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02/11/2011

2 centimes pour la crise

121_grece.1272233077.gifC'est sans doute un peu dérisoire comparé aux montants astronomiques en jeu, d'autant que mes deux centimes seront en mots. Vous serez encore plus atterrés en apprenant que je suis loin d'être une lumière en économie, et que j'en profite pour appeler ceux qui sont plus doués que moi pour corriger ce que j'écris ici, et m'indiquer ce qui est le plus pertinent à dire, par exemple pour impressionner une fille rencontrée en soirée (mais ce n'est vraiment qu'un exemple).

 

La crise actuelle, de son doux nom "crise de la dette" (une crise sans petit nom n'est pas une vraie crise), m'étonne à plusieurs titres.

 

La première chose qui me surprend, c'est le déni irrationnel qui entoure la situation de la Grèce. Si j'en crois ce que je lis et ce que j'entends ici et là, cela fait plusieurs mois que l'on sait qu'elle ne peut pas rembourser toute sa dette. On le savait déjà avant l'été, voire même bien plus tôt. Pourtant, les marchés et les politiques ont fait comme si de rien n'était, et il a fallu attendre fin octobre pour que cette réalité soit enfin reconnnue. Aujourd'hui d'ailleurs, tout le monde dit craindre la faillite de la Grèce. Mais techniquement, et très officiellement, on vient bien de dire à tout le monde qu'elle était en faillite à 50% non ? Et étant donné le mécanisme pervers dans lequel les grecs sont maintenant entrés (les taux augmentent, donc la dette est plus diffiicle à rembourser, donc les taux augmentent), grosso modo on sait déjà que la décote doit être plus forte que 50%. Je caricature peut-être, mais j'ai l'impression qu'on ne débat plus que sur du vocabulaire pour savoir si on va déclarer ou non la faillite.

 

La deuxième chose qui me tarabuste, c'est le zoom persistant mis sur la Grèce. Les marchés ont d'une certaine façon déjà avalé l'hypothèse du défaut grec, connaissant sur tous les continents une chute brutale depuis juillet, qui dépasse très largement ce que représente l'économie grecque dans le monde ou même en Europe. Pourtant, au moindre filet d'information sur les difficultés héléniques, patatras, il se recassent la figure. Bien sûr, ils n'évaluent pas que la situation grecque mais aussi l'instabilité qu'elle génère en Europe et sans doute le risque systémique dont elle peut être le premier symptôme marquant. Mais tout de même, je trouve cela excessif. Ou plus exactement, il me semble que la Grèce ne doit plus être la question centrale et ne devrait donc plus susciter de telles réactions. Je ne vois pas bien ce qu'on va concrètement résoudre en sauvant 10% de plus ou de moins de la dette grecque. L'enjeu désormais est sur d'autres pays si on veut justement éviter l'effet domino. Il s'agit de l'Italie, de l'Espagne, du Portugal, et dit-on aussi, de la France (et là vus nos fondamentaux, je ne comprends pas complètement je dois dire).

 

Je m'attarde un tout petit peu sur ce deuxième point qui m'intéresse beaucoup. Je me demande s'il n'est pas un cas d'école de psychologie collective. Qu'est-ce qui crée une tension ?  En physique on mesure la tension par la différence de potentiel entre deux bornes électriques. Chez un individu, c'est une situation vécue de paradoxe, comme un dialogue intérieur qui se ferait entre deux voix qui tirent dans des sens opposés. Par exemple, une personne qui doit apporter un changement à sa vie est en situation de tension tant qu'elle n'a pas réellement pris la décision d'aller vers ce changement en renonçant à ses vielles habitudes. Une partie d'elle la pousse vers la transformation, l'autre la retient dans ses travers. Le jour où elle accepte d'abandonner ses habitudes, elle retrouve la sérénité et peut aller vers le changement plus efficacement.

Les marchés et les politiques me donnent tous l'impression de ne pas avoir encore accepté la situation grecque comme une réalité. Comme s'ils disaient tous en serrant les dents "je ne veux pas y croire, je ne veux pas y croire". Du coup ils restent très (trop) sensibles à toute nouvelle qui concerne la Grèce. Sauf que c'est déjà arrivé. C'est derrière nous maintenant. Ca ne veut pas dire qu'il faut laisser couler les grecs dans leur coin. Mais il me semble que nos radars doivent être tournés vers d'autres directions si l'on veut avancer.

 

Cette crise par ailleurs, apporte à mes yeux des enseignements que je trouve très intéressants. Le plus important est celui de la place nécessaire du politique dans le monde moderne. Depuis pas mal d'années on a lu de tous côtés que ce sont les marchés, les grandes multinationales, etc, qui font le monde et que les politiques ne sont plus que des pantins sans réel pouvoir. Il me semble que rien n'est plus faux et que la crise actuelle en est un exemple éclatant. Les marchés n'attendent que ça tous les jours justement : savoir ce que les politiques décident, en espérant être rassurés.

 

On ne peut pas avancer dans une économie mondialisée sans politique. Pour une raison qui m'apparaît aujourd'hui aussi limpide qu'évidente, et qui m'amène à ma deuxième constatation : la mondialisation exige une vision systémique, et donc des dispositifs de gouvernance systémiques. On ne raisonne plus dans le monde d'aujourd'hui, comme on pouvait raisonner il y a 30 ans. Et c'est maintenant notre défi, celui auquel cette crise nous confronte, de mettre en place les dispositifs de gouvernance adéquats. C'est cette question que l'on pose déjà en Europe lorsqu'on évoque la gouvernance de l'euro. Et je rejoins totalement Authueil lorsqu'il écrit que la question pour nous est celle de l'Europe fédérale. Je persiste à penser que personne n'est mûr pour ça. Mais c'est bien la question que nous aurons à résoudre dans les années à venir.

 

Je termine avec un point inspiré par cette vidéo. Je ne suis pas un apôtre de la décroissance. Sans doute sans bien savoir pourquoi. Mais d'un point de vue logique, la croissance éternelle me pose un problème. C'est des maths. La croissance éternelle signifie l'application d'une fonction exponentielle à l'infini. Dans un monde fini je ne comprends pas comment ça peut marcher. Pourrait-on imaginer que désormais, au moins en occident, nous avons atteint le niveau de richesse suffisant pour bien vivre tous ? Et que la question n'est donc plus d'accroître cette richesse mais de savoir mieux l'utiliser ? Peut-on évoluer vers une croissance "horizontale", je veux dire par là vers une autre forme de croissance, qui ne seraient plus économique ?

 

P.S : bien sûr vous aurez reconnu en illustration un dessin de Vidberg, qui est définitivement mon blog bd favori.

03/10/2011

Ni brutes, ni truands, des Hommes dans des systèmes

jekyll-and-hyde.jpgJean-Jacques Rousseau considérait que "l'homme est naturellement bon" et que c'est la société qui le corromp. Récemment, suite à l'article que j'avais écrit ici au sujet d'Anders Breivik, un ami m'avait envoyé un message dans lequel il me disait que, selon lui, arrive un moment où tout individu fait un choix entre le bien et le mal. Il réagissait au commentaire d'Helios sous le même article, qui disait lui que nous avons chacun en nous la faculté de faire le bien comme le mal.

 

Pour ma part je trouve ces visions très insatisfaisantes pour expliquer nos comportements, et encore plus pour agir d'une façon efficace. Le bien et le mal, je vois bien ce que ça veut dire. Quand on me dit que Hitler était un "méchant" et que mère Thérésa était une "gentille", je comprends de quoi on parle. Mais il s'agit là de cas extrêmes, en tout cas tels que l'histoire les présente aujourd'hui. Et dans le fond, un Homme bon, ou un Homme mauvais, je ne saisis pas bien ce que ça signifie. Je crois beaucoup plus que nous sommes capables de commettre des actes mauvais comme nous sommes capables de commettre des actes bons.

 

Ca ne fait pas de différence ? A mon sens si, et une différence de taille. D'abord parce que ce que nous faisons n'est pas ce que nous sommes. Et surtout, parce que nous envisageons toujours notre être comme une sorte de substance existant en dehors de toute contingence; nous avons cette idée d'un noyau identitaire qui définirait ce qu'il y a de plus profond en nous, et qui serait immuable dans toute circonstance. Et que cette vision me semble au final tout à fait imaginaire. Que nous ayons des traits de caractère qui nous définissent plus que d'autres, des préférences comportementales, tout cela, je le conçois bien. Mais que l'on puisse en tirer des jugements de valeur sur nous-mêmes me semble bien peu envisageable.

 

Je ne crois pas que nous agissions de façon pure, parce que nous sommes ceci ou cela. Nous agissons dans un environnement, humain, matériel, informationnel, en fonction d'expériences passées, de stimuli nombreux. Bref, ce que nous sommes à chaque instant, ou disons la manifestation de nous-même à chaque instant est le résultat de paramètres multiples, qui, s'ils changent d'une seule virgule, peuvent parfois tout modifier en nous entre maintenant et l'instant d'après. C'est peut-être une autre façon d'envisager cette nouveauté radicale évoquée par Bergson, qui lui faisait dire en évoquant le changement inhérent à l'écoulement du temps "vous ne sauriez diminuer d’un seul instant la vie psychologique sans en modifier le contenu. Pouvez-vous, sans la dénaturer, raccourcir la durée d’une mélodie ? La vie intérieure est cette mélodie même".

 

Dis peut-être plus simplement, cela signifie que pour comprendre nos comportements et y réagir d'une façon pertinente, il faut adopter une vision systémique. Nous évoluons dans des systèmes, interconnectés. Ce sont ces systèmes, par exemple, qui font que nous ne nous comportons pas toujours de la même façon chez nous et au travail; voire chez nous en famille et chez nous tout seuls. Ce sont ces systèmes qui font que nous sommes capables du meilleur dans certaines situations et du pire dans d'autres. Parce que dans un cas notre susceptibilité aura été touchée sur un point sensible de notre expérience passée, parce que dans un autre nous aurons fait le plein d'énergie et de satisfaction avant d'affronter une difficulté.

 

C'est pour cette raison que notre système judiciaire basée sur la punition me semble être fondamentalement une erreur et que les analyses qui se bornent à dire "il faut bien appeler un voyou un voyou et le faire payer" tombent à côté de la plaque. Ces stratégies, si elles peuvent porter ce nom, ne traitent même pas tous les symptômes. Quand aux causes systémiques qui sont à la base de ces comportements que nous jugeons déviants, elles les ignorent purement et simplement. Il y a donc bien peu d'amélioration à en espérer. Certains y trouvent la satisfaction de la vengeance. Mais saviez-vous que les études psychologiques montrent que ces "bienfaits" sont en réalité assez pauvres et surtout peu durables ?

 

On ne peut pas répondre à des comportements qui font souffrir les autres sans comprendre les causes systémiques qui génèrent ou favorisent ces comportements. Bien sûr cela nécessite du temps, de l'énergie, mais c'est à ce prix que l'on peut trouver des solutions réellement efficaces.

 

Cette constatation vaut en particulier dans le monde du travail, pour traiter la question des risques psychosociaux. Un exemple accablant est donné par Marie Pezé dans son livre désormais connu du grand public Ils ne mourraient pas tous mais tous étaient touchés. Une femme, téléopératrice, est adressée à sa consultation. Elle est ballotée d'un service à l'autre, au gré des besoins. De retour d'un congé maladie déjà dû à ses conditions de travail, sa nouvelle directrice lui indique sans ménagement qu'elle a vidé son tiroir personnel car son poste a été supprimé. Le jour même, la femme perd connaissance et s'effondre au sol. Quelques jours plus tard, Marie Pezé reçoit dans sa consultation ... la directrice en question. Elle lui fait part de la rigidité et de la dureté de la posture managériale à laquelle on l'a éduquée et qui, petit à petit, la détruite. En première lecture combien aurait eu envie de giffler la directrice ? Et en deuxième, combien pensent que cela aurait apporté la moindre amélioration ?

 

Il ne s'agit pas de nous exonérer de nos responsabilités, loin de là. Mais nous vivons dans des systèmes, qui se complexifient d'ailleurs de plus en plus. Nous devons les prendre en compte pour trouver des réponses adaptées aux comportements qui détruisent. Dans l'entreprise, tout l'enjeu et toute la difficulté de l'exercice qui vise à instaurer une bonne qualité de vie au travail sont bien là.

15/09/2011

La crise est-elle souhaitable ?

, systémique, homéostasieDepuis cet été, les bourses mondiales traversent des orages dont on se demande encore quand ils vont s'arrêter. Pris dans la tourmente de la crise de la dette en Europe et outre-atlantique, la crainte de la récession et les rumeurs délirantes, le système semble bien fragile. Il se maintient pourtant encore et à mes yeux, même si je suis un pur novice en matière économique, il va perdurer. Mais je me suis demandé si cela était forcément souhaitable. En partant d'une idée inspirée par la systémie.

 

La systémie porte son regard sur l'homéostasie du système qu'elle analyse. Rappelons rapidement ce qu'est l'homéostasie. C'est l'ensemble des mécanismes du système, par exemple notre organisme, qui maintiennent le statu quo. Notre organisme par exemple, cherche en permanence à maintenir son équilibre, en se sustentant, en buvant, etc. C'est parce que l'être est programmé, comme tout être vivant, pour conserver son homéostasie, que Laborit disait qu'il n'a pas d'autre raison d'être que d'être.

 

Que fait l'analyste systémique lorsqu'il observe un système malade ? Il cherche quels sont les mécanismes d'homéostasie que le système met en oeuvre pour conserver son statu quo. Dans un système humain, une famille par exemple, c'est en comprenant ces mécanismes qui maintiennent le statu quo qu'on comprend ce qui empêche la famille et chacun de ses membres d'aller mieux.

 

Le jeu de la systémie va être alors de mettre à mal ces mécanismes pour petit à petit détruire l'homéostasie du système et le faire entrer en crise. La crise signifiant très exactement la disparition de l'homéostasie du système. C'est à ce prix que celui-ci pourra retrouver un autre mode de fonctionnement, une nouvelle homéostasie, et qu'il sera débarassé de ce qui le rendait malade. L'analyste systémique pose donc cette hypothèse de départ dans son travail : sans crise, il n'y a pas de réel changement.

 

Un mot rapide sur la notion de changement envisagée d'un point de vue systémique. Deux types de changement peuvent être observés. Le changement de type 1, qui s'apparente plutôt à une simple évolution. C'est par exemple la prescription d'un médicament psychotrope pour le dépressif (on soigne le symptôme mais on ne s'attaque pas à la cause). Le changement de type 1 ne remet pas en cause l'homéostasie. Il ne fait que proposer au système une façon de supporter son malaise. Le changement de type 2 est lui le véritable changement. C'est une remise en cause de l'homéostasie, qui impose au système de défaire ses mécanismes habituels pour en trouver de nouveaux.

 

L'analyste systémique va préférer susciter des changements de niveau 2. Il utilise la crise comme un instrument indispensable pour que le système trouve par lui-même de nouveaux modes de fonctionnement (précisons que ce sont toujours les patients qui sont mis en responsabilité de trouver leur remède). Sans crise, pas de changement de niveau 2.

 

Vous voyez donc où je veux en venir. Durant l'été, on s'est ébahis du comportement de certains riches, Warren Buffet en tête, qui préconisaient d'être plus fortement taxés. Quelle sens des responsabilités ! Quelle vision juste de l'équilibre du monde ! Un article dans la masse a attiré mon attention. Il disait en substance que ces personnes sont surtout très intelligentes, et ont compris qu'elles avaient tout intérêt à ce que le système ne tombe pas en crise. La crise signifierait une remise en cause des mécanismes qui les ont portés là où ils sont. Proposer les mesures qui permettent de maintenir le statu quo est donc très bien vu de leur part (ici, nulle critique ni moquerie de ma part).

 

Mais donc la question reste à mon sens entière. La crise est-elle souhaitable ? Nombre de personnes critiquent le système économique actuel. Et je lui trouve également bien des défauts. Il ne me semble pas fou de penser que sans remise en cause profonde, aucune amélioration réelle ne viendra. Par ailleurs, il peut paraître particulièrement irresponsable de tirer vers la crise dans un système aussi globalisé que le nôtre. A ma place je n'ai pas le sentiment d'être le plus en risque (peut-être ai-je tort ...), mais qu'en est-il de ceux qui crèvent déjà de faim ? Bref je n'ai pas de réponse, juste une interrogation persistante.

29/08/2011

DSK : un épilogue peut en cacher un autre

systémique, diversion, dskJ’ai eu la semaine dernière la grande chance d’assister à une formation de Jacques-Antoine Malarewicz sur la systémique. Deux jours vraiment formidables, qui m'ont inspiré quelques idées dont voici la première.


Un mot rapide pour comprendre un peu de quoi il s’agit. La systémique a été créée il y a de cela une cinquantaine d’années par Gregory Bateson, anthropologue américain qui fut l’un des fondateurs de la célèbre école de Palo Alto et un des participants des conférences Macy. La systémique part de l’idée que pour intervenir efficacement pour un individu il est nécessaire de comprendre dans quel système il interagit, et donc quels sont ses liens avec son environnement, notamment humain. Pour cette raison, la systémique se penche beaucoup sur la communication (voir à ce sujet les ouvrages de Bateson et aussi de Paul Watzlawick). En résumé, la systémique traite des situations et non des personnes.


La systémique est très utilisée en matière de thérapie familiale, justement parce qu’elle peut alors traiter un système, la famille, là où d’autres approches ne savent traiter les individus « que » de façon isolée. On verra ultérieurement ici que ses principes sont également très applicables au cas des entreprises, en particulier lorsqu’il s’agit de traiter des risques psychosociaux.


Une des choses qui m’a marqué durant cette formation est l’éclairage très juste que propose la systémique sur l’utilisation des boucs émissaires, et d’une façon plus générale sur les méthodes que nous mettons en œuvre pour faire diversion face à nos problèmes. Je reprends ici l’exemple vu lors de la formation.


Un couple contacte le thérapeute au sujet de sa fille de 6 ans : depuis 2 à 3 ans, elle fait des insomnies. Le couple, inquiet, a « tout tenté », mais rien n’a permis de résoudre le problème. Le thérapeute systémicien comprend déjà qu’il y a un loup. Le couple a tout tenté ? Il renverse la proposition et se pose la question suivante : quelles sont les moyens que le couple a mis en œuvre pour réussir à échouer dans toutes ses tentatives ?


Pour être parfaitement clair il faut le dire encore autrement : si rien n’a marché c’est probablement qu’il n’y avait pas de volonté réelle de résoudre ce problème, et que les « solutions » envisagées jusque-là n'en étaient pas et ne servaient en réalité qu’à faire perdurer la situation. Et si l’objectif (peu importe qu’il soit conscient ou inconscient) est que la situation perdure, c’est que celle-ci présente un avantage qu’il s’agit de découvrir.

On comprend tout de suite que la fille n’est guère en mesure de s’utiliser elle-même pour un profit caché (je vais un peu vite, ça peut ne pas être toujours tout à fait aussi simple). Ce sont donc les parents qui ont un intérêt à ce que le problème de leur fille perdure. On découvre alors que les insomnies de la fille camoufflent en réalité un problème qui les concerne eux, mais qu’ils n’ont pas le courage d’affronter. Le thérapeute, peu avare lorsqu'il s'agit de bousculer et de renverser la vapeur, demande à la fille devant ses parents : "pourquoi m'as-tu amené tes parents ?". La fille donne alors la solution du problème, de façon lumineuse : "parce que papa il a une deuxième maman". On comprend d'un coup que le « problème » de la fille sert en fait à cacher celui des parents, le seul qui nécessite un travail particulier. Leur fille a donc joué le rôle de bouc émissaire, sagement, pendant des années, leur évitant ainsi de se pencher sur leurs difficultés de couple. Elle leur a permis de faire diversion : « ce n’est pas nous, c’est elle ».


Ce schéma de diversion, je le retrouve d’une certaine façon dans l’affaire DSK. Pourquoi ? J’ai été très surpris du traitement de toute l’affaire, et notamment des réactions en France. Surtout après que le non-lieu fut prononcé. En France, politiques et médias, surtout au PS, se sont empressés de dire leur soulagement, voir leur bonheur à apprendre cet épilogue. Je n’ai pu m’empêcher pour ma part de faire le parallèle avec l’affaire Lewinsky qui avait impliqué Clinton à l’époque où il était locataire de la maison blanche. Il n’était pas question de viol, mais de deux autres choses : les mœurs dissolues du président US, et le mensonge qui fut le sien dans ses premières réactions à cette affaire. C’est sur ces points que Clinton a dû s’expliquer, qu’il a dû faire amende honorable auprès des citoyens américains.


Imagine-t-on un peu la stupéfaction des américains, sans parler de celle des anglais, en voyant que dans nos réactions, nous français, ne semblons envisager que le volet pénal de l’affaire, et non les autres implications que ce cas soulève ? Quelle est l’image que nous véhiculons à l’extérieur de nos frontières à travers ces réactions de célébrations ? Sont-elles bien responsables ?


DSK, avec ce non-lieu, dispose d’un moyen de diversion important au vrai sujet qui le concerne : le déséquilibre de ses mœurs sexuelles. On notera tout de même que cette diversion semble ne pas tant fonctionner que cela vis- à-vis de l’opinion publique qui rejette majoritairement son retour dans le débat politique. Mais les leaders PS ont tort d’en faire fi et de marcher à plein dans la diversion. Car à mes yeux il y avait un autre sujet derrière l’arbre DSK : celui des mœurs des politiques français en général. Il n’a pas été tout à fait étouffé, on l’a vu avec l’affaire concernant Georges Tron. Un début de débat a eu lieu, relayé par les médias. Je trouverais simplement dommage, parce que l’affaire DSK se clôt, que ce sujet-là, qui mérite bien plus d’être traité que celui des dérives d’une seule personne, soit passé par pertes et profits.

 

 

Photo récupérée sur Paradoxa, en illustration de cet article sur l'utilisation de la systémique en thérapie familiale, que je conseille.