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26/03/2007

La veste d'Eric Besson

Petit billet court aujourd’hui, pour répondre à la requête formulée par Verel la semaine dernière suite à la nouvelle salve lancée par Besson contre son ancien camp dans son récent livre repris pour partie dans un article du Monde. Verel semble se demander comment la position de Besson peut être désormais aussi fortement anti-Ségolène alors qu’il était encore il n’y a pas si longtemps l’un des bons ouvriers du PS. La question mérite sans doute d’être posée, et je vais tenter d’y apporter quelques éclairages.

 

J’émets toutefois une réserve immédiate sur les pistes que je pourrai ouvrir : je ne connais pas le personnage Besson, je subodore que nous ignorons une grande part de ce qui a pu se dire en coulisse du PS avant son éviction de la campagne de Ségolène Royal, et je ne prétends donc nullement que mon explication puisse être prise au pied de la lettre. En fait, ce billet est plus un prétexte pour illustrer à travers l’exemple de Besson quelques idées que j’ai déjà développées ici. Où l’on verra que probablement, le comportement d’Eric Besson n’a en fait rien de très extraordinaire.

 

D’abord, pour bien comprendre le comportement de l’ex secrétaire national à l’économie du PS après son éviction, il faut comprendre son comportement pendant qu’il était au PS. Je l’ai dit tout récemment, ce que nous appelons par commodité, et non sans quelques trémolos dans la voix et un certain lyrisme, nos convictions, sont en réalité souvent constituées, avec une apparence plus ou moins cohérente selon la maîtrise du langage que nous avons, par un ensemble hétéroclite d’intérêts bien compris, tout à fait personnels et égocentrés (c’est-à-dire qui ne visent rien d’autre que l’intérêt de notre personne, qui visent donc à notre conservation propre, biais naturel auquel nous ne saurions échapper).

 

Pour réaliser cela, nous avons recours de façon régulière, à de petits dénis courants, de menus rejets de certaines valeurs qu’hier encore nous déclarions importantes à nos yeux, mais dont la mise en œuvre sans entrave nous semble entraîner plus de dommages que d’avantages. Nous optons alors naturellement pour ce qui nous avantage le plus, dans le cas de Besson pour l’appartenance à un parti politique qui est proche de l’idée qu’il se fait de la politique, ou en tout cas le moins éloigné (il faut l’espérer tout de même), et nous acceptons de mettre sous l’éteignoir certaines revendications qu’en d’autres circonstances nous aurions volontiers mises en avant.

 

Besson, dans son entretien avec Claude Askolovitch, semble faire grand cas des sacrifices intellectuels qu’il a dû concédés dans son travail au parti socialiste. Qu’il se console toutefois, tous ses anciens camarades sont certainement dans la même situation, et il ne peut qu’en aller de même de l’autre côté de l’échiquier politique. Le fond de ce comportement là, c’est tout simplement que ces gens perçoivent que le gain qu’ils font ainsi est plus grand que la perte y attachée. Ils savent bien que s’ils avaient tout le pouvoir pour eux ils procéderaient autrement, mais tant qu’ils ne l’ont pas, ils acceptent de se plier aux règles établies pour bénéficier des avantages que leur donne le groupe qui répond à ces règles. Ce n’est rien d’autre que du conformisme de soumission, dont on s’aperçoit à cette occasion qu’il peut trouver application dans tous les types de population.

 

Besson donc, a jonglé pendant plusieurs années avec ses propres valeurs et avec les exigences de son parti, il a manipulé ses propres convictions, a adapté son langage pour le faire correspondre à celui du groupe, afin de maintenir la cohérence de celui-ci, cette cohérence ayant été pendant tout ce temps la garantie personnelle dont il avait besoin pour progresser et s’assurer un avenir correspondant à son ambition (sans que je ne mette sous ce terme l’idée d »ambition « a tout prix »).

 

La rupture, qui pour l’individu se situe en amont de sa manifestation observable par le grand public, étant par essence une affaire intime, qui se déroule uniquement en lui-même, cette rupture donc a fait tomber d’un coup toutes ces exigences de conservation du groupe. Tous les compromis acceptés jusqu’alors n’ayant plus de contrepartie et n’offrant plus aucun avantage en retour, n’ont plus de raison d’être, et ils deviennent même, en s’associant à une expérience douloureuse (une rupture de ce type n’étant jamais facile, cette difficulté étant précisément le nœud gordien du déni), des complices au mal être ressenti. Ils doivent donc être abattus afin que l’individu retrouve pleinement l’équilibre psychologique que la rupture à rompu.

 

D’ailleurs, il faut parier ici que si la rupture n’était pas complète, le rejet qui s’ensuit ne serait pas aussi radical. Il faudrait à Besson conserver un moyen de revenir dans le jeu, de se réintroduire dans le groupe qu’il a quitté et qui lui offrait ses gratifications. Il me semble probable que sa réaction est aussi absolue que la rupture est définitive. Un intérêt personnel très fort dans un retour au bercail pourrait contrarier cette prédiction, mais celle-ci ne me semble vraiment pas absurde. On peut même peut-être penser que c’est parce que la rupture est déjà totale que l’opinion de Besson atteint une telle extrémité de rejet du projet de Ségolène Royal, alors que je ne vois guère de possibilité qu’il ne soit pas sur quelques points en accord avec ce qu’il a soutenu il fut un temps.

 

Besson fait mine du contraire, mais j'y vois le signe de la bête blessée, qui a besoin de retrouver une position d’apparence digne pour lui-même, de s’extraire de l’humiliation subie, et qui pour cela dresse un tableau aussi brutal de ses nouveaux adversaires que ceux-ci ont pu l’être avec lui. Cela n’empêche d’ailleurs nullement que ses convictions entrent bel et bien en jeu dans ce rejet, et qu’elles en constituent une part importante. Je ne cherche pas ici à dénier à Besson quelque raison dans son attitude, ni a contredire la profondeur de ses valeurs, mais je ne crois pas que celles-ci soient suffisantes à expliquer la radicalité extrême dont il témoigne désormais. Il est entré dans le rapport de force, et pour que celui-ci ne soit pas trop inégal, alors qu’il est seul contre tous, il a besoin de mettre autre chose dans son discours que des éléments raisonnés et mesurés. Il faut des émotions fortes, de l’agressivité, de la culpabilisation, une critique sur tous les niveaux possibles. Vous fonctionner très différemment vous quand on vous donne la possibilité de vous exprimer après avoir été agressés verbalement ?

Commentaires

Avaler des couleuvres est probablement un exercice régulier en politique - c'est sans doute même d'un certain pragmatisme. Mais qu'en est il quand il s'agit de Boa Constrictor ?

Il vient un temps où s'arranger avec les présupposés avantages qu'on tire d'une situation n'a plus lieu d'être.

Écrit par : Mendss | 26/03/2007

Merci pour cet article qui exprime beaucoup mieux que je n'ai pu le faire le passage d'une période de compromis à une colère qcontre ce qu'on avait du avaler
Dans la prise de position de Besson, il ya aussi une singularité par rapport à beaucoup d'hommes politiques: lui sait faire autre chose! Il est venu à la politqiue après une belle carrière dans le privé, il peurt se permettre de quitter la politique et de retrouver un poste dans le privé

Écrit par : verel | 26/03/2007

Mendss
Oui. Mais ce qui me semble intéressant n'est pas tant ce constat simple que la recherche des ressorts qui expliquent ces comportements en apparence contradictoires.

Vérel
Merci pour le compliment, et pour le complément d'info qui effectivement fait mieux comprendre pourquoi pour Besson la rupture peut être plus facile à opérer que pour d'autres qui n'ont en gros "que ça".

Écrit par : pikipoki | 26/03/2007

Les commentaires sont fermés.