Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

18/06/2008

Valeur des compliments

b4b18a1b719e469682493b3526fb0c7f.jpgPendant longtemps j'ai eu quelques soucis avec les compliments, avec ceux qu'il pouvait m'arriver de recevoir pour être exact. Je les écoutais avec un air dubitatif, peu convaincu, méfiant souvent même. Comme s'ils étaient la manifestation d'un avis dépourvu de réalité et derrière lequel il me fallait comprendre quelle opinion réelle la personne qui les émettait avait de moi. La chose était je pense un peu excessive même, tant il était rare qu'ils puissent me toucher, alors qu'à l'inverse des personnes qui m'en disaient pouvaient m'apparaître subitement suspectes au point que je m'éloigne d'elles de façon parfois rédhibitoire. Le sommet fut atteint il y a déjà longtemps, lorsqu’un cousin proche me dit un jour que j’étais quelqu’un qui comptait d’une façon particulière pour lui. Du jour au lendemain j’ai cessé tout contact avec lui. Il m’avait menti, ce n’était pas possible autrement, il s’était moqué de moi. Et il l’avait fait d’une façon si sérieuse que je trouvais cela inacceptable.

 

Etrange n’est-ce pas ? Mauvais signe même, disons-le, sur ce que cela révélait de ma confiance en moi. Il n’est d’ailleurs pas aisé de revenir de réflexes si profondément ancrés. En gestion du stress heureusement on apprend à accueillir les compliments avec joie et simplicité. Ce n’est que l’interprétation que je faisais de ces compliments qui les rendait suspects, ils ne contenaient rien en eux-mêmes qui justifie mes réactions. Bien sûr lorsqu’une personne nous connaît peu en émet on peut se demander « comment peut-elle me dire un compliment si elle ne me connaît pas ? », mais après tout, même dans ce cas il n’y a pas de raison vraiment valable de le refuser. Cela ne signifie pas qu’on ne peut pas rester humble devant ses manifestations de sympathie, mais rejeter un compliment sans savoir sur quoi la personne le fonde et en inventant soi-même l’interprétation la plus négative possible est déraisonnable.

 

Revenu donc, enfin encore très partiellement, de mes réflexes anciens, j’accepte désormais plus facilement les compliments lorsqu’ils viennent. Mais pourtant en y songeant à nouveau il y a quelque temps je leur ai vu une vraie limite, ou plutôt une imperfection. C’est que les compliments ne disent que de façon très floue, il me semble, ce qu’une personne pense de soi. Ou, pour être encore plus précis, ils peuvent dire avec une certaine justesse ce qu’une personne pense de soi, c’est-à-dire exprimer la « mise en mot » de l’opinion de la personne sur soi-même mais, las, cette « mise en mot » est un vecteur très imparfait pour dire la profondeur de la relation qui se noue avec l’autre. La vérité la plus proche de ce qu’est une relation, ou de ce qu’elle peut devenir, n’est peut-être pas à chercher dans ces mots, mais plus dans le ressenti intérieur extériorisé par le comportement, et qu’on exprime souvent très peu par des mots car il peut rester essentiellement intuitif et donc aussi inconscient.

 

Un exemple permettra sans doute de mieux comprendre ce que j’écris d’une façon si ampoulée (le ressenti intérieur extériorisé par le comportement, ça pourrait pas se simplifier par « le comportement » ?  Bref.). Imaginons 3 individus qui se côtoient régulièrement. Pour notre exemple, l’un des 3 se pose en juge des 2 autres. Envers le premier il exprime souvent un respect fort, presque teinté d’admiration. Ils peuvent par exemple travailler ensemble, discuter, et toujours d’une façon courtoise et respectueuse l’un de l’autre. Envers le deuxième il n’exprime pas de compliment, mais une complicité naît naturellement, les deux parlent facilement ensemble, s’amusent, font des soirées, finissent amis. Il n’y a pas derrière cette relation de grande admiration éprouvée l’un pour l’autre, mais en revanche une amitié réelle s’est nouée.

 

Bien sûr cela n’enlève sans doute rien à la sincérité de l’admiration que le premier larron aura pu susciter, mais au final je me pose la question suivante : que valent cette admiration et les compliments qui l’expriment s’ils ne peuvent être la source d’une relation de proximité ? Dit autrement, à quoi bon être admiré et complimenté si l’on ne devient pas ami avec l’autre ? Il reste quoi dans les mains à part le vent des mots ? C’est une situation terriblement frustrante vous ne trouvez pas ?

 

Je rattache ça un peu à ce que j’ai dû écrire ici il y a déjà pas mal de temps sur l’opportunité de « qualifier » les gens autour de nous, c’est-à-dire de leur attribuer des qualités, des caractéristiques qui les définissent. J’avais rapporté un extrait que je vais reproduire de façon imparfaite pour en rendre juste la teneur (mais je n’ai pas envie de chercher dans mes archives pour retrouver le texte exact) : un père écoute son fils lui parler d’un tiers dont il fait une critique acerbe. « Pas de blasphème ! » s’écrit le père, énervé des paroles de son fils. Puis le fils évoque une autre personne, mais cette fois-ci de façon positive, avec force compliments. Et le père de réagir à nouveau en s’écriant : « Pas de blasphème ! ».

 

Lorsque l’on qualifie quelqu’un, d’une certaine façon, on le met à distance de nous. On le définit, on le cerne, et on crée ainsi un rempart à la proximité. Dans la philosophie de Lévinas on trouve le fondement de cette idée. Définir quelqu’un c’est réduire et même refuser son altérité, c’est-à-dire son caractère fondamentalement fuyant et insaisissable. La proximité ne s’arrange pas bien de comportements où l’on qualifie les personnes de façon trop précise et surtout trop définitive.

 

Les compliments sont des choses positives qu’il me semble bon de savoir accueillir avec joie et gratitude. Mais pour ma part je ne parviens pas à les préférer à un échange léger dans lequel je sens la source d’une véritable amitié.

 

 

(P.S: une "analyse" comportementale de comptoir dirait sans doute que le signe du pouce levé est le geste le plus proche du coup de poing...)

Commentaires

Chouette, de nouveaux billets de Pikipoki !

J'y trouve du grain à moudre...

"à quoi bon être admiré et complimenté si l’on ne devient pas ami avec l’autre ?" : il me semble que l'on peut admirer sans éprouver de sympathie, parce que la personne que l'on admire a des talents que l'on n'a pas, a accompli un parcours qui sort de l'ordinaire, a fait preuve d'une grande volonté. Il y a quelque chose de "respectable" dans l'admiration, qui va de pair avec une certaine distance.

(Donc, je crois que je suis en partie d'accord avec vous... si ce n'est que moi, j'adore les compliments !)

Écrit par : samantdi | 19/06/2008

J'aime beaucoup votre approche et partage en partie votre analyse. En partie seulement, car j'ai un comportement très différent face aux compliments.
J'aime particulièrement les compliments mais tout, dans mon attitude, montre que je ne les recherche pas.
Par contre, ceux qui me connaissent très bien (je devrais dire celle:) ne sont pas dupes et sentent que je rêve de recevoir un compliment pour le savourer... et ne me le donne pas, parce qu'ils n'aiment pas complimenter quelqu'un qui attend les compliments.
C'est très frustrant.
Et en même temps, c'est très bon pour les chevilles.

Enfin, de façon générale, je trouve qu'il est très difficile de réagir correctement aux compliments.

Écrit par : Zythom | 19/06/2008

Samantdi,
Je suis d'accord avec vous sur la façon dont fonctionne l'admiration, la distance qui l'accompagne notamment. Mais justement, je trouve cela en fait terriblement frustrant, et c'est une des raisons pour lesquelles je ne cherche pas les compliments.

Zythom
Connaissez-vous par hasard les travaux de John Gray ?
En gros il explique quelles sont les différences hommes femmes dans la relation amoureuse, et quels sont pour chacun les signes d'amour qui "marchent" le mieux. L'homme marche au "poisson", ce qu'il cherche avant tout, c'est à se montrer compétent, performant, devant sa compagne. Les compliments sont ce qu'il préfère.

Si vous souhaitez découvrir cela facilement, je vous suggère cette vidéo sur youtube, qui est l'intégrale d'unspectacle mis au point par un adepte français de John Gray.
http://www.youtube.com/watch?v=ywFeAy3ahiY

Vous suivez ce premier lien et ensuite il y a 10 autres vidéos. Regardez-le avec votre femme si vous le voulez, vous verrez, c'est très amusant et on en apprend beaucoup sur soi et sur l'autre ! :o)

Écrit par : pikipoki | 19/06/2008

Je ne crois pas que le fait de qualifier quelqu’un – que l’on apprécie – génère de la « distance » ou « crée un rempart à la proximité ». A vrai dire, je pense même le contraire ; même si cela dépend de la relation que l’on entretient avec la personne que l’on « complimente » et de la nature du compliment. Les choses seraient vraiment plus simples si l’intuition faisait tout et si elle était systématiquement captée par l’autre… Hélas, ce n’est pas toujours le cas et donc, parfois, les mots sont nécessaires. Un compliment peut être léger, sincère et peut-être créer de la proximité.
Tiens, comment réagissez-vous, si je vous dis que – sauf cette petite remarque – votre billet est excellent ? ;-)

Écrit par : AIA | 19/06/2008

AIA
Et bien l'astuce me fait plutôt rire :o)
Ceci dit, vous avez raison, les compliments peuvent se faire comme vous l'indiquez, mais il ne s'agit peut-être plus de l'admiration qu'on évoquait avant dans ce cas.

Écrit par : pikipoki | 20/06/2008

vas VOIR mon blog une video de moi explique ma demarche humaine peut tu demander a tous de la regarder afin de comprendre

Écrit par : Michael Conan | 30/08/2008

Les commentaires sont fermés.