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12/12/2006

Verni démocratique

medium_mini_verni.jpgLors de ses différentes interventions sur les plateaux de télévision, Nicolas Hulot a à plusieurs reprises évoqué une idée qui me semble très juste, mais que je n’ai encore entendu personne relever. Ni à la télé lors de ses interventions, ni dans la presse, ni sur les blogs. Il dit que si jamais nous n’entamons pas dés maintenant le processus de correction de notre mode de consommation des ressources naturelles, et donc l’objectif et le mode de fonctionnement que nous donnons à nos sociétés, alors notre « verni démocratique » ne résistera pas aux dérèglements qui s’annoncent.

 

Lors de l’émission qu’il avait faite chez Christine Ockrent et dont j’ai déjà parlé (lien billet), il avait rapidement précisé le contenu de cette expression. Selon lui en effet, le développement démocratique que connaissent les pays les plus avancés reste embryonnaire. Et je le suis très volontiers sur ce terrain. Je crois en effet que nous ne sommes encore qu’à l’aube de la démocratie, que nous n’en avons encore esquissé qu’un premier jet, largement perfectible, et que le chemin est encore très long pour que nos régimes occidentaux soient des démocraties solides.

 

Les exemples en sont d’ailleurs déjà nombreux. Je ne voudrais en rappeler qu’un seul, qui est à mon avis le plus parlant, et qui avait étonné beaucoup de monde lorsqu’il était survenu : le vandalisme qui avait écumé la Nouvelle Orléans après le passage du cyclone Katrina. Les scènes que nous avions alors vues ressemblaient, disait-on, à ce à quoi l’on assistait dans les pays les plus arriérés de la planète, et semblaient soudain faire de l’Amérique un pays sauvage, gouverné par la seule loi de la jungle animale.

 

Le débat qui a suivi n’a pas aboutit à grand-chose d’autre qu’à la vente de quelques journaux de plus, mais ces événements montraient que même le pays qui se veut le plus à la pointe de la civilisation restait infiniment sensible aux dérèglements naturels, et que son propre verni démocratique, pour reprendre la très bonne formulation de Nicolas Hulot, n’était pas aussi épais que ce que l’on pensait.

 

medium_copernic.2.jpgDans le fond, tous ces siècles d’évolution techniques, scientifiques, philosophiques, etc. n’ont pas changé grand-chose. Nous restons, comme nos aïeux, les yeux rivés sur nos nombrils, et persuadés que nous sommes déjà arrivés au stade ultime, à l’aboutissement final de l’évolution naturelle. Laborit l’a très bien vu en titrant l’un de ses livres : « Copernic n’y a rien changé ». L’héliocentrisme a bien été remis en questions par Copernic, et l’approche scientifique de l’univers révolutionnée. Mais aucune révolution n’a jamais encore eu lieu dans nos cerveaux. Et à voir aujourd’hui l’étendue sidérante de l’aveuglement quant aux sources de nos propres comportements, il est permit de douter que celle-ci intervienne avant longtemps.

 

C’est pourtant d’autant plus étonnant que les régimes démocratiques sont tous très jeunes. Les plus anciens qui n’aient pas été cassés par des dictatures n’ont pas plus de quelques dizaines d’années d’existence. Une paille à l’échelle de l’humanité. Et on a vu au cours du siècle dernier combien ces régimes étaient fragiles. D’où nous vient donc cette certitude d’être arrivés ? Comment parvient-on en si peu de temps à se raconter autant d’histoires sur la force, la solidité et l’immuabilité de nos régimes ? Quelle formidable absence d’esprit nous faire croire que nous sommes définitivement vaccinés et que nos structures résisteraient à n’importe quel défi, qu’il soit politique ou environnemental ?

 

Je vois une réponse à cette question, qui me vient d’ailleurs comme une évidence. Le coupable, là encore, c’est le langage, ou plutôt, ce que nous en faisons. La force des mots est telle qu’il suffit de les prononcer pour que ce qu’ils désignent nous paraisse être réel. C’est tout le piège des termes abstraits. Nous avons chacun une représentation personnelle de ce qu’ils décrivent, nous en donnerions tous une définition différente, mais jamais on ne se demande quelle est la réalité qu’il y a derrière les lettres qui les composent.

 

Et il suffit de faire tourner le mot démocratie dans des journaux, dans nos têtes, sur des textes de lois, et de les échanger fréquemment entre nous pour nous convaincre que nous sommes bien les modèles que le monde attendait. Ce que l’homme sait faire le mieux, c’est dresser des écrans de fumée devant ses yeux, pour se persuader qu’il est un type bien, civilisé, que ses actes répondent à des choix éthiques, moraux, que ce sont ses valeurs humaines qui le guident. Et pour établir ces écrans de fumée, il n’y a rien de plus pratique que le langage.

 

Tant que nous n’auront pas appris à utiliser le langage pour ce qu’il est, et seulement pour ce qu’il est, sans l’exploiter à des fins d’autojustification, je me demande quels espoirs peuvent être raisonnablement fondés sur la justesse de notre vision du monde, et sur notre capacité à bien répondre aux défis que celui-ci nous pose.

Commentaires

Sur l'anthropocentrisme, puisque tu fais référence à cela dans ton billet ("Nous restons, comme nos aïeux, les yeux rivés sur nos nombrils, et persuadés que nous sommes déjà arrivés au stade ultime, à l’aboutissement final de l’évolution naturelle"), et puisque je voulais le faire sur mon propre blog mais que je n'en ai pas encore trouvé le temps, je lance cette idée un peu provocatrice à ta sagacité intellectuelle: quelle responsabilité des religions monothéistes, et en particulier de la religion chrétienne, quant à cette idée de l'homme comme but ultime de l'évolution? Ou formulée de façon encore plus polémique: peut-on être croyant et écologiste?

Vous avez quatre heures avant que je ramasse les copies...

Écrit par : Krysztoff | 12/12/2006

"Peut-on être croyant et écologiste"

Fastoche, non ! A partir du moment où l'on est habité par une interrogation spirituelle, on peut imaginer que l'hyper consommation qui mine notre planète, et transforme les citoyens en veaux, devient un souci moindre.
Les lieux de culte ne sont pas vides parce que les gens sont devenus agnostiques, mais parce que les magasins sont pleins.

Par ailleurs le vernis de la démocatie est somme toute assez transparent. La prospérité béate est en partie le fruit du travail et des ressources bradés des habitants des pays en voie de développement. Il suffit juste de regarder.

En attendant les prochaines élections, puisque vous évoquez quelques uns des périls nous voici contraint à continuer de jouer la comédie de la démocratie. Feignons l'enthousiasme !

Écrit par : Lucas Clermont | 12/12/2006

"Quelle formidable absence d’esprit nous faire croire que nous sommes définitivement vaccinés et que nos structures résisteraient à n’importe quel défi, qu’il soit politique ou environnemental ?"

Qui croit cela ? (hormis les pofessionnels de la politique, s'entend...)

Écrit par : Passant | 12/12/2006

Krysztoff
Mince, je suis déjà en retard. Je peux avoir un délai supplémentaire?

Lucas
Vous avez lu mon billet sur la société de dématérialisation? Je crois qu'il y a quelque chose dedans qui rejoint un peu votre idée.

Passant
Pas sûr de bien vous suivre. Ni sur le fait que peu de monde reste aveuglé sur ce point. Ni, du coup, sur le fait que seuls les pro de la politiques le seraient.

Écrit par : pikipoki | 13/12/2006

"Peut-on être croyant et écologiste"

Tu veux dire le réchauffement climatique et toutes ces conneries ? Pas besoin d'être écolo, Dieu y pourvoira.

Écrit par : ogotaii | 13/12/2006

Les commentaires sont fermés.