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22/01/2007

Peine crispée

medium_l-abbe-pierre-02.jpgAujourd'hui, en apprenant la mort de l'abbé Pierre, j'ai d'abord hésité à écrire quelque chose à son sujet. Son combat bien sûr, comme à tous m'était connu, comme la grande majorité des gens, je l'admirais, et j'aurais voulu pouvoir écrire un beau billet pour le saluer, un billet qui fasse passer de façon sincère l'émotion commune que beaucoup partagent.
 
Mais pourtant je suis gêné, et ce billet il ne vient pas, en tout cas pas comme j'aurais aimé qu'il puisse venir. Non, soyez sans crainte, ma gêne ne vient pas de "l'affaire Garaudy", qui a permi à certains d'accuser l'abbé d'antisémitisme aggravé. Je trouve ces accusations minables. Elles ne sont que l'alibi des méchants, qui sont à dix lieux d'avoir donné autant aux autres que ce que fit cet homme juste.
 
Non, ma gêne, elle ne vient pas de l'abbé Pierre et des ombres qu'il pourrait porter sur lui. Elle vient de moi, et de celles qui me collent peut-être bien à la peau.
 
J'ai revu rapidement ce soir, dans la foule des hommage et des rappels historiques précipités, une séquence que je ne connaissais pas, tournée dans les années 80 ou 90, je ne sais plus bien. On y voit l'abbé, arranguant un parterre de gens aisés dans un colloque ou une réunion quelconque. Et il ne les brosse pas précisément dans le sens du poil pour recueillir leurs dons.
 
Non. Ils les engueule. Il leur dit que dans leur ignorance, dans leur inconscience de la chance qu'ils ont d'être dans leur confort et de n'avoir à affronter que leur soucis secondaires de gens aisés, et l'inconscience de la malchance que les autres ont de ne pas partager ce sort, ce sont probablement eux les vrais coupables. On sent poindre la critique d'un mode de vie, d'un comportement généralisé de course à la réussite et à la performance. Et après tout le temps déjà passé à certaines études comportementales, ce discours résonne désormais fortement à mes oreilles.
 
Les économistes viendront peut-être me rappeler à plus de raison, et m'inviter à ne pas sombrer dans l'obscurité des théories de la décroissance. Me rappeler ce que la course du monde telle qu'elle est menée depuis plusieurs décennies a apporté en bienfaits et en progrès.
 
Il n'empêche. J'ai du mal à être vraiment convaincu. Il me suffit de savoir qu'ils ignorent les raisons profondes qui les a fait un jour pencher pour ces analyses plutôt que vers d'autres, pour qu'un doute persiste en moi.
 
Mais moi donc? Qu'est-ce qui m'autorise à célébrer le grand homme, en restant tranquillement dans mon canapé à tapoter mon clavier? Ne serais-je pas, si je cède à cela, moi-même coupable d'inconséquence? Aujourd'hui mon "engagement" si tant est qu'on puisse lui donner ce nom, se résume à donner un peu d'argent à l'Unicef, et à donner une part du mon sandwich aux clochards que je croise parfois (quand j'ai un sandwich).
 
J'appelle souvent ici les gens à se regarder bien en face. De plus en plus même, et pour tout dire, je compte continuer. Mais je ne peux pas être conséquent si j'évite mon propre regard. Il y a du boulot.

Commentaires

C'est la même raison qui a retenu mon geste, mon texte. Il y a assez longtemps (mais ne cliquez pas sur moi, vous ne le trouverez pas et il n'a pas grand intérêt), j'avais commis un petit texte où je racontais mon émotion, ayant rencontré un malheureux dans le froid. Puis j'enchaînais sur mon hypocrisie à la raconter : on peut écrire de jolies choses, ça ne leur apporte rien à bouffer, et pas un degré de plus. Si j'avais été tant ému, si j'avais été l'humain ému que je présentais dans le texte, que n'avoir pas aidé cet homme ? Peut-être parlons-nous, écrivons-nous, pour dédouaner notre conscience ?

Écrit par : katar | 23/01/2007

Attention: prendre conscience qu'on est pêcheur est la première marche pour devenir chrétien! Tu files du mauvais coton!

Écrit par : verel | 23/01/2007

Vous avez bien raison de vous questionner.
Rien ne vous empêche(comme chacun de nous ) de trouver les chemins à prendre qui ne sont pas ceux qui génèrent , par leurs actes et les choix qu'ils supposent, les situations que nous voyons autour de nous. Cela commence par notre manière de consommer et se poser la question sincère de ce dont nous avons vraiment besoin.
Cela peut commencer peut être déjà par le fait de refuser de prendre des actions dans une banque, cela peut être le fait de ne pas manger n'importe quoi, cela peut être le fait de regarder d'où vient le vêtement que l'on porte, où il a été fabriqué.
....et milles gestes quotidiens ordianaires qui ne sont pas de l'ordre de la charité, mais de la conscience et connaissance qu'ils ne favorisent pas le grand écart entre ceux qui baignent dans un confort matériel outrancier quand d'autres attendent simplement que la collectivité fasse appliquer l'égalité des droits fondamentaux.

Je vous souhaite une bonne et nouvelle année, simple et saine.

Écrit par : dg | 23/01/2007

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