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25/01/2007

La légende des comportements: l'inhibition de l'action

medium_Inhibition_de_l_action.jpgFace à une agression, les modes de réactions que notre organisme peut mettre en œuvre sont de trois types : la lutte, c’est-à-dire l’agressivité défensive, par laquelle nous allons chercher faire disparaître la cause de l’agression que nous subissons, la fuite, par laquelle on cherche à éviter l’agression, et enfin l’inhibition de l’action (système inhibiteur de l’action ou SIA), que nous mettons en œuvre lorsque ni la lutte ni la fuite ne sont possibles. Précisons que le terme d’agression est ici compris dans un sens large : il s’agit de tout ce qui peut contribuer à augmenter l’entropie de notre organisme, c’est-à-dire à le détruire (faim, soif, risques de tout types).

Le système inhibiteur de l’action, lorsqu’il est mis en œuvre, provoque une rétroaction en tendance, c’est-à-dire un cercle vicieux, qui ne peut être interrompu qu’en retrouvant les conditions d’un réenforcement, c’est-à-dire d’une action gratifiante (pour revoir le principe des rétroactions, je vous invite à relire ce billet). Mais s’il n’est pas interrompu, il peut conduire à de forts dysfonctionnements, allant jusqu’à la maladie grave, au cancer.

Notons, avant de détailler les conséquences biologiques de l’inhibition de l’action, que ce système n’a pas toutefois que du mauvais, puisque dans certains cas où la fuite est impossible, il vaut mieux ne pas entrer en conflit avec son agresseur, plutôt que de risquer sa vie en l’attaquant. C’est d’ailleurs une stratégie à laquelle de nombreux animaux ont recours pour se protéger de leurs prédateurs : ils restent statiques afin de ne pas attirer leur prédateur, et dans certains cas précis cette stratégie est celle qui sera privilégiée.

Mais lorsque le SIA ne peut être interrompu, et qu’il reste en œuvre pendant trop longtemps, il engendre des déséquilibres internes graves. En effet, le SIA libère des glucocorticoïdes, qui peuvent être très dangereuses pour l’organisme car elles s’attaquent au thymus qui est le siège de fabrication de nos défenses immunitaires. Celles-ci fragilisent donc l’organisme et le rende plus sensible à l’égard des affections qui le menacent.

De plus, les cellules non conformes qui seraient éliminées par un système défensif efficace, le seront beaucoup moins si celui-ci est affaiblit, ce qui crée ainsi un terrain favorable à l’émergence d’un cancer. Laborit montre que les causes des cancers sont multiples, et qu’un seul facteur ne suffit pas à les expliquer. Ces facteurs interviennent aux différents niveaux d’organisation de l’individu, le plus englobant étant celui de la niche environnementale dans laquelle il vit. En d’autres termes, si cette niche est source de mauvais stress et entraîne chez certains un recours fréquent à l’inhibition de l’action, ceux-ci seront des terrains plus faciles de développement de cancers.

Une expérience pratiquée sur des rats, rapportée également par Laborit, a démontré ce fait : chez les rats mis en situation d’inhibition de l’action, une souche tumorale injectée prend et se développe dans un grand nombre de cas. Alors que dans une population de rats en situation d’évitement ou de lutte possibles, la tumeur ne prend que dans un nombre restreint de cas.

Mais ce n’est pas fini. Les glucocorticoïdes que l’organisme produit en situation d’inhibition de l’action entraîne également une augmentation du volume sanguin, et simultanément, une diminution du calibre de tous les vaisseaux. La pression augmente donc, et avec elle le risque d’infarctus.

Et ce n’est toujours pas fini. Les glucocorticoïdes (c’est le mot du jour finalement, glucocorticoïdes, pas facile à ressortir en société, mais ça sonne bien je trouve) détruisent aussi les protéines. Or, lors du sommeil, l’organisme procède à une restructuration protéique neuronale. En inhibition de l’action, cette restructuration ne pourra pas avoir lieu aussi efficacement. Il s’ensuit un sommeil moins réparateur, des insomnies, une fatigue plus forte.

Elles (un mot devient tabou quand il est trop répété) interviennent aussi dans l’apparition d’ulcères à l’estomac, dans des maladies psychosomatiques, etc.

Bref, l’inhibition de l’action est une source de maladie très souvent mal identifiée, mais redoutable. Laborit avait coutume de dire, après plusieurs années d’expérience en médecine, qu’au lieu de soigner des ulcères et des cancers après qu’ils soient apparus, il voudrait parfois intervenir avant et « éloigner la belle-mère source de stress ».

Maintenant que nous savons quelles sont les conséquences de l’inhibition de l’action, nous pouvons identifier quelles sont les populations qu’elle touche le plus sûrement. Sans hésitation, il s’agit des populations dites modestes, de l’employé coincé entre un patron tyrannique et l’impossibilité de démissionner sous peine de tomber au chômage, de ceux dont le budget trop faible ne permet pas l’évasion mentale des divertissements, bref, il s’agit des dominés. A l’heure où j’écris ces lignes, je ne sais pas s’il existe une étude de répartition des cancers par catégorie sociologique. Mais je prends les paris que ceux-ci sont en pourcentage bien plus élevés chez ces gens-là que parmi les populations élevées. Je vérifierai dés que j’en aurai l’occasion et le temps, et j’indiquerai le résultat ici, probablement en edit de ce billet. Mais cela ne fait à mes yeux aucun doute.

 

 

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Commentaires

Attention aux facteurs caches (du genre, les populations plus modestes vivent dans des conditions plus insalubres, mange de la nourriture de moins bonne qualite, etc...). mais ce facteur stress/inhibition de l'action existe certainement.

a lire cette description, j'ai l'impression que ces genes d'inhibition de l'action sont des exemples parfaits de "genes egoistes", qui n'hesitent pas a paralyser/detruire a petit feu le reste de l'organisme, du moment qu'ils parviennent a eviter la mort et favoriser la reproduction dans un certain nombre de cas.

Écrit par : Matthieu | 25/01/2007

Matthieu
Il n'existe aucun gêne d'inhibition de l'action. L'inhibition de l'action n'est pas un caractère, mais un processus comportemental.

Écrit par : pikipoki | 25/01/2007

hem...

la production d'endorphines et autres effets physiques (conduisant entre autres a la neutralisation du systeme immunitaire chez les souris, a la paralysie du lapin face au renard ou au 35 tonnes qui va l'ecraser) ne seraient pas codes dans l'ADN ? la synthese de glucocorticoides serait commande uniquement par un comportement ? (d'ailleurs, n'est ce pas plutot glYcocorticoides, comme dans tous les mots ou glucose est utilise comme prefixe ? je ne sais pas).

voila qui va bien a l'encontre de ta position habituelle dans nos discussions sur le libre arbitre, ironiquement !

Écrit par : Matthieu | 26/01/2007

Mathieu
C'est bien glucocorticoïdes, en tout cas c'est le terme employé par Laborit. Est-ce qu'il en existe un autre, je ne sais pas à vrai dire.

Mais en fait, je vois que nous nous comprenons mal. Tu pars avec une idée très fortement ancrée sur le gène égoïste de Dawkins. Laborit dans ses travaux, s'est plutôt opposé à la vision de Dawkins. Pour lui, un gène ne saurait rendre compte de l'intégralité d'un comportement, même si celui-ci peut être en partie codé en lui, et ceci pour deux raisons:

La première, c'est que raisonner ainsi c'est ignorer tout l'impact des niveaux d'organisation. C'est fonctionner comme si le gène se suffisait à lui-même, ce que Laborit nie.

La deuxième, c'est que les gènes ne peuvent que coder un potentiel, pas une réalisation. En d'autres termes, l'inhibition de l'action n'a aucune chance d'être mise en oeuvre par un nouveau né humain (au niveau des animaux, c'est peut-être différent, car leur système nerveux central ne fonctionne pas exactement de la même façon). Cela signifie que nous avons d'abord besoin d'apprendre quels "bénéfices", ou plutôt, quelles absences de mal l'inhibition de l'action peut nous procurer avant de la répéter (par le réenforcement).

Peut-être suis-je plus clair ainsi ?

D'autre part, sur le libre arbitre, son absence, du fait denos déterminismes, n'est pas qu'une questions de nature et de gènes. Il s'agit pour une très grande part, probablement majeure d'ailleurs, de nos apprentissages, de nos automatismes culturels et sociaux.

Écrit par : pikipoki | 27/01/2007

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