Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/12/2006

Il y a trois siècles, certains l'avaient déjà compris !

medium_spinoza.jpg"Il y a autre chose, en effet, que je voudrais particulièrement faire remarquer ici : nous ne pouvons rien faire en vertu d’un décret de l’esprit, à moins que nous n’en ayons le souvenir ; par exemple, nous ne pouvons prononcer un mot à moins que nous n’en ayons le souvenir. Mais il n’est au libre pouvoir de l’esprit de se souvenir de cette chose ou de l’oublier. Aussi croit-on que ce qui est seulement au pouvoir de l’esprit, c’est de pouvoir, en vertu du seul décret de l’esprit, taire ou dire la chose dont nous nous souvenons. Pourtant, quand nous rêvons que nous parlons, nous croyons parler en vertu d’un libre décret de l’esprit, et cependant nous ne parlons pas, ou si nous parlons, c’est un mouvement spontané du corps. Nous rêvons aussi que nous cachons aux hommes certaines choses et cela par le même décret de l’esprit qui, pendant la veille, nous fait taire ce que nous savons. Nous rêvons enfin que nous faisons en vertu d’un décret de l’esprit certaines choses que, pendant la veille, nous n’osons faire. Par conséquent je voudrais bien savoir si, dans l’esprit, il peut y avoir deux genres de décrets : décisions imaginaires et décisions libres ? Si l’on ne veut pas tant déraisonner, il faut nécessairement accorder que ce décret de l’esprit que l’on croit libre, ne se distingue pas de l’imagination même ou de la mémoire, et n’est autre chose que l’affirmation qu’enveloppe nécessairement une idée, en tant qu’idée. Et par conséquent, ces décrets de l’esprit naissent dans l’esprit par la même nécessité que les idées de choses existant en acte. Ceux donc qui croient parler, se taire ou faire quoi que ce soit en vertu d’un libre décret de l’esprit, rêvent les yeux ouverts."

 

Extrait de l'Ethique de Spinoza

 

Je ne sais pas si Laborit était un grand lecteur de Spinoza, mais je suis sûr que tous les deux auraient pu bien s’entendre sur certains sujets !

 

Commentaires

Ah, Spinoza... Mon premier grand maître à penser. Et le premier qui a théorisé de manière vraiment aboutie la thèse du déterminisme absolu.

Thèse dont on a toutes les raisons philosophiques d'embrasser, mais toutes les raisons psychologiques de rejeter. Thèse proche de l'évidence, mais thèse contraire à toutes nos intuitions.

Ce qui explique pourquoi elle est si peu répandue, et ce malgré l'apport décisif des neurosciences dans ce vieux débat.

Écrit par : Xavier | 19/12/2006

tres beau post, bravo

Écrit par : vjstar | 19/12/2006

hmmm

La phrase clé de l'argumentation, Si l’on ne veut pas tant déraisonner, il faut nécessairement accorder que ce décret de l’esprit que l’on croit libre, ne se distingue pas de l’imagination même ou de la mémoire, et n’est autre chose que l’affirmation qu’enveloppe nécessairement une idée, en tant qu’idée, n'est pas très claire. Je ne suis pas convaincu... quelqu'un peut m'expliquer ?

Écrit par : Matthieu | 20/12/2006

@Xavier : en quoi l'apport des neurosciences est-il si décisif pour supporter le "déterminisme absolu" ? aurais-je manqué des articles, des publications, des résultats "décisifs" ? Les neurosciences, malgré tout le bien que je leur souhaite, expliquent péniblement quels zones sont actives quand nous prenons nos décisions. Sûrement pas comment nous les prenons.

Écrit par : Matthieu | 20/12/2006

> Matthieu
Il y a cet exemple, dans Spinoza (citation plus qu'approximative, mais c'est dans l'esprit) : si un rocher, pris dans un éboulement sur le flanc d'une montagne, pouvait penser, il penserait "tiens, et si je descendais ?"

Écrit par : roro | 20/12/2006

Matthieu : l'étude du cerveau contribue à dissiper les intuitions « dualistes » qui nous poussent à penser le corps et l’esprit comme deux entités distinctes. Les neurosciences cognitives permettent ainsi de rejeter l’hypothèse selon laquelle il existerait, dans le cerveau, des évènements mystérieux opérant indépendamment des lois ordinaires de la physique, et liés d’une manière ou d’une autre à une volonté individuelle arrachée au monde physique.

On "voit" désormais que toutes les opérations de notre cerveau sont des évènements matériels, soumis aux lois de la physique, et que toutes les actions et décisions humaines sont le produit de ces évènements. Point de "volonté" ou de "libre arbitre" là dedans. Juste un ordinateur formidablement complexe, nous-même.

Écrit par : Xavier | 20/12/2006

ah, ben vla l'exemple. Et pourquoi pas qu'il se dirait "à ben merde j'me casse la gueule, il faut vite que j'invente la NASA, Apollo et la course à l'espace". Il faudrait que je lise spinoza dans le texte, parce que je suis sur que le bonhomme n'a pas que ce genre d'arguments.

Écrit par : Matthieu | 20/12/2006

@Xavier : vous extrapolez. Les neurosciences ont permis de débusquer le "mythe de l'homoloncule assis au milieu du cerveau", ou le "mythe de l'âme", mais bon, vous me ferez l'honneur de ne pas penser que je défends une de ces positions.


Je ne suis pas du tout d'accord avec le déterminisme absolu, mais comme je disais sur mon blog, cela me donne de la motivation pour lire Spinoza, et une piste de réflexion sur un prochain billet, donc merci Pikipoki !

Écrit par : Matthieu | 20/12/2006

Sympa ce petit débat. Et merci à Matthieu de le poursuivre chez lui, j'espère avoir la possibilité (c'est-à-dire le temps) de lire le billet que lui inspire la lecture du mien.
J'aimerais aussi produire dans quelques temps un billet un peu complet sur la question du libre arbitre. J'aimerais...

Rapidement, je crois que Matthieu va un peu vite en écartant l'exemple donné par roro, qui dans le fond signifie: pris dans l'avalanche, et n'ayant pas la possiblité de voir autre chose que lui-même pris dans l'avalanche, le caillou, s'il pensait, n'aurait absolument aucune chance d'envisager de se mettre en lévitation et de danser un flamenco. Parce qu'il n'aurait connu, et ne connaîtrait rien d'autre que l'avalanche. Ce qui nous ramène donc au rôle de la mémoire.

Et je dois dire que je rejoins aussi l'explication donnée par Xavier.

Mais je comprends le dilemme de Matthieu, qui est celui de tous ceux qui VEULENT croire à la possibilité de la liberté : comment on fait pour juger quelqu'un ou une action si notre déterminisme est total? Comment on met un criminel en prison si on a démontré auparavant qu'il ne pouvait pas agir autrement ? Comment on s'attribue à nous-même les hautes valeurs qui nous rendent supérieurs aux autres, si nous ne sommes pas libre de nos actions, de nos comportements, de nos choix, et que donc nous ne saurions nous réclamer d'aucun mérite?

Et là, le suspens est total !

Écrit par : pikipoki | 20/12/2006

> pikipoki

Je ne crois pas que Spinoza récuse complètement le concept de liberté. Par exemple :
"J'appelle libre, quant à moi, une chose qui est et agit par la seule nécessité de sa nature; contrainte, celle qui est déterminée par une autre à exister et à agir d'une certaine façon déterminée [...] Vous le voyez bien, je ne fais pas consister la liberté dans un libre décret, mais dans une libre nécessité."

Écrit par : roro | 20/12/2006

Roro
Ok ok, je n'ai pas non plus lu tout Spinoza. Notez tout de même sur votre citation, que l'expression "libre nécessité" étonne un peu. On peut se demander ce qui peut être à la fois libre et nécessaire. Le fond de mon idée, c'est qu'il est tellement difficile d'admettre que la liberté n'existe pas qu'on en vient à la caler dans des contradictions totales, simplement pour pouvoir entendre le mot à ses oreilles et ainsi se persuader qu'elle n'a pas tout à fait disparue.
Bon mais je ne prétends pas non plus dépasser Spinoza, et je reviendrai sur ces points dans quelques temps... j'espère.

Écrit par : pikipoki | 21/12/2006

"On peut se demander ce qui peut être à la fois libre et nécessaire" : au minimum, c'est ce qui n'est pas contraint.

Écrit par : roro | 21/12/2006

J'ai l'impression que l'on ne parle pas de la meme chose... ca veut dire quoi pour vous, libre-arbitre, conscience, tout ca... un homme qui met un préservatif, un moine bouddhiste qui s'immole pour protester contre l'invasion du vietnam, un irlandais qui meurt de grève de la fin, elle est ou la nécessité ou la contrainte ?

Écrit par : Matthieu | 21/12/2006

La thèse déterministe, c'est l'idée qu'à chaque instant, il n'y a qu'un seul futur possible, déterminé par les lois de la physique d’une part, et les états passés du monde de l’autre.

Cela signifie aussi que nos actions sont totalement déterminées par notre patrimoine génétique d'une part et notre environnement de l'autre. I n'y a rien d'autre, pas de "volonté" qui surgirait d'on ne sait où. Gènes + environnement = un seul résultat possible.

Les neurosciences montrent que le cerveau obéit entièrement aux lois de la physique, tout comme les ordinateurs. Simplement, les ordinateurs actuels ont une palette infiniment plus restreinte de "comportements" et de "pensées" que notre cerveau... pour l'instant.

Tout cela est bien résumé par cette phrase de Robert Wright : "quelle que soit la combinaison d’éléments qui a donné à votre cerveau l’exacte organisation physique qui est la sienne à cet instant précis (y compris vos gènes, votre environnement initial et votre assimilation de la première moitié de cette phrase), cette organisation physique est ce qui détermine la façon dont vous réagirez à la seconde moitié de cette phrase" .

Écrit par : Xavier | 21/12/2006

D'un point de vue politique, cela change certaines choses, mais cela ne bouleverse rien du tout.

Par exemble, un violeur ne pouvait pas faire autrement de commettre son acte odieux au moment où il l'a commis (gènes + environnement), mais on le condamnera à 5-10 ans de prison, pour

1) répondre aux sentiments punitifs de la population et éviter des émeutes ou des mesures de vengeance individuelles en cas de relaxe du violeur,

2) dissuader l'ensemble des violeurs potentiels en leur montrant que le passage à l'acte a un prix (on change le facteur "environnement" dans l'équation "gène + environnement") : le violeur prend en compte, au moment de son acte, la donnée selon laquelle il risque 10 ans de prison et non 0),

3) éventuellement le soigner en prison, par des traitements appropriés

Écrit par : Xavier | 21/12/2006

> Matthieu

Quand vous vous apprêtez à mettre un préservatif, songez à la somme vertigineuse de coïncidences (techniques, sociales, personnelles, etc) qu'il a fallu pour que vous ayez ne serait-ce que la possibilité de "faire" ce choix...
On peut donc relativiser sérieusement la portée du libre-arbitre face à la nécessité.

> Xavier

"il n'y a pas de volonté" : entièrement d'accord.

Mais dans ce cas dans votre exemple, de la même façon que le criminel agit par nécessité, le juge le condamne également par nécessité.
Il le condamne parce qu'il ne peut pas faire/vouloir autre chose.

Écrit par : roro | 21/12/2006

Pikipoki, ton blog est toujours aussi interessant, et les debats toujours aussi passionant. mais pourquoi n'attires-tu que des gens persuades que nous sommes des robots sans possibilite de choix ?

bien sur, science, societe, religion, politique, humeur, sont des elements influant notre choix. mais une somme d'influences ne fait pas un determinisme, right ? Vous avez repondu pour le preservatif, parce que meme si la "necessite biologique de se reproduire" est contrariee, vous pouvez toujours pretendre qu'il existe une "necessite sociale de ne pas faire des enfants a chaque fois que l'on fait l'amour". Mais ne pensez-vous pas qu'un determinisme total tel que celui que vous presentez ne dirait pas exactement quels accouplements doivent etre fait avec, ou sans, preservatifs ? Vous voyez bien que l'INFLUENCE sociale n'est que cela, une influence, pas une source de determinisme total.

Et puis vous n'avez pas repondu pour les deux exemples des suicides politiques, greve de la faim...

Fondamentalement, le fait que le cerveau "suive des lois physiques" ne veut pas dire grand chose. le mouvement brownien, la physique quantique, ou la meteorologie suivent aussi des lois physique et ne sont pas previsibles exactement (juste des tendances, des moyennes). Le domaine de la complexite est fascinant : le fonctionnement du cerveau n'est pas reductible a celui de ses neurones. Et si vous ajoutez une dose de hasard dans la complexite (ce qui est le cas avec le cerveau), je trouve ca un peu fort de pretendre pouvoir prevoir quoi que ce soit.

Écrit par : Matthieu | 21/12/2006

> Matthieu (réponses un peu dans le désordre, toutes mes excuses)

Il n'est bien sûr pas question de prétendre à une quelconque prévisibilité. La contingence est tellement écrasante : chaque seconde, des milliards d'événements se produisent et chacun d'entre eux, pris individuellement, pourrait (virtuellement) se produire de plusieurs façons différentes.

Quand vous opposez "nécessité de faire des enfants" et "nécessité de ne pas en faire", c'est un jeu de l'esprit (un rêve éveillé, pour reprendre le terme de Spinoza) qui ne rend pas compte de la réalité. Car dans la réalité, soit on fait un enfant, soit on n'en fait pas, il faut qu'une seule nécessité s'impose.
Donc, ce qu'on veut, c'est exactement identifiable à ce qu'on fait. Et ce qu'on ne fait pas, c'est qu'on ne le veut pas, d'une façon ou d'une autre.

Je n'ai pas développé vos deux autres exemples car ça n'aurait rien apporté de plus, ma petite explication avait une valeur générale, en quelque sorte.

Pour la "robotisation", détrompez-vous. Paradoxalement un monde déterministe est très libérateur, en fait il l'est tellement qu'il en devient effrayant (car fondamentalement incompréhensible, injustifiale, immoral), ce qui explique le repli vers le confort de l'illusion du libre-arbitre.

Écrit par : roro | 21/12/2006

Matthieu, je ne comprends pas votre scepticisme, vous qui ne croyez pas à la thèse de l'homoncule dans le cerveau. Qu'est-ce qui pourrait être la volonté en dehors de cet homoncule ?

Sur la question des lois physiques, vous confondez deux choses. Si on ne peut prévoir exactement la météo (ou les actions humaines), c'est parce que notre pauvre cerveau et nos pauvres techniques ne nous confèrent pas une connaissance suffisante de toutes les données nécessaires pour faire des prédictions exactes. Mais si la thèse déterministe est vrai, il suffirait d'être "mieux équipé" pour que cela soit possible.

La physique quantique, c'est un problème différent. Si l'on suit ses enseignements, alors l'univers n'est pas déterministe, simplement probabiliste (il y a 90% (ou 60...) de chances, et non pas 100% que tel état passé du monde + telles lois physiques produisent tel résultat). Mais ce qui fait que dans le monde quantique, le mouvement d'une particule ne soit pas "déterminé" à 100%, mais à 70 ou 90% n'est le fait de la volonté de personne. Et si de telles particules agissaient dans notre cerveau, nos actions seraient tout simplement le fruit d'un hasard probabiliste. Ce n'est plus du déterminisme au sens strict, mais cela revient strictement au même : il n'y a toujours rien là dedans qui fasse intervenir quelque volonté que ce soit.

Accordez-vous de la volonté à votre ordinateur ? Si non, pourquoi en accordez-vous à l'être humain, s'il n'y pas de "ghost in the machine" ?

Accordez-vous du libre arbitre à la paramécie ? au chimpanzé ? Si non, pourquoi en accordez vous à l'homme (dont le cerveau n'a fait que grossir par rapport à ces animaux) ?

Écrit par : Xavier | 22/12/2006

@Xavier : c'est bien ce que je pensais : c'est vous qui confondez homoloncule et volonté, pas moi. L'imprévisibilité aboslue et la possibilité de décider d'une action sans référence à l'influence (ou contre l'influence) de l'hérédité ou de l'environnement au sens large sont pour moi les éléments définissant la volonté et le libre-arbitre. Que voulez-vous d'autre ?

@roro : je ne vous comprends pas. j'ai l'impression que vous vous enfermez dans votre conception, en la poussant jusqu'à un point ou elle contredit de façon flagrante la réalité. Ou alors je ne vous ai pas compris, expliquez-vous. Il arrive que l'on ne puisse pas faire ce que l'on veut, il arrive que les contingences extérieures / l'environnement nous empeche de faire ce que nous voudrions. Pourquoi dites-vous le contraire ? Et c'est un peu facile de dire a posteriori "il a fait / n'a pas fait un enfant parce que les nécessités extérieures l'y ont poussé", vous supprimez efficacement toute possibilité de vous contredire, comme un devin qui dirait "je l'avais prédis" APRES tous les évènements. Si des milliards d'électrodes placées sur chacun de nos neurones permettraient de prévoir nos actions, alors nous serions effectivement privés de libre-arbitre. Mais ce n'est pas le cas, à cause de la complexité du cerveau, de son fonctionnement chaotique et parfois aléatoire.

Le mythe déterministe, de l'horloge mécanique, que vous deux, et pikipoki, entretenez, n'est plus depuis longtemps le paradigme des neurosciences. Le concept de complexité est à mon avis un des plus beaux qui soient, donnant lieu à des processus non réductibles à la connaissance des éléments séparés. Je me permet de vous donner deux liens ou j'ai partiellement parlé de cette question, sur d'autres sujets, mais j'essaierai de développer dans un billet à la rentrée.

ici (à propos d'un éventuel "programme génétique" de nos actions)

ici

http://chezmatthieu.blogspot.com/2006/11/dawkins-le-gne-goste-3-altruisme-et.html

et surtout là (à propos de Dieu)

http://chezmatthieu.blogspot.com/2006/10/la-question-de-dieu-ou-le-collectif.html#comments

Écrit par : Matthieu | 22/12/2006

ah, au fait, Xavier. 1 la paramécie n'a pas de cerveau, vous vous rappelez ? Quant au chimpanzé, comme pour d'autres animaux supérieurs, je n'ai jamais dit que je ne lui accordais pas de libre-arbitre. Je n'ai pas dit que je lui en accordais non plus.

Notre cerveau est plus gros, plus complexe, il peut être qualitativement différent. Je ne suis pas expert en comportements animaux, je ne me prononcerais pas. Le test de la reconnaissance dans un miroir, ou de ne pas courir après sa queue, sont par exemple quelques premières approches du concept de conscience. Pour le libre-arbitre, je serais bien en peine de proposer le moindre début de test.

Mais vous semblez sûr de vous : que proposez-vous ?

Écrit par : Matthieu | 22/12/2006

> Mathieu
Certes, si vous ne pouvez pas voler, ce n'est pas un effet de votre volonté, mais de votre nature.
Mais de la même façon, si vous pouvez "décider" de mettre un préservatif, ce n'est pas un effet de votre volonté mais de votre nature.
La volonté est entièrement soumise à la nature, au point où elle se confond avec elle.

Enfin encore une fois le déterminisme (chez Spinoza) n'est pas un outil de prédiction, il n'a aucune visée scientifique ou mécaniste en soi.
Il s'agit d'éthique : "pourquoi voulons-nous précisément ce que nous voulons ?". Spinoza répond : "parce qu'il est naturel et nécessaire que nous voulions cela".
Si vous répondez "parce que j'ai décidé", c'est une vision ridiculement anthropocentrée (et même égocentrée), si je puis me permettre, et qui contredit toute observation un tant soit peu objective.

Mais évidemment, subjectivement, je crois décider. Et subjectivement, c'est le soleil qui tourne autour de la terre.

Écrit par : roro | 22/12/2006

C'est chouette vous restez tous calmes en discutant, j'apprécie. On en voit tellement qui se crêpent le chignon dès la deuxième remarque...

Encore une fois je reviendrai sur le sujet dans un billet dans quelques jours.

Une petite réponse à roro lorsqu'il m'a répondu: quelque chose qui est nécessaire est par nature contraint. La nécessité signifie qu'il n'y a pas d'autre voie possible, et donc bien qu'il y a contrainte.

Sinon, vous soulevez tous les trois une question qui est intéressante: le déterminisme entraîne-t-il la prédictibilité? La réponse à mon avis est non. Et j'ai le sentiment que vous partagez cette opinion. Dire que les événements ne pouvaient pas se dérouler autrement ne signifie pas que l'on peut d'une quelconque manière les prédire.

Et puis il y a un petit piège dans ce débat : le fait d'être déterminés ne nous soumet pas pour autant pieds et poings liés à la Nature, qu'il s'agisse de celle de notre environnement ou de la nôtre. Puisque précisément nous en sommes nous-mêmes une partie, de cette Nature. En d'autres termes, notre déterminisme ne nous soustrait pas à l'obligation d'agir. Et c'est bien nous qui agissons, et non pas une Nature insaisissable qui ferait de nous ses pantins.

Je trace en gros: nous sommes déterminés par notre nature et celle de notre environnement. Comment pourrait-il en être autrement? Nous sommes des êtres naturels. Nous ne sommes pas composés de briques différentes de celles qui constituent le reste de la Nature. Elles sont justes assemblées d'une façon sans doute plus complexe que le reste. Notre environnement, va constituer les situations dans lesquelles nous allons adapter nos briques et créer nos expériences. Dans le fond rappeler notre déterminisme ce n'est rien d'autre que dire que nous sommes fait, comme le reste, de ce que la nature a sous la main pour construire le vivant.

Bon je m'arrête là sinon je vais finir par rédiger mon billet en commentaire. Ce serait balot. Et puis je n'ai plus le temps de toute façon.

Écrit par : pikipoki | 22/12/2006

La question du libre arbitre et du déterminisme est une question métaphysique, par nature invérifiable, intestable.

Cela n'empêche en rien de parvenir des certitudes sur la question. La thèse "ma main disparaît quand quelqu'un ou quelque chose la regarde" est une thèse métaphysique parce qu'on ne pourra jamais prouver qu'elle est fausse, mais une thèse grotesque tout de même.

Vous esquivez le problème : si le cerveau est soumis aux lois de la physique et à rien d'autre (pas de volonté magique), alors le libre arbitre ne signifie rien, puisque quiconque a une bonne connaissance de ces lois et de l'organisation du cerveau pourra prédire avec exactitude ce que fera quelqu'un la seconde d'après (et celle d'après, etc.). Comme je le disais, la physique quantique n'apporte aucun secourd au libre arbitre, simplement davantage d'incertitude dans les prédictions.

Dans tous les cas, la charge de la preuve repose sur ceux qui croient au libre arbitre, parce qu'on ne comprends pas d'où ça pourrait venir et comment ça pourrait fonctionner.

Et ne confondez pas conscience et libre arbitre, la conscience (savoir qu'on est, sait, fait, etc.) est simplement un état particulier du cerveau dans lequel le traitement de l'information est un peu différent de celui qui prévaut dans nos comportements inconscients.

Écrit par : Xavier | 22/12/2006

> pikipoki

"La nécessité signifie qu'il n'y a pas d'autre voie possible, et donc bien qu'il y a contrainte."

Le monde soumis à la nécessité n'est pas contraint, seulement vous le comparez à un monde qui n'existe pas (celui de la "possibilité" du libre-arbitre) pour le faire apparaître tel.

Écrit par : roro | 22/12/2006

@ Pikipoki : difficile de s'écharper sur une question purement philosophique :)

Écrit par : Xavier | 22/12/2006

@roro : je comprends de moins en moins ce que vous appelez volonte. Qu'est ce que vous appeleriez libre-arbitre (si cela existait) ? Je peux decider de voler, et ne pas en etre capable. je peux decider de mettre un preservatif pour ne pas avoir d'enfants, et en etre capable. L'identite entre "ce que j'ai fait" et "ce que j'ai decide" me semblait deja bizarre, mais ajouter a l'egalite "ce que je peux faire" est encore plus louche.

@Pikipoki : je partage votre opinion, ce n'est parce que nous sommes purement "naturels" que nous sommes des machines sans volonte qui agissent sous l'influence de l'environnement.

@Xavier : ah non ah non :) La charge de la preuve revient a celui qui arrive avec une theorie nouvelle qui contredit totalement nos experiences, nos impressions. Pourriez-vous reellement predire ce que fera quelqu'un ?

Je precise ma question : je suis Dieu, je vous donne la connaissance totale du fonctionnement des neurones, je vous donne mille milliards d'eletrodes placees sur chaque axone, des supercalculateurs qui couvrent la moitie de la surface de la planete... pouvez-vous predire ce que fera la personne ?

non : quelle que soit la precision de vos mesures, il restera toujours des phenomes que vous ne pourrez pas predire, choc entre molecules, mouvement brownien, diffusion des proteines, et donc in fine signaux electriques. les neurones et le cerveau fonctionne par seuils, et si vous etes proche d'un seuil (en concentration de proteines, en intensite du signal, en nombre de neurones ou d'axones actives) la moindre variation peut avoir de grandes repercusions.

Le melange de complexite, de chaos, et de hasard, dans le cerveau, le rend absolument (au sens de "quel que soit votre connaissance") imprevisible. les decisions qui sont prises ne peuvent pas etre predites absolument (elles peuvent l'etre "en moyenne" par les joueurs de poker ou les publicitaires, mais nous ne parlons pas de ca, n'est ce pas ?). c'est cela, la marque exterieure de la volonte. et y'a-t-il autre chose que cette marque exterieure qui importe ? que la source soit l'ame des religieux ou la complexite du cerveau et de la memoire, le libre-arbitre est toujours la.

Écrit par : Matthieu | 22/12/2006

je recommande la lecture de Spinoza : philosophie pratique, de Gilles Deleuze. Pas du tout compliqué à lire, vraiment passionnant.

Écrit par : edgar | 23/12/2006

A Matthieu :

je me laisse prendre au jeu. vous ne démontrez pas votre libre arbitre, au contraire. Votre expérience fictive prouve bien que vous êtes incapable d'expliquer la raison de vos actions s'il s'agit du dépassement inattendu d'un seuil quelconque. Qu'importe qu'aucune autorité extérieure n'en soit non plus capable, cela n'y change rien.

Écrit par : edgar | 23/12/2006

> Matthieu

"Je peux decider de voler, et ne pas en etre capable."

C'est tout à fait ça. Votre "décision" n'a aucune espèce d'importance, puisque de fait votre nature a déjà "décidé" que vous ne voleriez pas...

Il suffit d'étendre ce raisonnement à tous les cas où vous croyez agir de votre propre initiative, et vous y êtes.

Écrit par : roro | 26/12/2006

Je me permet de vous indiquer le lien du (long) post que j'ai fait en réponse à ce débat :

http://chezmatthieu.blogspot.com/2006/12/le-libre-arbitre-complexit-du-cerveau.html

@Pikipoki : vous ne voudriez pas activer les balises html sur votre blogs ? ca permettrait de mettre le lien "cliquable"

@Edgar : vous rajoutez une contrainte : il faudrait que je sois non seulement capable de prendre des décisions, mais en plus de dire pourquoi je les ai prises ? ca n'est "pas du jeu", comme on di(sai)t. Les décisions sont prises par le cerveau en fonction d'associations d'idées, de souvenir, d'intuition... un vrai processus de démocratie participative :-) matiné de celui qui gueule le plus fort, à l'échelle des neurones.

@roro : c'est trop facile, de parler d'absence de libre arbitre là ou le choix est limité par des contraintes physiques. Et si je choisis entre une poire et une pomme pour le dessert ? la physique aussi décide pour moi ? non

Écrit par : Matthieu | 30/12/2006

ah bon ben, le lien est cliquable. Alors disons que cela permettrait de l'inserer dans une phrase, au lieu d'avoir un grand lien tout moche :-)

Écrit par : Matthieu | 30/12/2006

Je peux changer quelque chose à ça moi? Tiens je n'y avais même pas pensé. Je vais regarder, mais j'ai des doutes.

Écrit par : pikipoki | 02/01/2007

Les commentaires sont fermés.