Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/07/2011

Faire partie

IMG_2828.JPGCa m'est venu à la première pluie d'été. Un grand sourire, le plaisir de sentir la pluie sur ma tête, dans mon cou, sur ma peau. Il s'est mis à pleuvoir à torrent, mais je n'ai pas pressé le pas, j'en ai profité jusqu'au bout, je me sentais vraiment bien, et cette idée me trottait en tête : "je sens", et toute la chance de cette sensation qui l'accompagnait. "Je sens", quel bol incroyable.

 

Je sais que ces émerveillements devant des choses si banales paraissent à certains être des histoires d'illuminés. Que Bobin et Delerm qui, contrairement à moi, semblent illuminés à temps plein, ont très mauvaise presse chez bon nombre de gens. Tout ça n'est pas sérieux se disent-ils peut-être. Alors que tirer la tronche, ça vous pose un homme ?

 

Sous cette pluie je me suis souvenu une nouvelle fois de ce livre d'Hubert Reeves, Oiseau merveilleux oiseau, et de ce témoignage qu'il y donnait de sa période en hôpital. De ce moment où, intubé, il avait eu cette immense émotion en voyant la Lune par la fenêtre de sa chambre. Et cette idée radieuse qui lui était venue en tête : "je fais partie". Je sens, je fais partie. Quelle chance.

 

Je pars pour 15 jours tester la sensation du soleil à la place de la pluie. A bientôt et ne soyez pas trop sages en mon absence.

 

 

En photo, ma destination, enfin tout près.

27/07/2011

Le monstre et nous

Idées noires Franquin.jpgLa tuerie perpétrée il y a quelques jours sur l'île d'Utoya en Norvège est particulièrement choquante pour la plupart d'entre nous. Comment peut-on préparer, planifier puis exécuter un tel massacre de sang froid ? Comment peut-on tuer de façon aussi calme, en se promenant entre les gens ? Comment ? Pourquoi ? Ces questions peuvent nous hanter.

 

Car après un tel acte, qu'en est-il après tout de notre propre sécurité ? Puisque les règles ont disparu, comment puis-je avoir confiance en ce qui va se passer demain ? Comment ne pas craindre le moindre quidam croisé sur ma route ? Comment puis-je ne pas avoir la peur au ventre à chaque fois que je sors de chez moi pour aller au boulot, faire mes courses, sortir mes poubelles ? Qui croire ? Que croire ?

 

On pensera peut-être que j'en rajoute et que j'y mets un pathos inutile. Pourtant, ces questions, les personnes qui ont vécu ces heures affreuses sont certainement nombreuses à se les poser. Il faut s'imaginer sur cette île, entendant des coups de feu à tout va, pendant un temps dont on ne sait plus estimer la durée, ne sachant que faire, ce qui se passe, qui peut nous aider. Il faut s'imaginer avoir vécu ça et avoir entendu ensuite les aveux d'Anders Behring Breivik, dénués de tout regret, témoignant d'un acte froid et calculé. Il y a là un sentiment d'insécurité quasiment fou, qui fait basculer dans un monde incompréhensible, de peur permanente, qui ne ressemble à rien qui nous soit connu. Il me semble que c'est en grande partie là que le travail se trouve aujourd'hui pour ces personnes : reconstruire l'idée que les règles existent toujours, que la très grande majorité des gens qui les entourent ne peut pas commettre pareil folie, qu'ils sont en sécurité.

 

Il est bien difficile de trouver des explications justes à un tel drame. Je ne m'y risquerais pas car ce serait jouer au savant cosinus. La seule chose que je peux dire est que pareil comportement est à rapprocher des profils pervers. Il faut clarifier ce terme. Il ne s'agit nullement ici de vice sexuel comme on serait enclin à le penser de prime abord. En psychologie, le pervers est celui qui nie l'autre. Dans sa personne même. Pour le commun des hommes il est quasiment impossible de comprendre réellement ce que cela signifie, car précisément, c'est d'un autre monde psychologique que celui auquel nous sommes habitués dont on parle ici. Mais si vous le voulez un instant, imaginez-vous devant une personne, vous lui parlez pendant un certain temps, en face à face. Elle vous répond, elle anône, elle réagit, etc. Et pourtant, vous n'existez pas à ses yeux. Vous pouvez représenter un ensemble d'informations, de stimuli nerveux ou intellectuels, mais vous n'êtes pas une personne. Vous  n'existez pas. Quasiment littéralement. Parce que la personne en face de vous n'a aucune connexion émotionnelle avec vous (alors que, naturellement, nous en avons tous les uns avec les autres).

 

Mais Hugues a raison de nous alerter sur le fait qu'on aurait tort de ne regarder que la pointe émergée de l'iceberg. Breivik est peut-être unique par l'exception de son geste. Mais il n'est pas seul, loin s'en faut. Et au-delà des autres terroristes (au sens propre du terme), il faut bien parler de tous ceux qui propagent des discours de haine et de rejet. Ils ne font peut-être qu'en parler sans jamais passer à l'acte, mais c'est là que la graine naît. Plus sûrement je crois que dans une prétendue folie qui sert surtout à nous rassurer. Il suffit de lire les commentaires faits sur certains sites d'extrême droite pour constater, et prendre peur, ou nous réveiller, au choix. Certains ne se gênent pas pour suggérer que dans le fond, Breivik a fait un truc cohérent, pas mal quoi. Sur son site, Jacques Coutela, adhérent du FN et candidat lors des dernières élections cantonales, n'a pas écrit autre chose en présentant Breivik comme une icône. Des exemples on en trouve par centaines en quelques clics.

 

Sur d'autres sujets, on trouve tous les jours sur Internet des articles ou commentaires qui laissent pantois. Cette semaine, l'un d'eux m'a profondément choqué, qui suggérait, très sérieux, en bas d'un article évoquant la famine en Somalie "Et si ces gens-là arrêtaient de s'entretuer et se mettaient un peu au travail ?". Quelle absence totale de sensibilité faut-il pour penser une chose pareille ?

 

Mais on ne peut s'arrêter à montrer les autres du doigt. Car derrière ces commentaires, se trouvent beaucoup de "gens bien", qui aiment leur famille, leurs enfants, qui sont de bons camarades pour leurs amis. Des gens éduqués, cultivés, très intelligents parfois. Il sont comme nous. Et si nous avons un peu de lucidité, nous saurons aussi, nous-même, comme le suggérait Susan Jeffers dans son livre Tremblez mais osez!, prendre notre miroir, et nous poser la question : et mon monstre à moi ? Où est-il ? L'ai-je seulement vu ? Suis-je prêt à le regarder en face ? Ai-je la force de le combattre ?

 

Il peut paraître indécent à certains de comparer nos petites faiblesses à l'énormité de ce qui vient de se passer. Et se tourner vers soi peut aussi comporter le défaut d'un certain narcissisme sans doute. Mais il faut se souvenir de Zimbardo et de son expérience. Des gens lambdas, comme vous et moi. Il leur a fallu moins de 24 heures pour se transformer en bourreaux face à des innocents qui ne leur avaient rien fait. Doit-on convoquer l'histoire pour enfoncer encore le clou ?

 

Si je dis cela ce n'est pas pour nous accabler, ce serait idiot. Mais parce qu'à mon sens la première leçon qu'un tel événement doit nous apprendre, c'est la vigilance. Une vigilance qui concerne notre attention aux autres, à ce qui leur arrive. Qui nous concerne nous également, pour prendre garde aux dérives de nos propres comportements. Il nous faut découvrir la proximité, cette distance juste qui nous rend sensible à l'autre et à son histoire.

 

 

En illustration, Franquin, Les idées noires, une découverte par un rire parfois triste, de nos propres démons.

20/07/2011

Papa, c'est quoi des risques psychosociaux ?

Stress par Penelope Jolicoeur.jpgAprès avoir occupé le devant de la scène médiatique pendant plusieurs mois, en particulier depuis les événements qui ont touché France Telecom et Renault, le sujet des risques psychosociaux a quelque peu disparu des médias. Pourtant il n'en reste pas moins un sujet d'actualité qui nécessite à mon sens une meilleure prise en charge. Mais avant de se demander comment traiter la question, sans doute faut-il commencer par la clarifier.

 

Les risques psychosociaux, c'est quoi ? On parle de stress, de pénibilité, de harcèlement moral et de risques psychosociaux. Ces notions semblent parfois recouvrir une même réalité. Comment les distingue-t-on ? Que doit-on comprendre quand on parle de risques psychosociaux? Ou plus exactement, par quel bout prendre le sujet pour le traiter efficacement ? Voici un petit lexique pour s'y retrouver.

 

Le stress : le premier à l'avoir défini est Hans Selye, endocrinologue autrichien du 20è siècle. Pour lui le stress est la réaction non spécifique du corps à toute demande qui lui est faite. Non spécifique signifiant qu'elle est commune à tous les individus et qu'elle surviendrait de la même façon quel que soit le contexte. En France on en trouve une définition très éclairante dans l'accord interprofessionnel du 2 juillet  2009 sur le stress au travail qui dit : "le stress surivent lorsqu'il y a déséquilibre entre la perception qu'une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu'elle a de ses propres ressources pour y faire face".

 

Le harcèlement moral : la notion a été popularisée en 1998 par Marie-France Hirigoyen dans son livre au titre éponyme. En droit elle recouvre aujourd'hui des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits de la personne du salarié au travail et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Deux remarques rapides : la première est qu'il est souvent difficile pour un salarié en détresse de démontrer la répétition des agissements qu'il peut subir. La deuxième est que le droit considère que de tels agissements peuvent constituer un harcèlement moral, même sans intention par leur auteur de harceler quiconque. Il suffit que les effets de ces agissements soient constatés pour être punis par la loi.

 

La pénibilité : on envisage d'abord la pénibilité physique, qui recouvre toutes les conditions de travail pouvant nuire à la santé physique de la personne. Aujourd'hui on ne parle pas encore très clairement, du moins à mon sens, de pénibilité psychique. Attendons donc que l'idée fasse son chemin et nous en reparlerons. Evidemment, on se doute qu'elle entre dans les questions que toute organisation doit se poser pour ne pas mettre en jeu la santé des personnes qui y travaillent.

 

Les risques psychosociaux : c'est aujourd'hui cette appellation qui est privilégiée par les professionnels qui souhaitent se pencher sur le versant psychique de la santé au travail. Pour faire simple, les risques psychosociaux recouvrent à mes yeux tous les facteurs qui peuvent mettre en péril la santé psychique des personnes dans leur cadre de travail. Ce qui est intéressant c'est que l'on parle ici de risque, tandis que les notions précédentes recouvrent toutes des situations de souffrance déjà existantes. En traitant le risque, on peut intervenir en anticipation, et pas seulement en pompier comme c'est encore très majoritairement le cas.

 

Je reviendrai ultérieurement plus en détail sur plusieurs de ces notions. Ce qui m'intéressera notamment sera de voir avec vous comment en travaillant sur les risques psychosociaux, une organisation peut créer un cercle vertueux et satisfaire la légitime demande de ses collaborateurs à travailler dans un cadre sain, tout en trouvant des leviers pour atteindre ses objectifs économiques.

 

 

P.S1 : Comme vous le constatez par ce billet, la boutique s'ouvre à nouveau ! J'en suis tout content. :o)

P.S2 : j'ai renommé la catégorie "un peu de recherche et d'idées" en "un peu d'observations". Ce n'est pas génial mais j'ai du mal à trouver un nom qui convient.

 

P.S3 : j'ai voulu une image un peu amusante pour illustrer ce texte, pour ne pas l'affliger de pathos. Vous aurez sans doute reconnu la patte de Pénélope Jolicoeur, qui je l'espère ne prendra pas ombrage de ce que j'ai utilisé son dessin sans lui demander sa permission. Cliquez ici pour découvrir son blog si vous ne le connaissez pas encore !