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19/04/2007

La légende des comportements: l'agressivité d'angoisse ou d'irritabilité

medium_angoisse.jpgDernier type d’agressivité dont je voudrais parler ici, avant probablement de revenir de façon synthétique sur tout ce que j’ai pu dire jusqu’à maintenant sur la notion d’agressivité : l’agressivité d’angoisse ou d’irritabilité.

Dans la situation où un individu est agressé par un autre, la lutte peut ne pas s’avérer être la meilleure solution. S’il perd, cela peut se faire par sa propre disparition. C’est la raison pour laquelle la fuite est souvent l’attitude privilégiée. Mais lorsque celle-ci n’est pas possible, et dans le milieu social, les cas d’impossibilité de fuite sont nombreux, il ne reste à l’individu comme seule possibilité que l’inhibition de l’action.

Nous avons vu que celle-ci stimule la production de glucocorticoïdes, qui elles-mêmes stimulent à leur tour le système inhibiteur de l’action (ou SIA). L’inhibition de l’action est donc un cercle vicieux dans lequel il est parfois bien difficile de sortir. Il en résulte une attente en tension de l’individu, un peu comme le hérisson qui s’arrête net au milieu du jardin lorsqu’on se fait entendre près de lui. Cette attente en tension, dans l’angoisse de l’instant d’après, crée un déséquilibre biologique important, dont j’ai déjà rapporté quelques unes des conséquences les plus importantes.

Pour sortir du comportement inhibiteur de l’action, l’individu n’a pas d’autre solution que de se mettre à nouveau en action, soit par la fuite, soit par la lutte. S’il choisit la lutte, c’est l’intensité de la tension d’attente dans laquelle il se trouvait précédemment, qui va souvent influencer l’intensité de l’agressivité qu’il va alors dégager. Certaines situations d’attente en tension peuvent ainsi aboutir à de véritables explosions de violence. C’est ce que l’on nomme familièrement un « pétage de plomb » lorsque cela intervient à un niveau individuel, et au niveau collectif cela se traduit par certaines émeutes ou révoltes.

Cette agressivité née d’une situation d’angoisse, n’est pas liée à l’inné. En effet, pour avoir lieu, elle suppose que l’individu ait préalablement appris quels « bénéfices » il peut tirer de l’inhibition de l’action, à savoir l’évitement du pire pouvant survenir dans un comportement de lutte : il faut qu’il ait compris que parfois l’action est inefficace voire nuisible. C’est donc un comportement acquis. Que l’agressivité en elle-même puisse être liée à l’inné ni change pas grand-chose, l’agressivité d’angoisse ou d’irritabilité ne pouvant intervenir que si l’individu perçoit qu’il perd moins en s’inhibant qu’en luttant.

Mais comme dans le cas de l’agressivité défensive, l’agressivité liée aux situations d’inhibition de l’action n’est elle aussi qu’un chapitre de l’agressivité de compétition. C’est en particulier le cas concernant l’expression sociale de cette agressivité, puisque l’inhibition de l’action en situation sociale provient quasiment exclusivement de l’ascendant exercé par les dominants sur les dominés.

L’exemple le plus simple, et nombreux sont ceux à l’avoir connu, intervient dans le cadre professionnel, lorsque l’individu est pris entre un responsable hiérarchique tyrannique et l’obligation de conserver son emploi afin de nourrir sa famille. Cette obligation interdit tout comportement de révolte et de lutte face au supérieur hiérarchique. Et puisque l’individu ne peut fuir (puisqu’il doit garder son travail), il entre alors bien souvent en inhibition de l’action. Ce n’est pas un hasard si ce sont les populations les plus pauvres qui remplissent le plus souvent les cabinets des médecins (enfin, oui, quand ils en ont les moyens, c’est vrai).

Il faut bien comprendre, encore une fois, que cette agressivité d’inhibition de l’action, n’est pas une agressivité gratuite. Elle ne sort pas d’elle-même, par un caractère inné chez les individus mis en situation de soumission, qui ne serait dans le fond que des agresseurs en puissance. Elle répond, comme les autres types d’agressivité que j’ai abordés ici, à un besoin de l’individu de sortir d’une position comportementale qui le mène à sa perte. Elle est une réponse. La lutte présente bien sûr un risque, mais lorsque ce risque semble moins fort qu’est sûre le malaise de la soumission, l’individu fait le choix de l’agressivité.

Je voudrais terminer ce billet par une rapide considération sur un phénomène qui me paraît grandissant dans les sociétés modernes : le développement des comportements auto-destructeurs. Lorsque l’agressivité de l’individu en situation d’angoisse ne peut s’orienter vers les autres individus, il va parfois choisir de l’orienter vers lui-même. Il me semble que c’est en partie le cas dans les comportements suicidaires. Je vois également un fondement similaire dans tous les comportements auto-destructeurs liés de près ou de loin à la toxicomanie. L’alcool, la cigarette, toutes les formes de drogues sont des produits dont le niveau de consommation constitue peut être un indicateur significatif de l’agressivité sociale générée dans une société donnée. Je ne veux pas être catégorique sur ce point, mais cela me semble être une piste pas tout à fait ridicule.

Désormais, pour clore cette série, il reste à étudier quelques exemples qui illustrent les points importants que j’ai relevé en m’appuyant sur Laborit. Cela nécessite toutefois un travail un peu conséquent et ce billet de synthèse pourrait ne pas arriver très vite. En tout cas il y a peu de chance que je le rédige demain.

 

 

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Commentaires

Comme j'en ai profité pour relire ce texte aussi, Lagrange (Hugues) considère également que la montée des violences des jeunes doit être saisie en lien avec l'augmentation des conduites auto-destructives (suicides et toxicomanies) comme des conduites "expressives" résultant d'un manque de reconnaissance.
Bref, tu as une âme de sociologue ;)

Écrit par : Clic | 26/05/2007

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