l’inconscience que vous en avez.

 

Pour terminer sur ces exemples, nous pouvons reprendre la dernière remarque faite par DG dans son commentaire, concernant la réflexion qu’elle a eut pendant le laps de temps de la lecture de mon billet et de la rédaction de son commentaire. DG semble supposer que le seul fait de réfléchir et de penser extrait de ce que l’on désigne par comportements inconscients. Pourtant, même la réflexion, bien qu’elle puisse paraître comme une activité éminemment consciente, recèle elle aussi une grande partie d’éléments inconscients. Il suffit de remarquer que lorsque nous réfléchissons, nous n’arrêtons pas l’activité de nos sens. Nos yeux, nos oreilles, notre nez, tous nos sens restent bien actifs et continuent de recueillir les informations venant de l’extérieur et de les intégrer. C’est ainsi qu’alors que nous philosopherons sur le sens de notre vie, la vue du tableau pendu au mur du salon nous fera songer que peut-être l’art peut constituer un objectif en soi. Pourtant, absorbés que nous serons dans nos pensées, nous ne nous apercevrons pas nécessairement que c’est la vision, quasi subliminale, du tableau en question, qui a amené le mot art dans notre pensée. Et on comprend ainsi qu’il y a bien une part inconsciente qui vient habiter nos réflexions.

 

En fait, pour sortir véritablement de ces automatismes acquis, il faut être capable d’opérer de façon réellement originale par rapport à ce que nous avons appris, et d’imaginer une solution nouvelle pour apporter une réponse à la situation vécue. Pour cela, on utilise les cellules nerveuses contenues dans la masse orbito-frontale de notre cerveau, cellules qui sont purement associatives. Ces cellules nous permettent, à partir des informations enregistrées et liées à différentes choses, de lier ces informations, et d’obtenir par ce travail associatif un résultat original, d’imaginer quelque chose de nouveau. C’est grâce à cette capacité que l’homme a commencé à fabriquer des outils, qu’il est devenu scientifique, en procédant par hypothèse et en faisant des tests.

 

Mais cette faculté, n’est pas si fréquemment mise à contribution. Si l’on la mesure par rapport à ce dont est fait une journée, on s’aperçoit bien que la part où nous l’utilisons est très minoritaire par rapport au reste. Ainsi le chiffre de 90% de comportements inconscients paraît avancé précédemment paraît tout à fait plausible.

 

Je voudrais terminer en indiquant que l’on aurait tort d’être trop méprisant envers ces automatismes acquis. Certes ils ne sont peut-être pas ce qui relève de l’activité cérébrale la plus noble et que nous voudrions chaque jour mettre en avant, mais ils présentent toutefois de grands avantages, que nous allons réhabiliter.

 

Tout d’abord, Laborit souligne qu’une société ne saurait se bâtir sans faire appel à ces automatismes. Lorsqu’elle établit des lois par exemple, elle entend bien que chacun s’y plie, et, lorsqu’une personne est en situation de commettre un larcin, si ses valeurs et ses expériences passées pouvaient provoquer en elle le sentiment d’un malaise corporel devant l’éventualité d’enfreindre la loi, cela permettrait probablement qu’elle ne commette pas ce larcin. D’une manière plus générale, si tous les individus avaient des comportements déliés de tout réflexe acquis, et agissait donc de façon aléatoire, la société qu’ils voudraient former ne le pourrait sur aucune base.

 

Par ailleurs, ces automatismes acquis présentent aussi un grand intérêt dans le fonctionnement de notre cerveau car ils libèrent en quelque sorte de la place pour le reste. Dans de nombreuses interviews ainsi que dans La Colombe assassinée, Laborit développe l’exemple du pianiste qui apprend une partition. Lors d’aborder un passage difficile de celle-ci, le pianiste mobilise toute son énergie et toute sa concentration afin d’en acquérir les subtilités. Ce travail est d’abord pénible, puis, petit à petit, avec l’entraînement et la répétition de cette difficulté, il parvient à la maîtriser avec une facilité grandissante. Que se passe-t-il au niveau de son cerveau ? Et bien il mémorise en fait les détails du passage, et inscrit leur réalisation dans sa mémoire afin de créer des automatismes nerveux. Ainsi, lorsque la difficulté sera parfaitement résolue, et sa réalisation bien automatisée, le pianiste va disposer de l’énergie et de l’attention qu’il a mobilisées pour progresser plus loin dans le morceau et résoudre de nouveaux problèmes. Comme le dit Laborit, ce sont ces automatismes qu’on appelle « le métier ».

 

Certes, il ne permettront jamais que d’être un bon exécutant, et non un créateur. Mais il y a fort à parier qu’il n’existe pas de créateur qui n’ait par ailleurs une compétence forte d’exécutant. C’est le cas chez les musiciens, tous les plus grands compositeurs ayant presque toujours été des interprètes virtuoses d’un ou plusieurs instruments. On pourrait donner bien d'autres exemples pour illustrer ceci, mais je ne m'y étends pas car j'ai à nouveau été un peu long.

 

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Commentaires

Bonsoir,
Cela fait un bout de temps que je ne suis pas venu lire tes billets, toujours intéressants et pertinents. Aussi, tu me pardonneras j'espère si ce que je vais dire plus loin a déjà été abordé auparavant ici même.
Je comprends parfaitement tout ce que tu dis ici en t'appuyant sur Laborit et quelques autres. Mais si je prends du recul et essaie de voir cela de Sirius, il y a un point fondamental qui rend - presque - la discussion vaine. Il s'agit en fait de savoir ce que tu mets sous le terme "inconscient", ou, ce qui revient au même, où commence la conscience et où s'arrête l'inconscience. Outre le fait que je réfléchis depuis longtemps à ce problème : "Qu'est ce que la conscience ?" et que je n'ai trouvé chez aucun philosophe de définition satisfaisante - il y a toujours des approches qui vous font tangenter la compréhension de cela, mais aucune qui n'y arrive complètement - j'ai trouvé éclairante ton argumentation visant à démontrer que même quand on réfléchit consciemment une bonne partie de cette réflexion est inconsciente. Si on pousse cela jusqu'au bout, il n'y a jamais d'activité consciente : en effet, par exemple si je cherche à résoudre un problème de maths, le fait de trouver des relations entre telle prémisse et telle conclusion est la plupart du temps inconscient. Il y a dans cette activité une démarche qui est en général la suivante : on a un problème, on le comprend et on arrive plus ou moins vite à une solution sans toujours réfléchir explicitement. Ce n'est qu'après qu'on rebâtit le cheminement allant de l'énoncé à la solution en explicitant hypothèses, raisonnements et théorèmes. C'est en fait ce qu'en général on appelle l'intuition. On est alors en droit de dire que tout est processus inconscient, à part le seul fait de savoir qu'on le sait. Ici, la seule chose dont je suis conscient, c'est d'être ici, en ce moment, à résoudre un problème de maths. La solution de ce problème est, dans un très large mesure, un processus inconscient utilisant la mémoire de l'acquis (j'ai appris et assimilé des théorèmes) et de l'inné (j'ai des neurones qui fonctionnent bien ou moins bien grâce à mes gènes).
On peut multiplier les exemples pour illustrer cela. Prends par exemple un joueur de foot : quand il a en face d'excellents adversaires, il n'a pas le temps de réfléchir à ce qu'il fait : nous avons ici un parfait exemple de 90 mn de purs actes réflexes en action, et pourtant, peut-on dire que rien n'est conscient dans cette affaire ? Non, certainement pas, mais on serait bien embêté pour dire ce qui l'est et ce qui ne l'est pas.
Savoir que l'on sait, c'est à cela seul qu'on a le droit de rattacher la notion de "conscience" : cet aspect "réflexif" que la plupart des philosophes relient à la définition de la conscience, même si alors il faut réfléchir à cette notion de "réflexivité", ...ce qui n'est pas forcément plus simple !

Écrit par : Jean-Jacques | 15/09/2006

Je vous remercie d'avoir pris le prétexte d'une de mes questions pour apporter des compléments d'explications .
Excusez moi d'avance de faire long, mais ce sujet m'interpelle vraiment.

Je vous note ce qui m'apparaît à la lecture du sujet pouvoir être discuté et donc me pose toujours questions , entre ce texte ci et le précédent.

Dans le précédent, j'ai remarqué dans l'avancée des idées
le point de départ suivant:

-L'acquis , "les comportements appris",
n'ont rien de naturel . Vous dites que rien n'est naturel en dehors de ceux qui participent à satisfaire les instincts et besoins fondamentaux
-l'analyse des comportements appris et la mémoire de ceux ci .L'empreinte de l'agréable et du désagréable, menant à la répétition ou non des actes, à la dominance de l'objet gratifiant cela n'ayant rien de naturel puisque c'est autre chose qu'un instinct selon Laborit.

(L'objet qui n'est pas à disposition de la satisfaction du plaisir entraine une représentation de l'objet absent pour permettre de continuer à vivre . Elle se fait dans la première année de vie: Dolto et la "mamaïsation": ex : le doudou, souvenir de la présence de la mère pour pallier la frustration née de l'absence de son objet d'amour)

- Le discours de dominance(déterminé par l'affect apparement) et son rattachement à un groupe social par le biais du langage utilisé . Le langage est l'outil utilisé dans un but de compréhension et d'échange ou bien hermétisé et ainsi réservé à des spécialistes pour son décryptage et la position que cela leur confère. (je pourrais penser que ce langage hermétique ne fait plus forcément sens commun et ajouter qu'il aura du mal à s'étendre, étendre son territoire de domination en raison de son excusivité)

- vous nous menez à l' inconscience du message de dominance dans la mémoire , le langage portant inconsciement les affects , pulsions , automatismes acquis , cultures antérieures.
Le langage ne peut il être représentatif et siège de la sublimation des pulsions et des affects ? Tout comme la créativité l'est pour apporter réponse à des problèmes d'insatisfactions ?

-pour finir par ce 90% d'automatismes comportementaux inconscients qui me dérangeait dans son affirmation car n'y apparaissait pas le reste, comme la raison , la culture , le conscient et leurs proportions . Ce qui m'invitait à une lecture réduisant l'homme à des comportements automatiques sans que je sache où se situent comparativement et quantitativement dans le discours, les autres éléments qui nous construisent.

- Vous opérez ensuite une distinction entre réflexes innés et réflexes acquis, ces derniers appartenant à la mémoire affective.
La satisfaction des pulsions est du domaine de l'inconscient si l'on suit toujours le raisonnement .
Je fais une distinction entre pulsions et besoins fondamentaux.
Les pulsions entrainent une excitation dans l'état psychique, il leur faut un objet pour revenir à l'état initial de tranquillité.
Le besoin se situe dans le corps. Nul besoin d'objet. Et ce si je me réfère à ce que vous décrivez des tics .

Je suis donc d'accord pour penser comme vous que les besoins font partie de l'inné biologique , qu'ils peuvent appartenir à des automatismes comportementaux, n'ayant pas besoin d'être réfléchis. (la tique de Heidegger par ex, dont le comportement est réduit à une stimulation de son environnement , d'être déclanché par une source de chaleur qui fait qu'elle tombe dessus pour "piquer" et déposer ses oeufs)
Je suis aussi d'accord sur l'empreinte affective inconsciente et une certaine forme de répététion dans la recherche de la satisfaction de certaines pulsions .

Certaines pulsions sont reconnues par Freud comme instinctuelles, auto conservation et survie de l'espèce(sexuelles) . Elles évoluent, grâce à la constitution du "moi"(narcissisme et raison ) qui s'oppose au "ça",(pulsions) et au surmoi (interdits et social).
Le moi est ce qui est du domaine conscient , né de la confrontation des pulsions("ça" inconscient) à la réalité extérieure et le surmoi (interdits). Il fait appel a des mécanismes de défense insconscients pour détourner ce qui n'est pas acceptable dans la réalisation pulsionelle. Le moi est aussi le siège de la représentation consciente de l'idéal du soi.

Le stade annal par exemple est l'apprentissage de la maîtrise d'un mécanisme corporel inné : la maîtrise des sphincters et du moment ou l'enfant décide de faire "caca".
Ce qui me fait penser que cela participe d'une conscience de la maîtrise de son corps en lien avec le social et les attentes extérieures pour vivre avec les autres (éducation). Et cela signifie aussi que l'enfant est conscient de son pouvoir sur son corps.

De tout cela et de tout ce que vous expliquez, j'en viens à me poser les questions suivantes. Si Laborit pense les apprentissages comme réflexes acquis , voire automatiques, issus de mécanismes qui s'observent par les stimulations neuronales donc biologiques, sur quel plan met il la raison , la pensée, le langage, un fois décrypté les mécanismes inconscients affectifs qui ne sont que la maîtrise des objets de satisfaction ?
Ou se situe le sens, la symbolique, la représentation dans la réflexion de Laborit ?
Et finalement quel discours construit il de ramener l'explication des comportements humains à des automatismes dont l'empreinte est circonscrite par la stimulation biologique du cerveau ? Ce discours vise quelle fin selon vous ? Qu'est ce qui prégnait chez Laborit pour qu'il veuille explorer cette voie de réflexion ? Vous dites qu'il veut éclairer l'homme sur son prédéterminisme biologique au risque de blesser son orgueil(est ce son dire personnel ?) . Quelle stimulation ou empreinte dans le cerveau de Laborit est en jeu et explique ce discours ?
Je pense que ce postulat peut être discuté. Car il est discours.


Nul mépris de ma part des automatismes inconscients.
Je note simplement au regard de l'actualité , ce qui est ressorti d'un rapport de l'INserm sur le dépistage précoce de la délinquance et le fameux projet de loi sur ce dépistage précoce. A partir de quel moment le prédétermisme biologique ou discours scientifique sur les comportements permet-il la mise en place d'un discours et de mesures politiques subséquentes qui heurtent littéralement ma conscience et ma raison, quant à ce que je suis en mesure de penser de l'homme ? J'y vois le danger de penser l'homme victime de ses pulsions davantage que conscient et donc responsable et sujet , dans la sublimation de celles ci.

Écrit par : dg | 17/09/2006

Trouvé sur Laborit des sites intéressants:

Sur ses recherches en matières de biologie médicale appliquée à la pharmacologie, dans l'armée et dans son labo d'eutonologie .
http://www.geocities.com/Athens/Crete/9445/gamma.html
http://www.histanestrea-france.org/docs/textes/agressologie.html

Écrit par : dg | 17/09/2006

J'ai trouvé aussi cette citation "Une action humaine n'est jamais gratuite et quand on croit connaître les mécanismes fondamentaux des comportements humains, on peut toujours déceler un égoïsme biologique et trivial dans toute action en apparence désintéressée."

Ce qui me surprend par exemple dans cette citation(je n'ai pas trouvé son contexte hélas) de Laborit , c'est les qualificatifs " d'égoïsme" et "d'intérêt" pour les comportements humains et leurs actions. La non gratuité des actions je suis d'accord. Eles ont toujours un sens , un but.
Quelles actions par ailleurs ? Sont elles simplement du ressort biologique dans ce propos? De quel champ sont elles ? Biologique et égoïsme par exemple ne portent pas les mêmes concepts de sens.

Si elles se réduisent à l'explication biologique , à l'égal des comportements animaux, qu'est ce qui permet de les taxer ainsi ? Ne serait ce pas alors des comportements davantage naturels qu'égoïstes et intéressés ?
Je peux aussi comprendre égoïsme comme attitude permettant de parvenir à une satisfaction necessaire pour vivre. Partant de là , il parait fondamental que l'homme trouve des satisfactions à vivre.
Mais l'égoïsme et l'intérêt, s'ils contiennent une valeur , se réalisent au dépend de quelqu'un ou de quelque chose qui influe sur quelqu'un.
D'où vient le sens de la valeur dés lors que l'on se met à étudier les actions humaines conduites par les mécanismes biologiques ? Morale ou éthique ? La morale appartient à quel champ de fonctionnement biologique ?
La morale, comme l'éthique personnelle, induisent une conduite normative . Elles auraient donc un sens à atténuer les attitudes pulsionnelles non ? Et pourtant la morale peut apparaître comme un discours hiérarchisant les conduites et créer des résistances.

Laborit dans ses recherches, apparement, s'est confronté à interroger les hiérarchies de domination.Je me l'explique aussi par le fait qu'il n'ait pas reçu une reconnaissance institutionnelle de son domaine de recherche et pas seulement dans le lien qu'il fit avec l'interdépendance ou les servomécanismes des cellules.
Confronté à la hiérarchie des intérêts de son époque et notamment le frein de l'industrie pharmaceutique à faire de la recherche fondamentale ou des scientifiques institutionnels à reconnaître ses travaux , je pense qu'il était donc bien placé pour mettre en place un raisonnement à ce sujet en le transposant au fonctionnement social humain. Il n'y a pas d'action gratuite selon lui , et peut être était ce son biais pour trouver sa propre satisfaction, dans la réalisation de son oeuvre ?



"Votre" Laborit ne fait que me poser question. Evidemment, ce sont des questions partielles. Conduire un raisonnement sans connaître l'entier et à fond le travail d'une personne, ne me permet que de poser des questions certainement maladroites et des idées trés subjectives .

Écrit par : dg | 17/09/2006

Sur la salivation devant un steak comme réflexe inné: a contrario, le dégoût du végétarien est un réflexe acquis! ;-)

Écrit par : François Brutsch | 03/10/2006

Je découvre ce billet, très complet et très interessant, via le lien que vous m'avez indiqué en commentaire de mon blog. Je ne comprends pas bien, alors, pourquoi vous avez argumenté chez moi que nous n'avions pas de libre-arbitre, que toutes nos actions étaient pilotées soient par la génétique (instincts innés) soit par les automatismes acquis, puisqu'ici vous dites qu'il reste quelquechose comme 10% de nos actions qui ne sont pas réductibles à ces parts inconscientes !

pour votre exemple de la nourriture : les greves de la faim, par exemple, sont un processus conscient, une décision qui va à l'encontre à la fois de l'intérêt de nos gènes, mais aussi à l'encontre de tous nos automatismes "je mange quand j'ai faim".

Écrit par : Matthieu | 28/11/2006

Yup Matthieu, vous avez tout à fait raison d'être étonné. J'ai fait un peu exprès pour tout vous dire, de n'insister que sur la part déterminée de nos comportements en commentaire chez vous. Parce que cette part me semble beaucoup trop largement sous-estimée.

Deux remarques sur l'usage du néo-cortex. D'abord, je crois que malheureusement, nous ne l'utilisons encore que très peu. Ce n'est qu'une impression personnelle bien sûr, mais enfin, quand je nous observe j'ai vraiment l'impression que nos deux autres "cerveaux"
Ensuite, le fait qu'on utilise le néo-cortex, ne signifie pas que son utilisation soit nécessairement consciente ni "libre". Relisez bien mon passage sur ce qui va influencer telle ou telle pensée. C'est bien le néo-cortex que l'on utilise ici, puisque l'on fait des associations entre des sensations différentes. Pourtant peut-on prétendre que cet usage est réellement démonstratif de notre libre arbitre ?

Écrit par : pikipoki | 29/11/2006

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