11/12/2006
Le surfer d'argent II, le retour !
En tant que spectateur c’est peu de dire qu’en général je supporte très mal ce type de manifestation du grand discount de la conscience collective. En fait, je suis tout à fait prêt à croire que les personnes qui entonnent ces chants d’absolution de l’âme humaine le font avec sincérité, et certaines témoignent d’ailleurs parfois d’un engagement très concret pour les causes qu’elles défendent. Mais ce qui rend invariablement exaspérant ces instants sentimentalo-cathodiques ce sont les applaudissements.
Ceux-ci sont en effet toujours, sans que cela souffre malheureusement la moindre exception, l’expression du syndrome du surfer d’argent : le rattachement de la foule à un héros dont la geste témoigne d’une grande âme, auquel il suffit de s’identifier en l’acclamant pour que l’on se croit revêtu des mêmes habits de noblesse humaine, et pour se permettre de se dédire de la même responsabilité que celle assumée par notre héros sans trop de frais. On s’est déclaré admiratif devant untel ou unetelle, on montre ainsi qu’on partage les mêmes valeurs, donc pas besoin d’aller plus loin, dans le fond les autres n’en font pas plus, notre déclaration d’intention leur suffira amplement.
Dans mes moments de mégalomanie aggravée, je m’imagine parfois dans la peau du surfer d’argent. Sur un plateau de télévision, à la République des blogs, à n’importe quel endroit où il me serait donné d’être moi-même le héros de cette foule avide de grandeur, mais s’il vous plaît, sans les responsabilités qui vont avec. Et je crois que je ne supporterai pas mieux leurs applaudissements que je ne les supporte lorsque je reste spectateur.
Tout ce que j’aurais envie de dire à ces nouveaux supporters c’est de ne surtout pas applaudir. De ne surtout pas manifester leur appui. De ne pas verser de larme d’assentiment, dont certaines ne seraient que des larmes d’a-sentiment. De cesser ces comportements d’auto-lustrage du poil par procuration. S’ils sont si convaincus de la valeur du discours que leur surfer d’argent tient, ce que l’on doit attendre d’eux ce ne sont pas des applaudissements ni des hochements de tête, c’est un alignement comportemental dans le sens des valeurs qu’ils disent être les leurs.
Applaudir c’est déjà commencer à se dédire de cette responsabilité de changer soi-même. C’est déjà chercher un ersatz qui permet de rester dans le confort de l’immobilisme.
11:50 Publié dans Un peu d'observations | Lien permanent | Commentaires (9) | Facebook |
Commentaires
Donner son assentiment pour ne pas avoir à modifier son comportement.
Mais donner un avis contraire peut aussi être un moyen de justifier l'inaction.
Garder son avis pour soi et se contenter d'agir serait alors la solution ?
Mais, si personne ne donne son avis, il n'y aura plus d'avis dominant pour guider ceux qui n'en n'ont pas ... d'avis.
Donc dans tous les cas de figure, seule une minorité agit, la majorité se contentant toujours de regarder, non ?
Écrit par : odanel | 11/12/2006
Odanel
Il ne s'agit pas de ne pas s'exprimer. Le vice que j'essaie d'illustrer c'est celui qui consiste à lancer des bravos et à retourner à ses petites affaires juste derrière, en ayant bien pris soin avant de se draper dans la grandeur du héros du jour. Ce que je ne supporte pas dans ces comportements, c'est que ces gens là ne prennent aucun engagement, aucune reponsabilité en agissant ainsi, mais ils sont les premiers à se prévaloir de valeurs morales immenses. Qu'ils n'applaudissent pas pourrait être le signe de leur humilité, ou même plus pragmatiquement, le signe qu'ils ont écouté (parce que quand on écoute un bon message, en général, ça fait réfléchir, et je n'ai jamais vu quelqu'un réfléchir et taper dans ses mains en même temps).
Écrit par : pikipoki | 11/12/2006
Hum, cela me fait penser un peu aux grenouilles de bénitier.
Qui vont confesser toutes leurs fautes le dimanche, afin de pouvoir s'empresser de recommencer à pécher le lundi, si ce n'est pas dès le dimanche après-midi...
Mais, mis à part ça, ce dont vous parlez, c'est un travers que nous avons tous commis un jour au l'autre, personne ne peut être vertueux au point de dire qu'il ne l'a jamais fait.
Par exemple, chaque année en regardant le Téléthon je me dis que je devrais investir du temps dans une de ces associations dont ils parlent, mais je ne le fais jamais.
Mais peut être parlez-vous seulement du public de ce genre d'émission ? De tous ces gens qui se déplacent uniquement dans le but de pouvoir se targuer d'y être allé.
C'est vrai que cela serait intéressant de savoir si tous ces gens ont déjà agi ou non pour une cause caritative.
Mais j'en doute fortement. L'envie narcissique de passer à la télévision est surement plus forte que leur générosité.
Écrit par : odanel | 11/12/2006
Bonjour Pikipoki,
Les phénomènes de foule, de "communion" autour d'un rêve commun ne sont-ils pas propices à l'abandon de toute réflexion pour se couler dans la douceur d' "'être ensemble" ? Malheureusement, bien souvent, ce n'est que du vent et une fois l'émission terminée, il est probable que chacun retrouve sa routine.
Il y a quand même quelque chose de touchant dans ce désir des hommes d'être ensemble, un idéal qui se heurte à bien des difficultés quand on veut le mettre en actes (cf les billets sur l'engagement et sa pratique au quotidien, qui incite à une certaine humilité). Ceci explique peut-être pourquoi beaucoup préfèrent se contenter d'applaudir et se sentent heureux et satisfaits de l'avoir fait.
(rien à voir mais...je ne suis plus en colère, figurez-vous :-)
Écrit par : samantdi | 11/12/2006
Je signale ce mois-ci chez Marvel un chant du cygne de Stan Lee où il se met en scène lui-même et rencontre le Surfer (qui était en fait une création de Jack Kirby, mais peu importe).
Écrit par : Phersu | 11/12/2006
ta psychanalyse, ça en est où ?
Écrit par : Paxatagore | 12/12/2006
Je pense qu'il n'est pas utile de tenter d'analyser le comportement des foules que représente le public des émissions de télévision.
Un chauffeur de public est présent, pour indiquer aux gens la réaction qu'ils doivent avoir quand quelqu'un fait une déclaration pleine d'amour de son prochain, de la même manière qu'on les force à applaudir à chaque mot (pseudo-)humoristique de Ruquier. :)
A quoi bon, dans ces conditions, étudier et analyser les actions de ces gens ? A la télévision, le public n'est qu'un accessoire parmi tant d'autres.
Écrit par : manu | 12/12/2006
Samantdi
Content de la bonne nouvelle. Et assez d'accord avec le fond de votre commentaire.
Phersu
Hou je ne connais pas tous ces détails pour ma part. Mais j'avais particulièrement apprécié la version du surfer d'argent de Moebius (suis-je blasphémateur?)
Paxa
J'en suis à la phase régressive et je reviens au "moi tout". Il paraît que ça a démarré quand j'ai entamé ce blog.
Manu
N'en restez pas à la description de comportements de publics télévisuels. Ce n'est qu'un alibi à mon billet, rien de plus. Et même sur ce point, je suis pour ma part persuadé que le public ressort satisfait et n'éprouve aucune gêne d'avoir répondu aussi docilement aux injonctions des clapeurs. Le fond reste donc le même.
Écrit par : pikipoki | 12/12/2006
je tenais à vous aire un petit mot pour vous dire qude votre blog est très sympathiqje ;)
Écrit par : MrBark | 14/03/2008
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