06/02/2006
Encore deux choses sur les caricatures de Mahomet
Deux éléments que je n’ai pas évoqués avant et qui me semblent utiles à avoir clairement à l’esprit pour bien comprendre ce qui se passe en ce moment à propos des caricatures de Mahomet.
Tout d’abord on aurait tort dans cette affaire de nier le véritable choc des cultures qu’elle démontre. Il est caricatural, excessif, sans doute, mais il est bien là, et si on l’ignore on n’apportera aucune bonne réponse à la situation actuelle. A ce sujet, les meilleurs articles que j’ai lu sont chez Ludovic Monnerat, ici, et encore là. Pour ma part, étant de culture occidentale, et ayant été élevé dans les valeurs de la tolérance et de la démocratie, je me situe plutôt clairement dans le camps des défenseurs de la liberté d’expression.
Mais je voudrais ici tenir quelques instants le rôle de l’avocat du diable. Monnerat le dit très bien, alors que nous mettons en avant des valeurs laïques pour gouverner nos comportements, les pays musulmans mettent eux en avant, question de culture, des valeurs religieuses. En d’autres termes, oui leurs priorités, avant toute autre considération, sont orientées en fonction de leur religion qui, estiment-ils, doit être absolument respectée. Et oui, ce ne sont pas là nos valeurs, et elles les contredisent, au moins en partie. Mais il faut bien comprendre que dans ces conditions, leur demander de modifier leur échelle de valeurs, leurs références comportementales, en adoptant notre grille de lecture laïque n’est presque rien d’autre que de leur demander de renoncer à leur religion. Je force un peu le trait, et si j’ai des lecteurs musulmans ils pourront peut-être me trouver léger dans les fondements que j’attribue à leurs comportements, mais j’ai tout de même le sentiment qu’on n’est pas loin de ça.
Dès lors on comprend qu’il y a un vice majeur, évident, dans la démarche adoptée aujourd’hui par les défenseurs de la liberté d’expression. Car dans notre empressement à défendre ce principe essentiel, vital même pour une démocratie, qu’est la liberté d’expression, on oublie tout bonnement quel objectif doit être donné à notre (ré)action. S’il ne s’agit que de donner son opinion et de tourner ensuite ses idées de la meilleure manière possible pour parvenir à démontrer qu’on a raison (avoir raison, voilà un « concept » dont il faudra un jour que je dise le mal que j’en pense), on ne doit pas s’étonner de ne soulever que colère et mépris. Si véritablement on est attaché à ce principe, il est beaucoup plus raisonnable de chercher à convaincre de sa justesse. Mais convaincre et vouloir avoir raison sont deux choses (très) différentes.
Et si j’approuve la liberté qu’avaient les journaux danois de publier les caricatures de Mahomet, je suis par ailleurs certain qu’ils n’avaient absolument aucune chance de convaincre aucun musulman réellement croyant que cette liberté se situait au dessus du respect dû au prophète. Je trouve pour ma part important de bien mesurer les conséquences de ses actes. Oui, ces journaux avait le droit le plus absolu de publier ces dessins. Mais qu’ont-ils fait d’autre qu’établir dès le départ un rapport de force en le faisant ? Qui d’autres que des convaincus pouvaient-ils prétendre persuader de l’importance de la liberté d’expression en agissant ainsi ?
Si l’on croit en un principe, et qu’on veut le défendre, il faut alors s’en donner les moyens les plus pertinents, ceux qui ont le plus de chance d’aboutir à un résultat efficace. Sinon on ne fait rien d’autres que bomber le torse. Ce qui est terrible ici, c’est que dans la très grande majorité des cas, on agit ainsi sans même s’en apercevoir. Les défenseurs du droit d’expression ne réfléchissent pas à ce qu’il faudrait faire pour persuader leurs détracteurs du bien fondé de leurs idées. Ils ne pensent qu’à chercher les arguments, les plus massues possibles, qui vont boucler le bec de leurs adversaires.
Et pourquoi agit-on naturellement ainsi ? A cause de lui, de l’orgueil. Parce que sur des sujets aussi sensibles on a vite fait de se mettre soi-même dans la balance du débat, alors que ne devrait s’y voir affronter que des idées. Dès lors on ne tente plus vraiment de défendre ces idées, il s’agit de se sauver soi-même au regard des autres. Si l’on parvenait à ne mettre dans la balance que nos idées sur ces sujets on s’apercevrait plus vite de l’inanité d’une démarche qui ne fait que placarder son opinion avec le plus de force possible, mais sans vrai souci de convaincre en étant pédagogue.
Et dans un conflit culturel aussi important que celui qui est maintenant à jour, si l’on n’essaie pas d’être un minimum pédagogue, on a perdu d’avance. On empêche le dialogue avant même d’avoir commencé.
Il y a un deuxième élément qui me semble important, et qui explique, au moins en partie, que l’embrasement soit aussi important : la combinaison entre la soif de pouvoir, et l’inhibition de l’action dans laquelle se sentent probablement nombre de pays musulmans vis-à-vis de l’occident.
La soif de pouvoir d’abord, qui est déjà naturellement bien développée chez chacun d’entre nous, ne pensez pas que vous y échappez du fait de votre bonne éducation, est en plus ici renforcée par plusieurs éléments. D’abord un élément de circonstance : l’élection du Hamas du 25 janvier (pas le 26 Koz, le 25, le délai me semble donc suffisant pour que ce soit un élément déclencheur) qui a légitimé d’un coup un groupe terroriste et ses méthodes aux yeux de beaucoup de musulmans de cette région.
Souvenez-vous (voir fin du billet), le peuple a parlé, de façon démocratique, donc ce qu’il dit est juste et bon (sic). L’idolâtrie du peuple peut mener, contre lui, à sa perte. Je crois toutefois qu’il faut le comprendre, et même l’accepter : aujourd’hui aux yeux de la majorité des palestiniens, le Hamas EST légitime. Pas du fait de son passé, de ses idées, de ses projets. Non, il est légitime parce que les palestiniens l’ont élu. Et cette légitimité fait sauter la chape morale qui pouvait avant exister dans certains esprits concernant ses actions. Là le risque est grand de voir les dérives et les manifestations de force se succéder. A partir du moment où l’on a trouvé un fondement moralement difficile à attaquer de l’usage de la force, on peut craindre des évolutions inquiétantes. Et dans ce contexte, les caricatures danoises sont venues encore renforcer ce point. Elles ont donné un alibi de plus, dont la légitimité, la justesse n’a même pas besoin d’être expliquée pour la majorité des musulmans de ces pays. On désinhibe le désir de manifester sa force, on donne des raisons qu’eux jugent probablement presque morales, de réagir avec violence.
L’inhibition de l’action lorsqu’elle est libérée, est dangereuse. Elle est nourrit de la frustration ressentie pendant tout le temps où l’on a été inhibé. Et plus cette frustration est longue et forte, plus sa libération risque de se faire de façon violente. Aujourd’hui cette inhibition existe je crois de façon évidente dans les pays musulmans vis-à-vis de l’occident. Ils sont tous les jours confrontés à notre mode de vie, à notre hégémonie culturelle, et cela ne fait que croître. Nous ne nous cachons parfois même pas de notre intention de leur « faire profiter » de ce que nous avons. Mais pour nombre d’entre eux, il y a fort à parier que ce soit ressenti comme une agression contre leur propre mode de vie, comme une remise en question des valeurs qui soutiennent leurs sociétés. L’inhibition grandit avec ceci, elle se renforce, elle se radicalise.
Le cocktail d’une inhibition forte, libérée par des évènements qui supprime les interdits moraux qui pouvaient retenir les pulsions violentes, qui même selon leurs valeurs peuvent justifier pas seulement de contester mais de combattre, me semble explosif. L’embrasement actuel en est la démonstration. Ce qui m’inquiète particulièrement ici, c’est que cet évènement désormais fera date. C’est un nouveau poinçon dans les rapports Moyen-Orient-Occident. On n’oubliera pas. Ni d’un côté, ni de l’autre. Et chacun, guidé par la certitude de détenir la vérité et aveuglé par son besoin de justifier sa position et donc lui-même, va rester sourd aux appels de la raison de rouvrir un vrai dialogue sur ce sujet. On n’arrivera plus à démêler la pelote, ce qui serait pourtant la seule chose saine à faire. On laissera le temps recouvrir tout ça, et ça resurgira à une autre occasion. C’est presque imparable.
13:00 Publié dans Un peu d'actualité et de politique | Lien permanent | Commentaires (13) | Facebook |
Commentaires
Stop.
Il n'y a pas de choc des cultures. Ici, comme dans de nombreux autres pays, ça fait un moment que les musulmans ne sont pas mis à l'index pour des raisons religieuses (mais pour des raisons historiques, sociales, économiques et donc politiques oui).
Il y a choc politique avant tout.
Parce que les pays qui font corps dans la dénonciation de ces caricatures (dont chacun est libre de juger la valeur) ne séparent pas la religion de l'état.
La religion y est loi, et les religieux y ont le vrai pouvoir politique. Ils parlent d'ailleurs de "nation musulmane".
Nation ET Musulmane.
Que doit on comprendre ?
Que la religion est la nation ?
Ce qui serait censé justifier les conditions faites en Egypte, au Pakistan, en Iran, en Tunisie aux minorités, aux femmes, aux homosexuels, et à ceux qui défendent les idées d'une nation démocratique ?
La religion (dans ce cas l'islam, mais on pourrait aussi bien parler de la radicalisation Catholique/Protestant en Irlande couvrant et activant d'autres revendications bien politiques celles-ci) ne fait pas l'objet d'un enjeu, ni d'un débat. Elle s'impose sans limite ni restriction à tous les habitants de ces pays.
Elle est donc l'enjeu des luttes pour le pouvoir qui s'y déroulent (Palestine, Egypte), dans ces pays on personne n'a souhaité l'avènement de forces démocratiques qui auraient rendu le pouvoir au peuple plutôt qu'à une oligarchie (Arabie Saoudite), qu'à des tyrans (Iran, Irak, Indonésie), et aujourd'hui à des groupes terroristes de toutes sortes. Tous ont succédé à la période coloniale mais n'échappent pas aux appétits persistents pour l'or noir.
Les musulmans sont effectivement à plaindre. Mais certainement pas pour ces caricatures.
Bien plutôt pour les caricatures de régime politique qui les gouvernent. Et sur lesquelles je ne vois pas en quoi je devrais transiger au nom d'un sois-disant choc culturel, dont la notion arrange bien du monde ici comme là-bas.
Écrit par : LaVitaNuda | 06/02/2006
Hum, je comprends votre argumentation, et pour tout dire, je crois également qu'il y a choc politique. Et que les gouvernements que vous citez ne se sont effectivement guère grandit par leur gouvernance autocratique et égoïste.
Mais je trouve que vous allez bien vite en déclarant que cela suffit pour dire qu'il n'y a pas de choc des cultures. Bien entendu je ne suis pas éthnologue, et ne prétends donc pas connaître le détail du fondement de ces sociétés, mais cela ne m'empêche pas de remarquer que des éléments émminement culturels posent problèmes, et jusque chez nous d'ailleurs. Je ne crois pas que l'on puisse nier qu'il y a un conflit entre nos valeurs laïques, et les leurs qui sont fortement influencées par leur regligion. Cela constitue à mon sens un choc culturel.
Mais votre critique à mon endroit n'est pas infondée car je ne suis pas entré dans tous les aspects du "conflit" lié au caricatures de Mahomet: l'instrumentalisation, que j'avais indiqué auparavant, qui me semble plus que forte dans le cas présent, et aussi parce que je n'ai peut-être pas été clair sur un point: je ne justifie nullement certaines conditions de vie qui existent dans ces pays et que vous rappelez avec justesse. Et, je l'ai indiqué, je suis plus porté à défendre, sans doute à vos côtés, la liberté d'expression qu'autre chose dans ce débat. Mon point était surtout de pointer du doigt une méthode, ou en tout cas un comportement qui me semble tout à fait contre-productif, voire nocif. Parce qu'il ne fait que stigmatiser, que radicaliser, sans vraiment laisser la place au dialogue.
Enfin je ne fais aucun lien entre le fait qu'il y ait un choc culturel (à mon avis) et que donc il faudrait accepter leurs excès. Je ne dis pas qu'il faut les accepter ces excès, je dis juste qu'il faut s'y prendre autrement si l'on veut obtenir un résultat.
Écrit par : pikipoki | 06/02/2006
Je comprend bien toutes vos précisions.
Le fond de ma pensée est que cette idée de "choc des cultures" élude le fond du problème qui appartient -à mon sens- aux enjeux internationaux et régionaux des pays qui font de l'islam un symbole pour imposer un seul discours et un seul pouvoir.
L'idée de choc des cultures radicalise et stérilise les positions de chacun. On le voit avec ces caricatures : liberté d'expression contre respect des religions.
Ce n'est pas un débat dont on peut sortir.
Ce n'est pas pour rien qu'il faut séparer la notion d'Etat et de Nation des notions de liberté de Culte et de Religion. Ce sont les conditions pour pouvoir établir un dialogue de progrès et équilibré entre différentes composantes d'une société à qui il serait dangereux de donner à croire qu'elles sont hétérogènes du seul fait religieux.
Les caricatures aujourd'hui, mais aussi les caricatures anti-juives des intégristes dont on ne parle pas, ou le sort fait à Salman Rushdie ou Taslima Nasreen sont là pour l'attester.
Nous sommes pourtant en France, historiquement particulièrement bien placé pour savoir ou mène les discours qui font du religieux un enjeu symbolique de domination et de pouvoir.
Ce qui n'a rien à voir avec un sois disant "choc des cultures".
Écrit par : LaVitaNuda | 07/02/2006
Que de laïcité soudain !
Pourtant il y a deux mois, qui est venu défendre la laïcité à l'occasion de son centenaire à Paris ? Réponse en photos :
http://www.local.attac.org/paris19/article.php3?id_article=111
Écrit par : Manifestation laïcité | 18/02/2006
Quel est votre message? Que vous ne m'avez pas vu à la manifestation alors que vous vous y étiez? Et pourquoi vous ne mettez pas une adresse mail normale au fait?
Écrit par : pikipoki | 18/02/2006
Bonjour,
Mon message était court... N'y voyez aucun sous-entendu négatif à votre égard. C'était une remarque générale sur ce drôle de réveil soudain auquel nous assistons à propos de la laïcité (alors que le centenaire de la laïcité est passé à la trappe). Si les médias prenaient le temps de réfléchir comme vous le faites, tout irait bien mieux...
Écrit par : Laïcité | 21/02/2006
Ah bon. Ah ben alors merci :o).
Écrit par : pikipoki | 21/02/2006
Bonjour,
Sauf erreur de ma part, je n’ai pas vu les références vers deux déclarations intéressantes :
Podcast : interview du rédacteur en chef du quotidien Politiken. Il parle de « l’atmosphère très négative envers la population musulmane » et de « la politique xéhophobe » au Danemark.
http://www.europe1.fr/podcast/sons/Europe1_l_essentiel_de_l_info_07_02_2006_13H22.mp3
Vidéo : Pierre Collignon, responsable dominical du journal Jyllands Posten, explique clairement ses intentions et les conditions de publication des caricatures, au tout début de l’émission sur la 5 « Caricatures : l’exploitation . » Le débat qui suit est également très intéressant.
mms://a533.v55778.c5577.e.vm.akamaistream.net/7/533/5577/42c40fe4/lacinq.download.akamai.com/5577/internet/cdanslair/cdanslair_20060206.wmv
J’apprécie vos billets, qui prouvent si besoin est, que la liberté de réfléchir existe toujours dans notre pays.
Écrit par : F. de C. | 21/02/2006
P.S. Pour la vidéo, si le lien ne passe pas, il se trouve sur mon blog : note du 6 février.
Écrit par : F. de C. | 22/02/2006
F. de C.
merci :o)
Écrit par : pikipoki | 22/02/2006
Lettre d’une musulmane aux médias occidentaux
«Non seulement ils (les blancs, ndlr) nous torturent, mais ils ont le toupet de nous dire comment on doit réagir à leurs tortures»
Steve Biko,
mort pour l’abolition de l’apartheid en Afrique du Sud.
Désolés de vous avoir ainsi… offensé !
Finalement, c’est peut être aux musulmans de s’excuser de ne pas avoir été assez «modernes» et assez respectueux de la «liberté d’expression» après la publication, au terme d’un «concours» organisé par un quotidien danois, de 12 caricatures injurieuses pour les musulmans et le Prophète de l’islam, Mohammed (QSSSL).
A lire et à entendre les commentaires de certains hommes politiques occidentaux, observateurs, journalistes et patrons de presse à propos des réactions dans les pays musulmans contre ces caricatures, il semble bien qu’il nous est demandé à nous, musulmans, de présenter nos excuses au «monde civilisé» qui, de toute évidence, a été offensé et offusqué par notre réaction «barbare et archaïque» ainsi que par notre «profonde ignorance» des principes de la «liberté d’expression» en vigueur dans l’Occident avancé et émancipé.
Si nous avons bien compris la leçon : exprimer son racisme, inciter à la haine de près d’un milliard et demi d’êtres humains, les fustiger, les insulter et les blesser dans ce qui constitue les fondements mêmes de leurs références identitaires, de leurs croyances et de leurs convictions, en représentant notamment leur Prophète coiffé d’un turban en forme de bombe, cela s’appelle dans le jargon de certains médias de l’Occident : de la «Liberté d’expression». Et crier sa condamnation d’une stigmatisation perfide, faire état de son rejet d’injures gratuites, cela s’appelle : de «l’intégrisme». Et au bout du compte, c’est «la sacro-sainte liberté d’expression» qui se retrouve subitement, par on ne sait trop quels artifices, «menacée par les fous d’Allah».
A ce niveau de l’appréciation des événements, il n’y a aucun dialogue possible avec ceux qui considèrent qu’insulter plus d’un milliard de musulmans (et d’ailleurs, seraient-ils à ce point tous fous? Seraient-ils à ce point tous dans l’erreur? Autant qu’ils le sont? Et depuis aussi longtemps?) constitue «un droit inaliénable» qui fait partie de leur «liberté d’expression». Un principe «sacré et fondamental», érigé en «une croyance indiscutable» pour laquelle «il ne saurait être question de transiger» quoique ce soit. Pour laquelle «l’on est prêt à se sacrifier» afin d’en assurer la défense et la sauvegarde face aux «forces obscurantistes» (Et ce n’est pas là des fragments tirés du discours d’un «islamiste-intégriste-extrêmiste»)!
Non, il n’y a aucun dialogue possible avec ceux qui dénaturent la problématique en orientant le débat vers l’idée de «l’interdiction faite aux musulmans de représenter les prophètes» et de l’opposer au concept de la «liberté d’expression». Pourquoi se voiler ainsi la face et se dissimuler derrière ce subterfuge, ce glissement méthodologique, inédit et pernicieux, qui veut entretenir une confusion des genres en comparant l’incomparable? Vouloir absolument confronter des principes issus de croyances purement religieuses et ceux inspirés de corpus philosophiques temporels et séculiers, est à bien des égards une entreprise étrangement saugrenue. Une telle démarche demeure en effet intellectuellement aberrante et politiquement douteuse, dans sa forme comme dans son fond.
Pour ceux parmi les musulmans qui ont pris la décision de manifester leur désapprobation, ils n’ont pas «crié»: «N’exercez pas votre liberté d’expression!», mais plutôt :«N’insultez pas notre foi et notre religion!».
N’aurait-il pas été plus constructif, plus productif et plus judicieux d’admettre que, tels que conçus et présentés, les thèmes des caricatures portent tout d’abord atteinte à l’image de tout un pan de l’humanité, jeté en pâture et désigné comme étant «terroriste» par essence; bien avant qu’ils ne constituent une véritable offense aux symboles identitaires et un outrage aux croyances de tous les musulmans du monde, du fidèle le plus «mou» à «l’intégriste» le plus fou?
A défaut de pouvoir dialoguer, il est par contre possible de rappeler à certains médias occidentaux, épris de «liberté», que leur pratique de la «liberté d’expression» n’est pas aussi totale qu’ils le prétendent, et que bien des tabous subsistent et ne peuvent êtres abordés sous peine de disparaître complètement de la scène médiatique.
Il existe une infinité de sujets que les médias occidentaux ne peuvent aborder, et encore moins permettre, à ceux qui osent défier l’ordre établi, d’y exprimer une quelconque opinion.
Dans un article, publié le 4 février 2006 dans The Independent, signé par le journaliste britannique M. Robert Fisk, il est rappelé que la liberté d’expression n’est pas illimitée en Occident.
Intitulé «Ne soyez pas dupes, ceci n'est pas une question de l'Islam contre la laïcité», l’article explique aux lecteurs britanniques la gravité d’avoir caricaturé le Prophète de l’Islam, et démontre le degré d’hypocrisie des médias occidentaux qui se sont offusqués de la réaction des musulmans contre les caricatures. Pour lui, les caricatures «n’avaient d’autre but que de provoquer» et qu’elles étaient «si outrageuses, qu’elles ont provoqué une réaction».
L’auteur rappelle aussi comment, il n’y a que «plus d’une décennie» à peine, un film de Martin Scorsese («La dernière tentation du Christ») avait choqué les chrétiens du monde entier et provoqué une vague de réprobation au point où des salles de cinéma ont été incendiées à Paris (01 mort officiellement) et dans d’autres villes du monde.
A propos de la leçon de «liberté d’expression» donnée au monde musulman, Robert Fisk se dit étonné de la réaction de l’Union Européenne qui «clame pompeusement qu’elle ne peut contrôler la liberté d’expression et la liberté de la presse».
Pour les besoins de la démonstration, Robert Fisk va plus loin en expliquant que les journaux auraient été traités d’anti-sémites si les caricatures montraient un rabbin avec une kippa en forme de bombe sur la tête.
«En outre, explique-t-il encore, dans quelques nations européennes – comme en France (loi Gayssot, ndlr), en Allemagne et en Autriche - il est interdit, de par la loi, de nier certains génocides. En France, par exemple, il est illégal, sous peine de sanctions pénales, de dire que l'holocauste juif ne s’est pas produits».
Robert Fisk estime en conclusion que «les pays occidentaux ne peuvent pas continuer à exercer des restrictions politiques pour prévenir des écrits révisionnistes relatifs à l’holocauste, et évoquer en même temps la laïcité lorsque les musulmans s’opposent à nos provocantes et insultantes images du Prophète».
En effet, ne s’agit-il pas là plutôt d’une «liberté d’expression» sélective et à géométrie variable, notamment quand des chercheurs et des historiens sont systématiquement poursuivis en justice, et le plus souvent lourdement condamnés, lorsqu’ils tentent de discuter ou de vérifier l’authenticité de certains aspects entourant tout ce qui a été dit et écrit à propos de l’holocauste ?
Ce qui demeure par contre certain, c’est que le journal danois qui a publié les caricatures, ainsi que d’autres de ses confrères européens qui l’ont relayé par «esprit de solidarité», se sont payés un sacré coup de publicité qui leur a permis, par la même occasion, d’augmenter exponentiellement leurs ventes et leurs bénéfices. Comme cela a été le cas pour Charlie Hebdo qui a vu ses ventes atteindre les 500 000 exemplaires (du jamais vu dans l’histoire de cet hebdomadaire!) grâce au seul numéro consacré à ces fameuses caricatures. Quel bel esprit d’opportunisme et de mercantilisme de la part de ces néo-défenseurs, hérauts et nobles chantres de la «liberté d’expression»!
Pour le directeur de Charlie Hebdo, M. Philippe Val, «la reproduction de ces dessins avait pour but de manifester notre solidarité au directeur limogé du journal France-Soir» qui s’était, lui aussi, empressé d’exprimer sa «solidarité» avec le journal danois dans l’espoir de tenter, un tant soit peu, de se sortir du marasme financier dans lequel baigne depuis un certain temps déjà le France-Soir.
Casser du musulman de nos jours est devenu banal et normal. C’est dans l’air du temps … Mais pour les plus malins, il s’agit là d’un bon filon; un créneau porteur, vendeur, voire même hautement lucratif. Ça peut en effet rapporter gros, à tous les coups, et à peu de frais! Au mieux, ce sont les retombées financières qui s’en trouvent ainsi grandement améliorées; Au pire, c’est la notoriété et les projecteurs d’une publicité assurée et entièrement gratuite! Sans mentionner le capital politique que ça peut permettre d’engranger dans un contexte où la peur et le sentiment d’insécurité généralisés sont insidieusement et savamment entretenus… Que du bénéfice net en somme, et sur tous les plans!!! Pourquoi alors s’en priver ?
Il va sans dire que M. Val nie, bien entendu, toute provocation. Pour lui, la provocation «a commencé bien avant la publication de ces fameux dessins, c’est-à-dire lors des attentats de New York en septembre 2001 puis ceux de Madrid ainsi que ceux qui ont eu lieu dans d’autres villes du monde».
Et si l’on remontait un peu plus loin dans le temps M. Val? Les croisades, la reconquista, la colonisation, la dépossession, l’exploitation, l’humiliation, la discrimination, la torture, les viols, les exécutions, les massacres, la Palestine, l’Irak, le pétrole …etc… ?
L’étonnant dans cette affaire c’est que ce sont ces mêmes défenseurs d’une «liberté d’expression», «intouchable et immuable», qui n’ont pas hésité à se porter en tête de peloton pour provoquer un lynchage médiatique en règle contre des gens comme l’Abbé Pierre (1996) et Dieudonné (un humoriste français, désormais quasiment interdit de presse et de télévision) qui, au travers d’un de ses sketchs, a «osé» caricaturer (sic) un colon juif extrémiste.
Même la politique génocidaire de Sharon contre les palestiniens n’est pas critiquable de nos jours. Et les résistants, parmi la population palestinienne occupée, qui osent dire leur opposition à cette politique sont systématiquement catégorisés comme étant de «dangereux terroristes» à liquider sans le moindre scrupule (Cheikh Yacine, un vieillard aveugle et tétraplégique, en chaise roulante, visé et abattu par un … missile (!!!) de l’armée israélienne).
Au moment où le racisme anti-musulman devient ouvertement «honorable» et l’islamophobie un fait confortablement installé dans les consciences (à l’exemple des textes incendiaires de l’écrivaine italienne Oriana Falaci et de bien d’autres encore), il est interdit de critiquer le sionisme et la politique d’Israël, sous peine d’être accusé de judéophobie ou d’anti-sémitisme, ce qui a d’ailleurs valu à la chaîne Al-Manar du Hezbollah libanais d’être bannie de diffusion en Europe.
De même, diffuser les images de l’assassinat en direct d’un enfant palestinien, comme l’a fait France 2 durant la 2e Intifada en montrant le petit Mohamed Dourra, âgé à peine de 10 ans, mourir en direct sous les balles de soldats israéliens, c’est faire de la «désinformation» car le cameraman français se «devait de faire la part des choses» et de prendre en compte la… «détresse» du pauvre soldat israélien avant qu’il n’abatte (et pas rien que d’une balle) l’enfant !
Interdire la diffusion d’un documentaire sur le massacre commis par l’armée israélienne dans le camp de Jénine en Palestine occupée, c’est faire preuve d’une «grande lucidité» et de «responsabilité éditoriale».
Interdire la publication du rapport de l’Union Européenne «lourdes critiques contre l’activité coloniale israélienne à Jérusalem-Est et tout autour de la ville», c’est aussi faire preuve d’une grande «objectivité» dans le traitement du conflit du Moyen-Orient.
Interdire la diffusion d’images montrant les insoutenables et indéfendables atrocités commises par «les forces alliées de l’axe du bien» durant leur «guerre chirurgicale», livrée aux civils Irakiens pour mieux les «libérer» et mieux leur «apprendre», dans le sang, par les bombes, les assassinats, les exactions et la torture, les principes élémentaires de la… «démocratie»…
… etc… etc… etc… .
C’est cela la «liberté d’expression», drapée des valeurs et du sceau de «l’universel», que l’Occident tient absolument à nous inculquer et avec laquelle nous devons faire. Et ça sera ainsi, car c’est la loi du plus fort… jusqu’à ce qu’il en soit autrement.
En attendant, nous vous prions de bien vouloir accepter nos excuses… il ne faut pas trop nous en vouloir, soyez indulgents avec nous car nous sommes si incultes et si archaïques… veuillez nous pardonner nos écarts… et croyez bien que nous sommes désolés de vous avoir ainsi… offensé !!!
Cordialement,
Z. Zlabia.
Écrit par : zlabia | 27/02/2006
Ahhh, j'étais vexé de ne pas avoir encore reçu mon commentaire de Zlabia! merci. vraiment.
Écrit par : pikipoki | 27/02/2006
C'est le prophète MOHAMMAD, s'il vous plais soyez indulgent est visiter ce liens :
http://www.islamway.com/mohammad/
Écrit par : Muslim4Ever | 12/03/2006
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