14/11/2012
Le mariage homosexuel n'est pas une question de société
Je choisis volontairement un titre assez provocateur, mon propos étant dans le fond peu éloigné de ce qu'il dit en synthèse. Le projet de loi sur le mariage pour tous, autrement dit, l'autorisation du mariage homosexuel, soulève actuellement un débat pour le moins houleux. En particulier, les réactions des personnes qui s'y opposent me semblent fortes, ce que l'on observe à travers les différentes manifestations qu'elles organisent.
Pour ma part, je ne suis pas opposé au mariage homosexuel. Je n'écris pas "je suis favorable au mariage homosexuel", parce que je considère surtout que ça les regarde. N'étant pas homosexuel, et le mariage soulevant très peu d'intérêt à mes yeux aujourd'hui, je ne me sens pas très concerné. Et vu l'évolution de la place du mariage dans notre société, je ne considère pas que l'enjeu soit important. D'ailleurs, j'avais déjà indiqué il y a longtemps qu'il y a à mon sens un biais dans la revendication des homosexuels à ce sujet.
En revanche, je suis intrigué par la force des réactions des opposants au mariage homosexuel. Il y a là quelque chose qui m'étonne et pour tout dire qui me dérange. Un message non dit, quelque chose d'inconscient qui se joue derrière les discours tautologiques "un papa et une maman sont nécessaires pour faire un enfant". A mes yeux en effet, ces opposants dramatisent de façon totalement disproportionnée les enjeux du mariage homosexuel. Ils en font un enjeu sociétal majeur, un point de rupture avec notre culture actuelle, une décision irréparable aux lourdes conséquences. Leur principal argument concerne surtout les enfants élevés par des couples homosexuels, enfants qui seraient alors sans repères clairs quant-à leurs origines, et sujets à des railleries insupportables de leurs camarades (risque qui me semble plutôt réel).
Mais de quoi parle-t-on ? Quel est ce mystérieux Kraken qui va nous tomber dessus et détruire notre société le jour où deux homoseuxels se seront dit oui devant un maire ? Quelques chiffres aideront sans doute à dépassionner le débat :
- En Belgique, qui a légalisé le mariage homosexuel en 2003, le nombre de mariages homosexuels s'élève à environ 2000 pour 42000 mariage chaque année (soit environ 5%). Ce nombre est stable depuis 2003. Le nombre de divorces entre homosexuel est d'environ 10% aujourd'hui.
- Le nombre d'enfants adoptés en France était d'environ 4000 en 2005, et il était alors à son maximum, il a chuté depuis. Le nombre de demandes était lui de 27000, soit un taux de réussite inférieur à 15%.
- Enfin la fécondation in vitro connait pour l'instant un taux de réussite faible puisque 60% sont des échecs. En 2011 on recensait 20000 enfants environ issus d'une AMP, dont 19000 intraconjuguales.
- En France, nous sommes 68 millions d'habitants.
Si on fait des comptes rapides, même si je sais que l'exercice manque ici de précision, on aurait 4000*15%*5% = 30 200 (voir erratum) enfants adoptés par an par un couple homosexuel. Le nombre de fécondations in vitro me semble lui incalculable en l'état (je ne pense pas que 1000 couples homosexuels y auraient accès, du coup je ne sais pas évaluer convenablement, je peux me tromper mais à mon avis le chiffre serait très inférieur).
200 enfants adoptés par des couples homosexuels chaque année. On est très loin du risque de déliquescence de notre société qui est brandi. En fait, on lit un peu partout des effets de loupe mis sur des phénomènes qui resteront rares (comme ils l'ont toujours été jusqu'à maintenant). Les homosexuels sont moins nombreux que les hétérosexuels. Ils ne vont pas se ruer comme des hordes sur le mariage une fois celui-ci autorisé. Et, non, les hétérosexuels ne vont pas devenir homosexuels une fois le mariage homosexuel autorisé. Les adoptions par les couples homosexuels, en particulier par les hommes, seront très difficiles (elles le sont déjà pour les couples hétéro !), et donc très rares. Et il en ira très probablement de même pour les AMP.
Il n'y a donc aucun chambardement de notre société en vue suite à la légalisation du mariage homosexuel. Tout cela n'est qu'une vue de l'esprit qui traduit uniquement une peur somme toute irrationnelle. J'en veux d'abord pour preuve la liste des pays ayant déjà légalisé le mariage homosexuel. Si on regarde la liste exhaustive on constate d'abord qu'elle est assez longue, et surtout, je ne crois pas qu'aujourd'hui ces pays fassent état d'une catastrophe sismique dans leur société depuis la légalisation du mariage homosexuel. Mieux, si on s'arrête à certains pays phares de cette liste, Norvège, Danemark, Suède, Pays-bas, Canada, ceux-là figurent en haut de tous les classements de santé économique et sociale régulièrement publiés. Le dernier en date que j'ai relevé est celui du Legatum prosperity index. Les pays que j'indique y occupent respectivement les places numéro 1, 2, 3, 6 et 8 de ce classement, établi selon 8 critères : économie, entrepreunariat, gouvernance, éducation, santé, sécurité, libertés individuelles, capital social. Le doigt du malin est-il donc pointé vers la France pour que notre pays souffre de ce dont les autres n'ont pas souffert ?
La question reste donc : pourquoi tant de cris d'orfraie à un événement dont la manifestation et les conséquences seront si limitées ? Je crois que la réponse est simple : parce que la question touche moins à notre société qu'à notre intimité. Le mariage est une question individuelle, intime. C'est le choix de s'unir officiellement à une personne avec laquelle nous partageons ce que nous avons de plus personnel. Toute loi touchant à un élément de cet ordre, qui relève de l'intime, nous la percevons comme une forme d'intrusion. Les réactions autour du mariage homosexuel sont profondément émotionnelles. C'est très normal puisque cette question touche à un point qui est avant tout émotionnel. Encore une fois, je retrouve tous ces pièges de langage, ces pseudo-convictions (ah, les belles convictions que nous avons tous!), ces enjeux pour les autres, pour la société même (vous vous rendez compte, la société monsieur!), alors que ce qui fait que nous remuons à ce point est que cette question nous interpelle nous, individuellement, dans nos choix intimes. C'est de nous individuellement dont on parle. Aucun collectif n'est ici mis en jeu.
J'ai de plus en plus cette grille de lecture, qui est en réalité parfaitement évidente si on prend le temps d'y réfléchir : derrière toute réaction épidermique, se cache un enjeu avant tout émotionnel et individuel. Il n'y a rien qui touche le groupe qui puisse susciter un tel niveau de réaction. Ce qui signifie que derrière toute réaction épidermique, il faut aller chercher le besoin individuel qui se cache (et que souvent la personne ne sait pas identifier, nous pouvons donc lui préserver sa sincérité dans les arguments qu'elle évoque). Sans cela on ne peut pas comprendre les positions de chacun et les vrais enjeux qui sont à prendre en compte.
Erratum : à la relecture je fais une erreur de calcul. Sur 4000 enfants adoptés, 5% le seraient pas des couples homosexuels si le ratio de mariages homosexuel est le même qu'en Belgique. 4000*5% = 200. Ca fait un peu plus, mais l'ordre de grandeur ne me semble guère modifié.
14:09 Publié dans Un peu d'actualité et de politique | Lien permanent | Commentaires (33) | Facebook |
23/04/2012
Regardons notre pays sans oeillère
Le premier tour de l'élection présidentielle a donc livré son verdict. Hollande devance Sarkozy, qui n'à plus qu'à prier à la fontaine Sainte-Geneviève en espérant un miracle s'il veut encore être réélu. Le rapport de force est trop défavorable pour qu'il ait la moindre chance. Ce résultat était attendu, il n'a guère surpris.
Ce qui était moins attendu en revanche, du moins par les sondeurs et sans doute par la plupart des gens, dont moi, c'est le score du Front National. 18%, et surtout, surtout, 1 600 000 voix de plus que son père lorsqu'il avait été qualifié au second tour en 2002. 33% de plus. C'est considérable, et très inquiétant.
A mes yeux, le premier responsable de cette envolée est Sarkozy. Ca me semble incontestable. Lui et ses lieutenants si occupés à "syphonner" les voix du FN qu'ils n'ont pas compris qu'ils ne faisaient que souffler sur les braises. Enfin pas compris... Le problème est là, ils n'ont agit que par un cynisme ignoble, honteux, contraire aux valeurs de cette République qu'il ne cesse d'avoir à la bouche. "Défendre la République" disent-ils, quand ils ne font que l'affaiblir en dressant les gens les uns contre les autres.
Sarkozy, Guéant, Lefebvre, Morano, Copé (j'en oublie sans doute - Note du lendemain : dont Hortefeux !), et bien entendu tous les élus de la droite populaire, n'ont eu de cesse pendant 5 ans de stigmatiser les étrangers, les immigrés, les roms; d'amalgamer musulmans (même ceux qui ne le sont que "d'apparence") et islamistes. La coupe n'a pas été remplie, elle a été remplacée par un tonneau, plein à ras bord. Une honte. Systématiquement défendue, soutenue, encouragée par Sarkozy.
Si son attitude était un calcul, il était bien mauvais, et bien stupide. Car comment n'aurait-il pas compris, qu'ayant déçu sur le front de la sécurité, les électeurs proches des thèses frontistes n'allaient pas se laisser prendre une deuxième fois ? Il faudrait vraiment qu'il ait été aveugle au rejet dont il fait aujourd'hui l'objet. Mais je ne crois pas qu'il était aveugle. Je crois que ces idées sont aussi les siennes depuis le début, et que c'est une des raisons qui l'a poussée à les réutiliser lors de cette campagne.
Mes craintes vont au-delà de la montée du FN. Car je crois que ce qui est véritablement en jeu, c'est le racisme qui grandit dans notre pays. J'en discutais avec mon directeur récemment, qui me disait qu'il ne partageait pas cette opinion. Qu'autour de lui il ne voyait quasiment pas de gens racistes, que des personnes aux discours modérés, tolérants. Mais mon directeur vis dans le 2è arrondissement de Paris. Le Pen y a fait moins de 5% des voix.
Paris aujourd'hui me fait l'effet de New York aux Etas-Unis. Paris est cosmopolite, accueille une part très importante de personnes venant des régions, et de travailleurs ou étudiants étrangers, venant de tous les pays. Des gens dont le niveau de diplôme et de revenus sont supérieurs à la moyenne nationale. Dans notre tradition centralisée Paris est une sorte de phare qui représente la France dans toutes ses dimensions. On dit parfois Paris en lieu et place de la France. On a tort. Profondément tort. La France est au moins autant celle des campagnes que celle des villes. Et précisément, le vote FN vient des campagnes.
Je lis régulièrement les nouvelles sur les sites d'informations grand public : Yahoo, les journaux en ligne comme Le Monde, Le Figaro, Libération, ainsi que les "Pure Players" comme on dit. Depuis quelques mois, ma façon de lire les informations que donnent ces sources à changé. Je ne lis en gros que le titre des articles, puis je vais tout de suite aux commentaires. Parce que c'est là que les gens s'expriment. Et qu'ils donnent ainsi à mes yeux une information très importante sur l'état d'esprit de notre pays. Ce d'autant plus que l'effet Internet jouant, les gens souvent "se lâchent", disent le fond de leur pensée sans détours. Et ces commentateurs viennent de partout, de Paris, mais aussi de toutes les régions, campagnes comprises.
Il faut lire ces commentaires, aller découvrir ce que disent les gens sous les articles qui parlent de faits divers, ou des sujets autour desquels ont trouve les plus fortes caricatures de débat : l'immigration, la sécurité, le système d'aides sociales. On prend peur au début, mais il faut lire tout ça, entre les commentateurs qui soutiennent ouvertement les actes d'un Breivik (mais oui on en trouve, et pas qu'un), ceux qui amalgament systématiquement délinquance ou insécurité aux étrangers, forcément musulmans, ceux qui réclament le retour de la peine de mort, etc. Il faut le lire parce que c'est ça la réalité aujourd'hui. Les gens qui ont ces idées sont nombreux, très nombreux. Et le racisme lui, va bien au-delà des 18% qui ont voté Le Pen dimanche. Plusieurs études dans les dernières années montraient que les idées racistes dépassaient les 50%. Je n'exagère pas, et je n'invente pas pour la cause de mon billet.
Je me demande si le mécanisme des législatives n'a pas jusqu'ici desservit la nécessaire prise en compte de ce que signifie le vote FN. Car il masque complètement ce vote, en ne lui accordant aucun siège. Il nous permet de faire l'autruche, comme le fait que Marine Le Pen n'ayant pas passé le premier tour fait que les réactions aujourd'hui sont beaucoup moins horrifiées qu'il y a 10 ans. Pourtant la situation est pire. Mais nous sommes incorrigibles. Tant qu'un risque ne nous met pas au pied du mur, nous ne réagissons pas. Nous ne savons agir que dans la pression de necessité, quitte à laisser la situation pourrir jusqu'à être irrécupérable.
Alors ne mettons pas nos oeillères cette fois-ci. Regardons le racisme de notre pays en face. Ne le sous-estimons pas. Cela devient à mon sens, de fait, un des défis majeurs que François Hollande, une fois élu, devra relever. Car il est impensable qu'un Président n'agisse pas pour résorber les dissensions qui frappent la population de son pays. C'est quasiment sa fonction première. Une action contraire est une folie.
22:44 Publié dans Un peu d'actualité et de politique | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : fn, racisme, présidentielles, sarkozy | Facebook |
21/04/2012
Mon pronostic pour le 1er et le 2è tour
A la veille du premier tour de l'élection présidentielle, j'ai envie de m'amuser et de proposer mon pronostic. Je le fais pour le premier et le deuxième tour.
1er tour :
- Hollande : 28,5%
- Sarkozy : 26% (il m'a semblé jouer un peu tous les coups possibles en même temps sur les derniers jours, ce qui a je crois vraiment nuit à sa crédibilité)
- Le Pen : 16% (je préférerais Mélenchon, ou plutôt Bayrou en fait, mais je pense qu'on n'échappe pas à ce score pour elle - c'est d'ailleurs pour moi le signe définitif que le FN dispose bien d'un socle de ce niveau, de personnes qui ne vote pas FN par esprit de contestation mais bien par adhésion. En effet, la contestation cette année est portée par Mélenchon. Les électeurs qui votent FN le font donc bien par adhésion à ses thèses et rien d'autre.)
- Mélenchon : 12,5% (on le donne plus haut dans les sondages, j'en suis tellement surpris que je l'imagine un peu dessous. C'est pour moi la mauvaise surprise de cette campagne. Le vote Mélenchon me semble montrer que nous ne sommes toujours pas une société mature.)
- Bayrou : 10,5% (campagne ratée, jusqu'à ses tracts qui parlent de moraliser la vie publique alors qu'il pointe avec plus de force que les autres que les vrais sujets sont économiques et sociaux)
- Poutou : 2% (qui aura bénéficié d'un petit coup de pouce médiatique sur la fin)
- Eva Joly : 1,5%
- Dupont-Aignan : 1%
- Artaud : 0.5%
- Cheminade : 0.5%
2è tour : un carnage.
- Hollande : 56%
- Sarkozy : 44%
Je crois que ça pourrait même être pire. Et je ne crois pas à un écart inférieur à 8 points quoi qu'il arrive.
La question du coup c'est ce qu'il va se passer à l'UMP après cette élection. Je crois vraiment à un score élevé pour Hollande au second tour, et donc j'imagine un lourd chambardement à l'UMP. Le risque étant que ça profite au FN.
19:59 Publié dans Un peu d'actualité et de politique | Lien permanent | Commentaires (12) | Facebook |
14/02/2012
Candidature tardive et acte manqué
Je n’évoque pas cette hypothèse de façon très sérieuse, mais j’y ai pensé la semaine dernière : l’annonce tardive par Nicolas Sarkozy de sa candidature à la présidentielle pourrait être en partie un acte manqué, un choix fait pour des raisons non conscientes.
Deux possibilités me viennent à l’esprit. La première est la peur de perdre. Sarkozy n’aurait pas envie de se lancer dans une bataille qui l’emmène vers la défaite. L’écart dans les sondages entre lui et Hollande est très important. Nombre d’observateurs considèrent déjà que l’affaire est pliée. Je ne suis pas loin d’en faire partie. Dans ces conditions, se déclarer candidat signifie pour lui entamer une phase où son égo souffrira d’être rabaissé par rapport à son concurrent alors que dans son rôle de président il peut encore garder sa superbe.
Ce qui m’amène à ma deuxième idée : il EST Président de la République. Il EST au-dessus de la mêlée. De facto. Il n’y a donc pas de raison valable de redescendre au niveau des autres ! Tout de même ! Comment ça une mise en concurrence ? Mais il est Président ! Point barre ! Qui a l’audace de venir bousculer quelqu’un qui est déjà élu, et qui est au-dessus des autres ? Se déclarer candidat reviendrait à reconnaître qu’il est au niveau des autres. Inacceptable
Si on mixe ces deux idées entre elles, cela crée même un effet très fort. Car quoi, il EST Président, il domine tout le reste, et quelqu’un prétendrait pourtant être au-dessus de lui ? Mais c’est insupportable ! Essayez pour voir de vous mettre un instant dans la peau de quelqu’un qui a un égo fort, et qui a dans la tête ces deux idées qui se bousculent : sa supériorité, évidente et non discutable, et le fait qu’il est mis en difficulté par quelqu’un qui l’infériorise (sic). A l’intérieur ça ne peut que bouillir !
Je propose ça avec prudence bien sûr. Mais je serai très attentif au comportement de Sarkozy une fois en campagne. Peut-être fera-t-il un petit pétage de plomb narcissique.
10:30 Publié dans Un peu d'actualité et de politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : présidentielle, sarkozy, acte manqué | Facebook |
30/12/2011
2011 dans le retro
L'année 2011 se termine, et dans les rédactions l'heure est aux retrospectives. Que retiendra-t-on de plus marquant ? Quels événements auront inscrit leur marque de la façon la plus importante ? Qu'est-ce qui aura le plus influencé l'avenir ?
A mes yeux, ce sont les révolutions arabes que l'histoire retiendra le plus. Parce qu'elles étaient inattendues, les historiens et spécialistes de ces pays s'accordant à dire depuis de nombreuses années que ces peuples étaient durablement soumis et incapables de révolte. Parce qu'elles ont embrasée quasiment toutes les nations arabes. Et parce qu'elles ont réussi. Il reste essentiellement la Syrie dont la situation n'est aujourd'hui encore pas résolue. Mais je fais le pari que le régime de Bachar El Assad tombera en 2012. J'avais d'ailleurs pensé qu'il ne résisterait pas au dernier trimestre 2011, je me suis trompé, mais je crois que ce n'est plus qu'une question de temps.
En deuxième, je vois la crise financière, que je ne réduis pas à l'Europe. Le viseur a certe été braqué sur nous, mais dans le monde actuel, étant donné la structure des cricuits financiers, réduire la crise financière et la question de la dette à la seule Europe est faire preuve de Myopie. Les Etats-Unis sont au moins aussi touchés que nous, le Japon l'est également, ... Et pour les ravis du pessimisme, il se murmure que si nous nous en relevons en 2012, de toute façon le pire nous attend avec la chute de la Chine.
La croissance du pays montre déjà des signes de faiblesse, et surtout, le problème de la Chine est social et environnemental. Pour l'instant c'est la croissance économique qui l'a emporté sur ces considérations. Sauf que cette croissance développe les tensions sur ces deux fronts. Sur le front social parce que la croissance apporte aussi, et c'est tant mieux, une plus grande ouverture, une démocratisation, et donc des revendications légitimes auxquelles il faudra bien répondre. Sur le front de l'environnement, la Chine est aujourd'hui le plus gros pollueur mondial, et elle détruit son patrimoine naturel à grande vitesse. Ce qui contribue, entre autre choses, à affaiblir ses ressources économiques.
Cette crise financière ne se réduit pas à l'Europe parce qu'elle est à mon sens une étape, la deuxième peut-être après 2008, au sein d'un plus grand mouvement de crise qui est systémique. C'est-à-dire qu'il ne questionne pas tant la dette des pays européens qu'un modèle de croissance qui existe aujourd'hui dans le monde entier. Qui prête ? Qui dépense ? Comment ? Quels sont les projets menés ? Qui crée l'argent qui irrigue l'économie ? Que souhaite-t-on changer dans ces constats pour demain ? Ce sont ces questions qui sont, enfin, en train d'être posées.
Nous ne saurons pas y répondre tout de suite, nous sommes lents, parce qu'à 7 milliards nous avons autant peur du changement qu'à 1. Pour l'instant, en Europe, le risque que je vois sur ce sujet est moins économique que démocratique. Il me semble qu'il n'y a pas de solution pérenne sans passer par plus de fédéralisme. Mais si cela se fait trop fortement contre la volonté des populations, c'est une autre révolution qui nous pend au nez.
Enfin, en troisième je pense à la catastrophe de Fukushima, qui a soulevé les plus grandes peur à travers le monde. Aujourd'hui elle sert à bon compte aux écologistes pour plaider un arrêt brutal de l'électricité nucléaire. Je suis plutôt de l'avis de Vérel sur ce point. Arrêter le nucléaire en France serait un désastre. En revanche il paraît utile de mieux sécuriser les sites.
Les rétrospectives se font bien souvent avec un angle de vue médiatique. Et donc plutôt négatif, pessimiste. Parce que les drames sont bien plus présents dans les journaux que les bonnes nouvelles. Nous ne sommes pas éduqués à savoir quoi faire d'une bonne nouvelle. Alors que nous sommes toujours très prolixes pour commenter une catastrophe. Ma rétrospective n'échappe pas à ce biais de lecture. Pourtant, je suis pour ma part assez résolument optimiste quant-à l'avenir. Je crois qu'il peut apporter des changements positifs, et j'ai même assez hâte d'y assister, et même d'y participer à mon échelle.
Vivement 2012 !
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02/11/2011
2 centimes pour la crise
C'est sans doute un peu dérisoire comparé aux montants astronomiques en jeu, d'autant que mes deux centimes seront en mots. Vous serez encore plus atterrés en apprenant que je suis loin d'être une lumière en économie, et que j'en profite pour appeler ceux qui sont plus doués que moi pour corriger ce que j'écris ici, et m'indiquer ce qui est le plus pertinent à dire, par exemple pour impressionner une fille rencontrée en soirée (mais ce n'est vraiment qu'un exemple).
La crise actuelle, de son doux nom "crise de la dette" (une crise sans petit nom n'est pas une vraie crise), m'étonne à plusieurs titres.
La première chose qui me surprend, c'est le déni irrationnel qui entoure la situation de la Grèce. Si j'en crois ce que je lis et ce que j'entends ici et là, cela fait plusieurs mois que l'on sait qu'elle ne peut pas rembourser toute sa dette. On le savait déjà avant l'été, voire même bien plus tôt. Pourtant, les marchés et les politiques ont fait comme si de rien n'était, et il a fallu attendre fin octobre pour que cette réalité soit enfin reconnnue. Aujourd'hui d'ailleurs, tout le monde dit craindre la faillite de la Grèce. Mais techniquement, et très officiellement, on vient bien de dire à tout le monde qu'elle était en faillite à 50% non ? Et étant donné le mécanisme pervers dans lequel les grecs sont maintenant entrés (les taux augmentent, donc la dette est plus diffiicle à rembourser, donc les taux augmentent), grosso modo on sait déjà que la décote doit être plus forte que 50%. Je caricature peut-être, mais j'ai l'impression qu'on ne débat plus que sur du vocabulaire pour savoir si on va déclarer ou non la faillite.
La deuxième chose qui me tarabuste, c'est le zoom persistant mis sur la Grèce. Les marchés ont d'une certaine façon déjà avalé l'hypothèse du défaut grec, connaissant sur tous les continents une chute brutale depuis juillet, qui dépasse très largement ce que représente l'économie grecque dans le monde ou même en Europe. Pourtant, au moindre filet d'information sur les difficultés héléniques, patatras, il se recassent la figure. Bien sûr, ils n'évaluent pas que la situation grecque mais aussi l'instabilité qu'elle génère en Europe et sans doute le risque systémique dont elle peut être le premier symptôme marquant. Mais tout de même, je trouve cela excessif. Ou plus exactement, il me semble que la Grèce ne doit plus être la question centrale et ne devrait donc plus susciter de telles réactions. Je ne vois pas bien ce qu'on va concrètement résoudre en sauvant 10% de plus ou de moins de la dette grecque. L'enjeu désormais est sur d'autres pays si on veut justement éviter l'effet domino. Il s'agit de l'Italie, de l'Espagne, du Portugal, et dit-on aussi, de la France (et là vus nos fondamentaux, je ne comprends pas complètement je dois dire).
Je m'attarde un tout petit peu sur ce deuxième point qui m'intéresse beaucoup. Je me demande s'il n'est pas un cas d'école de psychologie collective. Qu'est-ce qui crée une tension ? En physique on mesure la tension par la différence de potentiel entre deux bornes électriques. Chez un individu, c'est une situation vécue de paradoxe, comme un dialogue intérieur qui se ferait entre deux voix qui tirent dans des sens opposés. Par exemple, une personne qui doit apporter un changement à sa vie est en situation de tension tant qu'elle n'a pas réellement pris la décision d'aller vers ce changement en renonçant à ses vielles habitudes. Une partie d'elle la pousse vers la transformation, l'autre la retient dans ses travers. Le jour où elle accepte d'abandonner ses habitudes, elle retrouve la sérénité et peut aller vers le changement plus efficacement.
Les marchés et les politiques me donnent tous l'impression de ne pas avoir encore accepté la situation grecque comme une réalité. Comme s'ils disaient tous en serrant les dents "je ne veux pas y croire, je ne veux pas y croire". Du coup ils restent très (trop) sensibles à toute nouvelle qui concerne la Grèce. Sauf que c'est déjà arrivé. C'est derrière nous maintenant. Ca ne veut pas dire qu'il faut laisser couler les grecs dans leur coin. Mais il me semble que nos radars doivent être tournés vers d'autres directions si l'on veut avancer.
Cette crise par ailleurs, apporte à mes yeux des enseignements que je trouve très intéressants. Le plus important est celui de la place nécessaire du politique dans le monde moderne. Depuis pas mal d'années on a lu de tous côtés que ce sont les marchés, les grandes multinationales, etc, qui font le monde et que les politiques ne sont plus que des pantins sans réel pouvoir. Il me semble que rien n'est plus faux et que la crise actuelle en est un exemple éclatant. Les marchés n'attendent que ça tous les jours justement : savoir ce que les politiques décident, en espérant être rassurés.
On ne peut pas avancer dans une économie mondialisée sans politique. Pour une raison qui m'apparaît aujourd'hui aussi limpide qu'évidente, et qui m'amène à ma deuxième constatation : la mondialisation exige une vision systémique, et donc des dispositifs de gouvernance systémiques. On ne raisonne plus dans le monde d'aujourd'hui, comme on pouvait raisonner il y a 30 ans. Et c'est maintenant notre défi, celui auquel cette crise nous confronte, de mettre en place les dispositifs de gouvernance adéquats. C'est cette question que l'on pose déjà en Europe lorsqu'on évoque la gouvernance de l'euro. Et je rejoins totalement Authueil lorsqu'il écrit que la question pour nous est celle de l'Europe fédérale. Je persiste à penser que personne n'est mûr pour ça. Mais c'est bien la question que nous aurons à résoudre dans les années à venir.
Je termine avec un point inspiré par cette vidéo. Je ne suis pas un apôtre de la décroissance. Sans doute sans bien savoir pourquoi. Mais d'un point de vue logique, la croissance éternelle me pose un problème. C'est des maths. La croissance éternelle signifie l'application d'une fonction exponentielle à l'infini. Dans un monde fini je ne comprends pas comment ça peut marcher. Pourrait-on imaginer que désormais, au moins en occident, nous avons atteint le niveau de richesse suffisant pour bien vivre tous ? Et que la question n'est donc plus d'accroître cette richesse mais de savoir mieux l'utiliser ? Peut-on évoluer vers une croissance "horizontale", je veux dire par là vers une autre forme de croissance, qui ne seraient plus économique ?
P.S : bien sûr vous aurez reconnu en illustration un dessin de Vidberg, qui est définitivement mon blog bd favori.
22:27 Publié dans Un peu d'actualité et de politique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : crise, dette, systémique, gouvernance | Facebook |
29/08/2011
DSK : un épilogue peut en cacher un autre
J’ai eu la semaine dernière la grande chance d’assister à une formation de Jacques-Antoine Malarewicz sur la systémique. Deux jours vraiment formidables, qui m'ont inspiré quelques idées dont voici la première.
Un mot rapide pour comprendre un peu de quoi il s’agit. La systémique a été créée il y a de cela une cinquantaine d’années par Gregory Bateson, anthropologue américain qui fut l’un des fondateurs de la célèbre école de Palo Alto et un des participants des conférences Macy. La systémique part de l’idée que pour intervenir efficacement pour un individu il est nécessaire de comprendre dans quel système il interagit, et donc quels sont ses liens avec son environnement, notamment humain. Pour cette raison, la systémique se penche beaucoup sur la communication (voir à ce sujet les ouvrages de Bateson et aussi de Paul Watzlawick). En résumé, la systémique traite des situations et non des personnes.
La systémique est très utilisée en matière de thérapie familiale, justement parce qu’elle peut alors traiter un système, la famille, là où d’autres approches ne savent traiter les individus « que » de façon isolée. On verra ultérieurement ici que ses principes sont également très applicables au cas des entreprises, en particulier lorsqu’il s’agit de traiter des risques psychosociaux.
Une des choses qui m’a marqué durant cette formation est l’éclairage très juste que propose la systémique sur l’utilisation des boucs émissaires, et d’une façon plus générale sur les méthodes que nous mettons en œuvre pour faire diversion face à nos problèmes. Je reprends ici l’exemple vu lors de la formation.
Un couple contacte le thérapeute au sujet de sa fille de 6 ans : depuis 2 à 3 ans, elle fait des insomnies. Le couple, inquiet, a « tout tenté », mais rien n’a permis de résoudre le problème. Le thérapeute systémicien comprend déjà qu’il y a un loup. Le couple a tout tenté ? Il renverse la proposition et se pose la question suivante : quelles sont les moyens que le couple a mis en œuvre pour réussir à échouer dans toutes ses tentatives ?
Pour être parfaitement clair il faut le dire encore autrement : si rien n’a marché c’est probablement qu’il n’y avait pas de volonté réelle de résoudre ce problème, et que les « solutions » envisagées jusque-là n'en étaient pas et ne servaient en réalité qu’à faire perdurer la situation. Et si l’objectif (peu importe qu’il soit conscient ou inconscient) est que la situation perdure, c’est que celle-ci présente un avantage qu’il s’agit de découvrir.
On comprend tout de suite que la fille n’est guère en mesure de s’utiliser elle-même pour un profit caché (je vais un peu vite, ça peut ne pas être toujours tout à fait aussi simple). Ce sont donc les parents qui ont un intérêt à ce que le problème de leur fille perdure. On découvre alors que les insomnies de la fille camoufflent en réalité un problème qui les concerne eux, mais qu’ils n’ont pas le courage d’affronter. Le thérapeute, peu avare lorsqu'il s'agit de bousculer et de renverser la vapeur, demande à la fille devant ses parents : "pourquoi m'as-tu amené tes parents ?". La fille donne alors la solution du problème, de façon lumineuse : "parce que papa il a une deuxième maman". On comprend d'un coup que le « problème » de la fille sert en fait à cacher celui des parents, le seul qui nécessite un travail particulier. Leur fille a donc joué le rôle de bouc émissaire, sagement, pendant des années, leur évitant ainsi de se pencher sur leurs difficultés de couple. Elle leur a permis de faire diversion : « ce n’est pas nous, c’est elle ».
Ce schéma de diversion, je le retrouve d’une certaine façon dans l’affaire DSK. Pourquoi ? J’ai été très surpris du traitement de toute l’affaire, et notamment des réactions en France. Surtout après que le non-lieu fut prononcé. En France, politiques et médias, surtout au PS, se sont empressés de dire leur soulagement, voir leur bonheur à apprendre cet épilogue. Je n’ai pu m’empêcher pour ma part de faire le parallèle avec l’affaire Lewinsky qui avait impliqué Clinton à l’époque où il était locataire de la maison blanche. Il n’était pas question de viol, mais de deux autres choses : les mœurs dissolues du président US, et le mensonge qui fut le sien dans ses premières réactions à cette affaire. C’est sur ces points que Clinton a dû s’expliquer, qu’il a dû faire amende honorable auprès des citoyens américains.
Imagine-t-on un peu la stupéfaction des américains, sans parler de celle des anglais, en voyant que dans nos réactions, nous français, ne semblons envisager que le volet pénal de l’affaire, et non les autres implications que ce cas soulève ? Quelle est l’image que nous véhiculons à l’extérieur de nos frontières à travers ces réactions de célébrations ? Sont-elles bien responsables ?
DSK, avec ce non-lieu, dispose d’un moyen de diversion important au vrai sujet qui le concerne : le déséquilibre de ses mœurs sexuelles. On notera tout de même que cette diversion semble ne pas tant fonctionner que cela vis- à-vis de l’opinion publique qui rejette majoritairement son retour dans le débat politique. Mais les leaders PS ont tort d’en faire fi et de marcher à plein dans la diversion. Car à mes yeux il y avait un autre sujet derrière l’arbre DSK : celui des mœurs des politiques français en général. Il n’a pas été tout à fait étouffé, on l’a vu avec l’affaire concernant Georges Tron. Un début de débat a eu lieu, relayé par les médias. Je trouverais simplement dommage, parce que l’affaire DSK se clôt, que ce sujet-là, qui mérite bien plus d’être traité que celui des dérives d’une seule personne, soit passé par pertes et profits.
Photo récupérée sur Paradoxa, en illustration de cet article sur l'utilisation de la systémique en thérapie familiale, que je conseille.
19:39 Publié dans Un peu d'actualité et de politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : systémique, diversion, dsk | Facebook |
24/08/2011
Brève austère
Rapidement, et bien que j'en aie très peu l'habitude ici, un petit commentaire sur le train de mesures (ou devrais-je dire le TGV ?) proposé aujourd'hui par le gouvernement pour réduire le déficit de l'état. Je ne discute pas de toutes les mesures, d'autres le font bien mieux que moi. Mais j'ai réagi à la disposition de taxer de façon "exceptionnelle" les ménages les plus aisés.
Je trouve vraiment la mesure ridicule et clientéliste au possible. Elle ne rapportera rien (on parle d'environ 200 millions d'euros, une paille à l'échelle du budget du pays), mais cherche juste à brosser dans le sens du poil l'homme de la rue qui trouve que les plus riches ne paient pas assez (et il se murmure accessoirement que cet homme de la rue a pas mal de potes qui pensent comme lui). Comme les plus aisés le savent déjà en gros ça ne va pas leur coûter grand chose, et les autres sont donc censés y trouver un peu de justice sociale (je suppose?). Double coup ?
Vraiment ça m'agace qu'on nous prenne pour des imbéciles à ce point. Pourquoi ils n'essaient pas un coup de nous parler comme à des adultes capables de comprendre un minimum ?
Edit : donc, ok, ils avaient prévenu que c'était symbolique. L'audace d'annoncer de façon directe qu'ils adoptent des mesures inutiles et démagogiques. Ok. Vidberg dis en une planche très simple ce que je pense de tout ça dans le fond.
22:25 Publié dans Un peu d'actualité et de politique | Lien permanent | Commentaires (4) | Facebook |
20/11/2009
En viendrons-nous tous aux mains ?
Mercredi soir nous avons assisté à un bien triste match entre la France et l'Irlande. Triste par la faiblesse du jeu proposé, et aussi bien sûr par la façon dont son dénouement s'est dessiné.
Authueil aujourd'hui, et d'autres commentateurs avant lui, regrettent et fustigent même les regrets de certains supporters. A le lire, il faut savoir filer avec la caisse quand on n'a pas été pris. Ce comportement serait celui des gagneurs, des gens qui savent aller de l'avant. Tandis que les regrets et les scrupules seraient les caractéristiques des faibles. Il s'agit de "bouffer ou d'être bouffer".
Je ne partage pas sa vision des choses et veux espérer qu'il y a autre chose qui nous attend que cette désespérante bataille de loups qu'il nous promet (et dans laquelle nous serions déjà d'ailleurs). Sinon, alors très franchement, je ne vois aucun intérêt à vivre.
Il s'agit en fait ici de divergences de croyances. Des croyances de base qui fondent le comportement. Il se trouve que je trouve la sienne néfaste (aux autres comme à lui en passant), fondée sur une vision horrible des choses. Personnellement je suis souvent très pessimiste sur nos facultés à être autre chose que des machines à broyer les autres. J'en ai d'ailleurs largement fait écho ici en abordant notre propension si insatiable à chercher le pouvoir et la domination sur les autres. Mais pourtant je n'ai pas envie de croire qu'il est impossible que des gens puissent se comporter en fonction d'une morale qui leur est propre, et que des joueurs de foot pour revenir à l'exemple de la semaine, ne puissent pas respecter les règles et valeurs de leur sport et ne fassent que s'en remettre aux autorités autorisées pour décider du cours des choses. Ils ne sont pas des pantins, et comme tous les autres ils sont responsables de ce qu'ils font.
En psychologie et en développement personnel il y aurait pas mal de choses à dire sur ce point. Sur la responsabilité d'abord. Une personne qui s'appuie sur les autres pour rendre compte de ses actes n'agit pas de façon responsable. Qu'est-ce qu'elle perd ? L'estime de soi. En agissant par soi-même et en reconnaissant la responsabilité de ses actes on participe à la construction de l'estime de soi. Sur les valeurs ensuite. Agir de façon conforme à ses valeurs renforce également l'estime de soi. Tandis que les actes faits en dépits ou contre ses valeurs personnelles affaiblissent l'estime de soi. C'est cette prise de conscience qui m'a décidé à ne plus accepter sans broncher certaines décisions de mon ancien employeur. Et j'ai senti clairement le gain que j'en retirais.
Ceci dit, pour en revenir au foot, la prochaine fois que nous nous rendrons à Dublin pour jouer un match il ne faudra pas s'étonner si le fond de l'Eire effraie... (^^).
(Ok c'est en grande partie un copyright Gothlib - tu vois Samuel, j'aurais été gêné de tirer toute la couverture à moi)
18:12 Publié dans Un peu d'actualité et de politique | Lien permanent | Commentaires (11) | Facebook |
27/10/2009
Choisit-on les trottoirs de Manille, de Paris ou d'Alger...
... pour apprendre à marcher ?
Eric Besson, dans le grand débat qu'il souhaite ouvrir sur la définition de l'identité nationale, nous pose deux questions : "Qu'est-ce qu'être français ?"et "Quel est l'apport de l'immigration à l'identité nationale ?". Derrière ce débat, sa véritable intention, qu'il ne cache d'ailleurs pas vraiment, est de réaffirmer un message nationaliste. Ceci étant notamment matérialisé par l'idée de chanter la marseillaise dans les écoles et de promouvoir la fierté d'être français.
Sa démarche, aux relents forts nauséabonds, est bien sûr une caricature d'opportunisme. Elle semble en effet viser à la fois à détourner partiellement les regards des récentes polémiques qui ont affaiblit la majorité, et à préparer les prochaines élections régionales. Tout ceci sur un terrain qu'il a savamment miné en déterminant dès le départ l'orientation des conclusions auxquelles il espère qu'on arrive. Mais au-delà de cette manoeuvre, le débat posé a-t-il une chance de faire émerger une idée intéressante ?
Personnellement j'en doute. Je ne vois pas bien comment on pourrait aboutir à autre chose qu'à des affrontements binaires et stériles. Ceci d'autant qu'il me semble qu'il y a un piège dans la question posée autour de l'idée de nation et de projet auquel les uns et les autres nous adhèrerions ou pas. Car je ne crois pas que qui que ce soit adhère véritablement à un quelconque projet de nation dans notre pays. Pas plus d'ailleurs que ne le font les peuples des autres pays de la planète.
D'abord parce qu'il me semble qu'il y a bien peu de pays qui ont un projet de ce type. La plupart du temps, on a plutôt l'impression que la politique des uns et des autres est faite d'un mélange plus ou moins maîtrisé de mesures pour la croissance économique, de quelques dispositions sociales (souvent guidées par des considérations économiques) et de postures pseudo-morales qui soit ne coûtent rien et donc n'engagent à rien soit sont en réalité elles aussi guidées par des visées économiques(c'est le cas par exemple de plusieurs positions des pays développés autour des guerres menées dans les pays pauvres). Mais bien malin à mon avis qui pourrait déceler dans tout cela un projet de société ou de nation. En tout cas pour ce qui concerne notre pays j'en suis moi bien incapable.
Mais surtout, quand bien même un pays se doterait d'un projet de ce type, je doute très fortement de la possibilité que ses habitants soient nombreux à se l'approprier et à choisir de vivre dans ce pays en raison de ce projet. Un projet de nation, pour la très grande majorité des gens, cela n'a pas beaucoup de sens. Ce qui a du sens c'est ce qui est palpable au quotidien, qui touche la vie de tous les jours. Il n'y a que face à un défi global, comme une guerre par exemple, qu'un projet de société (qui se borne en fait à chercher la survie dans l'exemple que j'ai donné) peut exister. On peut le regretter mais c'est ainsi.
Mais il y a plus encore. La chanson évoquée en titre, d'une sagesse élémentaire, répond en filigrane qu'on ne choisit pas le pays où l'on naît. Elémentaire, car l'on voit mal comment il pourrait en être autrement n'est-ce pas ? On peut peut-être plus raisonnablement se poser la question de savoir si l'on choisit d'y vivre. Et la réponse me semble invariablement la même. Pour la très grande majorité d'entre nous, on ne choisit pas véritablement. On se contente de vivre là où l'on est né. On grandit en s'arrangeant avec ce que nous offre notre pays, sauf à ce que les conditions soient exceptionnellement mauvaises. Mais même dans les pays très pauvres, je ne crois pas que la part des gens qui cherchent à partir soit supérieure à celle des gens qui restent.
Si donc un projet de société existe dans tel ou tel pays, on n'y adhère pas réellement. Il se trouve juste qu'il existe et qu'on habite dans ce pays. Point. On peut ensuite l'avoir compris et trouver qu'il recouvre des points positifs. Mais guère plus. Qui dans sa vie a déjà songé à mener une enquête aboutie pour découvrir le pays dont le projet de société serait le meilleur à ses yeux et d'aller y vivre ? On s'arrange avec ce que l'on a sous la main, et si l'on ne va pas vivre ailleurs c'est simplement parce que cet ailleurs nous est inconnu (avec le sentiment de risque que cela implique).
Mais aucun choix de vivre dans tel ou tel pays n'est jamais fait par qui que ce soit en totale connaissance de cause. L'adhésion dont on parle ici ne peut donc être qu'à minima. Elle ne peut exister en fait que dans un seul cas, lorsque pour se rassurer on fabrique son adhésion au projet de son pays. Et encore il ne s'agit là que d'un cas d'école. Les seules adhésions fortes à un projet de société qui se soient vues n'ont à mon avis eu lieu que dans les pays fascistes, où le nationalisme servait de projet. Sa simplicité et son objectif de domination sur les autres expliquant son succès. Mais même dans ces cas il ne s'agit pas d'une adhésion positive, mais plutôt d'une adhésion par rejet du reste, une adhésion fondée sur la peur.
Chercher à débattre autour de la question de projet de nation peut paraître au premier abord une chose légitime. Pour la seule raison que le mot nation existe, et qu'il apparaît donc normal de chercher à le définir. Mais je me demande si ce n'est pas finalement un angle de réflexion qui n'apporte rien. La première préoccupation politique est de savoir comment créer les conditions du bonheur pour un peuple. Peu importe que cela vienne d'un projet national ou d'autre chose. Ce n'est là qu'un éventuel qualificatif de plus qu'on pourra adosser à la démarche entreprise, mais qui n'a dans le fond rien d'important. La seule chose qui compte c'est qu'on parvienne à cet objectif. Le reste ne répondrait en réalité qu'à un objectif d'affichage devant les autres pays (et donc forcément sur un mode "notre pays est plus beau que le vôtre"). Je n'y vois donc qu'une impasse générée en réalité par un piège de langage.
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