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12/01/2006

Blogs, politique, Finlande et débat de fond (je solde tout !)

Il y a quelques mois, j'émettais encore une opinion très réservée sur l'impact que les blogs pourraient avoir en France sur le débat public en général, et politique en particulier. Certains blogs de grande qualité comme notamment Publius montraient pourtant déjà clairement que les blogs pouvaient exercer une influence de ce type, mais le buzz autour du TECE me semblait avoir un caractère très exceptionnel, et je ne voyais pas d'évènement de ce type susceptible de soulever le même intérêt, avec les conséquences sur les blogs que cela pourrait supposer.

 

Mais la réalité semble en train de me faire mentir. L'attention portée par les politiques aux blogs se développe, suivant deux axes différents:

  1. Tout d'abord par la prise en compte grandissante de la place des blogueurs dans le débat public, ce dont attestent entre autres la rencontre entre Loïc Le Meur et Sarkozy, et plus récemment, l'invitation faite à certains blogueurs par le ministre de la culture RDDV pour discuter de la loi DADVSI qui a soulevé tant de remous, ou encore celle de Sarkozy pour assister à ses voeux à la presse (je ne mets pas de liens, ce n'est pas par mon blog que ces nouvelles auront été apprises par les uns et les autres).
  2. Ensuite par le développement des blogs tenus par des hommes politiques, certains très connus, d'autres moins.

(je ne cherche évidemment pas à concurrencer Versac avec mon analyse au rabais, je n'en ai pas la compétence)

Peut-être cette tendance se dessine-t-elle parce que nos représentants ont compris combien ils avaient été dépassés par le débat sur la constitution européenne et qu'ils veulent maintenant reprendre la main, ce pour quoi il leur faut se rapprocher des gens.

 

Mais cette tendance ne se dessine pas qu'en France. Elle pourrait même s'étendre prochaînement à toute l'Europe. Déjà en Finlande, plusieurs personnages politiques de premier plan tiennent un blog, et certains semblent connaître un vrai succès populaire. Cependant, il n'est pas très sûr que ces blogs aident précisément à élever le débat...

10/01/2006

Points d'ancrage et manipulation

Parmi les techniques de gestion du stress on trouve quelques idées originales qui, si elles ne constituent pas vraiment des méthodes de fond, n’en sont pas moins intéressantes à explorer. L’une d’entre elle est l’utilisation de ce que je vais appeler les points d’ancrage. Je crois qu’il n’y a pas de formulation « officielle » pour cela mais l’expression poins d’ancrage me semble très appropriée.

 

Cette idée repose sur le fait que le corps mémorise un certain nombre de choses, et notamment les états de formes, physiques et psychiques, dans lesquels il s’est trouvé aux différents moments de l’existence. Et qu’il est possible de créer soi-même les conditions permettant de fixer ces souvenirs de façon corporelle, sans que l’on ait besoin plus tard d’un quelconque travail de la mémoire pour que ces souvenirs reviennent. En se constituant des points d’ancrage.

 

Il s’agit en fait, lorsque l’on se trouve dans un état physique et psychique particulier que l’on souhaite pouvoir retrouver plus tard, de s’imposer une sensation physique spécifique qui ancre le souvenir de cet état dans notre mémoire corporelle. Il suffira alors ensuite de répéter cette sensation physique spécifique pour que l’on se retrouve dans le même état physique et psychique que lorsque l’on a créé son point d’ancrage.

 

Mais quelques exemples éclairciront mieux ce que je veux dire. Mon premier exemple servira en particulier aux professeurs qui rencontrent des difficultés à faire régner l’ordre et le silence dans leur classe. Bien souvent, face à une classe excitée il faut plusieurs minutes de « Silence ! » tonitruants pour obtenir un retour au calme. En utilisant un point d’ancrage très simple vous pourrez parvenir à ce silence d’une façon plus facile. Il suffit, à chaque fois que vous êtes parvenu à retrouver le silence après un brouhaha que vous fassiez un claquement de doigts bruyant. Juste au moment où le silence est revenu. Faites-le plusieurs fois, à chaque nouveau brouhaha, afin, petit à petit, d’habituer les élèves à ce claquement de doigt. Et le jour où vous en aurez assez de crier, mettez-vous juste debout devant la classe et faites ce claquement de doigt bruyant. Si le point d’ancrage a été bien fait, vous obtiendrez instantanément le silence. Ca peut bien sûr aussi être utilisé par les professionnels habitués à faire des présentations devant différents auditoires, mais la difficulté sera là de créer le oint d’ancrage dans un délai court.

 

Deuxième exemple, utilisable par tous. Lorsque vous vous sentez bien, tant physiquement que moralement, lorsque vous sentez une harmonie profonde en vous, exercez avec l’une de vos mains une pression particulière quelque part sur votre corps. Vous pouvez par exemple saisir votre autre main entre votre pouce et votre index et appuyer un peu lourdement dessus, ou sur votre bras. Essayez de répéter cette expérience à plusieurs reprises quand vous retrouvez le même état général de bien-être. Et le jour où vous vous sentirez patraque, le sourire en berne et le moral dans les chaussettes, vous appuierez sur cet endroit. Le corps, rappelant à lui ce qu’il a mémorisé lorsque vous avez créé votre point d’ancrage, se remettra dans les mêmes dispositions que celles que vous avez mémorisées. Et vous vous sentirez mieux. Je pense que les résultats ne pourront pas être obtenus rapidement par tout le monde, et bien sûr ne comptez pas guérir d’une maladie avec cette seule technique. Mais avec un peu de temps et de patience elle peut aider.

 

Ceci étant dit, je crois qu’on peut tirer une réflexion plus poussée sur les points d’ancrage et sur leur utilisation (et c'est pourquoi j'inclue ce bilelt dans la catégorie réflexions et débats plutôt que dans celle de la gestion du stress - c'est parfois difficile de déterminer dans quelle catégorie doit aller tel ou tel billet).

 

Tout d’abord, les points d’ancrage peuvent être créés de toute sorte de façon : une pression de la main, un morceau de musique, une image, une madeleine, etc. On comprend bien en listant ces différentes méthodes que certaines d’entre elles peuvent créer des points d’ancrage non recherchés, de façon inconsciente donc. En écoutant pour la première fois depuis longtemps le deuxième mouvement du concerto pour piano N° 21 de Mozart je me suis soudain rappelé une partie de mon enfance, chez de vieux oncles et tantes, les jeux dans leur sous-sol, et les programmes télévisés de Chapi Chapo. Peut-être ce souvenir m’est-il venu parce qu’ils écoutaient souvent ce concerto lorsque nous y étions ?

 

Ainsi, les points d’ancrage peuvent se créer en quelque sorte d’eux-mêmes, de façon non voulue. C’est d’ailleurs le plus souvent comme ça qu’ils se forment puisque peu nombreux sont les gens qui cherchent à les utiliser à leur profit. Le problème, si l’on peut dire qu’il s’agit vraiment d’un problème, c’est qu’il agissent alors d’une façon qu’on ne contrôle pas bien. C’est le corps qui agit en fonction de sa mémoire sans nous demander notre avis. Et il rapporte avec lui TOUS les souvenirs qu’il a emmagasiné lorsque le point d’ancrage a été fait. Il ne fait pas le tri pour n’en livrer qu’une partie.

 

Il me semble qu’on peut utiliser cette notion de point d’ancrage dans un autre domaine : celui des mots. Qu’est-ce qu’un point d’ancrage sur des mots ? Un refrain. Un leitmotiv. Un slogan. Chacun de ceux-ci agit d’une façon très similaire aux points d’ancrage physiques que j’ai décris plus haut, par la répétition (c’est leur nature). Et ils sont susceptibles de porter avec eux bien plus que le seul message brut de leurs mots.

 

Je crois que c’est très précisément ce qui se passe pour les slogans et les leitmotivs politiques. Ceux-ci cherchent, par la méthode de communication qui les véhicule et par la posture du personnage qui est censé les porter (ce qui fait en fait partie de la méthode de communication), à enrichir la formulation du slogan brut d’un bagage d’idées générales fortes. Leur objectif est qu’in fine l’auditoire entende ou lise, avec le slogan politique mis en avant, le murmure sémantique qui l’accompagne, avec notamment les valeurs dont il est chargé.

 

On jugera qu’une communication politique est réussie si le slogan trouvé joue bien ce rôle de point d’ancrage, en rappelant avec lui de façon automatique tout le flux d’idées qu’on a cherché à lui rattacher. Le problème, c’est que cette démarche peut vite priver les destinataires de ces slogans de la réflexion nécessaire qui devrait les suivre. Je vois notamment deux cas de messages qui fonctionnent de cette façon dans le paysage politique français actuel. Le message du FN sur l’immigration, et le message de l’extrême gauche sur le libéralisme. Dans le premier cas, on perçoit bien parmi les partisans lepénistes, qu’il suffit d’évoquer le terme immigration pour que les notions d’insécurité, de délinquance, d’assistanat, voire d’illégalité surgissent dans leurs esprits. C’est l’avantage d’un discours monolithique. Sa seule répétition suffit au bout du compte à persuader un nombre important de personnes de sa justesse. Pas besoin de démonstration. Il suffit de répéter pour mieux enfoncer le clou.

 

Le phénomène me semble très similaire dans le discours général de l’extrême gauche à propos du libéralisme. Evoquez seulement ce mot aux oreilles de ces personnes et les thèmes de l’individualisme, de l’égoïsme, de la loi du plus fort, de l’injustice sociale, leur monte au cerveau. Là aussi, le « slogan » initial semble inévitablement accompagné de son emballage d’idées connexes. Il ne peut exister seul. Sa réalité est toute entière comprise avec les idées automatiques dont il s’accompagne. Le libéralisme n’est pas seulement libéralisme mais la doctrine libérale égoïste des puissants et du patronat qui cherchent à s’enrichir au détriment des classes sociales modestes (ou quelque chose de ce genre).

 

Il y a ici un vice majeur. C’est que des slogans utilisés ainsi peuvent très vite devenir manipulateurs. Pour une raison toute simple. C’est qu’utilisés comme ils le sont ils ne permettent pas de remettre en cause l’articulation faite entre le slogan et les idées qu’on lui rattache. On adhère au slogan, donc on adhère à tout ce qui l’accompagne, sans plus de distinction. Il suffit de brandir le slogan pour que d’une certaine façon tout soit dit. On signe alors la défaite de la pensée qui abandonne le travail de mesure de la relation qu’il y a entre ces slogans et les idées qu’ils abritent. Le problème n’est presque pas de déterminer si oui ou non aujourd’hui dans les deux exemples que j’ai évoqués ces liens sont justifiés. Le seul fait que la réflexion soit ainsi limitée par l’usage de ces slogans comme point d’ancrage est inquiétant. C’est pour cela que tout usage de slogan doit porter à la prudence et à l’exercice de la critique.

 

C’est tout le défi éthique de la communication politique que de parvenir à ne pas se transformer en un exercice de manipulation, fut-il inconscient.

 

Sur le sujet, pour éclairer notamment la notion de mémoire corporelle, j’indique ce texte qui, passée une introduction assez obscure, m’a semblé intéressant.

04/01/2006

Les fi laids italiens

Il semblerait que l'esprit de noël (à moins que ce ne soit les anges) soit tombé sur le footballeur Paolo Di Canio, qui annonce aujourd'hui, au terme d'une polémique qui est restée à mon goût anormalement modérée au vu des actes en cause, qu'il renonce au salut fasciste - en tout cas en match - dans l'intérêt de son club, La Lazzio de Rome. En lisant ça je me suis dis que vraiment, c'est beau la loyauté d'un joueur pour son club.

 

Blague à part, je reste pour ma part ulcéré de la lenteur voire de l'inanité des différentes fédérations de football, qu'il sagisse de la fédération italienne, ou des instances internationales, car l'affaire Di Canio ne date pas d'hier, et la sanction qui lui a été infligée est plus que dérisoire (il avait déjà été condamnée en mars 2005 et avait écopé d'une amende de 10000 euros). Il serait également intéressant de se demander si ce type de comportement doit plus soulever l'inquiétude d'un éventuel retour latent du fascisme en Italie (c'est un peu ce que suggère l'article du CI relevé en lien plus haut), ou si c'est plutôt le milieu du football qui est à pointer du doigt, avec ses violences de plus en plus fréquentes, et ce à tous les niveaux de pratique.

 

Mais ce qui reste incroyable, c'est le caractère banal, voire anodin qui fut donné un temps à cette affaire, où Berlusconi lui-même semblait attendri lorsqu'il déclarait récemment que Di Canio était "un bon bougre". Bigre...

Poèsie à l'Entrepôt

Hier soir je suis allé à l'Entrepôt pour écouter des poèmes de Prévert, extraits du recueil Paroles. Ce fut un moment très agréable. Les textes choisis étaient tour à tour émouvants, drôles, futiles, intenses. Et surtout le récitant avait eût la bonne idée de les mettre en scène, d'une façon très juste. Cela leur a donné une chaire encore plus dense, les émotions étaient plus fortes, le rire plus franc. Vraiment une réussite.

 

Je vous propose un des poèmes de ce recueil, qui fut dit hier soir lors du spectacle, avec d'ailleurs une émotion que tous les spectateurs ne pouvaient sans doute pas déceler...

 

CET AMOUR

Cet amour
Si violent 
Si fragile 
Si tendre 
Si désespéré 
Cet amour 
Beau comme le jour 
Et mauvais comme le temps
Quand le temps est mauvais
Cet amour si vrai
Cet amour si beau
Si heureux
Si joyeux
Et si dérisoire
Tremblant de peur comme un enfant dans le noir
Et si sûr de lui 
Comme un homme tranquille au milieu de la nuit
Cet amour qui faisait peur aux autres
Qui les faisait parler
Qui les faisait blêmir
Cet amour guetté 
Parce que nous le guettions 
Traqué blessé piétiné achevé nié oublié 
Parce que nous l'avons traqué blessé piétiné achevé nié oublié 
Cet amour tout entier 
Si vivant encore 
Et tout ensoleillé 
C'est le tien 
C'est le mien 
Celui qui a été 
Cette chose toujours nouvelle 
Et qui n'a pas changé 
Aussi vraie qu'une plante 
Aussi tremblante qu'un oiseau 
Aussi chaude aussi vivante que l'été 
Nous pouvons tous les deux 
Aller et revenir 
Nous pouvons oublier 
Et puis nous rendormir 
Nous réveiller souffrir vieillir 
Nous endormir encore 
Rêver à la mort 
Nous éveiller sourire et rire 
Et rajeunir 
Notre amour reste là 
Têtu comme une bourrique 
Vivant comme le désir 
Cruel comme la mémoire 
Bête comme les regrets 
Tendre comme le souvenir 
Froid comme le marbre 
Beau comme le jour 
Fragile comme un enfant 
Il nous regarde en souriant 
Et il nous parle sans rien dire 
Et moi j'écoute en tremblant 
Et je crie 
Je crie pour toi 
Je crie pour moi 
Je te supplie 
Pour toi pour moi et pour tous ceux qui s'aiment 
Et qui se sont aimés 
Oui je lui crie 
Pour toi pour moi et pour tous les autres 
Que je ne connais pas 
Reste là 
Là où tu es 
Là où tu étais autrefois 
Reste là 
Ne bouge pas 
Ne t'en va pas 
Nous qui sommes aimés 
Nous t'avons oublié 
Toi ne nous oublie pas 
Nous n'avions que toi sur la terre 
Ne nous laisse pas devenir froids 
Beaucoup plus loin toujours 
Et n'importe où 
Donne-nous signe de vie 
Beaucoup plus tard au coin d'un bois 
Dans la forêt de la mémoire 
Surgis soudain 
Tends-nous la main 
Et sauve-nous.

 

Le récitant est également poète. Vous trouverez quelques textes de lui en cliquant ici. Ah, et au fait, il s'agit de mon cousin. Bravo à lui.

03/01/2006

Scoop sur Sarkozy !

En navigant dans mes statistiques du jour, je viens tout juste de tomber sur ça :

 

medium_requete_sarkozy.7.jpg

 

Bon c'est écrit tout petit alors je vous aide: en bas c'est la page d'où vient le visiteur, et au dessus le billet sur lequel il est dirigé. Et en bas il est écrit: "Se montrer vulnérable"

 

Tout le monde sait bien sûr que se montrer vulnérable est une méthode éprouvée pour séduire. Mais ce que Statcounter ne dit pas c'est si notre ministre (car il ne saurait s'agir de quelqu'un d'autre) fait cette recherche en vue de séduire son électorat ou sa douce.

 

Quelque soit le cas, il risque d'être déçu par le billet sur lequel Google l'a amené. Mais je me permettrais modestement de lui en conseiller la lecture complète ...

 

P.S : Et si avec un titre pareil je n’attire pas de monde, c’est à désespérer des gens.

 

Retour sur l'écoute avec Will Hunting

Hier soir j'ai regardé, un peu en pointillés parce que je l'avais déjà vu deux fois, Will Hunting à la télévision. J'aime bien ce film, pas vraiment pour son côté "ah vous avez vu ce génie" que je trouve un peu trop appuyé (quand même il explique à un lauréat de la médaille Fields que tel théorème de maths, il "a pas idée à quel point c'est facile"  pour lui le petit génie, alors que l'autre est incapable de n'y rien comprendre ... ), mais pour tous les dialogues entre le personnage principal et son psy.

 

Ces passages sont sans doute un peu simplistes pour les psychologues professionnels (dont je ne suis pas, je le rappelle, même si ça m'aurait beaucoup plût), mais on en retire tout de même une démarche qui me plaît vraiment. Et qui me fournit la petite matière d'un premier billet aux aspects très psychologie de comptoir, j'en conviens, sans pour autant être tout à fait à mépriser.

 

Ce qui m'intéresse c'est la façon dont le contact se noue entre Will et le psychothérapeute (joué admirablement par Robin Williams, sans doute un de ses meilleurs rôles, en tout cas à mon goût). Will fait plusieurs tentatives avec d'autres psys avant de rencontrer Sean. Ces essais se soldent par un échec car il rejette la démarche de la thérapie psychologique et son intelligence exceptionnelle lui permet même de se payer la tête de chacun des médecins qu'on lui propose. C'est d'ailleurs un peu ce qu'il fait lors de sa première rencontre avec le personnage de Robin Williams. Il inverse les rôles, fait la psychanalyse du psy, le pousse dans les cordes, montre son mépris pour son travail, etc.

 

Puis le contact se fait lors de la séance suivante. La scène a lieu dans un parc, devant un étang dont l'objet est probablement de rappeler la mer sur laquelle tangue la barque du tableau peint par Sean, et que Will a disséqué. Que fait alors Sean? Et bien il parle de lui-même. Il révèle en quelques phrases quelles furent certaines des grandes douleurs de sa propre vie: la perte de sa femme après une longue bataille contre sa maladie, la guerre et les amis perdus au combat.

 

Il ne pose pas de question à Will, et celui-ci ne lui a pas demandé de se dévoiler ainsi. On pourrait d'ailleurs avoir une lecture de ce passage plus comme une mise en question du comportement de Will que comme un dévoilement personnel: "Si je te demande ce qu'est la guerre, tu me citeras peut-être Shakespeare, mais tu ne sais pas ce que c'est d'avoir dans ses bras son ami à l'agonie, haletant" (je cite de mémoire). Pourtant je crois que la part de dévoilement personnel est ce qui domine dans cette démarche. Bien sûr pour la première fois Will a trouvé quelqu'un qui a vu clair en lui, et il ne peut plus se cacher. Mais Sean en se dévoilant opère un changement important de méthode par rapport à ce que les autres thérapeutes ont proposé jusque là.

 

En agissant ainsi il ouvre la porte à Will. Il se met au même niveau que lui et ce n'est pas une relation univoque qu'il propose, dans laquelle Will devrait révéler les blessures de son enfance et du reste de sa vie, mais un échange d'égal à égal, dans lequel la confiance (notion que Sean aborde avec sa classe au moment où le professeur qui a pris Will sous son aile intervient) repose sur l'interdépendance qui se noue entre les deux personnages. C'est parce qu'il donne quelque chose d'intime de lui-même que le psychothérapeute parvient à abaisser la garde de Will et à gagner sa confiance.

 

Voilà un très bel exemple d'écoute et d'attention je crois. C'est un peu cette démarche que j'avais cherché à décrire dans cet ancien billet. Sans du tout prétendre indiquer quelle doit être l'attitude d'un thérapeute en général (quelle prétention ce serait !) je crois toutefois que cet exemple est à suivre pour ceux qui cherchent un moyen d'aider un ami ou un proche qui aurait besoin de se confier. En se livrant soi-même on allège la charge que peut ressentir l'autre à se livrer. Il ne craint plus de se mettre dans une situation de dépendance et/ou de vulnérabilité vis-à-vis de soi car d'emblée on s'est mis à son niveau, on a rompu la hiérarchie entre celui qui écoute (le supérieur) et celui qui est écouté (l'inférieur).

 

J'aime bien redécouvrir ainsi le sens d'une idée souvent galvaudée: "c'est en donnant qu'on peut recevoir".

29/12/2005

La 101ème !

La période de fin d'année est traditionnellement propice aux retours en arrières et aux bilans ou autres florilèges de l'année. Je me prête, assez nombrilistiquement (sic) je dois l'admettre, à l'exercice concernant mon propre blog, en guise de billet d'adieu à l'année 2005.

 

Quelques statistiques d'abord. Hier j'ai rédigé sans m'en rendre compte sur le moment ma 100ème note sur ce blog. Les lecteurs les plus attentifs m'objecteront à ce sujet que ce n'est pas absolument exact puisque 4 notes ont été supprimées quelques jours après leur publication, mais à mon avis elles valaient peu la peine d'être conservées. A priori je ne devrais pas procéder à d'autres suppressions à l'avenir, afin d'essayer de respecter une certaine ligne de rédaction. Ces notes ont suscité jusqu'à maintenant 330 commentaires, dont la moitié peut-être m'est imputable, ce qui fait donc un taux assez faible de commentaire par note.

 

Depuis sa création, il y a un peu plus de 6 mois, ce blog a d'ailleurs eut un succès plutôt modéré, même si quelques surprises heureuses sont venues l'égayer dont des liens chez des blogueurs prestigieux, voire même des notes chez eux évoquant mes billets. Il a attiré un peu plus de 7000 visiteurs uniques depuis l'installation de mon compteur, environ 200 de plus en tout et pour tout, pour bientôt 11500 pages lues (enfin lues, ouvertes disons), ce qui reste modeste.

 

Evidemment je suis le premier à m'imputer ce résultat, dû peut-être à un "positionnement" peu clair au démarrage, et qui sait encore maintenant? Gestion du stress, débats sur des sujets de société, haïkus, tout cela est fort divers et la ligne de mon blog est donc difficilement identifiable. En fait il n'y en a pas vraiment si ce n'est l'intention de débattre et/ou de proposer des outils de réflexion, sur soi ou sur le monde. Initialement j'ai ouvert cet espace essentiellement pour pouvoir mettre au propre un certains nombres d'idées et de réflexions que j'avais en tête, afin de me forcer à les structurer, à les travailler véritablement au lieu de m'en tenir à un magma un peu informe. Le sujet de la gestion du stress notamment m'intéressait particulièrement, mais ayant beaucoup écris dans les premiers temps sur ce thème, je suis aujourd'hui un peu à court de textes de fond pour le renouveller.

 

Les billets du début donc, notamment sur la communication, les inférences, la gestion des priorités, l'orgueil, la différence entre être, faire et avoir, etc. sont les éléments essentiels que j'ai pour ma part retenus de l'apprentissage fait en gestion du stress. J'invite les lecteurs intéressés à s'en retourner à mes archives, et s'ils le souhaitent à me contacter pour plus d'information. Je suis à votre disposition pour ça, dans la mesure de mes possibilités bien sûr.

 

Concernant les points les plus positifs, je retiens certains débats très intéressants, souvent suscités par vous-mêmes lecteurs, et à travers lesquels j'ai déjà pas mal appris. Et aussi quelques grands éclats de rire grâce notamment aux blogs BD, un genre qui figure certainement parmi ce qui se fait de mieux dans la blogosphère.

 

Les projets? Rien de très précis, si ce n'est essayer de continuer de participer aux différents débats qui nous agitent, et peut-être un jour trouver un moyen de modifier l'aspect visuel de mon blog (il lui manque un design un peu sympa, personnalisé, plus agréable que ce bleu trop neutre). Et qui sait, attirer quelques nouveaux lecteurs ?

 

Il me reste maintenant à vous souhaiter à tous une excellente année 2006 ! A l'année prochaine ! (à moins qu'un imprévu me ramène dans ces parages d'ici au 31... ;o) )

28/12/2005

Antonio Gramsci et la théorie de l'hégémonie

Intéressé par la papote de mes lecteurs préférés sous un ancien billet je me suis renseigné un peu sur ce qu’est le "gramscisme" évoqué par Olivier. Déjà en commentaire j’indiquais un petit doute personnel qui naissait de notions apparemment floues entourant ce mot. Après vérification, ce doute est plutôt confirmé puisque le mot grascisme n’existe tout simplement pas, pas plus que le mot "gramsciste" d’ailleurs. Il figure donc parmi ces « ismes » créés afin de faire court pour exprimer une idée (parfois plus pour donner un air érudit à ses opinions), mais qui ne revêtent pas une réalité bien grande.

 

Mais qu’importe l’inexistence de ce "gramscisme", l’argumentation d’Olivier m’intéressait suffisamment pour que je passe quelques temps à faire des recherches dessus. Et si le gramscisme n’existe pas, Antonio Gramsci (j’indique ici le lien en français mais pour ceux que ça intéresse vraiment je conseille de lire l’article de la version anglaise de la Wikipedia qui est, comme souvent, beaucoup plus riche) lui, a bel et bien existé et ses idées, notamment sa théorie de l’hégémonie, méritent un petit détour sur ce blog, qui permettra entre autre, en tout cas je l’espère, d’éclairer un peu mes lecteurs sur la question et de leur éviter quelques confusions.

 

Et avant tout, petite biographie du personnage, pompée sur Wikipédia et mon encyclopédie personnelle. Comme ça vous pourrez éviter d’avoir à suivre les liens que j’ai indiqué plus haut (ah vous l’avez déjà fait ?). Antonio Gramsci était un philosophe et homme politique italien, né à Sales en Sardaigne en 1891 et mort à Rome en 1937, à 46 ans donc. Sa famille figurait plutôt dans la petite bourgeoisie, mais son père dû faire face à des difficultés avec ses finances et avec la police, difficultés qui forcèrent la famille à se déplacer à plusieurs reprises d'un village à un autre, toujours en Sardaigne.

 

Mais Gramsci était un étudiant brillant et c’est à l’université de Turin qu’il poursuivit ses études, pendant une période de forte industrialisation où les entreprises embauchaient majoritairement des travailleurs des régions italiennes plus pauvres. Gramsci fut fortement influencé par son enfance à travers la Sardaigne et par cette expérience à Turin. Et il s’engagea en 1913 au Parti Socialiste Italien. Il fut notamment connu à l’époque pour ses travaux de journaliste, et il fonda en 1919, notamment avec Palmiro Togliatti, le journal l’Ordine Nuovo dont il devint le directeur. Il fit un séjour en Russie en 1922 pour représenter le Parti Communiste Italien, créé en 1921 à partir du groupe qu’il avait formé avec d’autres au sein du PSI. C’est là qu’il rencontra sa femme. Il devint enfin député de Vénétie en 1924, alors que Mussolini était déjà au pouvoir depuis 2 ans. Et en 1926 il fut arrêté par la police et emprisonné, quasiment jusqu’à sa mort. C’est d’ailleurs en prison qu’il produisit une grande partie de ses écrits politiques.

 

Parmi les grandes idées développées par Gramsci, qui était un marxiste convaincu, figure la théorie de l’hégémonie. Il avance que le contrôle des moyens coercitifs de l’état (la police, l’armée, les tribunaux) ne peut suffire pour que le prolétariat conquiert réellement le pouvoir, et qu’il lui faut en plus, et même avant cela, instaurer son hégémonie sur la société civile (les syndicats, les partis, l’école, les medias), notamment à travers la culture qu’il convient d’influencer voire de changer au profit d’une culture qui véhicule les valeurs et les repères du prolétariat. Pour Gramsci c’est uniquement en imposant ce changement de culture et de morale que le prolétariat peut réussir sa révolution.

 

Il insiste donc sur le travail politique important qui est à mener avant d’entreprendre la révolution. A ce titre, il publia le 24 novembre 1917, suite à la révolution bolchevique d’octobre un article intitulé : « La révolution contre Le Capital » (Le Capital faisant ici référence au livre de Marx). Il estimait en effet que les bolcheviques, après avoir constaté l’inéluctabilité de la révolution, avaient sous-estimé l’importance du travail politique qui devait être mené pour installer durablement leur système. C’est notamment le cas pense-t-il en occident où la société civile exerce un pouvoir beaucoup plus fort qu’en Russie à l’époque (et aujourd’hui probablement encore, ce qui peut notamment expliquer l’écart d’influence qu’exercent les médias russes par rapport aux nôtres). Il pousse même sa réflexion jusqu’à voir la société civile prendre la pas sur l’état qui ne serait plus à terme qu’un « veilleur de nuit » selon l’expression empruntée à Ferdinand Lassalle.

 

A la lumière de ces éléments je dirais donc qu’Olivier a employé le terme grascisme un peu rapidement, et qu’il aurait été plus juste d’utiliser le terme hégémonie dans la plupart de ces remarques. Aujourd’hui une des critiques les plus forte exprimée contre la bourgeoisie et « les puissants », c’est qu’ils disposent effectivement de cette hégémonie culturelle sur le reste de la population. Nous vivons dans une société encore dominée par sa bourgeoisie, c’est certain. Reste à savoir si cette hégémonie de la bourgeoisie est plus souhaitable qu’une hégémonie du prolétariat.

 

Certains pencheraient certainement plutôt en faveur d’une hégémonie de la bourgeoisie, d’autres plutôt en faveur du prolétariat. Pour ma part j’adhère assez à l’argumentation que présentait il y a quelques temps Raveline (cf. lien précédent). Je crois que notre histoire a montré que la culture bourgeoise avait été un moteur et aussi un garant important de la démocratie. Pour ne prendre qu'un exemple, ce sont notamment les philosophes des lumières qui ont porté l’idée de la Révolution et qui ont proposé les systèmes qui permettraient une organisation politique plus juste. Tous des bourgeois, voire des aristocrates il me semble.

 

Car quel est le principal argument du prolétariat pour légitimer sa prise de pouvoir ? C’est le nombre. Puisqu’ils sont plus nombreux alors ils sont plus représentatifs du peuple dans son ensemble et de ses aspirations. Et puisqu’ils sont plus nombreux dans le fond, ils ont aussi un potentiel de force plus grand que la bourgeoisie. Dès lors pourquoi devraient-ils subir la frustration d’être sous la coupe d’une culture qui n’est pas la leur ? Evidemment l’argument de la meilleure représentativité du peuple par le prolétariat est assez fort, et il faut bien l’admettre, difficilement contestable. Mais il a une limite forte. Et pour bien en rendre compte, je vais à nouveau devoir faire référence à La sagesse de l’amour de Finkielkraut.

 

Finkielkraut montre dans son livre (dans les derniers chapitres) que dans la logique communiste l’élément liberticide ne vient pas vraiment du pouvoir excessif donné à l’état mais du fait que parce que celui-ci est dirigé par la masse du peuple, et donc ne peut qu’être le reflet de la volonté souveraine de celui-ci, alors on lui donne tous les droits.

 

« Ce n’est pas l’état en tant que tel qui est liberticide, mais l’idée qu’un état a tous les droits du moment que les masses en ont pris possession. »

 

C’est donc "l’idolâtrie du peuple" qui a mené le communisme au totalitarisme, pas celle de l’état [voir edit en fin de billet]. Parce qu’une décision émane de la volonté du peuple elle est légitime pensent certains. Evidemment dit comme ça, ça semble juste. Il s’en faut pourtant de beaucoup. Car la légitimité d’une décision, son aspect moral, juste et bon, ne s’évalue pas au nombre de gens qui y souscrivent. En fait dans ce débat on confond la légitimité de l’appareil chargé de prendre les décisions politiques et la légitimité de ces décisions. Ce sont deux choses différentes pourtant. Et si un gouvernement (et/ou un appareil législatif) trouve pleinement sa légitimité dans le choix qu’en fait le peuple, les décisions qu’il prend ne sont pas illégitimes dans l’absolu quand elles ne sont pas le reflet de la volonté du peuple. Si une population entière exprime demain le souhait que des lois racistes soient instaurées, et bien cette décision ne sera pas légitime, fut-ce 100% de la population qui la souhaite.

 

Mais qu’on ne se méprenne pas, ce n’est pas de ma part une prise de position contre l’expression populaire, surtout pas. Je crois même qu’il serait bon, voire urgent, qu’on mette en place des systèmes qui permettent une expression plus grande et plus efficace de ces « masses ». Car aujourd’hui je crois qu’on entretient une situation dans laquelle l’hégémonie est détenue par un groupe de plus en plus restreint. Et c’est je pense cette restriction grandissante qui est à la source de la crise de représentativité et de confiance dont on souffre, et qui écarte de plus en plus les gens de la politique. Je crois d’ailleurs que c’est là où certains blogueurs comme Versac trouvent un intérêt particulier aux blogs.

 

En d’autres termes, si l’hégémonie de la bourgeoisie ne me semble pas nécessairement devoir être combattue, ce qui importe en revanche c’est de rendre plus accessible les canaux d’expression et de communication, c’est d’étendre l’embourgeoisement pour que ce groupe qui détient l’hégémonie s’élargisse, sans s’en tenir de façon exclusive à la culture qu’il détient, mais en s’enrichissant de ce que ses nouveaux membres vont lui apporter. Ce n’est pas un embourgeoisement imposé que j’imagine mais plutôt un embourgeoisement par ouverture.

 

[Edit: Krysztoff en commentaire m'indique que je me trompe en disant que c'est l'idolâtrie du peuple qui a mené le communisme au totalitarisme, et que le phénomène est bien plus sûrement imputable à la confisquation du pouvoir par l'appareil d'état à son seul profit au mépris justement de celui du peuple. Et il a raison. Je dois confesser que je me suis mélangé les pinceaux sur ce point car en lisant sa réplique j'étais moi-même étonné d'avoir écris cela. Mon idée donc était que l'idolâtrie du peuple fait prendre le risque de dériver vers le totalitarisme, et qu'un peuple tout puissant, et ayant tous les droits sous le seul prétexte qu'il est le peuple, devient nécessairement liberticide s'il n'accompagne pas l'exercice de son pouvoir de règles morales, et de la notion de devoir.

 

Il y a toutefois une petite remarque que l'on peut faire à Krysztoff je crois. C'est que Lénine ou Staline, par le système qu'ils représentaient, et par la personnification très forte à laquelle s'est prêté le communisme russe, étaient eux-mêmes le peuple en quelque sorte. Ils n'étaient pas ses simples représentants comme peuvent l'être nos élus chez nous. Ils étaient plus que ça, ils étaient les icônes personnifiées du peuple russe tout entier. Je crois d'ailleurs que c'est en partie pour ça que leur culte a été si vif. A travers leurs héros, c'est tout le peuple qui se célébrait lui-même. S'ils n'y avaient pas eut ce culte du peuple, peut-être les conditions du totalitarisme stalinien n'auraient-elles pas existé.]

25/12/2005

Auto-shorter de Donnedieu de Vabres

Excellente (si si) interview de notre remarquable (si si aussi) ministre de la culture, Renaud, Donnedieu de Vabres, interrogé sur l'incident qui eut lieu dans la nuit de mercredi à jeudi derniers, reprise en partie dans un article trouvé sur yahoo actualités.

 

On y déniche notamment cette perle :

 

"Je suis quelqu'un d'ouvert. Lorsque des amendements s'inscrivent dans une philosophie que je partage, j'y souscris."

 

Voilà une déclaration d'ouverture qui vaut son pesant de cacahouètes. Donnedieu de Vabres est donc très ouvert aux opinions qui sont identiques aux siennes. Et pour une fois Emmanuel n'aura pas besoin d'user de ses talents pour nous proposer ces versions courtes dont il a le secret.

22/12/2005

Joyeux noël !

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