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22/02/2006

Stress et performance des entreprises

Emmanuel a produit hier une longue note très intéressante sur 5 idées reçues concernant le marché du travail. Je ne compte pas revenir sur son analyse d'un point de vue économique, mais un point particulier dans son billet m'intéresse lorsqu'il esquisse un début d'analyse sur les facteurs de motivation des employés:

 

"On peut par exemple supposer que la garantie d'une relation contractuelle stable entre l'employeur et ses salariés est une condition importante de la motivation des employés"

 

Il appuit ce point notamment en pointant vers une autre note très intéressante de Mark Thoma dont l'argument de fond est qu'un employé est d'autant plus productif qu'il se sent traité avec équité.

 

"Modern behavioural economics and evolutionary psychology suggest ... that people’s response depends on how they are doing relative to others, and how fairly they believe they are treated"

 

Il me semble qu'on entend assez peu ce type d'arguments dans les discours économiques habituels. Dès qu'il est question de compétitivité et de productivité des entreprises, les analyses se focalisent presque exclusivement sur les aspects "entreprise" de ces questions: la réduction des coûts, les procédures, tout ça, et ne prennent quasiment jamais en compte le facteur humain, comme si celui-ci était plus une charge qu'une chance. (est-ce une fausse impression?)

 

C'est là à mon avis une double erreur. D'abord parce que les entreprises ne fonctionnent pas pour elles-mêmes, et que leur rentabilité n'est en aucun cas une fin en soi, pas plus que l'économie n'est une fin en soi. L'économie et les entreprises qui la soutiennent ne sont que des moyens, pour contribuer à un plus grand bien-être des gens. C'est cela leur fin, rien d'autre. Enfin il devrait en être ainsi. Ensuite parce qu'à long terme le raisonnement me paraît mauvais.

 

Alors pour ajouter un peu d'eau au moulin d'Emmanuel et de Mark Thoma, et j'espère qu'on ne pensera pas que je ne fais ça que pour vanter ma crêmerie, je crois qu'un travail sur la gestion du stress peut être bénéfique pour les entreprises. Un rapport du BIT datant de 1993 a analysé de façon assez détaillée l'impact du stress sur la performance des entreprises (rapport pdf ici- je précise que je reste un peu surpris de son manque de qualité rédactionnelle, peut-être a-t-il souffert de défauts de traduction).

 

Ses conclusions sont assez frappantes: le stress coûterait aux Etats-Unis environ 200 milliards de dollars par an, au Royaume-Unis, il représenterait près de 10 % du PNB (attention, ces données datent de 1993). Comment cela s'explique? Par l'impact du stress sur la santé et la motivation des employés. Des conditions de travail difficiles (températures chaudes ou froides, position du travailleur mauvaise pour le corps, travail prolongé sur ordinateur, etc.), un manque de reconnaissance du travail effectué, un manque de possibilité de participation aux décisions, des problèmes de communication, etc, tout cela est facteur de stress.

 

Ce stress a des conséquences importantes sur le travail des gens. Il met leur santé à mal (combien de collègues fument, boivent, ou sont en dépression autour de vous? et vous?), est source d'absentéisme, de perte de motivation parce que certains s'ennuient ou savent qu'ils ne pourront de toute façon pas faire face et abandonnent la partie (combien font justes leurs heures, en attendant la paie en fin de mois?). Le stress dégrade donc la capacité d'une personne à travailler de façon efficace et contribue à faire baisser fortement sa productivité. Au final tout le monde y perd: les employés parce qu'ils risquent leur santé (physique ou mentale), et les entreprises parce qu'elles sont moins performantes.

 

Le problème, c'est que les gains qu'engrangerait une entreprise en s'orientant vers un plus grand bien-être de ses employés sont bien difficiles à évaluer. Je suis financier, je suis bien placé pour savoir que les directeurs aiment avoir des chiffres sous les yeux qui les rassurent avant de prendre une décision. Et là, ils n'en ont pas. Pourtant, je crois que les gains seraient réels. Et ce serait faire preuve d'un vrai management à long terme que de choisir cette voie.

 

P.S: j'avais déjà indiqué quelques points sur la gestion du stress en entreprise dans cette ancienne note. Et on pourra également lire cet article très intéressant, en anglais, d'où j'ai d'ailleurs tiré la photo plus haut.

Commentaires

Votre question est juste . C'est même du bon sens que de l'"affirmer" ...car il suffit simplement d'intéroger les hommes et femmes dans leur travail pour savoir qu'entre la reconnaissance ou au contraire un traitement pressurisant , voire menaçant et dégradant , il n'y a plus de plaisir au travail, et beaucoup moins d'énergie disponible pour le réaliser. Il n'y a qu'a écouter les hommes et femmes qui parlent des conditions dans lesquelles ils travaillent. Travaillons nous pour vivre dignement, ou pour une cause qui ne nous le permet plus ?

Mon expérience personnelle qui n'est qu'anodine, c'est de connaître la pressurisation dans mon expérience professionnelle à ses débuts . Je pesais 47 kilos, ce n'est pas lourd...Et au bout d'un temps, le bon sens à fini par l'emporter, je voulais vivre et suis devenue la bête noire de mon employeur.



Il y a derrière tout cela une question qui reste toujours fondamentale. Ne pas être tributaire des systèmes qui nous
enlèvent notre mot à dire et se poser toujours sujet devant l'arbitraire. On sait déjà qu'on peut exploiter les hommes par des travaux forcés ou pour des causes qui dépassent la dignité de la valeur d'un seul homme, et donc de tous.
L'histoire le prouve.
Pourquoi les entreprises existent elles? Parce que les hommes vivent. Les autres raisons qui les ignorent, ne me semblent pas bonnes.

Écrit par : DG | 22/02/2006

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