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15/01/2007

Court retour sur le pardon

Je voudrais revenir sur la question du pardon que j’avais déjà abordée il y a fort longtemps, et sur laquelle la lecture de Spinoza, encore elle, enfin lui, m’a apporté un nouvel éclairage.

 

Spinoza, dans les parties 3 et 4, de l’Ethique, procède à une démonstration de la nature des sentiments et de la façon dont ils nous affectent. Il distingue trois sentiments principaux, dont les autres ne sont en réalité que des combinaisons plus ou moins complexes : la joie, la tristesse, et le désir. De ces trois sentiments, nous dit-il, découlent l’intégralité de nos comportements et de nos actions.

 

Ainsi, m’appropriant la méthode de Spinoza (sans évidemment prétendre avoir le moindre espoir d’atteindre son niveau de compréhension et de démonstration), je pourrais dire que la fierté est la joie associée à la perception d’une cause intérieure, la compassion la tristesse ressentie avec et pour autrui, avec l’idée d’une cause extérieure, etc.

 

Concernant le pardon, me mettant dans la peau de celui qui pardonne, et donc qui a souffert, je dirais que celui-ci est l’acte par lequel il efface une tristesse qui fut liée à l’action d’un autre, celui qu’il pardonne, et donc d’une cause extérieure.

 

Cette observation, que le pardon est l’effacement de la tristesse vécue, est à mon avis très importante. Car elle permet d’envisager avec précision ce qui permet au pardon d’être bien réel et de n’en point rester à de simples mots vides de sens. Tant que la personne qui pardonne ne parvient pas à dépasser la douleur que l’autre à pu lui causer, je ne donne pas cher de la solidité du lien qu’il propose à ce dernier de reconstituer.

 

J’y suis attentif, car je me suis récemment demandé si j’avais moi-même pardonné à une personne qui m’avait causé du tort il y a déjà quelques années. Pendant longtemps, je lui en ai voulu, mais sans vraiment lui faire part de mon ressentiment. Elle m’avait demandé son pardon, tout juste après avoir commis sa bévue, et je le lui avais accordé en retour, peu enclin à devoir gérer un conflit.

 

Mais j’ai compris rapidement que ce pardon que j’avais donné immédiatement avait bien peu de contenu. Et sentant, plusieurs années encore après les faits, une certaine tristesse en moi en songeant aux événements en cause, j’ai compris que d’une certaine façon, je ne lui avais toujours pas tout à fait pardonné ce qu’elle avait fait. Je crois que tant que j’en ressentirai de la tristesse, même si celle-ci est très atténuée désormais, cela signifiera que mon pardon n’est pas complet.

 

Et pourtant, je ne pense pas qu’il soit bon d’évoluer, après des événements désagréables causés par d’autres, en attendant que la tristesse que ceux-ci nous ont causée ait tout à fait disparue. Je crois bon de savoir forcer ses sentiments dans ce type de cas, et de parvenir, de façon raisonnée, à ne pas écouter cette tristesse afin de limiter ses conséquences sur nous-mêmes. Pardonner devient ainsi l’action raisonné de celui qui préfère faire prévaloir les liens qui l’unit à celui qui  lui a causé du tort, plutôt que ce qui l’en sépare, et qui veut privilégier le bienfait que lui apporte le pardon donné, plutôt que la tristesse ruminée.

 

Mais, me situant désormais dans la peau de celui qui a quelque chose à se faire pardonner, je comprends qu’en ce qui le concerne, si sa démarche lorsqu’il demande pardon recouvre la moindre sincérité, il est nécessaire qu’il cherche à créer les conditions qui permettent à celui dont il doit se faire pardonner d’effacer sa tristesse. Son objectif ne doit pas être en quelque sort de se faire pardonner, mais de faire en sorte que celui à qui il a causé du tort n’en ressente plus de tristesse.

 

Las, trop souvent voit-on les gens qui demandent pardon, ne réclamer là qu’un laissez-passer pour la tranquillité de leur conscience, sans qu’ils attachent une véritable attention au sort de leur vis-à-vis. Dans leur pardon, c’est encore eux-mêmes qu’ils regardent, et le visage de l’autre leur reste inconnu. C’est désormais très évident pour moi lorsque je remarque que malgré leur demande d’être pardonnés, ils n’entreprennent souvent rien qui puisse aider à atténuer la tristesse de celui auquel ils ont causé du tort.

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