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08/01/2007

Les règles du débat

medium_Le_debat.JPGEn ce début d’année électorale, et malgré le peu d’illusion que je me fais des chances que ma présente démarche exerce une quelconque influence sur le déroulement des choses, je voudrais proposer un petit rappel sur ce que sont, à mon avis, les règles de base d’un débat. Au moins je l’aurai dit, et pourrai, à l’occasion, renvoyer les contrevenants à la bienséance à cette lecture.

 

La règle principale du débat, à mon sens, celle qui absolument nécessaire, même si elle n’est pas suffisante, pour le rendre possible, c’est qu’un débat ne doit à aucun moment tomber dans des considérations ad hominem. Dés qu’il quitte le terrain des arguments, pour se porter sur celui des évaluations de personnes, le débat n’existe plus, il disparaît. Bien souvent même, les chances pour qu’il réapparaisse, avec les mêmes intervenants, sont minces.

 

Le fond de cette règle, c’est celui auquel je renvoie désormais assez fréquemment, parce qu’il est une des bases les plus solides et les plus saines de nos comportements : nous ne sommes pas ce que nous faisons ni ce que nous avons (lien être faire et avoir). En particulier nous ne sommes pas ce que nous écrivons ou ce que nous disons. Le débat, donc, ne peut tomber dans les remarques personnelles sous peine de s’engager dans des errements aussi inutiles qu’infondés.

 

Je n’ignore pas pourtant que se tenir à cette règle, que je crois donc fondamentale, relève d’un effort très important. Pour une raison très simple, et qui explique en passant que les procédés d’attaques ad hominem comptent autant de disciples : ceux-ci permettent d’établir une dominance. J’ai déjà assez montré, en m’appuyant sur les travaux de Laborit, combien cette recherche relevait d’un processus naturel, et donc quasiment universel. Que son dépassement nous soit difficile est donc une évidence. 

 

J’en vois déjà qui s’agacent de cette nouvelle référence à Laborit, et sur son concept qui remet le plus fortement en cause les grandes idées que nous aimerions pouvoir continuer de nous faire tranquillement sur nous-mêmes. Que ceux-là me disent alors, ce qui peut bien intervenir d’autres que le désir de dominance, lorsqu’on lance des attaques personnelles en fait d’arguments.

 

Je profite d’ailleurs de cette remarque pour faire un nouveau petit aparté sur le langage. On a vu déjà, que le langage, parce qu’il s’est incroyablement complexifié au fil des siècles, camoufle désormais une part importante des causes pour lesquelles il agit. Et qu’aujourd’hui, du moins est-ce le cas dans les sociétés développées et dites « modernes », il est l’outil le plus important du pouvoir.  Ceux en effet qui possède la maîtrise de l’abstraction et de la rhétorique, sont aujourd’hui les dominants. Il n’est donc pas étonnant que les comportements de recherche de dominance interviennent aussi fréquemment dans un débat où s’affrontent la rhétorique des uns à celle des autres.

 

Pour en terminer avec des indications un peu moins théoriques, voici quatre points qui me semblent devoir être gardés à l’esprit lorsque l’on entend débattre avec quelqu’un :

 

 

  • Refuser, pour soi, et en provenance des autres, tout ce qui ressemble de près ou de loin à de l’agressivité ou à des menaces. Les attaques physiques bien sûr, mais également les insultes, sont absolument à proscrire. Elles ne sont acceptables dans aucun cas. De même que les comportements menaçants. Qu’il soit définitivement dit que je ne les accepterai jamais sur mon blog, même si elles venaient de quelque illustre blogueur qui perdrait momentanément les pédales. Et que tout commentaire qui s’y apparenterait sera systématiquement supprimé. Je note toutefois que ma faible notoriété m’expose peu à ce type de dérive. Et que mes rares commentateurs montrent au contraire une tenue dans leurs discussions dont je les remercie.

 

  • Refuser, pour soi, et en provenance des autres, tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la moquerie, à des sarcasmes et à des persiflages prétentieux. Ils sont la plus pure expression de la recherche de dominance. C’est peu de dire que je les trouve ridicules et méprisables. Parce que ceux qui en usent ne se rendent même pas compte que ceux-ci leur servent plus à justifier leurs propres actions et donc leurs propres désirs que leurs arguments. Ils me font ainsi l’effet d’aveugles dressés fièrement sur leur rocher, et clamant avec un rictus en coin avoir une meilleure vue que quiconque à la ronde.

 

  • Essayer, autant que possible, même si c’est là également un difficile exercice, d’abandonner sa carte, ou au moins d’entrer dans le débat en étant conscient que sa carte n’est pas le territoire, que notre représentation de la réalité n’est pas la réalité, mais seulement la représentation que nous-mêmes nous en faisons, et que cette représentation est très probablement différente chez les autres débatteurs. C’est cela qui permet de réellement écouter.

 

  • Savoir se taire. Penser à toutes les fois où l’on s’est senti frustré d’être coupé alors que nous parlions ; songer à toutes ces autres où nous avons vu notre vis-à-vis n’avoir fait qu’attendre son tour pour enfin nous asséner sa vérité, sans avoir le moins du monde pris en compte ce que nous avions pu dire. S’appliquer à soi-même les conseils que nous voulions lui donner.

 

Commentaires

S'agissant du débat électoral entre candidats (ou personne qui défendent un candidat, tels les Devedjan ou Montebourg), je crois que votre éthique du débat est profondément inadapté.

Car, il ne s'agit pas d'élire seulement un individu pour ses idées. Il faut être rêveur ou gauchiste pour croire que ce qui compte, en politique, ce sont les idées et seules les idées (c'est le discours traditionnel de l'extrême gauche... nous sommes d'accord sur les idées, c'est l'essentiel, les questions de personne ça ne compte pas. Or, on voit bien que ces questions de personnes bloquent tout, chez eux aussi).

Je préfère les idées de X à celles d'Y. Mais ça ne suffit pas. X est peut-être notoirement incompétent, incapable de mettre en place les idées qu'il professe. Y., au contraire, a une réputation de sérieux et de capacité d'entraînement.

Le débat électoral est un débat profondément humain. Il est clair que s'y exerce des tentatives de domination et c'est normal, puisque c'est précisément un débat qui n'a pas qu'une finalité intellectuelle : il s'agit de choisir celui (ou celle) qui sera président de la République ; puis celles et ceux qui seront nos députés.

Dès lors, votre éthique du débat tombe (en partie) à plat. Elle est bonne (ô combien !) pour les philosophes ou les bloggueurs, mais certainement pas pour les candidats. En tous cas, ne les jugeons pas à l'aune de vos critères.

(et par ailleurs, dix mille voeux de bonheur et de félicité pour 2007 à notre si sympathique Pikipoki - rassurez nous, s'il n'est pas permis de flétrir, il est encore permis de complimenter ?)

Écrit par : Paxatagore | 08/01/2007

Oui votre remarque est assez juste. Mes règles sont probablement très utopistes concernant le débat entre candidats politiques. En fait je pensais essentiellement à nous, les commentateurs de l'ombre, en rédigeant mon billet.

Enfin disons que l'agressivité, voire l'ironie, sont probablement inévitable. Mais je maintiens tout de même mon idée centrale, même concernant les candidats, à savoir que leurs échanges ne doivent pas se porter sur la personne qu'ils ont en face d'eux. D'ailleurs, tant pis si c'est le seul exemple qui me vient à l'esprit, on a vu ce que cela à fait à Jospin en 2002.

Écrit par : pikipoki | 08/01/2007

Ah et puis très bonne année à toi aussi! Et oui, il est tout à fait permi de complimenter, c'est même recommandé !

j'aurai dû faire un lien plus haut dans mon billet
http://piki-blog.blogspirit.com/archive/2005/08/08/etre-faire-et-avoir.html

Écrit par : pikipoki | 08/01/2007

Pikipoki, j'aime ce billet parce qu'il est profondément humain.

Mais je crois que la réponse de Paxatagore m'intéresse encore davantage, comme illustration d'un des points de votre développement. J'ai eu envie de la décrypter.

1- "je crois que votre éthique du débat est profondément inadapté(e)" : la modeste entrée en matière qui modalise le discours, "je crois que..." est battue en brèche par l'adverbe "profondément" qui quantifie l'ampleur de votre erreur, lui donnant d'autant plus d'importance que l'expression clôt le premier paragraphe.
La thèse de votre interlocuteur est claire : vous êtes dans l'erreur. Votre réflexion ne s'exerce pas dans le champ où vous voulez la porter.

2- Ecoutez alors sa leçon et prenez-en de la graine, la justification de son reproche étant introduite par ce "car..." à visée pédagogique.
Des formules affirmatives et généralistes : "il faut être... pour" assorties d'un vocabulaire dépréciatif "rêveur ou gauchiste" vous mettent en garde : en développant de telles idées, voyez donc aux côtés de qui vous vous rangez ! (on peut même se demander si vous en étiez bien conscient en écrivant le billet, en tout cas, mieux vaut le rappeler)

Deux paragraphes d'exemples argumentatifs termineront la leçon et préparent la conclusion.

3- "Dès lors, votre éthique du débat tombe (en partie) à plat" : toutefois, ne décourageons pas complètement l'apprenti, laissons-lui le bénéfice du doute. En effet, pour certaines catégories la thèse étrillée peut cependant s'appliquer : pour les "blogueurs et philosphes" dont on se demande s'il faut implicitement les mettre en parallèle avec les "rêveurs et gauchistes" du premier paragraphe.

4- Enfin, l'impératif final verrouille le débat : " Ne les jugeons pas à l'aune de vos critères." (on cherchera utilement à identifier ce "nous", mais ceci nous amènerait à une autre analyse)

Du coup Pikipoki se sent un peu bête. C'est le but car le petit scarabée ne peut espérer atteindre le niveau du maître ! Et pourtant, il l'avait dit et il le sait : "Dans les sociétés développées et dites « modernes », le langage est l’outil le plus important du pouvoir. Ceux en effet qui possède la maîtrise de l’abstraction et de la rhétorique, sont aujourd’hui les dominants. Il n’est donc pas étonnant que les comportements de recherche de dominance interviennent aussi fréquemment dans un débat où s’affrontent la rhétorique des uns à celle des autres."

Sur ce, bonne année à vous et à vos amis dont je salue l'art de la rhétorique.

Écrit par : samantdi | 08/01/2007

Fascinant commentaire de samantdi.

j'avais moi même, cher pikipoki, remarqué chez toi une tendance à la dévalorisation et à la peur d'être rejeté par les stars du bien public, au point de vouloir t'en retirer tout seul !

une sorte de réticence à abandonner le jeu du "passe moi la rhubarbe et je te passerai le séné", si humain mais qui empoisonne aussi le débat public.

et je ne dis (écris) pas cela parce que je me crois au dessus des autres. j'ai parfois mis sur des blogs des mots gentils qui étaient plus des appels du pied que des sentiments/pensées véritables...

contrairement à paxa, je crois que nous gagnerions à avoir des débats respectueux. le troisième débat entre les candidats socialistes a été, de ce point vue, assez exemplaire. mais on peut préférer l'excitation des tournois...

Écrit par : edgar | 08/01/2007

Samantdi
Et bien c'est un commentaire en effet très intéressant. Vous décortiquez bien le commentaire de Paxa, et dans le fond, votre conclusion me semble très juste.

Je dois tout de même prendre un peu la défense de Paxa, que je ne crois pas animé d'intentions aussi négatives à mon égard. Il a peut-être une formulation un peu sèche, ce que j'ai remarqué à d'autres reprises chez lui, mais je ne suis pas sûr que ce soit le reflet exact de son comportement. Disons qu'il est sûr de son idée, et qu'il utilise donc une formulation directe qui correspond à cette certitude.

Mais pour mieux décrypter son message, il faut savoir que Paxa est adepte de Machiavel.

Ce qui répond en partie à la dernière remarque d'Edgar.

Écrit par : pikipoki | 09/01/2007

Je n'ai jamais pensé que Paxatagore était animé de mauvaises intentions à votre égard, en fait, Pikipoki. J'ai feint de le croire, pour la vraisemblance de mon argumentation. En effet, imaginons un lecteur de ce blog qui ne connaîtrait pas le contexte de vos relations, il pourrait tout à fait lire son commentaire à ma façon...

Cela m'est apparu lors des débats sur le TCE : beaucoup de choses très intelligentes ont été dites par les partisans du "oui" ( dont j'étais) sur un ton péremptoire, en réfutant ironiquement la thèse adverse, en employant des termes dévalorisants. Or, il me semble que cette façon de procéder a fragilisé l'argumentation, pourtant valable. Dans un débat technique où le sens ne se dévoile pas facilement, ce qui l'emporte, c'est le ton et derrière lui, ce que l'on met d'affectif.

Écrit par : samantdi | 09/01/2007

Samantdi
J'avais bien pensé que vous écriviez dans ce sens là, mais je voulais juste rassurer Paxa sur ce point.

Oui, très d'accord avec vous sur le ton parfois très condescendant sur lequel certains amis du oui se sont exprimés durant le débat sur le TCE. Ce fut quelque chose contre quoi il m'a fallu lutter pour parvenir à ne pas établir mon vote en réaction à ces comportements prétentieux.

Et d'ailleurs, je fais partie de ceux, un peu comme Jules de diner's room, qui considèrent que la forme constitue en grande partie le fond, bien plus qu'on ne le pense.

Écrit par : pikipoki | 09/01/2007

merci pour ces "règles" du débat qui me semblent parfaites pour tenter un débat en classe, avec des élèves de 17 et 18 ans.
Une petite remarque cependant: votre blog contient des fautes d'orthographe, ce qui est vraiment dommage...

Écrit par : marie-lise | 27/09/2007

Marie-Lise,

Arrrgh, oui, mon blog est truffé de fautes. Et j'en suis navré, je ne les vois qu'après, lorsque je me relis. Il me faudrait être moins fainéant pour tout corriger... mais il y a du travail.

Écrit par : pikipoki | 27/09/2007

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