Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

22/08/2005

Entracte

Billet précédent de la série

 

En guise de digestif après mes premiers billets sur la communication et l'écoute, et avant le dernier billet que j'espère pouvoir poster demain, je vous propose un petit exercice rigolo histoire de tester un peu votre capacité d'écoute.

 

Il vous surprendra un petit peu je pense car il semble au premier abord pas si proche que ça de la question de l'écoute. Et pourtant... Je posterai ce soir les solutions, avec un petit mot pour dire en quoi cet exercice est bien dans le sujet qui nous occupe. La meilleure façon de le faire est d'imprimer le texte et de vous le faire lire par un ami pendant que vous répondez aux questions sur une feuille blanche (ou à carreaux remarquez).

 

1. Le 14 juillet existe-t-il en Grande Bretagne?

2. Divisez 30 par 1/2 et ajoutez 10. Combien obtenez-vous?

3. Vous entrez dans une cuisine, une boîte d'allumettes à la main. Il fait noir et il n'y a pas d'électricité, mais une gazinière, une lampe à pétrôle et un frigidaire. Qu'allumez-vous en premier?

4. Un fermier a 17 vaches. Elles meurrent toutes sauf 9. Combien en reste-t-il ?

5. Un médecin vous donne trois comprimés à prendre, à raison d'un toutes les demi-heures. En combien de temps les aurez-vous consommés?

6. En Lybie, est-il légalement possible d'épouser la soeur de sa veuve?

7. Combien y a-t-il demois comptant 28 jours dans une année, sachant que certains en ont 30 ou 31?

8. Un archéologue prétend avoir toruvé des pièces en or authentiques sur lesquelles il serait gravé: "48 avant JC". Est-ce possible et pourquoi?

9. Quel évènement correspond au 25 décembre 1938?

10. Combien d'animaux de chaque espèce Moïse a-t-il pris sur son arche?

11. Un avion français avec 10 français et 11 suisses s'écrase à deux mètres de la frontière suisse. Compte tenu des accords en vigueur entre les deux pays, est-ce en France ou en Suisse qu'on enterre les rescapés?

12. Un gardien de nuit meurt de jour. A-t-il droit à une pension?

 

A plus tard pour les réponses... :o)

 

 

 

 

Voici les réponses!

1.Oui là-bas aussi... entre le 13 etle 15 juillet...

2. Qui a divisé 30 par 2 au lieu de 1/2 ? Résultat: 70

3. L'allumette c'est plus pratique.

4. Euh. 9.

5. Autant commencer dès le début donc, 1 heure suffira!

6. Sa veuve ...voyons voir... mais il est mort !

7. Bo tous en fait... donc 12 quoi.

8. Les mediums faisaient des ravages à l'époque mais de là à prévoir la naissance de jésus 48 ans plus tard !!

9. Un concours de traineau avec un vieux bardu dessus bardé de cadeaux.

10. Moïse avait déjà bien assez à faire avec ses tables de la loi alors il a laissé l'arche à Nöé qui glandait dans un coin.

11. Les rescapés sont en fait aller se taper une bière pour fêter leur survivance.

12. Sa veuve pourquoi pas, mais lui ....

 

Ce test est intéressant. Il ne concerne pas exactement l'écoute, mais une autre notion clé dans lécoute: l'attention. Si vous avez fait plusieurs erreurs sur ce test, peut-être est-ce parce que vous n'étiez pas suffisament attentifs à ce qui était dit (ou écrit pour ceux qui l'ont fait en lecture). Nous y reviendrons donc demain.

 

Billet suivant de la série

21/08/2005

Barenboïm à Ramallah

Ce soir Arte doit diffuser le concert en direct de Daniel Barenboïm à Rammallah. Quelques mots sur ce concert et sur ce grand chef d'orchestre.

 

medium_barenboim.jpgDaniel Barenboïm est le Kapelmeister de Berlin mais aussi (et surtout?) chef d'orchestre de l'excellent Chicago symphonic orchestra. Pour situer un peu le niveau de cet orchestre de Chicago, il suffit de dire qu'en y prenant son poste Barenboïm a pris la succession d'un certain Sir Georg Solti. Pas moins. Georg Solti, pour ceux qui ne connaissent pas ou mal (ce qui reste tout de même un peu mon cas), c'est entre autre le chef qui, donnant sa première représentation de La Traviata (oui oui sa première !), à Covent Garden en 1994, en fait immédiatement une version de référence, se révélant ainsi un très grand chef de l'art dramatique (j'ai également de lui un Cosi Fan Tutte pour lequel je n'ai jamais trouvé de version qui rivalise). Bref Barenboïm est aujourd'hui considéré comme l'un des plus grands musiciens de notre temps.

 

Et il entama en 1999 un projet audacieux, avec un ami palestinen (Barenboïm, on l'aura ne serait-ce qu'à son nom compris, est juif). Il monte un orchestre de jeunes musiciens israéliens, palestiniens, jordaniens, egyptiens, libanais, ... Ils appelent cet orchestre le West-eastern Divan Orchestra. Et se fixent l'objectif de donner des concerts à travers les pays du moyen-orient, et notamment à Ramallah. Ce concert devait initialement être donné en 2004. Malheureusement il ne pût avoir lieu. Si tout se passe bien, il devrait normalement avoir lieu ce soir donc.

 

Mais son déroulement ne paraît toutefois pas certain, surtout son bon déroulement. Car l'action de Barenboïm soulève la polémique, et de façon assez forte, ce qui n'étonne guère en ces temps troublés. Un excellent documentaire était diffusé hier soir, toujours sur Arte, intitulé "Nous ne pouvons qu'atténuer la haine". On y voit Barenboïm visiter Ramallah, découvrir la construction du mur qui doit protéger les israéliens des attaques terroristes palestiniennes, et recevoir un prix à la Knesset. Mais Barenboïm n'entend pas se cantonner à son rôle de chef d'orchestre. Son projet avec son jeune orchestre est musical, mais pas seulement. Il entend passer un message, adoucit par la musique et son langage universel qui montre justement qu'avant d'appartenir à certaines fratries, à certaines corporations, à certaines nations, à certains groupes religieux, tous ces éléments qui construisent une part importante de notre identité, nous venons tous de la même souche, cette souche qui fait que juif ou arabe, croyant ou athé, européen ou asiatique, nous pouvons tous comprendre le message de l'art et en particulier de la musique.

 

Le documentaire est très inttéressant en cela. Il montre les véritables découvertes que font les jeunes participants à l'orchestre de Barenboïm sur ce qu'est l'autre, et la compréhension qui s'installe progressivement entre eux, compréhension qui est d'abord rendue nécessaire par l'orchestre et la musique, et de l'autre côté, les positions inflexibles des gens de la Knesset et de certains extrémistes israéliens (on voit notamment l'un d'entre eux brandir un petit bandeau sur lequel il a écrit: "Musik macht frei" en ayant repris le dessin du portail d'Auschwitz, lors du discours de Barenboïm en acceptation de son prix).

 

France Télévision faisant souvent des rediffusion d'une chaîne à l'autre de ses documentaires je conseille de guétter le retour de celui-ci, et ce soir de jeter un oeil et une oreille attentifs au concert qui, espérons-le, aura bien lieu, et dans des conditions calmes et sereines.

19/08/2005

Le piège des inférences

Billet précédent de la série

 

Passons maintenant au plat de résistance de cette deuxième partie. Dans notre compréhension des autres il n’y a pas que nos conditionnements qui nous handicapent. Il y a également l’usage malhabile que nous faisons parfois (voire souvent) des inférences (si le lien ne fonctionne pas - il ya semble-t-il des problèmes avec les mots avec accent - allez sur Wikipédia et tapez inférence en recherche). Pour ceux qui ont la flemme de suivre le lien, une inférence c’est simplement l’opération mentale qui nous fait établir un lien logique entre deux choses, et tirer des conclusions en conséquence de cette logique établie.

 

Par exemple, si vous voyez une alliance au doigt d’une personne que vous rencontrez, vous en conclurez naturellement que cette personne est mariée.  Et si un enfant s’approche d’elle et lui dit : « maman », alors vous vous direz qu’elle a aussi des enfants, en tout cas au moins celui qui vient de lui parler. Jusque là rien d’incroyable. Et pourtant vous venez peut-être sans le savoir d’être victime de conclusions hâtives. Cette femme porte une alliance et donc elle est mariée ? Que nenni, elle est déjà divorcée mais reste encore trop amoureuse de son ex-mari pour se défaire de l’insigne métallique qui symbolisait leur union. Un enfant vient la voir et l’appelle, maman, donc c’est son enfant ? Que nenni également, en fait c’est juste sa nièce qui a tendance à appeler toutes les femmes maman, et tous les hommes papa.

 

Les inférences donc, lorsqu’elles sont utilisées mal à propos nous font conclure trop rapidement sur certaines choses et brouillent la compréhension que nous en avons. On pourra rétorquer, toutefois, en revenant sur mes deux exemples précédents, que dans un très grande majorité de cas, nos conclusions disant que cette femme est mariée et a au moins un enfant seront avérées. Et si on se trouve dans la position d’un éventuel prétendant, on aura fort intérêt dans une situation similaire à sortir le rasoir d’Occam pour dire : « il est extrêmement plus probable que la première conclusion soit la bonne, et il est donc plus raisonnable ne plus y penser pour ne pas se berner d’illusions ».

 

Mais prenons un autre exemple qui sera peut-être plus parlant. Celui des croyances paranormales et des superstitions. Pour une personne superstitieuse, un trèfle à quatre feuilles ou un fer à cheval apporte la chance. C’est pour elle une croyance profondément ancrée, et qu’elle vérifie d’ailleurs souvent dans son quotidien. L’autre jour alors qu’elle est allé au marché elle a vu un trèfle dans une boite à chaussure d’un marchant (me demandez pas comment il est arrivée là, j’en sais rien). Et juste après, pop ! Un billet de 5 euros par terre ! Et il y a eu aussi l’autre fois où sans faire attention elle est passée sous l’échelle qu’elle avait installé dans sa chambre pour refaire la peinture. Une heure plus tard elle renversait la vaisselle dans la cuisine. Si ça c’est pas une preuve !

 

Que se passe-t-il dans l’esprit de cette personne ? Elle a pré supposé qu’il existe des éléments extérieurs qui apportent ou enlèvent la chance. Et elle a remarqué une concordance entre ces présupposés et certaines expériences qu’elle a vécu. De là à conclure que donc ces présupposés sont vrais, il n’y a qu’un pas qu’elle franchit allègrement. Ce qu’elle ne saisit pas correctement dans cette affaire, c’est que dans le fond elle a conclut avant même d’observer quoi que ce soit qui rend valables ces conclusions. Et elle confond concordance d’évènements et liens logiques.

 

Un autre exemple qui me semble encore plus parlant, et qui pour être clair m’est arrivé. Imaginons un groupe d’amis qui pour s’amuser décident un soir de faire une tentative de spiritisme. Le soir venu, ils se retrouvent tous dans l’appartement de l’un d’entre eux, éteignent les lampes électriques et installent quelques bougies. Puis ils se regroupent autour d’une table ronde sur laquelle ils posent une tasse à café, sur laquelle chacun dépose délicatement son doigt sans appuyer (je suis précis z’avez vu ?). L’objectif est de contacter les esprits et de leur poser des questions auxquels ces derniers pourront répondre en faisant bouger la tasse sur une feuille de papier où on a préalablement écrit les lettres de l’alphabet, des chiffres, enfin ce qu’on veut après tout. L’expérience commence. Tout le monde est très concentré, même ceux qui n’y croient pas, parce qu’ils veulent se prouver sérieusement que tout ça c’est des balivernes.

 

Mais quelques instants plus tard, ils font moins les malins. Car la tasse bouge ! Nondidju elle bouge ! Il faut donc se rendre à l’évidence : les esprits existent bel et bien, et en plus ils parlent notre langue ! Mais là, un des participants, vous, qui avez lu ce billet (je prends un peu la grosse tête là peut-être… ?), rétorque aux autres :

 

« Les gars vous êtes tous victimes d’une inférence mal placée. Moi je dis que si la tasse bouge, c’est à cause des aliens, voire peut-être de l’ongle incarné qui me démange depuis ce matin. »
« Mais enfin, qu’est-ce que tu racontes? C’est ridicule ce que tu dis ! »
« Pas plus que ce que tu dis toi. La tasse bouge ? Et alors ? »

 

medium_presse-puree.jpgOui, et alors ? Revenons au processus mental qui fait conclure que si la tasse bouge c’est bien que les esprits existent. L’idée de l’existence des esprits est quelque chose de très ancien. Ca fait un peu partie de ces sujets sur lesquels nous sommes tous amenés à nous positionner : les esprits existent ou n’existent pas, les fantômes existent ou pas, etc. Le paranormal c’est vrai, ou c’est des histoires. Bref, c’est un sujet qui fait partie des tartes à la crème populaires. Du coup l’inférence dont sont ici victimes nos amis imaginaires est très coriace à défaire. Parce que la conclusion (les esprits existent) qui suit le phénomène observé (la tasse bouge) est admise a priori comme la seule possible. Si jamais la tasse bouge, il leur sera impossible de conclure à autre chose qu’à l’existence des esprits. Ils se sont tous piégés à l’avance. Ils ont établit leur conclusion sans admettre la moindre possibilité qu’autre chose puisse exister.

 

Mais si l’on prend le recul nécessaire à l’analyse de cette situation, il n’existe en réalité absolument aucun lien logique qui permette de conclure raisonnablement que si la tasse bouge c’est qu’elle est mût par les esprits qui entrent en contact avec nous pour s’occuper un peu. Aucun. On peut très bien, à l’instar du récalcitrant dans notre exemple, supposer que c’est en fait l’action télékinésique des amis d’E.T qui est en jeu, ou le battement d’aile d’un papillon volant à Tokyo, ou (mettez ici n’importe qu’elle idée saugrenue qui vous passe par la tête, ça fera très bien l’affaire). Et dans cet exemple le rasoir d’Occam ne nous sera absolument d’aucune utilité. Bien au contraire même ! Car si on réfléchit quelques instants, on s’aperçoit qu’il est clairement plus simple et probable d’expliquer le phénomène par la forme de transe dans laquelle les participants se sont mis, l’énergie, même faible que chacun imprime à la tasse avec son doigt, etc. que d’expliquer qu’en fait les esprits de nos ancêtres circulent dans un entre-deux impalpable et parviennent par des voix mystérieuses à nous entretenir des choses de la vie.

 

Mais redescendons un peu sur Terre et maintenant que, je l’espère, la notion d’inférence et des pièges que celles-ci peuvent recouvrir est claire pour tout le monde, revenons à un exemple plus près de notre réalité quotidienne. Nous avons très souvent tendance à être pareillement victimes d’inférences lorsque nous débattons de sujets importants ou qui portent une charge émotionnelle forte. Le débat qui a eu lieu (et qui continue toujours, chouette :o) sur l’Europe et en particulier sur le TECE en a fournit de très nombreux exemples. Les camps se sont radicalisés, chacun s’est positionné dans l’un ou l’autre et on a rapidement vu des comportements absolutistes qui faisaient attribuer à n’importe quel partisan d’un camp tous les défauts que l’on pouvait trouver dans ledit camp. Un noniste dès qu’il avait prononcé le mot «plombier» était quelqu’un de xénophobe, d’intolérant, un homme de la rue sans réflexion incapable de choisir intelligemment son vote et qui aurait mieux fait de laisser ça à son député, et un ouiiste, à peine avait-il évoqué la notion de marché et/ou de concurrence qu’il devenait un type sans état d’âme, un néolibéral (ou ultra-libéral ? ou juste libéral ?) bref un diable bushiste ne pensant qu’à s’enrichir et à accaparer le pouvoir, et bien sûr sur le dos des défavorisés.

 

Alors que l’analyse des causes du chômage (dans quelle mesure les délocalisations et l’idée de « droit du pays d’origine » mettent-elles en péril les économies nationales ?), le projet économique de l’Europe (quel voie suivre : plutôt libérale ? Au contraire? Comment faire évoluer des systèmes qui ont besoin de modernisation ? etc.), tous ces sujets là méritaient d’être posés et analysés, et si l’on n’était pas tant tombé dans la caricature de part et d’autre sur certains sujets il en serait ressorti beaucoup plus d’avancées.

 

Apprendre à détecter ses inférences c’est ça. C’est savoir repérer à quel moment on est dans la surinterprétation, c’est savoir ne pas prêter à l’autre des idées ou des intentions dont il n’a pas fait foi, sous le seul prétexte qu’on trouve que « ça va avec ». C’est venir avec une véritable ouverture a priori pour les arguments de l’autre, c’est mesurer les automatismes de raisonnement que l’on a tendance à faire, et savoir les remettre en cause pour mieux comprendre ce qui se passe dans l’esprit de l’autre.

 

Et par cette voie, on découvre les prémisses de l’empathie.

 

Billet suivant de la série

 

P.S: je fais des jolis dessins sur excel, non?

Travail sur les conditionnements

Billet précédent de la série

 

 

 

Deuxième partie aujourd’hui sur ma petite série concernant la communication et l’écoute. Je vais séparer cette partie en deux billets, afin d’ajouter un point par rapport à ce que j’avais envisagé dans mon introduction.

 

Tout d’abord un petit schéma pour éclaircir un peu les mécanismes de la communication.

medium_schema_communication.6.jpg

Supposons que le message brut de l’émetteur soit A. Il va d’abord passer par le filtre de l’émetteur qui va donner aux mots bruts un sens particulier, une résonance qui est propre à l’émetteur. Le message initial devient alors A’ (dans l’esprit de l’émetteur). Puis il va ensuite arriver au récepteur et va passer également par le filtre de celui-ci. Le message est donc à nouveau transformé. Il devient alors A’’. Au final donc, le message initial A (le sens brut des mots prononcés par l’émetteur) se traduit par A’ pour l’émetteur et par A’’ pour le récepteur. Il y a donc un écart, qui vient de nos filtres, de nos conditionnements.

 

Ces conditionnements peuvent être un rempart important à une bonne communication si nous ne savons pas être assez flexible pour les atténuer. Pour comprendre quel est notre niveau de flexibilité, on peut faire des petits exercices amusants. Il s’agit de détecter nos rigidités quotidiennes. Quand on se lève le matin, on a souvent tendance à mettre le même pied par terre en premier. Pareil quand on lace ses chaussures, on commence toujours par le même pied. Notre montre vient toujours sur le même poignet, le soir pour manger on s’assoit toujours à la même place autour de la table. Dans le canapé quand on regarde un film ou une émission chacun à son coin réservé, l’un près de la lampe du guéridon, l’autre au milieu avec les coussins. Etc.

 

Petit exercice que je vous propose donc : essayez de prendre conscience de vos conditionnements et de changer votre façon de faire. Si vous sentez que vous avez du mal à repérer vos habitudes mécaniques ou qu’il vous est difficile de les modifier, alors vous avez un travail sans doute important à faire sur vos conditionnements, et il est possible que vous ayez des difficultés à vous ouvrir vraiment au discours des autres en surpassant vos conditionnements.

 

Deuxième billet de cette deuxième partie à venir cet après-midi. Je vous laisse méditer d’abord sur ce premier point.

 

 

 

Billet suivant de la série

18/08/2005

Battu par KO

Je parle assez peu de moi ici, enfin je veux dire, pas de façon vraiment personnelle, oui il y a mon voyage c'est vrai (comment vous n'avez pas encore lu le carnet de mon dernier voyage?? et hop un peu d'auto-promo ni vu ni connu), et quelques rencontres faites, mais enfin reconnaissez que ce n'est pas grand chose tout de même.

 

Alors aujourd'hui j'ai décidé de vous parler d'un truc super important chez moi: mes muscles. Je suis musclé que c'en est gênant. Mes potes sont jaloux, parfois ils font même un geste de recul soudain quand je passe à côté d'eux, de peur qu'un faux mouvement de ma part ne les jette violemment à terre. Et pis avec les filles c'est pas facile à assumer. Aucune n'a jamais accepté de danser un slow avec moi, je pense que ça vient de là.

 

Quoi? Vous pensez que je m'la raconte encore c'est ça? Beuh même pas vrai d'abord. Et pis tenez, puisque vous me croyez pas je vais vous montrez un peu: j'ai trouvé ça ce matin en flânant chez Post-it (qui est souvent marrant). Alors pour vous montrer que je raconte pas des carabistouilles, et ben tenez je vais me mesurer à vous tous en même temps! (aah on fait moins les fiers hin). ah mince .... Oui bon rigolez pas, vous êtes trop nombreux aussi forcément. Bon essayons quelque chose de plus abordable. euh.... bon c'est pas encore ça. Bon alors descendons encore d'un cran. ben mince alors ... bon mais je manque d'entraînement aussi c'est normal. Bon essayons autre chose. Et merde c'est pas vrai quand même! Bon je vais te m'en écraser un oui ? Oh boutchave mais c'est quoi ce délire? Bon je vais faire ça dans l'autre sens, en commencant par le plus simple et en remontant jusqu'à trouver où est ma limite. Bon alors ... Mé... mé c'est pas possible ça ! Et... mais pourquoieu? Ouinnnnn

 

Sniff... m'en fous...  toute façon au mikado c'est moi l'meilleur ... na... :'-(

17/08/2005

Irréductible incommunicabilité

Billet précédent de la série

 

Je commence donc ma série de billets sur la communication et l’écoute. Et comme promis je vous propose d’abord un extrait de L’Insoutenable légèreté de l’être de Kundera. Dans ce livre, Kundera aborde entre autre la question de la différence qui sépare les individus dans la perception des mots et des choses. Kundera propose, pour illustrer son idée, un petit lexique des mots incompris.  C’est à partir d’un extrait de ce lexique que je démarre donc cette série.

Le cimetière :

«[Pour Sabina] Les cimetières de bohème ressemblent à des jardins. Les tombes sont recouvertes de gazons et de fleurs de couleurs vives. D’humbles monuments se cachent dans la verdure du feuillage. Le soir le cimetière est plein de petits cierges allumés, on croirait que les morts donnent un bal enfantin, car les morts sont innocents comme les enfants. Aussi cruelle que fut la vie, au cimetière régnait toujours la paix. Même pendant la guère, sous Hitler, sous Staline, sous toutes les occupations. Quand elle se sentait triste, elle prenait sa voiture pour aller loin de Prague se promener dans un de ses cimetières préférés. Ces cimetières de campagne sur fond bleuté de collines étaient beaux comme une berceuse.
Pour Franz un cimetière n’est qu’une immonde décharge d’ossements et de pierraille. »

 

Et pour reprendre encore Kundera, afin d’éclaircir un peu ce passage : « Ils comprenaient exactement le sens logique des mots qu’ils se disaient, mais sans entendre le murmure du fleuve sémantique qui coulait à travers ces mots. »

 

Ainsi, deux personnes partageant un grande partie de leur intimité (Sabina et Franz sont amants) qui vivent certaines expériences ensemble, et qui parlent des mêmes choses, rattachent à ces expériences, à ces choses et donc aux mots qui les désignent, des perceptions qui peuvent être extrêmement différentes. Et cet écart de perception crée une sorte de faille entre les deux personnes, un espace vide où se loge l’incompréhension. Franz et Sabina ne peuvent pas se comprendre lorsqu’ils vont ensemble dans un cimetière car ils n’y rattachent pas les mêmes images, les mêmes émotions, les mêmes idées, celles-ci venant de leurs souvenirs propres, de leur vécu particulier et personnel.

 

Nous nous construisons tous de façon originale. Avec un patrimoine génétique qui nous est propre (la tarte à la crème), et à travers les expériences que la vie met sur notre chemin (ou que l’on se crée), qui ne sont jamais identiques à celles que vivent les autres. Elles sont parfois similaires, mais ont une intensité différente d’une personne à l’autre, n’arrivent pas dans le même « ordre », etc. Et ainsi petit à petit, en construisant notre propre identité, nous nous séparons des autres progressivement, en grandissant de façon originale. Et cet individu original que nous devenons ne comprend forcément pas les choses de la même manière qu’un autre. Nous avons chacun nos filtres personnels, nos angles de vue qui correspondent à nos priorités, à nos valeurs, etc. Et c’est la confrontation de ces angles de vue très différents qui, parfois, nous fait nous disputer sur des sujets sur lesquels nous sommes pourtant fondamentalement en accord. Pour reprendre Kundera une dernière fois : « Quand ils se rencontrent à un âge plus mûr, [la] partition musicale [des gens] est plus ou moins achevée, et chaque mot, chaque objet signifie quelque chose d’autre dans la partition de chacun. »

 

Je crois donc pour ma part qu’une part de cette faille qui nous sépare des autres est irréductible. Qu’il y a un espace que l’autre, aussi grande soit son attention pour soi, ne pourra jamais franchir, jamais combler. Ca rejoint  un peu l’idée que l’autre ne peut pas savoir précisément et complètement qui on est. Cet écart irréductible entre soi et les autres, je crois que c’est en partie ce qui constitue l’intimité. C’est le jardin secret qu’on cultive en soi à l’abri des autres. Ainsi, cette part de nous dont on garde les clés restera toujours inconnue même pour les gens qui nous sont les plus proches. Et pour ma part je trouve ça bon. Je crois beaucoup que la préservation de cette intimité et de ce jardin secret permet de se développer de façon équilibrée.

 

Peut-être trouve-t-on donc là un élément qui réduit irrémédiablement les possibilités de la communication. Quelque chose qui fait que jamais on ne pourra s’assurer vraiment qu’il y a une compréhension totale entre soi et les autres. Mais cet écart me semble fondamentalement souhaitable puisque c’est lui qui fait qu’un échange permet à l’un et à l’autre de s’enrichir. On ne (com)prendra peut-être pas tout ce que l’autre nous a dit, et on ne parviendra peut-être pas non plus à lui transmettre tout ce que l’on voudrait transmettre, mais des éléments feront leur chemin, parviendront de chaque côté et ainsi chacun recevra quelque chose de l’autre (et parfois il faut accepter que cela prenne du temps).

 

Cet écart ne signifie donc pas qu’on ne peut pas trouver un terrain d’entente commun. Ce qui nous laisse la chance de débattre… (à suivre).

 

Billet suivant de la série

Introduction: communication et écoute

Aujourd'hui j'engage une série de billets sur une question qui m'intéresse particulièrement: la communication et l'écoute. Pour alléger un peu la lecture et ne pas vous infliger un texte d'un bloc trop rébarbatif, je partage donc cette question sur plusieurs billets (il devrait y en avoir trois ou quatre).

 

Et afin de vous mettre un peu en appétit (enfin oui je sais, c'est un peu prétentieux ça, après tout rien ne dit que ce que j'écrirai sera bien passionnant et surtout vous êtes très peu nombreux à lire ce blog, en particulier depuis début août, mais bon je suis mythomane alors ça compense) voici la façon dont mes billets sur le sujet seront organisés:

 

  1. La difficulté de parler d'une même chose. En partant d'un extrait de L'insoutenable légèreté de l'être de Kundera et du petit lexique des mots incompris qu'il y propose je tenterai de cerner un peu quelles sont les difficultés presque irréductibles que l'on rencontre quand on veut communiquer avec les autres. Quels sont les écarts qu'on ne sait pas franchir, les passerelles qu'on ne parvient pas à établir, les murs qui restent entre nous et les autres alors qu'on croit arpenter le même chemin. ce billet devrait être écrit aujourd'hui, plutôt en fin de journée.
  2. La difficulté d'écouter et de comprendre. Ici je vais principalement aborder la question des inférences, qui me semble primordiale si l'on veut bien saisir quelles sont les limites de notre compréhension intuitive du discours des autres. Il s'agira surtout ici de découvrir comment on s'abuse parfois soi-même en concluant erronément sur des sujets parce que l'on prend pour évidentes des choses qui ne le sont pas forcément. J'illustrerai cette question en prenant pour exemple notre attitude dans les différents débats que nous avons que ce soit avec nos proches ou des inconnus (par exemple le débat sur l'Europe me semble très indiqué pour observer ce point).
  3. Comment bien écouter. Là j'évoquerai principalement la question de l'empathie, qui nous permet de mieux comprendre l'autre en nous mettant à sa place, en intégrant son vécu, son histoire, ses émotions, ses référentiels, etc. J'essaierai d'illustrer cela avec un exemple concret pour mieux sentir comment ça peut se passer et se vivre de façon pratique.

 

Je vais essayer de me tenir à ce programme, mais il n'est toutefois pas impossible que je le modifie un petit peu en cours de route, soit en ajoutant un billet, soit en modifiant un peu la tournure d'un de ceux que j'annonce. On verra (on part pour l'inconnu là, c'est fun).

 

Billet suivant

14/08/2005

Voyage aux Etats-Unis

Aujourd'hui est un grand jour puisqu'après plusieurs mois de travail le site sur mon voyage aux Etats-Unis est enfin terminé! Enfin il reste encore quelques ajustements, peut-être les couleurs à changer, et un ou deux détails comme le nom du site, mais l'essentiel est là!

 

En gros il y a deux choses principales dans ce site: le carnet de voyage que j'ai écris au jour le jour et qui raconte mes découvertes, mes rencontres, c'est un peu le voyage vécu de l'intérieur. Puis il y a les photos des sites, villes et parcs nationaux. Concernant le carnet nous avons pris un risque un peu difficile à contourner: en général on ne lit pas des textes un peu long sur Internet. Mais là l'objectif était de pouvoir faire ressentir au lecteur les émotions du voyage, de faire comprendre comment j'ai vécu les choses là-bas. Le carnet est donc assez long à lire en entier, mais si vous en avez le courage j'ose croire qu'il en vaut un peu la peine (enfin j'espère!).

 

Juste un petit mot sur ce voyage pour vous en donner un avant-goût. Je suis parti un mois complet en passant Rapidement par Washington, puis New York où je suis resté une semaine, ensuite j'ai rejoins Las Vegas pour me diriger rapidement vers les Parcs Nationaux du grand ouest américain, et j'ai terminé mon périple à San Francisco. La semaine passée à New York le fut avec ma mère qui m'avait rejoint là-bas. Puis j'ai fais la suite seul, essentiellement en voiture, à parcourir le désert et les parcs. Cette expérience des deux semaines passées seul dans le grand ouest restera longtemps gravée dans ma mémoire. Les paysages fabuleux, parfois indescriptibles (notamment Monument Valley) que j'ai vu sont parmis les plus beaux au monde à n'en pas douter. Et l'expérience de les traverser seul reste aussi quelque chose de très particulier. Je m'en suis bien aperçu seulement après mon retour d'ailleurs, et encore aujourd'hui, c'est ce sentiment intérieur très fort de liberté et d'indépendance, qui me reste le plus, l'improvisation que cela a permi, les rencontres impromptues, tout cela m'a marqué fortement et me laisse un goût de nostalgie qui ne part toujours pas.

 

J'espère que vous serez interessés par le carnet de voyage et que peut-être sa lecture et le visionnage de mes photos vous donneront envie de tenter vous-même l'expérience!

 

Bonne lecture à tous!

 

P.S: le lien est dans la colonne de droite.

 

P.S (2): Je m'aperçois que j'ai manqué à mon devoir le plus élémentaire en ne remerciant pas le grand artisan du site. Un très grand merci donc à Julien qui l'a mis au point et a notamment trouvé une excellente façon de présenter les photos.

08/08/2005

Etre, faire et avoir

Le bouddhisme tibétain connaît depuis plusieurs années, nous dit-on, un intérêt croissant chez les populations occidentales désireuses de donner à leurs vies un souffle spirituel nouveau et de trouver un sens moins matérialiste à leurs existences. Or, parmi les enseignements que l’on rattache souvent au bouddhisme (mais je reste prudent quant à cette prétendue filiation, je n’ai rien trouvé qui me la confirme), on trouve une idée qui me semble importante, et qui à elle seule suffit pour occuper de longues méditations : la règle des 3 R : respect de soi-même, respect des autres, responsabilités de ses actes.

 

Je me propose aujourd’hui de vous soumettre une idée apprise en gestion du stress, en essayant de l’articuler avec cette règle des 3 R.

 

L’essentiel tient en une phrase : Je ne suis pas ce que j’ai, ni ce que je fais. Pour mieux se représenter la chose, je vous ai fait un petit schéma tout simple que voici.

 

 

Ok, c’est joli, mais maintenant, qu’est-ce que ça veut vraiment dire ? Et bien en gros, que les idées de psychologies de comptoir : « dis moi ce qu’il y a dans ta valise, je te dirai qui tu es » ou « dis moi quel sont tes hobbies, je te dirai qui tu es » sont erronées. L’idée de fond est qu’en aucun cas, en aucune circonstance, et pour aucune personne il n’est possible de juger réellement qui est l’autre. Ce que je suis, personne n’en sait rien. Et personne ne peut me juger sur la seule base de mes actes ou de ce que je possède (attention, je n’entends pas ici le verbe juger dans son sens juridique, sinon mon affirmation est fausse, et je reviendrai justement sur ce point plus tard). Là tout de suite le sujet est moins trivial, mais on perçoit qu’il y a une difficulté dans cette idée.

 

Mettons-nous en situation pour éclaircir tout ça. Imaginez-vous au travail. Votre supérieur vous a demandé de rappeler le client X pour lui demander qu’il règle enfin ses factures dues depuis 4 mois. Vous vous mettez ça de côté pour la journée, parce que bon, vous avez aussi le dossier du client Z à voir, puis celui du fournisseur W qui n’a toujours pas envoyé son avoir, bref aujourd’hui c’est un peu le bordel. En fin de journée, après avoir résolu le cas du client Z et discuté avec la secrétaire du responsable absent du fournisseur W (ça fait trois mois qu’il est paraît-il en congé), vous vous décidez à appeler le client X. Ben oui mais voilà, il est 17h30 quand vous appelez, et le client X, il se trouve que c’est un organisme public. Aucune chance de l’avoir au téléphone à cette heure-ci. Lorsque vous annoncez la chose à votre supérieur qui vient juste à cet instant vous demander où vous en êtes, celui-ci vous regarde l’air dépité et vous lâche un bon : « Mais quel con ! Evidemment que vous ne pouviez pas l’avoir à cette heure-ci ! » (*)

 

Mais là, vous vous levez lentement, et avec la sérénité du sage qui a lu le piki-blog, vous lui répondez tranquillement : « Je ne vous permets pas. Ce que je suis vous n’en savez rien. J’ai commis une erreur, je l’admets. Mais cela ne vous autorise pas à me dire que je suis un con. » Et là votre patron sidéré bredouille un : « beuh… euh… mé… » puis il regagne son bureau les épaules basses conscient qui si vous avez commis une erreur, lui n’est pas loin d’avoir commis une faute. J’en vois qui froncent un sourcil peu convaincu dans le fond. Je vais donc m’expliquer un peu mieux.

 

Ce que je suis, c’est en quelque sorte mon noyau, ce qui constitue ma nature profonde. Et cette nature est fondamentalement inaccessible. Quelques soient les investigations que l’on pourrait effectuer sur l’autre on n’arrivera jamais à une connaissance de lui telle qu’on pourra s’exclamer : « je te connais ! » C’est même vrai pour nous-même qui parfois avons une idée bien éloignée de ce qui fonde réellement nos actes (on a souvent tendance à vouloir enjoliver nos intentions quand bien souvent nous n’agissons que de façon très intéressée et matérialiste).

 

Mais je vois cela d’une autre façon en fait. Reprenons notre exemple, mais cette fois-ci vous avez appelé le client X 20 minutes après le retour du déjeuner pour lui laisser le temps de prendre sa pause café (**). Cette fois-ci votre supérieur, voyant l’habileté de votre manœuvre vient vous féliciter d’un glorieux : « Bravo, quel talent ! » Mais là alors, si on est logique ne devrait-on pas se lever pour lui dire : « Vous ne me connaissez pas et vous ne pouvez pas juger qui je suis sur la base de ce que je fais. » ? Et bien non. Vous trouvez ça illogique ? Ca n’a rien à faire avec une question de logique. On n’est pas là pour redémontrer que 2+2=4. On laisse sur le côté notre faculté intellectuelle de connaître les choses, et comme Kant le suggère lui-même (ah là tout de suite vous accordez plus de crédit à ce que je dis hein !), on utilise son intuition, sa sensibilité.

 

La question est de savoir se respecter soi-même. Et cela passe entre autre par la bonne délimitation de l’intrusion des autres dans notre vie. Dans tout rapport avec autrui, la communication, si l’on veut qu’elle soit efficace, juste et, pourquoi pas, agréable, doit s’établir sur les règles de base que sont le respect et la confiance (qui naît en grande partie du respect). Et précisément le respect s’arrête quand commencent les insultes et les mots déplacés. Et il est juste lorsque celles-ci émergent de remettre la personne qui les profère à sa juste place, en se remettant soi-même à sa juste place. Cette personne prétend que je suis idiot, égoïste, etc ? Je me recentre sur ce que je suis : ce que je suis cette personne n’en sait rien. Elle ne peut pas le savoir. Je le lui fais comprendre, et ainsi je recadre ma relation avec elle, je la repose là où elle était. Et j’apprends par la même occasion à l’autre à me respecter. En revanche, si cette personne me fait des compliments sur moi, pourquoi les rejeter ? Nous restons dans la relation de respect, celle-ci se renforce même avec de tels compliments : c’est super ! Aucune raison valable de s’en offusquer, bien au contraire !

 

Mais il n’y a pas que par rapport à des insultes qu’on peut utiliser cette différenciation entre l’être, l’avoir et le faire. Un autre exemple excellent est celui de l’éducation des enfants. Remettons-nous en situation. Vous êtes au restaurant avec toute votre famille. Le serveur vous apporte vos plats, et au moment où il sert votre petite fille, celle-ci fais un mauvais geste et renverse son verre. Le serveur, d’un regard amical lui lance un petit : « alors petite fille, on est maladroite ? » Et là, lecteur 3ème dan du piki-blog vous lui rétorquez : « Non, elle s’appelle Julie. » Et toc. Bon là vous me regardez avec un sourcil encore plus froncé qu’avant. Mais attendez que j’vous esspique. Cet exemple est un peu capilotracté, je vous l’accorde. Mais que veut-il dire ? Que les mots ont une force qu’on sous-estime souvent. Un enfant auquel on va dire un jour qu’il est maladroit parce qu’il a renversé un verre, puis deux jours plus tard auquel on va le répéter parce qu’il aura marché sur la queue du chien, va finir par s’identifier aux épithètes dont son entourage va l’affubler. Il va lui-même se construire en fonction de ces caractéristiques attribuées par les adultes. On appelle cela « jeter un sort ». L’enfant ne sortira plus de cette identité fabriquée par les autres, parce qu’il s’est petit à petit fait accepter ainsi, et en changeant il aura peur de perdre cette reconnaissance, c’est-à-dire que les autres ne le reconnaissent plus. Donc lorsque vous dites au serveur : « Non elle s’appelle Julie. » vous envoyez en fait un message à votre fille pour éloigner d’elle les mauvais démons de jugements trop hâtifs qui pourraient handicaper son développement personnel. Vous la recentrez sur elle-même. En revanche si le serveur vient lui dire : « tu es toute jolie toi ! » avec un grand sourire, acquissez vigoureusement du chef en bombant le torse et en pointant discrètement le doigt vers votre femme dont elle a hérité des yeux.

 

Bien sûr cela ne s’applique pas qu’à vos enfants, mais à tout le monde (mais ça me semble très sensible dans le cas des enfants). Voilà une grande marque de respect envers les autres que de savoir identifier les sorts que d’autres cherchent à leur jeter (très souvent involontairement), et même plus que de respect, une marque d’attention.

 

Mais finalement la plus grande difficulté, certains l’ont perçu qui gardent leur sourcil haut (attention à la crampe), est qu’alors si l’on ne peut faire remarquer à quelqu’un quels sont ses défauts comment dans le fond rendre justice à ceux qui souffrent des défauts de cette personne. N’y a-t-il pas des voleurs ? Des assassins ? Des tricheurs ? Des politiciens ? Si finalement on ne peut plus dire ce que sont les gens comment peut-on les juger ? Et pourtant il faut bien juger les criminels! Mais là les plus attentifs d’entre vous ont déjà compris quelle est la réponse à cette angoissant dilemme : la justice ne juge pas les gens sur ce qu’ils sont, mais seulement sur leurs actes. Un juge rendant son verdict dira : « vous avez été reconnu coupable de voies de fait, d’usage de faux d’assassinat ou encore d’activité douteuse à la mairie de Paris (pléonasme qui fait se gausser tous les magistrats), en conclusion de quoi je vous condamne à blablabla ». Mais pas : « Vous êtes un assassin donc je vous condamne à blablabla. » 

 

Ainsi, distinguer être et faire n’est nullement incompatible avec l’exercice de la responsabilité de ses actes. Bien au contraire, cela permet de recadrer avec précision quelle est la mesure exacte du comportement d’autrui et donc qu’elle valeur peut lui être donné. Car poussons l'exemple précédent jusqu'au bout. Si le juge déclare au condamné : « Vous êtes un assassin. » quelle pourrait être la justification qui permette de ne pas mettre cette personne au bagne pour le restant de ses jours? Elle peut changer avec le temps me diriez-vous ? Possible. Mais qui change vraiment ?. Je trouve qu’on perçoit cette possibilité du changement de façon beaucoup plus claire lorsque l’on dit : « il a commis un assassinat ». Il en est tenu responsable, mais la porte au changement est beaucoup plus ouverte parce qu’il n’est pas identifié comme étant fondamentalement un assassin. On n’associe pas sa nature à l’assassinat de façon catégorique et c’est là où on laisse la porte au changement et à l’évolution personnelle.

 

Savoir séparer avec justesse être, faire et avoir pourrait donc bien être une clé importante pour comprendre comment on peut mieux se respecter soi-même, respecter les autres, et comprendre où se situe la responsabilité de nos actes.

 

(*) : ne m’en veuillez pas de cette petite plaisanterie, c’est vraiment juste pour donner un peu de légèreté à mon billet.

(**) : oui bon…

05/08/2005

Homo sapiens sapiens

Découvrant ce matin sur Droit en enfer via Ceteris paribus un sympathique portrait des étudiants en droit, j’ai eu envie de faire ici un petit portrait des étudiants en école de commerce, dont j’ai pu côtoyer certains spécimens durant mes trois années d’études à Grenoble. [Edit: je m'aperçois que le  blog que j'indique ici pour le portrait sur les étudiants en droit n'est pas le bon. En fait le billet est écrit chez Loup Garou et Maîtresse puis signalé par Droit en enfer que j'ai découvert via Ceteris paribus... ah la navigation]

 

Etant donné mon amour immodéré pour ces individus (si si), vous assistez en direct très chers lecteurs, à la naissance de la cathé-gorille : humeur !

 

Car l’étudiant d’école de commerce est un magnifique sujet d’étude offrant un panel de particularismes assez large. Il a son langage à nul autre pareil, ses tenues qui rivalisent d’originalité, et son comportement social qui pourrait bien invalider la théorie darwinienne de l’évolution et ainsi renforcer la thèse créationniste.

 

D’abord il me faut un peu planter les éléments objectifs de l’analyse pour l’éclaircir. L’étudiant d’école de commerce est beau, il est très intelligent, largement plus que la moyenne (d’ailleurs il a fait un test sur Internet qui lui en a donné la preuve définitive, preuve qu’il brandira à chaque tentative qu’un autre fera de nier cette intelligence supérieure voire d’envisager qu’il pourrait avoir raison contre l’avis de l’étudiant en école de commerce - il y en a on se demande d’où ils débarquent quand même, non ?), et enfin il est drôle et boute-en-train comme un GO du club med. Bref, y’a pas à dire, l’étudiant en école de commerce, c’est un type bien.

 

Et son langage le distingue immédiatement du vulgum pecus. Parce qu’il sait s’adapter à la situation. En cours, enfin en présence d’un prof, son discours ressemblerait plutôt à ça (s’adressant à un autre élève de la classe qui vient de donner son opinion sur le sujet du cours) : medium_achille_talon.gif"tu vois, je crois que là où tu fais erreur c’est que, si l’on considère les éléments objectifs (un étudiant en école de commerce considère TOUJOURS des éléments objectif dans ses analyses) du débat, la divergence sémantique qui jaillit de l’opposition formelle dans cette illustration managériale est plutôt à rapprocher de l’analyse que j’ai produite dans mon exposé précédent". Le tout étant agrémenté de force mouvements de bras, d’un clin d’œil à la jolie blonde du dernier rang et d’un sourire de bonheur simple car intérieurement l’étudiant en école de commerce se dit : "j’suis cool quand même … ".

 

Plongé dans l’univers nocturne des soirées endiablées, son langage se transforme pour mieux coller à la situation et il devient quelque chose comme (s’adressant à la jolie blonde du cours, et lorgnant sur son décolleté qu’elle a savamment mis au point) : "tu sais moi j’adore les gens, en plus je trouve ça trop cool de leur parler et de les découvrir, parce qu’en fait plus les gens sont différents de toi plus ils t’enrichissent tu vois." Il le dit en général avec un air détaché et en pensant: "ouais je suis vraiment trop cool".

 

Et un peu plus tard, surpris en train de débattre joyeusement avec des amis sur ce qui constitue le fondement du bonheur humain on peut glaner cette pensée pleine d’à-propos : "wéééé, un verre plus un verre plus un verre, c’est de la bombe de balle !" (là c’est une citation authentique que je repique d’un mail reçu au milieu du passionnant débat qui avait eu lieu un temps autour de la question de fond : faut-il boire en soirée ? Conscients de l’intérêt de la question et confiants dans la puissance intellectuelle de leurs opinions, les débatteurs avaient décidé d’envoyer le premier mail à toute l’école puis de tenir chacun informé de l’évolution du débat par l’emploi judicieux du « répondre à tous » - j’espère qu’on ne m’imposera pas des droits d’auteur sur cette citation ou je risque de voir défiler beaucoup de monde …).

 

 

C’est aussi un séducteur hors pair, dont les succès à répétition font passer Don Juan et Casanova au rang de joueurs de billes. Il est d’ailleurs réputé dans toute l’école qui ne jure plus que par son élégance, sa distinction, et il faut aussi l’admettre, par ses performances inégalées au lit (et même pas qu’au lit, il sait aussi faire ça aux toilettes quand l’urgence se fait sentir). Bon là personnellement je préfère les aventures de Pyxi et Déa, mais c’est chacun son truc, je voudrais pas imposer ma façon de voir.

 

Bref, il est l’aboutissement ultime de dizaines de siècles d’évolution, depuis l’amibe unicellulaire jusqu’au protozoaire bicorne, et il peut regarder l’avenir avec confiance, le torse bombé de fierté, le front relevé en défi à l’adversité, car il est de ceux à qui est réservé un avenir radieux, avenir péniblement gagné à la sueur dudit front grâce à un dur labeur et un peu aussi au portefeuille de papa. La planète n’attend plus que lui (elle a été patiente jusqu’à maintenant), et ça tombe bien car lui ne pense qu’à lui montrer de quoi elle a manqué pendant tout ce temps.

 

Car l’étudiant en école de commerce non content d’être beau, intelligent (plus que les autres, suivez), et drôle, est en plus un altruiste curieux des autres et désireux de leur apporter son aide. Et mieux encore que ça, et j’aurai d’ailleurs dû m’en tenir à cet élément qui crève les yeux à la vue du moindre d’entre eux : il est modeste.

 

:o) ceci dit amicalement bien sûr

 

(*): Je commence par ma réfutation de la théorie quantique ou ma critique de la Critique de la raison pure?