Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/08/2005

Irréductible incommunicabilité

Billet précédent de la série

 

Je commence donc ma série de billets sur la communication et l’écoute. Et comme promis je vous propose d’abord un extrait de L’Insoutenable légèreté de l’être de Kundera. Dans ce livre, Kundera aborde entre autre la question de la différence qui sépare les individus dans la perception des mots et des choses. Kundera propose, pour illustrer son idée, un petit lexique des mots incompris.  C’est à partir d’un extrait de ce lexique que je démarre donc cette série.

Le cimetière :

«[Pour Sabina] Les cimetières de bohème ressemblent à des jardins. Les tombes sont recouvertes de gazons et de fleurs de couleurs vives. D’humbles monuments se cachent dans la verdure du feuillage. Le soir le cimetière est plein de petits cierges allumés, on croirait que les morts donnent un bal enfantin, car les morts sont innocents comme les enfants. Aussi cruelle que fut la vie, au cimetière régnait toujours la paix. Même pendant la guère, sous Hitler, sous Staline, sous toutes les occupations. Quand elle se sentait triste, elle prenait sa voiture pour aller loin de Prague se promener dans un de ses cimetières préférés. Ces cimetières de campagne sur fond bleuté de collines étaient beaux comme une berceuse.
Pour Franz un cimetière n’est qu’une immonde décharge d’ossements et de pierraille. »

 

Et pour reprendre encore Kundera, afin d’éclaircir un peu ce passage : « Ils comprenaient exactement le sens logique des mots qu’ils se disaient, mais sans entendre le murmure du fleuve sémantique qui coulait à travers ces mots. »

 

Ainsi, deux personnes partageant un grande partie de leur intimité (Sabina et Franz sont amants) qui vivent certaines expériences ensemble, et qui parlent des mêmes choses, rattachent à ces expériences, à ces choses et donc aux mots qui les désignent, des perceptions qui peuvent être extrêmement différentes. Et cet écart de perception crée une sorte de faille entre les deux personnes, un espace vide où se loge l’incompréhension. Franz et Sabina ne peuvent pas se comprendre lorsqu’ils vont ensemble dans un cimetière car ils n’y rattachent pas les mêmes images, les mêmes émotions, les mêmes idées, celles-ci venant de leurs souvenirs propres, de leur vécu particulier et personnel.

 

Nous nous construisons tous de façon originale. Avec un patrimoine génétique qui nous est propre (la tarte à la crème), et à travers les expériences que la vie met sur notre chemin (ou que l’on se crée), qui ne sont jamais identiques à celles que vivent les autres. Elles sont parfois similaires, mais ont une intensité différente d’une personne à l’autre, n’arrivent pas dans le même « ordre », etc. Et ainsi petit à petit, en construisant notre propre identité, nous nous séparons des autres progressivement, en grandissant de façon originale. Et cet individu original que nous devenons ne comprend forcément pas les choses de la même manière qu’un autre. Nous avons chacun nos filtres personnels, nos angles de vue qui correspondent à nos priorités, à nos valeurs, etc. Et c’est la confrontation de ces angles de vue très différents qui, parfois, nous fait nous disputer sur des sujets sur lesquels nous sommes pourtant fondamentalement en accord. Pour reprendre Kundera une dernière fois : « Quand ils se rencontrent à un âge plus mûr, [la] partition musicale [des gens] est plus ou moins achevée, et chaque mot, chaque objet signifie quelque chose d’autre dans la partition de chacun. »

 

Je crois donc pour ma part qu’une part de cette faille qui nous sépare des autres est irréductible. Qu’il y a un espace que l’autre, aussi grande soit son attention pour soi, ne pourra jamais franchir, jamais combler. Ca rejoint  un peu l’idée que l’autre ne peut pas savoir précisément et complètement qui on est. Cet écart irréductible entre soi et les autres, je crois que c’est en partie ce qui constitue l’intimité. C’est le jardin secret qu’on cultive en soi à l’abri des autres. Ainsi, cette part de nous dont on garde les clés restera toujours inconnue même pour les gens qui nous sont les plus proches. Et pour ma part je trouve ça bon. Je crois beaucoup que la préservation de cette intimité et de ce jardin secret permet de se développer de façon équilibrée.

 

Peut-être trouve-t-on donc là un élément qui réduit irrémédiablement les possibilités de la communication. Quelque chose qui fait que jamais on ne pourra s’assurer vraiment qu’il y a une compréhension totale entre soi et les autres. Mais cet écart me semble fondamentalement souhaitable puisque c’est lui qui fait qu’un échange permet à l’un et à l’autre de s’enrichir. On ne (com)prendra peut-être pas tout ce que l’autre nous a dit, et on ne parviendra peut-être pas non plus à lui transmettre tout ce que l’on voudrait transmettre, mais des éléments feront leur chemin, parviendront de chaque côté et ainsi chacun recevra quelque chose de l’autre (et parfois il faut accepter que cela prenne du temps).

 

Cet écart ne signifie donc pas qu’on ne peut pas trouver un terrain d’entente commun. Ce qui nous laisse la chance de débattre… (à suivre).

 

Billet suivant de la série

Introduction: communication et écoute

Aujourd'hui j'engage une série de billets sur une question qui m'intéresse particulièrement: la communication et l'écoute. Pour alléger un peu la lecture et ne pas vous infliger un texte d'un bloc trop rébarbatif, je partage donc cette question sur plusieurs billets (il devrait y en avoir trois ou quatre).

 

Et afin de vous mettre un peu en appétit (enfin oui je sais, c'est un peu prétentieux ça, après tout rien ne dit que ce que j'écrirai sera bien passionnant et surtout vous êtes très peu nombreux à lire ce blog, en particulier depuis début août, mais bon je suis mythomane alors ça compense) voici la façon dont mes billets sur le sujet seront organisés:

 

  1. La difficulté de parler d'une même chose. En partant d'un extrait de L'insoutenable légèreté de l'être de Kundera et du petit lexique des mots incompris qu'il y propose je tenterai de cerner un peu quelles sont les difficultés presque irréductibles que l'on rencontre quand on veut communiquer avec les autres. Quels sont les écarts qu'on ne sait pas franchir, les passerelles qu'on ne parvient pas à établir, les murs qui restent entre nous et les autres alors qu'on croit arpenter le même chemin. ce billet devrait être écrit aujourd'hui, plutôt en fin de journée.
  2. La difficulté d'écouter et de comprendre. Ici je vais principalement aborder la question des inférences, qui me semble primordiale si l'on veut bien saisir quelles sont les limites de notre compréhension intuitive du discours des autres. Il s'agira surtout ici de découvrir comment on s'abuse parfois soi-même en concluant erronément sur des sujets parce que l'on prend pour évidentes des choses qui ne le sont pas forcément. J'illustrerai cette question en prenant pour exemple notre attitude dans les différents débats que nous avons que ce soit avec nos proches ou des inconnus (par exemple le débat sur l'Europe me semble très indiqué pour observer ce point).
  3. Comment bien écouter. Là j'évoquerai principalement la question de l'empathie, qui nous permet de mieux comprendre l'autre en nous mettant à sa place, en intégrant son vécu, son histoire, ses émotions, ses référentiels, etc. J'essaierai d'illustrer cela avec un exemple concret pour mieux sentir comment ça peut se passer et se vivre de façon pratique.

 

Je vais essayer de me tenir à ce programme, mais il n'est toutefois pas impossible que je le modifie un petit peu en cours de route, soit en ajoutant un billet, soit en modifiant un peu la tournure d'un de ceux que j'annonce. On verra (on part pour l'inconnu là, c'est fun).

 

Billet suivant

14/08/2005

Voyage aux Etats-Unis

Aujourd'hui est un grand jour puisqu'après plusieurs mois de travail le site sur mon voyage aux Etats-Unis est enfin terminé! Enfin il reste encore quelques ajustements, peut-être les couleurs à changer, et un ou deux détails comme le nom du site, mais l'essentiel est là!

 

En gros il y a deux choses principales dans ce site: le carnet de voyage que j'ai écris au jour le jour et qui raconte mes découvertes, mes rencontres, c'est un peu le voyage vécu de l'intérieur. Puis il y a les photos des sites, villes et parcs nationaux. Concernant le carnet nous avons pris un risque un peu difficile à contourner: en général on ne lit pas des textes un peu long sur Internet. Mais là l'objectif était de pouvoir faire ressentir au lecteur les émotions du voyage, de faire comprendre comment j'ai vécu les choses là-bas. Le carnet est donc assez long à lire en entier, mais si vous en avez le courage j'ose croire qu'il en vaut un peu la peine (enfin j'espère!).

 

Juste un petit mot sur ce voyage pour vous en donner un avant-goût. Je suis parti un mois complet en passant Rapidement par Washington, puis New York où je suis resté une semaine, ensuite j'ai rejoins Las Vegas pour me diriger rapidement vers les Parcs Nationaux du grand ouest américain, et j'ai terminé mon périple à San Francisco. La semaine passée à New York le fut avec ma mère qui m'avait rejoint là-bas. Puis j'ai fais la suite seul, essentiellement en voiture, à parcourir le désert et les parcs. Cette expérience des deux semaines passées seul dans le grand ouest restera longtemps gravée dans ma mémoire. Les paysages fabuleux, parfois indescriptibles (notamment Monument Valley) que j'ai vu sont parmis les plus beaux au monde à n'en pas douter. Et l'expérience de les traverser seul reste aussi quelque chose de très particulier. Je m'en suis bien aperçu seulement après mon retour d'ailleurs, et encore aujourd'hui, c'est ce sentiment intérieur très fort de liberté et d'indépendance, qui me reste le plus, l'improvisation que cela a permi, les rencontres impromptues, tout cela m'a marqué fortement et me laisse un goût de nostalgie qui ne part toujours pas.

 

J'espère que vous serez interessés par le carnet de voyage et que peut-être sa lecture et le visionnage de mes photos vous donneront envie de tenter vous-même l'expérience!

 

Bonne lecture à tous!

 

P.S: le lien est dans la colonne de droite.

 

P.S (2): Je m'aperçois que j'ai manqué à mon devoir le plus élémentaire en ne remerciant pas le grand artisan du site. Un très grand merci donc à Julien qui l'a mis au point et a notamment trouvé une excellente façon de présenter les photos.

08/08/2005

Etre, faire et avoir

Le bouddhisme tibétain connaît depuis plusieurs années, nous dit-on, un intérêt croissant chez les populations occidentales désireuses de donner à leurs vies un souffle spirituel nouveau et de trouver un sens moins matérialiste à leurs existences. Or, parmi les enseignements que l’on rattache souvent au bouddhisme (mais je reste prudent quant à cette prétendue filiation, je n’ai rien trouvé qui me la confirme), on trouve une idée qui me semble importante, et qui à elle seule suffit pour occuper de longues méditations : la règle des 3 R : respect de soi-même, respect des autres, responsabilités de ses actes.

 

Je me propose aujourd’hui de vous soumettre une idée apprise en gestion du stress, en essayant de l’articuler avec cette règle des 3 R.

 

L’essentiel tient en une phrase : Je ne suis pas ce que j’ai, ni ce que je fais. Pour mieux se représenter la chose, je vous ai fait un petit schéma tout simple que voici.

 

 

Ok, c’est joli, mais maintenant, qu’est-ce que ça veut vraiment dire ? Et bien en gros, que les idées de psychologies de comptoir : « dis moi ce qu’il y a dans ta valise, je te dirai qui tu es » ou « dis moi quel sont tes hobbies, je te dirai qui tu es » sont erronées. L’idée de fond est qu’en aucun cas, en aucune circonstance, et pour aucune personne il n’est possible de juger réellement qui est l’autre. Ce que je suis, personne n’en sait rien. Et personne ne peut me juger sur la seule base de mes actes ou de ce que je possède (attention, je n’entends pas ici le verbe juger dans son sens juridique, sinon mon affirmation est fausse, et je reviendrai justement sur ce point plus tard). Là tout de suite le sujet est moins trivial, mais on perçoit qu’il y a une difficulté dans cette idée.

 

Mettons-nous en situation pour éclaircir tout ça. Imaginez-vous au travail. Votre supérieur vous a demandé de rappeler le client X pour lui demander qu’il règle enfin ses factures dues depuis 4 mois. Vous vous mettez ça de côté pour la journée, parce que bon, vous avez aussi le dossier du client Z à voir, puis celui du fournisseur W qui n’a toujours pas envoyé son avoir, bref aujourd’hui c’est un peu le bordel. En fin de journée, après avoir résolu le cas du client Z et discuté avec la secrétaire du responsable absent du fournisseur W (ça fait trois mois qu’il est paraît-il en congé), vous vous décidez à appeler le client X. Ben oui mais voilà, il est 17h30 quand vous appelez, et le client X, il se trouve que c’est un organisme public. Aucune chance de l’avoir au téléphone à cette heure-ci. Lorsque vous annoncez la chose à votre supérieur qui vient juste à cet instant vous demander où vous en êtes, celui-ci vous regarde l’air dépité et vous lâche un bon : « Mais quel con ! Evidemment que vous ne pouviez pas l’avoir à cette heure-ci ! » (*)

 

Mais là, vous vous levez lentement, et avec la sérénité du sage qui a lu le piki-blog, vous lui répondez tranquillement : « Je ne vous permets pas. Ce que je suis vous n’en savez rien. J’ai commis une erreur, je l’admets. Mais cela ne vous autorise pas à me dire que je suis un con. » Et là votre patron sidéré bredouille un : « beuh… euh… mé… » puis il regagne son bureau les épaules basses conscient qui si vous avez commis une erreur, lui n’est pas loin d’avoir commis une faute. J’en vois qui froncent un sourcil peu convaincu dans le fond. Je vais donc m’expliquer un peu mieux.

 

Ce que je suis, c’est en quelque sorte mon noyau, ce qui constitue ma nature profonde. Et cette nature est fondamentalement inaccessible. Quelques soient les investigations que l’on pourrait effectuer sur l’autre on n’arrivera jamais à une connaissance de lui telle qu’on pourra s’exclamer : « je te connais ! » C’est même vrai pour nous-même qui parfois avons une idée bien éloignée de ce qui fonde réellement nos actes (on a souvent tendance à vouloir enjoliver nos intentions quand bien souvent nous n’agissons que de façon très intéressée et matérialiste).

 

Mais je vois cela d’une autre façon en fait. Reprenons notre exemple, mais cette fois-ci vous avez appelé le client X 20 minutes après le retour du déjeuner pour lui laisser le temps de prendre sa pause café (**). Cette fois-ci votre supérieur, voyant l’habileté de votre manœuvre vient vous féliciter d’un glorieux : « Bravo, quel talent ! » Mais là alors, si on est logique ne devrait-on pas se lever pour lui dire : « Vous ne me connaissez pas et vous ne pouvez pas juger qui je suis sur la base de ce que je fais. » ? Et bien non. Vous trouvez ça illogique ? Ca n’a rien à faire avec une question de logique. On n’est pas là pour redémontrer que 2+2=4. On laisse sur le côté notre faculté intellectuelle de connaître les choses, et comme Kant le suggère lui-même (ah là tout de suite vous accordez plus de crédit à ce que je dis hein !), on utilise son intuition, sa sensibilité.

 

La question est de savoir se respecter soi-même. Et cela passe entre autre par la bonne délimitation de l’intrusion des autres dans notre vie. Dans tout rapport avec autrui, la communication, si l’on veut qu’elle soit efficace, juste et, pourquoi pas, agréable, doit s’établir sur les règles de base que sont le respect et la confiance (qui naît en grande partie du respect). Et précisément le respect s’arrête quand commencent les insultes et les mots déplacés. Et il est juste lorsque celles-ci émergent de remettre la personne qui les profère à sa juste place, en se remettant soi-même à sa juste place. Cette personne prétend que je suis idiot, égoïste, etc ? Je me recentre sur ce que je suis : ce que je suis cette personne n’en sait rien. Elle ne peut pas le savoir. Je le lui fais comprendre, et ainsi je recadre ma relation avec elle, je la repose là où elle était. Et j’apprends par la même occasion à l’autre à me respecter. En revanche, si cette personne me fait des compliments sur moi, pourquoi les rejeter ? Nous restons dans la relation de respect, celle-ci se renforce même avec de tels compliments : c’est super ! Aucune raison valable de s’en offusquer, bien au contraire !

 

Mais il n’y a pas que par rapport à des insultes qu’on peut utiliser cette différenciation entre l’être, l’avoir et le faire. Un autre exemple excellent est celui de l’éducation des enfants. Remettons-nous en situation. Vous êtes au restaurant avec toute votre famille. Le serveur vous apporte vos plats, et au moment où il sert votre petite fille, celle-ci fais un mauvais geste et renverse son verre. Le serveur, d’un regard amical lui lance un petit : « alors petite fille, on est maladroite ? » Et là, lecteur 3ème dan du piki-blog vous lui rétorquez : « Non, elle s’appelle Julie. » Et toc. Bon là vous me regardez avec un sourcil encore plus froncé qu’avant. Mais attendez que j’vous esspique. Cet exemple est un peu capilotracté, je vous l’accorde. Mais que veut-il dire ? Que les mots ont une force qu’on sous-estime souvent. Un enfant auquel on va dire un jour qu’il est maladroit parce qu’il a renversé un verre, puis deux jours plus tard auquel on va le répéter parce qu’il aura marché sur la queue du chien, va finir par s’identifier aux épithètes dont son entourage va l’affubler. Il va lui-même se construire en fonction de ces caractéristiques attribuées par les adultes. On appelle cela « jeter un sort ». L’enfant ne sortira plus de cette identité fabriquée par les autres, parce qu’il s’est petit à petit fait accepter ainsi, et en changeant il aura peur de perdre cette reconnaissance, c’est-à-dire que les autres ne le reconnaissent plus. Donc lorsque vous dites au serveur : « Non elle s’appelle Julie. » vous envoyez en fait un message à votre fille pour éloigner d’elle les mauvais démons de jugements trop hâtifs qui pourraient handicaper son développement personnel. Vous la recentrez sur elle-même. En revanche si le serveur vient lui dire : « tu es toute jolie toi ! » avec un grand sourire, acquissez vigoureusement du chef en bombant le torse et en pointant discrètement le doigt vers votre femme dont elle a hérité des yeux.

 

Bien sûr cela ne s’applique pas qu’à vos enfants, mais à tout le monde (mais ça me semble très sensible dans le cas des enfants). Voilà une grande marque de respect envers les autres que de savoir identifier les sorts que d’autres cherchent à leur jeter (très souvent involontairement), et même plus que de respect, une marque d’attention.

 

Mais finalement la plus grande difficulté, certains l’ont perçu qui gardent leur sourcil haut (attention à la crampe), est qu’alors si l’on ne peut faire remarquer à quelqu’un quels sont ses défauts comment dans le fond rendre justice à ceux qui souffrent des défauts de cette personne. N’y a-t-il pas des voleurs ? Des assassins ? Des tricheurs ? Des politiciens ? Si finalement on ne peut plus dire ce que sont les gens comment peut-on les juger ? Et pourtant il faut bien juger les criminels! Mais là les plus attentifs d’entre vous ont déjà compris quelle est la réponse à cette angoissant dilemme : la justice ne juge pas les gens sur ce qu’ils sont, mais seulement sur leurs actes. Un juge rendant son verdict dira : « vous avez été reconnu coupable de voies de fait, d’usage de faux d’assassinat ou encore d’activité douteuse à la mairie de Paris (pléonasme qui fait se gausser tous les magistrats), en conclusion de quoi je vous condamne à blablabla ». Mais pas : « Vous êtes un assassin donc je vous condamne à blablabla. » 

 

Ainsi, distinguer être et faire n’est nullement incompatible avec l’exercice de la responsabilité de ses actes. Bien au contraire, cela permet de recadrer avec précision quelle est la mesure exacte du comportement d’autrui et donc qu’elle valeur peut lui être donné. Car poussons l'exemple précédent jusqu'au bout. Si le juge déclare au condamné : « Vous êtes un assassin. » quelle pourrait être la justification qui permette de ne pas mettre cette personne au bagne pour le restant de ses jours? Elle peut changer avec le temps me diriez-vous ? Possible. Mais qui change vraiment ?. Je trouve qu’on perçoit cette possibilité du changement de façon beaucoup plus claire lorsque l’on dit : « il a commis un assassinat ». Il en est tenu responsable, mais la porte au changement est beaucoup plus ouverte parce qu’il n’est pas identifié comme étant fondamentalement un assassin. On n’associe pas sa nature à l’assassinat de façon catégorique et c’est là où on laisse la porte au changement et à l’évolution personnelle.

 

Savoir séparer avec justesse être, faire et avoir pourrait donc bien être une clé importante pour comprendre comment on peut mieux se respecter soi-même, respecter les autres, et comprendre où se situe la responsabilité de nos actes.

 

(*) : ne m’en veuillez pas de cette petite plaisanterie, c’est vraiment juste pour donner un peu de légèreté à mon billet.

(**) : oui bon…

05/08/2005

Homo sapiens sapiens

Découvrant ce matin sur Droit en enfer via Ceteris paribus un sympathique portrait des étudiants en droit, j’ai eu envie de faire ici un petit portrait des étudiants en école de commerce, dont j’ai pu côtoyer certains spécimens durant mes trois années d’études à Grenoble. [Edit: je m'aperçois que le  blog que j'indique ici pour le portrait sur les étudiants en droit n'est pas le bon. En fait le billet est écrit chez Loup Garou et Maîtresse puis signalé par Droit en enfer que j'ai découvert via Ceteris paribus... ah la navigation]

 

Etant donné mon amour immodéré pour ces individus (si si), vous assistez en direct très chers lecteurs, à la naissance de la cathé-gorille : humeur !

 

Car l’étudiant d’école de commerce est un magnifique sujet d’étude offrant un panel de particularismes assez large. Il a son langage à nul autre pareil, ses tenues qui rivalisent d’originalité, et son comportement social qui pourrait bien invalider la théorie darwinienne de l’évolution et ainsi renforcer la thèse créationniste.

 

D’abord il me faut un peu planter les éléments objectifs de l’analyse pour l’éclaircir. L’étudiant d’école de commerce est beau, il est très intelligent, largement plus que la moyenne (d’ailleurs il a fait un test sur Internet qui lui en a donné la preuve définitive, preuve qu’il brandira à chaque tentative qu’un autre fera de nier cette intelligence supérieure voire d’envisager qu’il pourrait avoir raison contre l’avis de l’étudiant en école de commerce - il y en a on se demande d’où ils débarquent quand même, non ?), et enfin il est drôle et boute-en-train comme un GO du club med. Bref, y’a pas à dire, l’étudiant en école de commerce, c’est un type bien.

 

Et son langage le distingue immédiatement du vulgum pecus. Parce qu’il sait s’adapter à la situation. En cours, enfin en présence d’un prof, son discours ressemblerait plutôt à ça (s’adressant à un autre élève de la classe qui vient de donner son opinion sur le sujet du cours) : medium_achille_talon.gif"tu vois, je crois que là où tu fais erreur c’est que, si l’on considère les éléments objectifs (un étudiant en école de commerce considère TOUJOURS des éléments objectif dans ses analyses) du débat, la divergence sémantique qui jaillit de l’opposition formelle dans cette illustration managériale est plutôt à rapprocher de l’analyse que j’ai produite dans mon exposé précédent". Le tout étant agrémenté de force mouvements de bras, d’un clin d’œil à la jolie blonde du dernier rang et d’un sourire de bonheur simple car intérieurement l’étudiant en école de commerce se dit : "j’suis cool quand même … ".

 

Plongé dans l’univers nocturne des soirées endiablées, son langage se transforme pour mieux coller à la situation et il devient quelque chose comme (s’adressant à la jolie blonde du cours, et lorgnant sur son décolleté qu’elle a savamment mis au point) : "tu sais moi j’adore les gens, en plus je trouve ça trop cool de leur parler et de les découvrir, parce qu’en fait plus les gens sont différents de toi plus ils t’enrichissent tu vois." Il le dit en général avec un air détaché et en pensant: "ouais je suis vraiment trop cool".

 

Et un peu plus tard, surpris en train de débattre joyeusement avec des amis sur ce qui constitue le fondement du bonheur humain on peut glaner cette pensée pleine d’à-propos : "wéééé, un verre plus un verre plus un verre, c’est de la bombe de balle !" (là c’est une citation authentique que je repique d’un mail reçu au milieu du passionnant débat qui avait eu lieu un temps autour de la question de fond : faut-il boire en soirée ? Conscients de l’intérêt de la question et confiants dans la puissance intellectuelle de leurs opinions, les débatteurs avaient décidé d’envoyer le premier mail à toute l’école puis de tenir chacun informé de l’évolution du débat par l’emploi judicieux du « répondre à tous » - j’espère qu’on ne m’imposera pas des droits d’auteur sur cette citation ou je risque de voir défiler beaucoup de monde …).

 

 

C’est aussi un séducteur hors pair, dont les succès à répétition font passer Don Juan et Casanova au rang de joueurs de billes. Il est d’ailleurs réputé dans toute l’école qui ne jure plus que par son élégance, sa distinction, et il faut aussi l’admettre, par ses performances inégalées au lit (et même pas qu’au lit, il sait aussi faire ça aux toilettes quand l’urgence se fait sentir). Bon là personnellement je préfère les aventures de Pyxi et Déa, mais c’est chacun son truc, je voudrais pas imposer ma façon de voir.

 

Bref, il est l’aboutissement ultime de dizaines de siècles d’évolution, depuis l’amibe unicellulaire jusqu’au protozoaire bicorne, et il peut regarder l’avenir avec confiance, le torse bombé de fierté, le front relevé en défi à l’adversité, car il est de ceux à qui est réservé un avenir radieux, avenir péniblement gagné à la sueur dudit front grâce à un dur labeur et un peu aussi au portefeuille de papa. La planète n’attend plus que lui (elle a été patiente jusqu’à maintenant), et ça tombe bien car lui ne pense qu’à lui montrer de quoi elle a manqué pendant tout ce temps.

 

Car l’étudiant en école de commerce non content d’être beau, intelligent (plus que les autres, suivez), et drôle, est en plus un altruiste curieux des autres et désireux de leur apporter son aide. Et mieux encore que ça, et j’aurai d’ailleurs dû m’en tenir à cet élément qui crève les yeux à la vue du moindre d’entre eux : il est modeste.

 

:o) ceci dit amicalement bien sûr

 

(*): Je commence par ma réfutation de la théorie quantique ou ma critique de la Critique de la raison pure?

03/08/2005

Murmure

Murmure à l’oreille, comme un baiser inaccompli, écho ténu de son regard incrédule,

et soupir profond venu d’une tendresse, de ce regard neuf, accueillant.