Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/03/2007

L'adoption par les couples homosexuels

En commentaire d’une de ses longues brèves, Koz a indiqué quels étaient ses arguments contre l’adoption par des couples homosexuels. En bref, enfin j’espère ne pas trahir sa pensée en écrivant cela, Koz considère qu’il en va de l’équilibre de l’enfant, qui a besoin d’un père autant que d’une mère pour bien se construire, et qu’il n’est pas normal d’exposer dés son plus jeune âge aux risques de quolibets de ses camarades s’il devait avoir deux papas ou deux mamans.

 

Je dois dire que cette opinion était encore la mienne il ya quelques années, et que je faisais alors exactement la même démonstration que lui pour défendre mon propos. Dans un environnement social où la place de la famille est encore forte, on serait plutôt surpris que les gens pensent autrement. Mais mon opinion a changé, sans doute pas radicalement car je ne me sens pas farouchement opposé à une argumentation comme celle de koz, mais tout de même, je crois qu’elle est erronée.

 

J’ai changé d’opinion le jour où j’ai discuté de ce sujet avec un de mes cousins qui m’a dit en même temps qu’il était homosexuel. Il a avancé quelques arguments, et un en particulier qui disait que trop souvent, les parents élevaient leurs enfants comme « leur chose », avec donc une forte notion de possessivité vis-à-vis de leur progéniture. Biais qui selon lui était moins susceptible d’intervenir dans le cadre d’une adoption, et en particulier chez un couple homosexuel puisque ceux-ci du fait de leur situation risquaient moins que les autres de reproduire le schéma classique d’un couple hétérosexuel. En s’appropriant moins « leur » enfant que les autres, peut-être laissent-ils celui-ci plus libre de devenir ce qu’il veut. Et évidemment, le fait que ses parents soient homosexuels ne peut en aucun cas faire douter de l’amour qu’il pourra recevoir de ceux-ci.

 

Mais au–delà de ces quelques arguments, ce que j’ai plus ou moins senti ce jour là c’est qu’il y avait quelque chose d’étrange à envisager le risque que faisait éventuellement courir des parents homosexuels à leur enfant adoptif.  Manquer d’un père ou d’une mère est une fragilité ? Affronter les sarcasmes de ses camarades est douloureux ? Ce n’est sans doute pas faux. Mais au risque de paraître provocateur j’ai un peu envie de répondre : et alors ?

 

Oui et alors ? Qui s’imagine aujourd’hui que les enfants qui grandissent n’ont pas d’épreuves à affronter, d’humiliation à subir et desquelles se relever, de doutes auxquels faire face ? Quels parents songent sérieusement maîtriser le chemin de vie de leurs enfants au point de les préserver de quelques vraies désillusions et de certaines douleurs profondes ? J’en vois une au moins qu’ils prendront tous un jour en pleine poire et dont peut-être on sous-estime l’impact dans la construction personnelle des individus : la déception amoureuse.

 

Bien sûr on rétorquera sans doute que si tout cela est vrai, il n’y a pas de raison d’en rajouter pour autant. Et que lorsque l’on peut éviter quelques désagréments supplémentaires aux enfants, il est presque coupable de ne pas le faire  Mais il me semble que le fond de cette idée vient d’une vision comptable de la vie qui n’a pas beaucoup de sens. On ne peut pas envisager l’éducation d’un enfant en calculant le nombre de moments positifs et le nombre de moments négatifs qui se dresseront sur son parcours personnel. Et on aurait tout à fait tort je crois d’envisager l’éducation offerte par un couple homosexuel comme créant un handicap de base, comme un handicap physique peut l’être.

 

L’éducation est un processus très complexe, fait d’automatismes culturels reproduis par les parents plus ou moins consciemment, d’apprentissages que ces derniers font pour une part non négligeable en même temps qu’ils les enseignent à leurs enfants, de circonstances et d’événements extérieurs sur lesquels ils n’ont pas d’influence, d’un nombre incalculable de micro-événements qui par touche successives construisent un personnage particulier, qu’un jour les parents, s’ils regardent leurs rejetons avec clairvoyance, s’apercevront qu’ils ne peuvent pas voir complètement, qui garde en lui une part insaisissable, même à eux, même alors qu’il est le premier à hériter de ce qu’ils sont (au fait, je crois que c’est ça aimer : reconnaître et accepter la part fuyante de l’autre).

 

Ce processus peut tout à fait être mené de façon positive par des parents homosexuels. Peut-être auront-ils quelques difficultés de plus que les autres à affronter, à commencer par ce regard négatif qu’une certaine population continue de porter sur eux. Mais ils n’auront pas moins de faculté que les hétérosexuels pour gérer ces difficultés. C’est de maturité comportementale dont il est vraiment question ici : si celle-ci est forte, des parents homosexuels sauront faire grandir leur enfant sainement, et si elle est faible, et bien ils ne sauront pas, mais il en ira de même pour des parents hétérosexuels.

 

Enfin cette question ne doit à mon avis pas être présentée comme une vraie question de société. Ou plus exactement, je ne pense pas qu’ouvrir l’adoption à des couples homosexuels puisse avoir un impact sociétal réel. C’est une décision qui changera la vie de certains individus, mais pas le visage de la société dans son ensemble. Simplement parce qu’ils ne seraient sans doute pas si nombreux à y avoir recours (qu’on songe simplement au nombre d’enfant adoptés par rapport au nombre d’enfants naturels, je n’ai pas les chiffres, mais je serais surpris que ce ratio soit très élevé).

Commentaires

Ce ne serait pas "pas normal" que j'emploierais, mais plutôt "inutile". Je connais quelques "cas" d'enfants adoptés, j'en connais peu qui n'aient connu des périodes très difficiles pour l'assumer. Dès lors, je suis effectivement plutôt réticent à l'idée d'ajouter une singularité incontestablement délicate à assumer à un enfant auquel on ne demande, au demeurant, pas son avis.

Vision comptable de la vie ? Aucunement. Ne pouvant, à l'évidence et au contraire, dresser une comptabilité (prospective au demeurant, ce qui devient balaise) des difficultés que rencontrera un enfant donné, il suffit de constater que le même enfant, né au sein d'un couple hétérosexuel, ou adopté par un couple homosexuel, n'affrontera pas les mêmes difficultés.

Dire qu'il lui reviendra ensuite de le gérer et que, bah, de toutes façons, la vie, c'est souvent pas cool, c'est un raisonnement que je trouve bien théorique et qui fait un peu bon marché de la perception de l'enfant lui-même.

Je trouve aussi le raisonnement de ton cousin étonnant. Notamment parce qu'il part d'un présupposé parfaitement indémontrable. Il y a des parents naturels possessifs et d'autres qui ne le sont pas. Des parents adoptifs qui ne le seront pas et d'autres qui auront tant investi dans cette adoption qu'ils le seront. De même, j'aimerais comprendre ce qui motiverait le fait qu'un couple homosexuel soit davantage disposé à laisser l'enfant libre. Sauf à considérer que l'on est de meilleurs parents lorsque ce n'est pas son enfant que l'on élève. Votre amour et votre lien charnel avec votre enfant vous incitent à investir sur lui (et rien n'interdit d'investir intelligemment, précisément en respectant son épanouissement personnel) ? Vous êtes structurellement un mauvais éducateur.

Enfin, si j'imagine bien qu'un enfant ne sera pas en perdition parce qu'il aura eu l'extrême malheur d'être élevé par un couple homosexuel (permets-moi de penser que le fait de parler de "deux pères" et "deux mères" relève du biais), je persiste à penser que la présence d'un père et d'une mère, d'un homme et d'une femme, est quelque chose de fondamentalement structurant pour un enfant (il n'est que de voir les enfants rechercher la présence "du père" ou "de la mère" pour s'en convaincre).

Écrit par : koz | 28/03/2007

Je trouve l'argumentation de koz un peu simpliste. Les notions de "père" et "mère" sont à la fois concrètes et symboliques, ce qui permet à des personnes autres que "le père" et "la mère" de les assumer.

Si tous les enfants nés dans des couples hétérosexuels étaient équilibrés et heureux, nous vivrions dans un monde plus harmonieux, mais ce n'est pas le cas. L'amour conjugal et le respect de la norme ne suffisent pas à faire de bons parents.

Pour ma part, je suis favorable à l'adoption d'enfants par toutes sortes de personnes si elles sont conscientes de la démarche dans laquelle elles s'engagent et si elles ont réglé leurs propres problèmes d'identité. A ce titre, je ne vois pas pourquoi un couple homosexuel serait moins efficace qu'un couple hétérosexuel ou qu'une personne célibataire.

En revanche, je suis opposée à la création "ex nihilo" d'un être vivant, par insémination artificielle, au prétexte que deux femmes veulent un enfant en le privant sciemment de tout père biologique, l'homme étant alors réduit à distribuer une semence "sans histoire".

Écrit par : samantdi | 28/03/2007

Bien sur, on peut trouver la figure du père ailleurs qu'en ses propres parents. Mais avouez que l'on n'est pas contraint de la chercher lorsqu'elle s'y trouve déjà. Ce qui est plus délicat au sein d'un couple d'homosexuelles.

Écrit par : koz | 28/03/2007

koz, pikipoki : sur ce sujet, je pose toujours la question à mes interlocuteurs : et quid de l'adoption par une personne seule ? C'est autorisé en France depuis 40 ans (je crois bien) et l'enfant manque de "l'equilibre apporté par les 2 parents, père et mère". Alors, Koz, es-tu aussi opposé à l'adoption monoparentale ? Pikipoki, d'un point de vue psychologique, est-ce que c'est le côté "manque des parents des deux sexes" ou "avoir deux parents du meme sexe" qui pourrait poser pb ?

Écrit par : Matthieu | 28/03/2007

le commentaire de Matthieu m'arrange bien parce que je voulais justement évoquer cette question
Mais d'abord je rejoins Koz poiur dire que pour l'immense majorité des enfants adoptés(et j'en ai vu un certain nombre autour de moi) cela a été vraiment difficile, pour eux comme pour leurs parents, je présume à cause d'un certain nombre de traumatismes subis pendant la petite enfance.
Alors, effectivement avant de me précipiter pour ouvrir l'adoption aux couples homosexuels (alors qu'on ne manque pas de couples candidats à l'adoption) j'y réfléchirais à deux fois
Il me semble que la sexualité est quelque chose de très important dans notre développement (un certain Freud en a parlé...) et je trouve bien présomptueux ceux qui pense que cela n'a pas d'impact
Pour revenir à l'adoption par des femmes célibataires, je ne touve justement pas cela très malin. Je ferais cependant une exception, dans le cas où une relation existe déjà pour des raisons de l'histoire de l'enfant, entre celui ci et l'adoptante, et où l'adoption est simplement la reconnaissance de ce lien et le choix le meilleur pour l'enfant. Il est évident que dans un cas identique concernant non pas une femme célibataire mais un couple homosexuel, la réponse serait la même
Mais choisir pour un enfant à adopter, parmi les candidats potentiels qui ne le connaissent pas, une femme seule ou un couple homosexuel, cela ne me parait tout simplement pas sérieux
Je vois autour de moi des femmes se faire faire un enfant qu'elles ont l'intention d'éléver seule, d'autres femmes seules aller dans des pays étrangers chercher un enfant à adopter, je trouve également que de leur part ce n'est pas sérieux
Et pourtant, il existe des tas de femmes qui se sont trouvées seules pour élever leur(s) enfant(s) pour différentes raisons et qui s'en sont sortis. Ce sont les évenéemnts de la vie . Mais le choisir, encore une fois, je ne trouve pas cela sérieux

Écrit par : verel | 29/03/2007

En gros mon opinion, c'est qu'il n'y a pas péril dans l'adoption par des couples homosexuels. On peut penser que c'est un peu moins bien pour l'enfant que si les parents sont des deux sexes. Mais dans le fond il y a tellement d'élément qu'on ne maîtrise pas qu'il n'est pas si aisé de l'affirmer.

Evidemment le sujet est tout autre si l'adoption ne relève que de la satisfaction égoïste de ceux qui adoptent

Sur la question de Matthieu je ne suis pas sûr de pouvoir bien répondre. Ce qui me semble juste de dire, et c'est un point d'où l'on doit pouvoir partir pour réfléchir à cette question, c'est que dans nos jeunes années, nous grandissons pour une part importante par mimétisme. Ainsi, c'est probablement moins une pulsion sexuelle débridée, que la volonté de copier nos pères qui est à l'origine du célèbre complexe d'Oedipe. Nous grandissons d'abord par imitation.

Mais ce mimétisme prend des formes qui peuvent être très complexes. En d'autres termes, on ne peut à mon avis pas déduire de cela qu'un enfant élevé par un couple homosexuel deviendrait lui-même homosexuel.

Une autre remarque aussi: les commentaires de Koz et de Vérel sont très cohérents, mais je crois qu'ils valent essentiellement pour notre petit monde à nous. En d'autres termes, ils constituent les solutions trouvées par une société donnée à une époque donnée pour réaliser un certain objectif. Cet objectif lui est propre, il est probable qu'il n'ait pas à être identique pour d'autres formes de sociétés. En gros, on retombe là dans la question du conformisme de soumission: on adopte un comportement qui sauvegarde ce que l'on a construit jusque là en tant que groupe. Dans l'ignorance de ce que donnerait une autre formule, peut-être n'est-il pas sérieux de changer de route. Mais dans le fond, ce sont les événements qui vont choisir cela pour nous. Les années à venir vont nous le montrer (même si certains changements interviendront tard), et peut-être un jour comprendrons nous qu'il n'y a pas de valeur absolue à ces choix-là, pas de valeur tout court oserais-je presque dire, rien que des justifications, parfois savantes, parfois pas, de ce qui nous rassure.

Écrit par : pikipoki | 01/04/2007

Je pense pour ma part que si on est d'accord sur le fait que chacun de nous est un équilibre entre masculin et féminin (et donc qu'il est difficile voire impossible de fixer une limite aux genre), l'adoption par un couple de deux personnes de même sexe est tout à fait NORMAL !
La pratique sexuelle, on verra ça plus tard !

[Doit-on autoriser l'adoption des enfants par des couples joueurs de tennis ?]

Écrit par : filaplomb | 06/04/2007

Les commentaires sont fermés.