Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/04/2006

Réponse à Samantdi: l'authenticité dans la méthode ACP

Samantdi a laissé un commentaire pour le moins dubitatif sous mon dernier billet consacré à l'approche proposée par Carl Rogers dans la relation d'aide. J'ai d'abord commencé une réponse en commentaire, mais, et bien que pour l'instant le billet en question n'a attiré que peu de lecteurs, jugeant que les éléments de ma réponse étaient importants et éclaircissaient une idée que j'ai sans doute présentée de façon trop obscure, je préfère lui consacrer un billet pour leurs donner plus de lisibilité.

 

Pour bien répondre à Samantdi, il convient d'abord de présenter un peu Carl Rogers. C'est un psychologue américain, du XXè siècle, qui se rendit notamment célèbre dans son domaine par la création de la méthode ACP: Approche Centrée sur la Personne. Cette méthode, et là je reprends la très claire synthèse proposée par Wikipédia (lien ci-dessus), se base sur trois éléments principaux: l'authenticité, par laquelle le thérapeute va se montrer à son patient non pas sous un jour modifié, mais exactement tel qu'il est, l'empathie, et la chaleur, qui permet d'accueillir le patient tel qu'il est lui, sans jugement sur sa personne.

 

On voit très clairement avec le troisième point de cette méthode, qu’en aucun cas il n’est question d’établir le moindre rapport de supériorité ou de pouvoir avec le patient, ni d’attendre de lui qu’il s’abandonne à son thérapeute. En particulier lors d’une relaxation, à aucun moment la personne qui parle ne tente de prendre le contrôle de la personne à qui elle propose ses services. Bien au contraire, cette démarche repose avant tout sur la liberté de la personne à suivre le chemin qu’elle souhaite, et, si elle le veut, de refuser ce qui lui est proposé.

 

C’est d’ailleurs le même fonctionnement dans l’hypnose. Tous les hypnotiseurs vous diront que la vision du gourou qui contrôle les personnes par l’hypnose et leur fait faire ce qu’il veut est un fantasme sans fondement. Si ce qui est demandé à la personne lors de l’hypnose va à l’encontre de ses principes ou de ses valeurs, alors la personne refusera de s’exécuter. Il n’y a donc pas de mantra dans ces démarches, pas de prise de pouvoir, et à tout moment la personne qui les vit reste libre et non soumise.

 

Mais revenons au premier point de l’approche de Carl Rogers, sur l’authenticité, celui sur lequel j’ai souhaité m’arrêter dans mon précédent billet. J’insiste sur ce point parce que je le trouve extrêmement riche, que j’ai tenté personnellement ce type d’approche avec certaines personnes, et que j’ai alors senti à quel point il permettait une relation d’une sincérité, d’une profondeur et d’une chaleur humaine qu’on expérimente rarement.

 

L’idée de Rogers donc, est que le thérapeute est d’abord efficace en étant sincère avec son patient. Qu’est-ce que cela signifie au juste ? Simplement qu’il croit que la démarche du thérapeute est d’autant plus bénéfique si celui-ci se comporte comme une personne « réelle », sans fard, sans artifice, sans faux-semblants, sans se parer des atours du thérapeute avec justement ce qu’ils peuvent véhiculer de supériorité d’expertise, de maîtrise, etc. Le thérapeute se présente alors devant son patient tel qu’il est, un être humain, semblable, très semblable à son patient.

 

C’est donc une relation d’égal à égal qui est établie, et de façon extrêmement libre. Le patient ne se sent pas maîtrisé par le thérapeute, mais invité, avec chaleur, avec empathie, à exprimer l’être humain qu’il est, lui aussi sans fard ni faux-semblants. Le thérapeute, par son comportement réel, et en traitant le patient d’égal à égal, offre ici une marche solide sur laquelle ce dernier peut s’appuyer : « je lui suis semblable, et lui s’accepte tel qu’il est, il n’y a donc pas de raison pour que je ne sache faire de même ». Voilà  de façon très résumée ce vers quoi tend l’attitude du thérapeute.
Ici il est très possible que mon interprétation des choses soit un peu limitée et partielle, mais voilà comment personnellement je perçois ce message. L’un des premiers problèmes psychologiques à résoudre est l’acceptation de soi. Cela paraîtra sans doute à plusieurs d’entre vous être un de ces principes de psy de comptoir trop rabâché pour être vraiment sérieux. Et pourtant. Il s’en faut de beaucoup.

 

Lors de la formation que j’ai suivi, nous devions faire cet exercice simple : nous poser devant un grand miroir, dans lequel nous pouvions parfaitement bien nous voir, nous en approcher, et dire la chose suivante : « je t’aime et je t’accepte, tel que tu es, avec tes qualités et avec tes défauts. » Simple non ? Tu parles. Je ne suis jamais parvenu à le faire. Je ne sens rien quand je fais ça, ça ne passe pas. Signe que donc ça ne porte aucun sens ? Je ne crois pas. Je dirais plutôt que c’est le signe qu’il y a encore un chemin long à faire pour parvenir à se dire cela avec une vraie sincérité et en abandonnant ses mécanismes de défense.

 

A mon sens donc (et ça n’engage ici que moi), l’approche d’authenticité de Carl Rogers dit cela au patient : "Oui, je suis ton thérapeute, oui c’est moi qui dois t’aider à guérir, à surmonter certaines difficultés. Mais moi aussi j’ai des doutes, des failles qui restent ouvertes, des blessures mal refermées, je continue comme toi à affronter des peurs anciennes, à reculer devant des combats que je sais pourtant être nécessaires de mener, j’ai mes reculs, mes oublis coupables, mes évitements, toutes ces batailles qu’il faudra encore mener et qui me laissent parfois les épaules lourdes et le regard gris. Regarde-moi, je suis juste un homme, rien que ça. Mais aussi tout ça. Et c’est ça que je t’invite à être toi aussi, sans crainte vis-à-vis de ce que j’en penserais, car je ne vais pas te juger."

 

On abouti alors à une relation où l’on a retiré les parasites habituels que nous conservons malheureusement presque tous et presque tout le temps. Il ne reste plus que deux personnes réelles, telles qu’elles sont. Elles ne sont pas nues. Elles sont justes elles-mêmes.

 

Deux post-scriptum sur ce billet: le premier pour signaler que j'avais déjà évoqué les travaux de Carl Rogers dans l'ancienne série que j'avais consacré à la communication (lien vers le dernier billet de cette série). Le deuxième pour suggérer aux lecteurs qui le souhaitent de (re)découvrir le merveilleux poème de Colette Nyz Mazure copié sur ce blog, au tout début de son existence, qui reprend un peu l'idée personnelle que j'ai tenté d'esquisser ici.

Commentaires

Tout d'abord, merci d'avoir pris le temps d'expliquer clairement ce que tu voulais dire.
Plusieurs questions me viennent cependant à la lecture de ce billet :
* je cite :
1- "(...) la démarche du thérapeute est d’autant plus bénéfique si celui-ci se comporte comme une personne « réelle », sans fard, sans artifice, sans faux-semblants, sans se parer des atours du thérapeute avec justement ce qu’ils peuvent véhiculer de supériorité d’expertise, de maîtrise, etc.
Cela sous-entendrait-il alors que tout le monde peut être thérapeute ? (ce que je ne crois pas, personnellement)
Il y a bien derrière ce que prône Carl Rogers une "technique" et des compétences à acquérir pour être un professionnel, qui va entretenir avec ses patients un rapport "payant" (ou est-ce qu'il ne se situe pas dans ce domaine-là?)

2- ma deuxième question est plus tournée vers le mimétisme : je pense qu'en effet, nous pouvons nous aider en apprenant les uns les autres, mais là aussi, je ne vois pas bien comment transposer cela dans une relation d'aide de type thérapeutique.

Es-tu toi-même psychologue de profession, piki ?

Je dois dire pour ma part que je suis sûrement influencée, dans cette discussion, par le fait que j'ai suivi à deux reprises et à 17 ans d'intervalle, deux psychothérapies, que j'ai trouvées très "aidantes". Chaque fois, j'ai apprécié d'être à distance de mon thérapeute (deux psychiatres) cela me semblait rassurant. C'était une distance de type "professionnel", j'avais par ailleurs conscience que mon psy était aussi humain que moi, pouvait connaître les mêmes difficultés, doutes... C'est pour cela que je comprends qu'il soit nécessaire de prendre en compte cette authenticité, cette humanité (je lis dans Wikipédia que Rogers est classé dans les "psychologues humanistes") mais je vois cette composante comme indépendante de l'acte thérapeutique.


(à suivre ... merci pour ce très intéressant sujet de discussion)

Écrit par : samantdi | 11/04/2006

Samantdi

Je reprends l'ordre de vos points pour y répondre.

1.
En pratique, n'importe qui peut être psychothérapeute, oui. Il n'y a besoin d''aucun diplôme spécifique pour cela. Mais votre question était je crois plutôt de savoir si n'importe qui peut être un "bon" psychothérapeute j'imagine. A cela je réponds non. Ou tout du moins, pas avant d'avoir effectué un travail sur soi conséquent. C'est d'ailleurs normalement ce que l'on demande des gens qui veulent devenir psychothérapeutes, s'ils veulent faire cela de façon sérieuse.

Ce que je veux dire ici c'est qu'il est loin d'être évident de savoir se comporter en personne "réelle", telle que je l'ai décrit dans mon billet. Il ne suffit pas pour cela de se comporter à la bonne franquette. On n'oublie pas tout de même dans quel objectif on agit: soigner un patient.

2.
Difficile probablement de faire passer ce point par écrit. il faudrait l'expérimenté pour bien se rendre compte de ce dont il s'agit.

Suis-je psychologue? Non. Mais je m'intéresse beaucoup à cette discipline. Disons pour faire court que je cherche toujours à comprendre quels sont les fondements de nos comportements. Dans tout ce que je fais et dans tout ce que je vois. Et j'en découvre sans cesse.

Écrit par : pikipoki | 11/04/2006

j'ai laissé un commentaire stupide sur votre précédent message. Ignorant qui était Carl Rogers je n'avais pas la certitude qu'il s'agissait de relations avec des "patients". Sur cette base je trouve ça assez remarquable

Écrit par : brigetoun | 11/04/2006

Brigetoun
En fait on peut tout à fait imaginer mettre en oeuvre cette méthode dans une relation sans "patient", mais à chaque fois qu'on se trouve dans le cadre d'une relation d'aide (ou un accompagnement) psychologique.

Écrit par : pikipoki | 12/04/2006

Les commentaires sont fermés.