30/03/2006
Happy Birthday my twin !!!
Je sais, ce blog devrait être sérieux, toujours intéressant et apporter un minimum d'informations pour se montrer digne de sa participation à lieu-commun, mais après tout certaines autres choses me semblent prioritaires.
Alors, parce qu'elle est loin très loin, en Australie, quelque part entre Melbourne et Adélaïde, qu'elle me manque quand même pas mal, et qu'aujourd'hui peut-être plus que d'autres jours j'ai pensé à elle, je souhaite ici un
TRES BON ANNIVERSAIRE
à ma soeur jumelle !! (et pleins d'embrassades avec des sourires ils sont gentils pour elle).
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La France moins attractive que le Royaume-Uni ?
Une fois n'est pas coutume, ce billet sera vraiment court, et son contenu essentiellement composé de deux liens pour permettre à ceux que cela intéresse de poursuivre le débat qui a lieu sous mon récent billet sur la "sociologie française", au sujet de l'attractivité respective de la France et du Royaume-Uni.
Je ne cherche pas ici à fournir des éléments exhaustifs, mais simplement quelques points de réflexions que j'ai trouvé pertinents. Vous pourrez donc lire à profit:
- Ils partirent cinq cent de Ceteris Paribus qui critique un chiffre donné récemment par le Figaro concernant le nombre de jeunes français partis travailler à l'étranger.
- Ici Londres, d'Olivier Bouba-Olga, trouvé via Laurent Guerby, et qui propose également un regard critique sur les données croisées des migrations francaises et britanniques vers le pays de leurs meilleurs ennemis (l'étude sur laquelle se base Olivier Bouba-Olga est bien sûr également intéressante à lire).
Ces deux billets sont plutôt critiques vis-à-vis de l'attraction qu'exercerait la perfide Albion, qui reste en effet assez souvent rappelée comme un leitmotiv. Qu'ils n'empêchent pas pour autant de réfléchir et de débattre sur les difficultés qui existent chez nous. Mais sur mon blog hein, sinon je boude.
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28/03/2006
Des trucs bizarres sur le CPE
Un vrai billet où que je change de ton sur le CPE, juste parce que.
Franchement, je sais pas vous, mais moi je trouve de plus en plus que de chaque côté des barbelés on dit et on fait des choses étranges, voire bizarres.
D’abord du côté pro-CPE, y’a deux arguments qui me gratouillent :
Le premier c’est celui qui dit que certes, sur le CPE y’a marqué que l’employeur n’avait pas à indiquer un motif lorsqu’il licencie, mais pourtant si, il faut qu’il en ait un sinon c’est lui qui va perdre aux prud’hommes. Quand je lis ça, c’est plus fort que moi, je me demande si on n’est pas en train de me faire un truc à l’insu de mon plein gré.
Mais bon, en fait c’est parfois vachement bien argumenté, surtout là et là. Alors quid, commodo, quando ? En fait c’est pas si compliqué que ça : l’employeur n’a pas l’obligation d’indiquer au salarié le motif de son licenciement, comme il devait le faire notamment pour le CDI, mais cela ne signifie pas qu’il puisse faire ce qu’il veut. L’employé conserve la faculté de dénoncer un licenciement abusif et il faudra alors bien que l’employeur donne une explication à sa décision.
Mais alors puisque l’employeur au final peut bien être contraint de justifier le licenciement, pourquoi diable avoir écrit un texte qui l’en exonère en premier chef vis-à-vis de l’employé? Ben si j’ai bien tout compris, en fait il ne s’agit que de simplifier la paperasse de la procédure de licenciement. Et en fait (à nouveau) c’est en arrivant à ce point là que le truc continue de me gratouiller. Parce que si on compte sur une réduction de paperasse pour créer des emplois, c’est pas un peu faible comme mesure ?(oui je sais, là c’est partiel, y’a pas que ça, mais bon on présente souvent ce point comme l’un des grands avantages du CPE, alors quand même).
Le deuxième argument qui me chiffonne, c’est celui de la flexibilité. Là, j’ai tilté notamment en lisant le chouette compte-rendu de débat publié récemment par Dimitri Houtcieff (et qui a déjà fait l'objet d'une grande campagne publicitaire), et au milieu de ce débat, c’est une remarque de Yannick L’Horty qui montrait en substance que le CPE créerait en fait une situation moins flexible qu’actuellement qui m’a fait réagir.
Effectivement, une des premières parades des pro-CPE aux critiques formulées par les lanceurs de pavés fut que la situation actuelle est déjà une situation de grande précarité, et la nier sous prétexte qu’elle n’est pas écrite sur le papier est ridicule (là je dis oui). En fait, si l’on regarde la situation actuelle, entre les CDD et les interims, les jeunes, si l’on en croit M.L’Horty, sont aujourd’hui soumis à une instabilité, et donc une flexibilité, très grande, plus grande même qu’aux Etats-Unis (eolas-like – murmures dans l’assemblée).
Ben oui mais donc, puisqu’il est démontré que le CPE est un outil susceptible de combattre la vilaine flexibilité, pourquoi nous dit-on en même temps que le CPE il est beau parce qu’il est un pas vers plus de flexibilité, chemin qu’emprunteraient joyeusement tous les pays qui ont compris comment marche l’économie mondiale ? Vous faites comme vous voulez, mais moi j’ai un sourcil interrogateur qui monte.
Passons maintenant du côté des pro-barricades, mais là je vais probablement pas passer en revue tous les trucs bizarres, parce que sinon ça fait trop et déjà souvent je fais des billets longs, alors bon.
Le premier truc que il faudrait quand même qu’on me l’explique pour que je comprenne mieux, c’est la justification des blocages d’écoles et d’universités. En quoi bloquer une fac serait-il un moyen pertinent pour protester contre un projet qui ne concerne pas l’éducation mais l’emploi ? Par quel détour de réflexion peut-on en venir à adopter des méthodes aussi absurdes et donc contre-productrives à des combats qui par ailleurs peuvent mériter la mobilisation ?
Je ne parle évidemment même pas des dégradations scandaleuses qui ont eut lieu dans plusieurs écoles et facs, qui je l’espère ne sont que le fait de casseurs sans lien avec les manifestants, mais déjà le principe du blocage me semble tout à fait abscons. Evidemment, je vois bien d’où son idée vient : de l’éternelle logique du rapport de force, par laquelle on s’imagine que si l’on ne montre pas les crocs on n’a aucune chance d’être écouté. Mouais, pas sûr.
Et puis surtout, la dérive inadmissible de ce comportement, c’est le totalitarisme qu’il finit par mettre en œuvre. Qu’est-ce que c’est que ces AG non démocratiques où le moindre contradicteur est hué ou accusé de fascisme ? Qu’est-ce que c’est que cette université dont le où un proviseur doyen-recteur-directeur-un truc en eur mais pas proviseur président-, qui avait tenté de calmer les esprits et d'éviter des dérapages en proposant que le vote se fasse dans des urnes improvisées et de façon anonyme (un peu comme de vrais votes démocratiques quoi...), a dû faire marche arrière face aux comportements menaçants des étudiants pro-blocage ? Qui sont les fascistes là ?
Bref, on marche un peu sur la tête dans toute cette histoire, et je crois bien que c’est parce que trop peu de choses sont claires dans l’esprit des gens qu’on en est arrivé à une telle situation. Tristes conséquences d’idées confuses...
P.S: j'ai corrigé après coup quelques coquilles.
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24/03/2006
Sociologie française et CPE
C’est un article très intéressant de The Observer découvert dans le Courrier International de la semaine dernière qui me ramène sur les rivages troublés du CPE. Dans cet article, Jason Burke, correspondant en France du journal anglais, aborde la question des manifestations actuelles contre le nouveau contrat proposé par le gouvernement d’un point de vue proche de la sociologie. Car désormais c’est assez clair, les manifestations qui ont lieu dépassent le seul cadre du CPE.
Il observe avec étonnement, et aussi un certain amusement, comment les jeunes qui défilaient sous sa fenêtre le samedi 12 mars semblaient loin des réactions qu’il aurait pu observer dans son propre pays dans le cadre d’une réforme similaire. Le faible impact prévisible de la réforme en cours ne devrait-il pas soulever que de maigres réactions au lieu de cette incroyable levée de boucliers où l’on sent se réveiller un parfum de mai 68 ?
D’où vient cet écart, si grand, entre les mouvements sociaux, si fréquents et si forts, constatés en France et ce qui se passerait dans tout autre pays d’Europe ? La France semble-t-il, devient de plus en plus difficile à comprendre pour les pays étrangers. Tant et si bien que Jason Burke égrène au fil de son article le lexique de base nécessaire à assimiler pour cerner notre réflexion politique et sociale.
L’analyse qu’il propose ensuite, a sans doute souvent été avancée, mais elle me semble néanmoins mériter d’être reprise pour comprendre la situation actuelle et mieux l’évaluer. L’essentiel écrit Burke, vient de ce que la France reste toujours plus ou moins en marge du mouvement de mondialisation qui gagne les autres pays.
« France is defiantly not part of the consumerist, capitalist, US-led economic and cultural wave that is engulfing the world. France is different.”
Or, cette différence, que je crois effectivement assez fortement revendiquée dans notre pays, notamment au travers de cette “exception culturelle” que nous affirmons souvent avec fierté, ne peut survivre aux forces de pression s’exerçant constamment par l’extérieur sur notre coque nationale que si un projet géopolitique mondial lui donne un appui solide qui en fasse autre chose qu’une revendication utopique. Ce projet, c’est le fameux monde multipolaire si cher à Chirac, et dont l’idée à probablement gagné la plupart des gens.
Et dans ce projet, la place que nous souhaitons pour la France n’est évidemment pas celle d’un simple participant à un pôle concurrent à celui des Etats-Unis. Il s’agit clairement d’en prendre le leadership afin que notre présumée différence puisse s’exprimer pleinement. Ainsi Burke note-t-il :
"[In their view] the leaders of the pole opposed to the Anglo-Saxons’ would be the French."
Il poursuit en décrivant ce que ce terme “Anglo-Saxon” recouvre en France et quelles en sont les connotations:
"Anglo-Saxon […] means anglophone, economically liberal, rampantly capitalist. It means the brutish British with their powerful economy and low taxes, their lower levels of unemployment but higher levels of poverty. It means the unsophisticated, insular, ignorant, crassly self-confident Americans […]”
L’analyse peut paraître simpliste, trop souvent rabâchée, mais elle contient un gros fond de vérité qu’on ne peut vraiment pas nier. Je crois comme Burke que LA grande peur française se situe bien là : dans le risque de voir notre identité disparaître, emportée par la vague culturelle américaine, et dans le risque qu’en suivant les autres pays dans la voie expresse de la mondialisation, sans avoir pu vraiment au préalable anticiper ce vers quoi elle nous menait réellement, on se retrouve à plus ou moins long terme dans une impasse sociale d’où on ne pourra plus sortir.
Cette crainte est probablement alimentée par une intuition collective : celle que le libéralisme sur lequel repose la mondialisation n’est que la traduction en idéologie économique de la tendance préoccupante de nos sociétés modernes vers l’individualisme. Le libéralisme économique fonctionne sur le principe de la concurrence libre, ce qui signifie au final que dans ce système c’est le meilleur qui gagne, avec le corollaire naturel et très fréquent du « chacun pour soi ». Ce sont les excès de cette logique libérale, dont je crois nous avons peur en France, car, pensons-nous, ils peuvent toucher aussi bien nos emplois que notre mode de vie. Ne plus créer qu’une société jungle dans laquelle plus aucun projet collectif n’est envisageable.
« All is thus insecure, threatened, precarious, wether jobs or a way of life. » Ecrit encore Jason Burke.
Philosophiquement, cette crainte ne m’apparaît pas illégitime. J’ai déjà indiqué au détour d’une note se fondant sur la théorie de Laborit quel pouvait être le piège de la concurrence. Celle-ci institue une logique d’affrontement, même si celui-ci n’est qu’économique. Dans cet affrontement, les adversaires ont tous le même objectif, ils veulent tous obtenir la même gratification. Mais celle-ci n’est pas partageable en autant de part qu’il y a de concurrents, et certains vont donc nécessairement disparaître dans la bataille.
Avec la notion de propriété et l’émergence du besoin de gratification est née une tension naturelle qui nous pousse à nous affronter les uns les autres. Le principe de la concurrence participe pleinement à ce schéma, et c’est pourquoi je comprends qu’on puisse s’inquiéter de ce que ce principe s’étende de façon aussi généralisée à la planète. Je ne vais pas réécrire tout mon précédent billet sur le sujet, et vous y renvoie donc, surtout ceux qui jugeraient que ce n’est là que l’idée d’un nostalgique benêt du communisme (je ne suis pas communiste et j’espère ne pas être un benêt).
Maintenant qu’en est-il de la réalité de cette crainte française sur les plans économiques et sociaux ? Est-elle un pur fantasme ou s’appuie-t-elle sur quelques éléments tangibles ? Je ne vais pas m’engager ici dans une analyse très détaillée de la question à la manière de Ceteris Paribus, ne serait-ce que pour ne pas me couvrir de ridicule par rapport à ce qu’il serait capable de produire. Mais je voudrais tout de même relever quelques indicateurs qui m’apparaissent comme étant les plus pertinents pour juger la performance d’un système économique et social : le taux de croissance, le taux de chômage, le taux de pauvreté, l’espérance de vie, et le taux de mortalité infantile, les deux premiers indicateurs servant essentiellement à la mesure du système économique, et les trois suivants étant plus orientés vers la performance du système social. Basique, sans doute simpliste, mais ces chiffres sont à mon sens ceux qui parlent le plus, c’est pourquoi je n’ai retenu qu’eux.
Ces chiffres sont extraits de données de l’OCDE. Je ne présente volontairement que quelques pays afin d’éclaircir les tableaux et d’en rendre la lecture plus aisée. Pour voir l’intégralité des informations, suivre les liens.
Tout d’abord, voyons les chiffres de la croissance et du chômage pour les années 2004 et 2005. N.B : les taux de chômage du R-U, de la Norvège et de la Suède ne figuraient pas dans les données 2005 que j'ai récupérées. (j'espère que les tableaux sont lisibles ainsi car ils ne s'agrandissent pas quand on clique dessus...) :
Pas besoin de grandes explication : la France a affiché ces deux dernières années l’un des taux croissance les plus faibles des pays de l’OCDE, et inversement l’un des taux de chômage les plus élevé. Petite incise ici concernant le cas du Royaume-Uni où je renvoie à une ancienne note de Krysztoff qui avait montré que les chiffres du chômage anglais ne reflétaient pas la réalité. Sur ce point je n’ai encore rien lu qui vienne contredire son analyse de façon probante. Mais on comprend en lisant ces chiffres que les économistes soient nombreux à réprouver la voie suivie par la France et qu’ils conseillent plutôt de s’en remettre aux recettes libérales appliquées avec succès dans les pays Anglo-saxons. Les Etats-Unis pour ne citer qu’eux, présentent des taux de croissance supérieurs à la France depuis maintenant presque 15 ans ! Pourquoi n’applique-t-on donc pas leurs recettes ?
En fait, le défaut que je trouve dans les articles économiques que lis ici ou là, est qu’ils se restreignent trop souvent à leur seule discipline pour juger de questions qui nécessitent des enquêtes plus globales. L’analyse économique ne suffit pas à embrasser les enjeux de la croissance et du chômage, et je note qu’on semble souvent oublier que cette discipline n’est en aucun cas une fin en soi, pas plus que la performance économique d’un pays n’est une fin en soi.
L’économie n’est qu’un moyen, un outil, pour accéder à plus de bien-être, à une vie sociale plus harmonieuse. L’élevée au rang d’étalon suprême à l’aune de laquelle devrait être prise toute décision serait une grave erreur à mon sens, car elle ne peut pas prendre en compte tous les éléments qui contribuent à cet objectif final que j’ai indiqué.
Il faut donc évaluer aussi la performance sociale d’un pays pour bien évaluer son modèle. Voici les chiffres trouvés sur le site de l’OCDE en matière de pauvreté, d’espérance de vie et de mortalité infantile, indicateurs qui me semblent être parmi les plus pertinents pour évaluer ce qui nous intéresse ici (le graphique sur la pauvreté que je présente croise les taux de pauvreté avec les dépenses publiques, seul l'indication du taux de pauvreté m'intéresse ici -si vous trouvez plus clair, n'hésitez pas à me l'indiquer).
On constate à la lecture de ces tableaux que si la France semble bien en retrait sur le plan de la performance économique, elle reste toutefois plutôt en avance par rapport au Royaume-Uni et aux Etats-Unis concernant sa performance sociale. Le taux de pauvreté du Royaume-Uni est proche de 8%, celui des Etats-Unis culmine à près de 14%, tandis que celui de la France est parmi les plus faibles, s’établissant à près de 6% seulement. Ces éléments, et surtout le taux de pauvreté, sont souvent ceux qui sont mis en avant par les contempteurs du modèle anglo-saxon. Et je dois dire que sur ce point je m’associe à eux pour dire qu’à leur lecture, il s’en faut de loin que la performance économique soit un objectif prioritaire, et que la prudence est bien de mise quant à suivre les recettes anglaises et américaines.
Trois choses maintenant pour conclure ce billet.
La première c’est que finalement je ne fais ici que soulever des questions et que j’apporte peu de réponse. D’une manière générale je dois dire que je comprends l’inquiétude qu’ont certains face à la voie de la mondialisation libérale qu’on nous assène de plus en plus comme étant obligatoire, alors même que les résultats que l’on constate dans certains pays sont loin d’être probants. On avance un peu dans l’inconnu, et si la méfiance serait sans doute excessive, du moins la prudence me semble de mise quant à juger des effets à long terme des modèles économiques proposés.
La deuxième c’est que cette rébellion française à un intérêt, peut-être même à une échelle supérieure que celle de notre seul pays. Car elle crée une forme de dialectique, un débat qu’il me semble naturel et bon d’avoir sur des éléments aussi difficiles à évaluer, tant sur de longues durées qu’à l’échelle d’une planète entière. Cela évite d’avancer tout schuss avec un seul bâton en main pour se guider, et permet donc que des réajustements puissent se faire. A l’échelle mondiale bien sûr cela paraît inaccessible tant notre influence est devenue dérisoire, mais au moins dans notre pays, et peut-être encore un peu à l’échelle européenne cette dialectique n’est-elle pas inutile.
La dernière enfin, c’est que malgré tout cela, fonctionner sur la peur de l’avenir ne me paraît évidemment pas sain. Elle génère des réflexes défensifs stériles de repli sur soi, de recroquevillement. Elle pousse à ne réagir que par précaution et non par proposition, ce qui, au final, assèche le pays, et accroît notre sentiment de frustration. Rien de vraiment bon ne peut sortir de cette peur si on ne sait pas la transformer en une critique constructive qui nous sorte de l’immobilisme. Mais pour cela il faut des changements d’orientation politique importants, et beaucoup, beaucoup de communication, d’écoute, d’explications avec une population qui semble décidemment ne plus avoir confiance en grand-chose, et en ses représentants peut-être moins qu’en tout le reste.
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23/03/2006
Relève-toi petit homme
Relève-toi petit homme
Attrape ma main
N'aie pas peur
Regarde mes yeux, regarde moi
Relève-toi petit homme
Tout cela est terminé
Ce fut long je sais
Et probablement n'oublieras-tu pas toutes ces nuits
Relève-toi petit homme
Il te reste des sourires, et des rires à vivre encore
Ils sont froissés oui, certains même ne sont plus que des ombres
Il faudra aller les chercher, tout au fond, là où tu les as enfouis
Mais relève-toi petit homme
Nous sommes au matin,
Et il chantera aujourd'hui, je t'en fais la promesse
Il chantera et nous aussi, tu verras
Oui, relève-toi petit homme
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20/03/2006
La faille de Christian Blanc
Ce soir Christian Blanc était l'invité de Marie Drucker, pour évoquer essentiellement la question du CPE dans le court face à face qu'elle propose je crois lors de chacun de ses journaux Soir 3 (je crois que ce lien doit mener vers l'émission en question, sans doute dans sa totalité).
Et j'ai trouvé que le député a répondu de façon très confuse aux questions de la journaliste. Il manquait de cohérence, passait du coq à l'âne, évoquait des sujets dont il n'était pas question, dont sa lettre écrite il y a quelques mois pour demander la démission de Chirac. Je n'ai pas souvent vu Christian Blanc à la télé, mais vraiment ce soir il paraissait gêné, emprunté, peu sûr de lui, presque ballot. Il y avait quelque chose d'étrange à le voir tituber ainsi sur les mots.
Oui mais voilà, je crois que l'explication c'est que devant Christian Blanc il y avait la belle Marie. Elle était là, à moins d'un bras de distance de lui. Elle le fixait de ses grands yeux, avec le sérieux de la journaliste précise qu'elle a la réputation d'être, et lui le pauvre Christian, ne savait plus que faire. Il s'est retrouvé comme d'autres, pris au piège par la grâce, et incapable de développer le moindre propos vraiment cohérent.
Mais comment lui en vouloir ?
23:45 Publié dans Un peu de rire | Lien permanent | Commentaires (6) | Facebook |
Des idées confuses font des paroles troublées
Quelques temps après l'affaire des caricatures de Mahomet, un débat intéressant a surgit ici ou là sur la pertinence des lois visant à réduire la liberté d'expression, dont la loi Gayssot qui interdit les propos négationnistes, et la loi Pleven qui interdit la diffamation raciste. Pour mémoire je reprends ici les articles de loi en cause:
Loi Gayssot (13 juillet 1990):
"Art. 24 bis. (L. n. 90-615, 13 juill, 1990, art. 9). - Seront punis des peines prévues par le sixième alinéa de l’article 24 ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l’article 23, l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale."
Loi Pleven (1er juillet 1972):
"Art. 32 (D.-L. 21 avril 1939 ; Ord. 24 nov. 1943 et 6 mai 1944 ; L. . n. 72-546, ler juill. 1972 ; L.n. 2-1336, 16 déc. 1992, art. 322). - La diffamation commise envers les particuliers par l’un des moyens énoncés en l’article 23 sera punie d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 80 000 F, ou de l’une de ces deux peines seulement. La diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée sera punie d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 300 000 F ou d'une des deux peines seulement."
François et Laurent, en bons libéraux (du point de vue philosophique) qu'ils sont (ils parlent peu avec le poing levé, et se prosternent rarement devant le Très Saint et Très Haut Capital - que les 7 vents de la vallée du Nabam Nudu les emportent !), indiquent que selon eux que la liberté d'expression doit, par principe être totale. François avance notamment que les lois qui cherchent à la défendre lui rendent un bien mauvais service en permettant aux négationnistes, antisémites et racistes en tout genre de se poser en victimes.
Mais depuis le début, je ressens quelque chose qui me gratouille et qui me chatouille dans leur argumentation. Et c'est ce soir un billet de Guillermo qui me donne enfin les mots justes pour adresser ma critique à leur position. Cette critique la voilà : le grand risque que je vois à la liberté d’expression telle que la préconisent François et Laurent, c’est qu’elle engendre la confusion des esprits sur des évènements et des valeurs majeurs, et qui ont plus que le reste besoin d’un socle solide afin de ne pas être foulés au pied.
Dépénaliser la négationnisme, l’expression de propos raciste ou antisémites, c’est selon moi envoyer un message public qui dit : « ces propos là ont la même valeur fondamentale et sont aussi respectables que n’importe quels autres, ils n’ont donc pas à être condamnés par la justice ». Ce message est à mon avis à la fois une erreur et une catastrophe. Une erreur parce que, contrairement à ce que dit Laurent dans le billet indiqué en lien, tenir des propos homophobes par exemple n’a rien de comparable avec le fait de dire qu’on n’aime pas le chou fleur. Je suis même étonné qu’il les compare. Parce que dans le premier cas on est clairement dans un comportement d’agression (et même si elle n’est pas voulue, la bêtise n’excusant rien !), dans le deuxième il ne s’agit que de l’expression d’un goût banal. Ces deux propos auraient été comparable si dans le premier cas on avait plutôt dit : « Je n’aime pas les hommes », ce qui évidemment n’a rien d’un propos homophobe (même si certains jugeront qu'il s'agit là d'une faute de goût). Mais c’est aussi et surtout une catastrophe, parce qu’il met au même niveau des choses qui ne doivent en aucun cas être traités de la même façon. Il crée une confusion dans les esprits des gens qui voyant que l’on supprime ces lois pourront être amenés à remettre en cause dans leur propre échelle de valeurs l’importance de celles qui étaient ici défendues.
J’ai peur que l’on assiste à des dérapages où l’argument suprême qui nous serait opposé serait, en grossissant le trait: « la loi ne m’interdit pas de tenir des propos racistes, donc j’ai le droit de te traiter de sale négro, et tu n’as rien à dire. » Que l’on puisse alors répliquer, sur la base de la même liberté d’expression, que l’autre n’est qu’un sale con ne m’intéresse absolument pas. Mon inquiétude n’est pas que des propos racistes soient tenus, il y en a déjà, et il y en aura encore à l’avenir. Elle est qu’ils puissent être tenus avec un sentiment d’impunité, qui fera croire à leurs auteurs que les tenir n’est rien de plus condamnable que de choisir entre une carotte et un chou fleur sur l’étale d’un marchant. Parce qu’alors on plonge ces esprits dans la confusion, et je crois qu’il n’y a rien de pire que des esprits confus, aux valeurs mal assises, pour avancer sainement dans la construction d’un débat et donc à plus grande échelle d’une société.
Un individu ne peut se construire sainement s’il évolue dans la confusion des idées, s’il ne parvient pas à se créer des repères fiables, solides, sur lesquels il peut s’appuyer pour éprouver les expériences que la vie va lui présenter. La confusion est un facteur fort de dérèglement, de désorientation. Elle détruit l'individu. Combien de fois j'ai vu cette confusion être le ferment des dérives, des erreurs de jugement, des fautes de comportements ! Combien de fois j’ai vu des gens perdus dans leur vie parce qu’ils ne parvenaient pas à mettre leurs idées en ordre pour savoir enfin que croire et sur quoi fonder leurs choix !
De plus, cette confusion participe d’une forme d’obscurantisme, et c’est là je crois le plus grand ennemi des sociétés et des démocraties. Je note d’ailleurs que la liberté des individus n’est guère qu’un mot lorsque ceux-ci naviguent dans le noir de l’ignorance. Il n’y a de vraie liberté qu’éclairée, et celui qui agit et choisit en méconnaissance de cause est en réalité esclave de ses contingences, même si les éléments extérieurs donnent à ses actes l’apparence de la liberté.
Mais je me rends compte que cette analyse ne doit pas s’arrêter là. Car la critique que l’on peut formuler à l’égard de ma position, est que finalement j’exprime ici une position paternaliste, supérieure. Au fond, qui suis-je pour définir ce qui est juste et ce qui ne l’est pas et vouloir ensuite l’enseigner aux autres afin de les « éclairer » de mon prétendu savoir ? De quel terrorisme intellectuel ne me rendè-je pas coupable en voulant ainsi les édifier ? Et ne prenè-je pas le risque, en occultant mes propres ignorances, qui existent forcément, de me lancer dans une forme d’autoritarisme aveugle en excluant certaines personnes de la définition de ce qu’est le vrai et le juste et en la réservant à des prétendus initiés ?
En fait on s’aperçoit ici que les positions qui s’opposent dans cette affaire se fondent sur quelque chose de plus profond que de seuls arguments disons « techniques » sur ce qu’est ou ce que n’est pas la liberté d’expression. L’idée de François notamment est cohérente dans la mesure où il veut faire confiance à l’homme pour la conduite de ses affaires, et lui rendre la complète responsabilité de ses actes. Mon idée est cohérente dans la mesure où je ne crois pas à la capacité de tous les individus d’avoir un comportement responsable et où j’ai le sentiment que nous avons tous, tout le temps, encore et encore, besoin d’être éduqués pour devenir vraiment adultes.
D’autant plus que précisément concernant le cas du négationnisme, il n’y a rien de sérieux qui s’oppose à la réalité de l’Holocauste. Les faits sont avérés. Il n’y a donc aucun terrorisme intellectuel dans le fait de reconnaître des faits pour ce qu’ils sont et de chercher à les enseigner tels quel. Concernant l’expression raciste et antisémite, je trouve que dans la très grande majorité des cas on se trouve aussi dans une situation très similaire et qui ne souffre pas de doute quant à la réalité des actes. Pourquoi prendre le risque de la diminuer aux yeux du public ? Qui va-t-on servir en troublant ainsi la vision des choses ?
Je sais que ma position présente un grand risque : celle de déraper vers un autoritarisme nouveau où des initiés prétendraient détenir la vérité et l’enseigner aux ignares. Mais je crois que la position libérale a un défaut qu’il est important d’avoir à l’esprit : c’est que sa confiance en l’homme est fondée sur un idéal et non sur la réalité. Ce qui est d’ailleurs un paradoxe car on entend très souvent des libéraux faire aux autres (surtout aux disciples du Très Sage Karl) la critique de leur manque de réalisme.
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17/03/2006
CPE/CNE et conditions de travail
Puisque je participe à un groupe de brillants tyrosémiophiles, et que le CPE est désormais LE sujet dont tout le monde parle, il faut bien que je l’aborde un peu sur mon blog.
Je ne vais pas faire un billet très long, notamment parce que mes autres camarades (à lire avec le poing levé) ont déjà tout dit ou presque sur le sujet, et mieux que je ne l’aurais fait. En fait je voudrais aborder cette question en faisant à nouveau un détour par celle du stress.
Il y a quelques temps déjà j’avais évoqué l’impact que le stress pouvait avoir sur l’efficacité des gens au travail. Perte de motivation, fatigue, etc. sont des facteurs qui entraînent une diminution de productivité, et donc représente un coût pour l’entreprise. Il me semblait donc, et c’est toujours le cas, qu’une réflexion approfondie sur la question du stress en entreprise, et d’une façon plus générale, sur les conditions de travail, serait une voie intéressante à suivre dans le débat de l’emploi.
En faisant quelques recherches ces derniers jours, j’ai d’ailleurs trouvé plusieurs rapports très intéressants qui analysent le sujet de façon détaillée. Vous pourrez notamment lire cet article de Studyrama qui rapporte les résultats d’une étude faite en 2005, et dont la principale conclusion est que 25% des salariés seraient trop stressés. Je signale également cette étude très riche de l’INRS, dont la dernière mise à jour date de novembre 2005.
J’en reprends notamment un tableau qui synthétise bien certains points importants :
Intensification du travail | |||
Proportion de salariés qui déclarent ... | En 1991 | En 1998 |
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devoir fréquemment interrompre une tâche qu'ils sont en train de faire pour en effectuer une autre non prévue | 48 | 56 |
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devoir souvent ou toujours se dépêcher | - | 52 |
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ne pas avoir de collaborateurs en nombre suffisant | 27 | 30 |
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manquer de temps pour effectuer correctement leur travail | 23 | 25 |
On voit bien l'augmentation sur chacun des points passés en revue. Ces symptômes me semblent clairement désigner des manques organisationnel dans les entreprises, celles-ci travaillant de plus en plus dans l’urgence et moins dans une vision stratégique à long terme, ce qui est à mon avis préjudiciable.
Pour en revenir sur la question du CNE et du CPE, je crains qu’ils ne fassent que renforcer cette tendance vers des conditions de travail qui se dégradent, générant ainsi un mauvais stress plus fort encore, avec la perte de productivité que cela suppose. On oublie que la période d’essai, pour la majorité des salariés, est une période de stress important, où l’on compte peu ses heures parce qu’il faut convaincre et se donner les garanties d’être confirmé à son poste au terme de celle-ci. On me rétorquera qu’elle est aussi une opportunité pour le salarié de prendre congé rapidement, pour profiter d’offres plus avantageuses. Certes. Mais cette logique ne me paraît vraie que pour une frange réduite des jeunes : ceux qui ont un bagage de diplômes et une formation qui leur permettent d’être en position de force. Et ceux-là sont minoritaires sur le marché. Les autres ont beaucoup moins cette possibilité. Alors bien sûr, il est difficile de chiffrer les coûts qu’engendre le stress, mais ils sont pourtant très réels, et surtout, ils représentent un vrai risque à long terme.
En gros c’est ça ma critique contre ces contrats : ils semblent s’inscrire dans une logique de court terme, et pas dans une vraie stratégie structurelle pour favoriser l’emploi. Juste pour l’anecdote, une intervention de Gilles de Robien attrapée au vol hier soir entre deux coups de zapette, m’a donné confirmation de l’orientation court-termiste de ces contrats. Il a dit à un moment (je cite en gros) : « Dans quelques mois, je retrouverais les partenaires sociaux assis ici à côté de moi et nous pourrons faire les comptes. Nous verrons alors si le CPE a créé des emplois, et nous saurons qui avait raison. » Mais si l’on se place dans le cas positif de créations d’emploi d’ici à quelques mois, cela ne serait pas moins ridicule de prétendre alors que donc le CPE était une bonne mesure.
Parce qu’il ne suffit pas pour créer une vraie dynamique que quelques milliers d’emplois soient créés d’ici à 6 mois. Encore faut-il que cela dessine une vraie tendance, et surtout, que ces emplois ne se trouvent pas détruits un an plus tard ! Il me semble que de Robien, qui a offert son plus beau sourire après cet appel au rendez-vous dans quelques mois, a en fait signé la logique à courte vue du projet soutenu par le gouvernement. L’objectif n’apparaît être que de pouvoir présenter dans quelques temps des chiffres satisfaisants sans se demander ce qui va se passer à long terme. Si c’est bien le cas, c’est une démarche tout à fait stérile, et même destructrice puisqu’elle fait perdre du temps au détriment de mesures plus solides.
15:35 Publié dans Un peu d'actualité et de politique | Lien permanent | Commentaires (6) | Facebook |
16/03/2006
La FIFA enfin décidée ?
Je découvre ce soir un article indiquant que la FIFA serait enfin prête à prendre des mesures fortes pour lutter contre le racisme dans les stades. Parmi l'arsenal envisagé les clubs pourraient se voir infliger:
"Matchs de suspension, déduction de 3 points [au classement du championnat] pour une première condamnation, 6 pour une récidive, et la relégation si les incidents se poursuivent - ou alors la disqualification de l'équipe."
Et les fédérations nationales seraient obligées d'inclure ces mesures dans leurs règlements.
Pas mal. Espérons que cette intention soit bien suivie dans les faits.
22:25 Publié dans Un peu de caractère | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook |
Changement de référentiel et débat parlementaire
Une des méthodes dont on parle parfois pour contrer une agression est le changement de référentiel. En quoi cela consiste? Il s'agit de rompre la logique comportementale qui soutien la démarche de l'agresseur. En entrant dans son jeu, mais en décalant son propre comportement sur une autre base que celle qu'il a adoptée. Cette modification déboussole l'agresseur, lui enlève ses repères pour lui faire adopter les nôtres. Du coup il abandonne son comportement agressif et se "cale" sur le comportement qu'on lui propose par notre attitude.
L'exemple type est celui de l'agression armée. Un type s'approche de vous et vous dit: "Ton portefeuille, ou je te bute!" Réponse en procédant au changement de référentiel: "Vas-y, frappe" sur un ton serein, comme si on était dans un cadre relationnel normal. L'agresseur qui s'attendait à créer un rapport de force et à obtenir une réaction qui y soit directement liée se trouve décontenancé. Le rapport de force est immédiatement brisé, du coup lui-même se trouve mis en dehors d'un rapport de force, et même il est en quelque sorte "laissé dans le vide" sans appui pour poursuivre sa démarche. Dans ce cadre nouveau, son comportement n'a plus lieu d'être et donc il laisse tomber son arme.
Evidemment cette description reste très générale, et il convient de rester très prudent quant à la réussite potentielle de ce type d'outil. Dans l'exemple évoqué ici il vaut bien mieux soit donner satisfaction à l'agresseur soit prendre ses jambes à son cou si on en a la possibilité, afin de sauver sa vie. Il faut parfois savoir faire l'éloge de la fuite. Mais il est très intéressant de noter que cette méthode en revanche peut donner de très bons résultats dans le cadre d'une agression qui n'est pas physique.
En effet, si l'on se trouve en face d'une personne qui montre une agressivité verbale forte couplée à une incapacité à écouter ce qu'on lui dit, entrer dans son jeu est la pire des choses. D'abord parce qu'il n'y a souvent aucun espoir à fonder sur notre capacité à lui faire entendre raison, et ensuite parce que ce faisant on y perd son énergie. En n'entrant pas dans le rapport de force que son comportement établi, non seulement on s'évite de s'épuiser en vain, mais on se donne plus de chance de ramener la personne à la raison. Et donc de traiter enfin le sujet qui nous oppose au lieu de rester sur une opposition de principe où chacun joue à celui qui lâchera le dernier.
Revenons maintenant dans un cadre moins violent, même s'il garde souvent un caractère agressif: celui du débat polémique. Ce qui me chagrine la plupart du temps dans les débats enflammés c'est que dans le fond personne n'écoute personne, aucune des parties en présence n'essaie vraiment de faire progresser le sujet du débat, mais que très rapidement il n'est plus question que de sauver sa position devant celle de l'autre, parfois au prix d'insultes et de phrases méprisantes ou moqueuses. Bref, le sujet du débat est oublié, non traité, et on ne se démène que pour ne pas être mis en position d'infériorité par rapport à son contradicteur.
En matière politique, cette logique du rapport de force est une constante. Quand un groupe cherche à faire valoir ses idées, l'outil de pression qu'il utilise le plus souvent est le rapport de force. On entend même souvent les commentateurs ne plus faire référence qu'à la capacité des différents groupes à créer ce rapport de force pour analyser la crédibilité de leur démarche. C'est le cas notamment de certains commentaires sur le conflit israélo-palestinien, où j'ai lu à plusieurs reprises que la démarche des terroristes palestiniens était obligatoire, parce qu'ils pouvaient ainsi établir un rapport de force et donc obliger le camp adverse à les écouter.
Je ne nie pas que, stratégiquement, il y a une pertinence dans cette position. Mais elle reste à mon avis tout à fait stérile et destructrice si la démarche adoptée est exclusivement celle d'un rapport de force, précisément parce qu'elle tombe dans le piège devenir automatique et de ne plus vraiment traiter le sujet auquel elle prétendait initialement porter attention. En d'autres termes, on prend le risque de ne plus se battre pour des idées, mais seulement pour se battre. L'absurdité de ce schéma n'échappera à personne.
C’est un peu la critique que je voudrais formuler contre le débat parlementaire qui a lieu ces temps-ci sur la question du CPE, et même de celui que l'on voit trop souvent se dessiner sur les grands sujets politiques. Grom indiquait hier dans un billet d'une approche que je partage plutôt, que les institutions sont aujourd'hui ainsi faite que les comportements mécaniques de l'opposition dans l'affaire du CPE ne peuvent guère être reproché qu'au fonctionnement de nos institutions qui ne leur donne pas de moyen de réaction et de protestation vraiment efficace. Et de signaler que ce reproche aujourd'hui fait à la gauche, doit aussi s'adresser à la droite lorsque celle-ci est dans l'opposition, ce qui me semble évidemment juste.
Pour autant, si je ne saurais critiquer Grom sur son analyse des mécanismes institutionnels qui organisent le jeu du débat politique, je reste pour ma part déçu des comportements que je constate. J'entends bien les gens qui voient le jeu des rapports de force systématiques comme quelque chose d'inévitable et qu'on serait bien naïf d'attendre autre chose et que donc seule une analyse cynique de la situation est véritablement intelligente (je précise qu'à mon avis Grom ne fait pas partie ce ceux-ci). Mais si on doit en rester là autant rester couchés et ne plus faire de politique.
Je crois que malgré les limites institutionnelles dans lesquelles le débat démocratique se trouve enfermé, il reste tout de même une place pour autre chose que des positions de robots lobotomisés aux seuls échos du :"tu dois établir un rapport de force pour parvenir à te faire écouter et pour te faire bien voir de tes électeurs." Ou alors le débat politique, et c'est ce que je crains en fait, sert de moins en moins de véritables projets, mais n'a plus lieu que pour savoir qui va remporter la prochaine élection. Et ce faisant il signe son propre échec.
Je crois donc qu'il serait plus que souhaitable que le débat parlementaire se concentre enfin en priorité sur les sujets politiques qui sont à traiter, et non plus sur les luttes de pouvoir, qui si elles sont compréhensibles, ne sont pour autant pas des fins en soi. Je note d'ailleurs sur ce point que la propension de nombreux journalistes à toujours réduire les actions ou paroles des politiques en tactique électorale n'aident vraiment pas à recadrer le débat là où il devrait avoir lieu et à l'assainir.
Pour conclure et aider la gauche dans cette démarche, qu'elle essaie un peu de changer de référentiel dans ses débats, qu'elle montre qu'elle peut faire autre chose que de proposer des réactions prévisibles et dans lesquelles elle s'enferme et enferme les discussions. Ce n'est pas qu'une question d'institutions, c'est aussi une question de comportement humain. Quand on a un comportement par lequel on montre qu'on est au dessus de la mêlée, on est écouté, parfois même respecté.
12:55 Publié dans Un peu d'actualité et de politique | Lien permanent | Commentaires (3) | Facebook |