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31/01/2006

Politique 2.0 pour les nuls

Quelques remarques en vrac sur l'évènement d'hier soir, Politique 2.0.

 

Comme indiqué hier, je n'ai assisté qu'à la deuxième partie de la soirée, la conférence-débat qui faisait intervenir aussi bien des blogueurs "anonymes" que des politiques (hommes et femmes) blogueurs eux aussi. Sur la première partie du débat, on a eut deux analyses intéressantes sur l'état actuel des blogs politiques. Je trouve que l'analyse de Versac, qu'il avait déjà largement évoquée sur son blog, était la plus intéressante. Découvrir l'organisation des réseaux des blogs politiques, où l'on constate une séparation assez marquée entre les différentes obédiences politiques, et notamment entre les blogs UDF et UMP (ce qui souleva les rires de la salle), est à mon sens assez significatif des positions des uns et des autres. Et peut mener à douter de leur véritable capacité à vraiment débattre tant les liens entre eux sont peu nombreux.

 

A ce titre, une petite anecdote (oui j'ai dis que ce serait en vrac), survenue dans la deuxième partie de la conférence-débat qui a amené plusieurs politiques blogueurs. Lorsqu'elle a présenté son blog, Nadine Jeanne a montré la passion qui l'animait dans la conduite de son travail politique mais aussi dans l'animation de son blog. Seule fausse note, lorsqu'elle a évoqué la frustration qu'elle ressent souvent devant les difficultés à convaincre ceux qui viennent débattre sur son blog. Les personnes, dit-elle, arrivent souvent avec leurs idées toutes faites et se montrent peu ouvertes aux siennes. Et d'insister sur ses tentatives de convaincre, et ah, si quand même une fois, il y en a un qui a compris et qui lui a envoyé un mail pour lui dire qu'il avait un peu changé sa façon de voir. Beaucoup de sincérité donc, mais malheureusement elle ne se rend apparemment pas compte qu'elle même, puisqu'elle aborde le débat avec la volonté farouche de convaincre, s'ouvre probablement très peu aux arguments de ses contradicteurs. Beau paradoxe. Je lui conseillerai volontiers d'apprendre progressivement à laisser plus de champ libre aux idées des autres, à se forcer à laisser dire certains arguments même quand ceux-ci ne sont pas les siens. Elle serait surprise du résultat final.

 

Une autre anecdote, l'intervention d'une non blogueuse qui a reproché à Claude Goasguen l'absence de réponse à ses questions sur son blog. M.Goasguen a répondu qu'il y ferait plus attention à l'avenir, je me demande à quel horizon est cet avenir. En lisant son blog, il semble animé par une vraie ouverture, et une certaine sincérité. Mais je l'ai trouvé plutôt en retrait hier, un peu en observateur, comme si le sujet ne le concernait pas vraiment. Peut-être n'était-il tout simplement pas très à l'aise dans ce milieu un peu nouveau sans doute pour lui.

 

Sinon, j'étais content de voir enfin Damien et Hugues. J'avais hésité à quelques reprises à les contacter directement par mail pour qu'on se voit, et j'aurais préféré pouvoir rester finalement au dîner pour discuter plus avec eux. Bon ce sera pour une autre fois. On n'a pas vu Koz, peut-être s'est-il dévoilé aux autres après mon départ. Et Paxa est vraiment sympa.

30/01/2006

Désolé ...

... mais je ne parviens pas à avancer la note que je voudrais rédiger en introduction à ma série sur l'aide. J'ai déjà travaillé sur le sujet et j'ai les idées principales en tête, mais le stylo coince.

 

Donc je vais faire comme d'autres, annoncer ma présence ce soir à l'Entrepôt (ils ont quand même une programmation bigarrée à l'Entrepôt je trouve...) pour assister à Politique 2.0. Enfin je risque de n'être présent qu'à la deuxième partie de la soirée. Le film est trop tôt, et le dîner je sais pas trop si j'y serais à l'aise.

 

Voilà voilà... ça manquait un peu de fond sur ce blog, non ?

27/01/2006

Montée de l'islamisme et démocratie

Hier donc, l’organisation terroriste du Hamas a remporté haut la main les élections législatives palestiniennes, remettant du même coup en cause les espoirs qu’on pouvait conserver quant au processus de paix au Moyen-Orient.

 

La dernière livraison du Courrier International a semble-t-il un peu anticipé ce résultat puisqu’elle titre, avant les résultats palestiniens : Islamisme, pourquoi il triomphe partout. L’article (payant) extrait du journal Al-Hayat notamment, est très intéressant. Il montre quels sont les différents moteurs de la poussée islamiste, ainsi que la limite des systèmes démocratiques en place dans plusieurs pays de cette région du monde.

 

Réduire la montée islamiste à la seule occupation israélienne est réducteur selon Al-Hayat. En effet, elle ne peut à elle seule expliquer l’élection d’Ahmadinejad en Iran, la poussée des frères musulmans en Egypte, ou encore celle des islamistes radicaux en Syrie ou en Irak (tant sunnites que chiites). Cette lame de fond qui semble traverser tout le Moyen-Orient trouve aussi ses origines, dit Al-Hayat, dans la pauvreté, l’incapacité à se moderniser, à participer à la mondialisation de l’économie, dans l’égoïsme des gouvernants arabes, et enfin dans ce sentiment fort de dépendance vis-à-vis de l’occident, dépendance qui, pour la Palestine, se matérialise notamment avec l’apport financier de l’UE.

 

Petite réflexion à deux sous avant de venir à la question de la démocratie dans ces pays. Il me semble qu’une des raisons du succès de l’islamisme, et en particulier de l’islamisme radical, tient à sa capacité à apporter des solutions simples et même simplistes aux questions que se posent ses adeptes. Notamment sur les questions de la modernité et de la dépendance à l’occident. Leur situation de retard de développement et de dépendance, vécue donc comme une soumission, entraîne, et c’est très humain, un sentiment de frustration, d’inhibition pour en revenir aux termes de Laborit déjà souvent évoqués ici.

 

Et comment se sort-on d’une frustration ? Soit en se donnant les moyens (si tant est qu’on soit seul à pouvoir se les donner) de la dépasser, et d’obtenir une autonomie satisfaisante, soit en s’attaquant à ceux qui exerce ce pouvoir d’inhibition sur soi. Et la deuxième possibilité, si elle ne résout aucun problème de fond, est en revanche bien plus facile si j’ose dire à adopter. Parce qu’elle est beaucoup moins exigeante pour soi. Dès lors il n’y a plus qu’à trouver une source forte de dénégation de la légitimité du système qui inhibe (et donc de légitimation de sa réaction par l’attaque) pour emporter l’adhésion des gens. C’est je crois de cette façon que les islamistes radicaux utilise leur religion. On le voit bien notamment dans l’expression de rejet que subisse les américains dans cette région du monde. Ils ne sont pas de simples occupants. Ils sont « le grand satan », et puisqu’ils sont tels, la légitimité perçue de les combattre est totale.

 

Revenons-en maintenant à la question de la démocratie. Al-Hayat soulève un point très intéressant, qui mérite je crois une vraie réflexion, et pas seulement d’ailleurs pour les pays comme la Palestine, l’Iran ou l’Irak. L’élection palestinienne s’est déroulée démocratiquement. C’est le peuple qui, massivement (plus de 70% de participation), a élu les représentants du Hamas comme force gouvernante principale. Leur retirer la légitimité de leur choix paraîtrait donc bien bancal. Et comme le dit Paxatagore, on se retrouve désormais piégés.

 

Pourtant on peut formuler une critique sérieuse contre cette « démocratie ». Le résultat de cette élection montre que pour qu’un régime puisse véritablement prétendre être une démocratie, il ne suffit pas qu’il en ait les apparences et qu’il se soit doté de ses aspects de vitrine. C’est sans doute encore plus net dans certains pays d’Afrique qui continuent d’élire leurs gouvernants sur des scores Staliniens. La démocratie ne peut être véritable que lorsqu’elle est éclairée et que non seulement elle dispose des institutions qui la garantissent, mais aussi, et peut-être même surtout, qu’elle a développé une vraie culture de leur fonctionnement libre.

 

Bien sûr, je me suis comme d’autres réjouis lors des récentes élections en Irak, du taux de participation, là aussi très important. Mais cette démocratie aussi restera lettre morte si elle ne s’accompagne pas d’efforts soutenus pour développer la culture de la citoyenneté, et pour réduire au maximum les formes de pression et d’intimidation dont peuvent encore faire l’objet les personnes.

 

A ce titre, je crois important de ne pas trop se comporter de façon paternelle et supérieure vis-à-vis de ces pays. D’abord parce que ce comportement, relevé d’ailleurs par Al-Hayat au sujet des cris de victoires répétés des USA en Irak est, je l’ai déjà indiqué, un stimuli dont profite les extrémistes. Mais aussi parce que nous-même, en France, risquons fort de vivre une humiliation qu’on évoque encore bien peu à l’aube des élections présidentielles de 2007. Je crois même qu’on n’a aucune chance d’y échapper. Car au-delà des candidats qui pourront être présents au second tour de cette élection, au-delà de la peur qu’ont certains de voire Le Pen nous refaire le coup de 2002, le seul fait que nous passerons immanquablement par le débat du vote utile est en soi un camouflet pour notre démocratie.

 

Que veut dire la question du vote utile ? Qu’est-ce qu’elle sous-entend ? Que si on ne vote pas utile, on fait prendre un risque à la démocratie. Mais le seul fait qu’on se pose cette question montre que d’une façon ou d’une autre on est dans une situation d’otage, et donc que la démocratie est déjà remise en cause. La pression exercée n’est certes pas physique, nous ne risquerons pas notre peau en allant voter pour l’un ou pour l’autre. Mais elle n’en est pas moins forte. Il faut le dire clairement : dans un pays dont la démocratie est saine, aucun citoyen ne devrait avoir peur de voter pour un petit parti si celui-ci se trouve représenter le plus justement ses opinions, quand bien même les chances de celui-ci de l’emporter seraient minces sur le papier. Et pour ma part, si au premier tour du vote de 2007 je me sens coincé par l’obligation de voter utile, sans avoir été vraiment convaincu, je crois bien que j’aurai honte pour mon pays.

26/01/2006

Dépendance

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                   Souvenirs qui persistent

       S'infiltrent chaque jour,

         comme des perfusions.

 

Impossibles à défaire.

24/01/2006

(re) Frein d'Europe ?

En lisant un peu les informations ce matin, il me semblait qu'aujourd'hui les murs de l'assemblée nationale vibreraient particulièrement aux récriminations de l'Abbé Pierre contre les amendements UMP visant à contourner certaines contraintes de la loi SRU en matière de constructions de logements sociaux.

 

Mais il semblerait que ce soit d'autres cris, déjà entendus en d'autres temps, et dont les échos pourraient bien ne pas s'éteindre avant longtemps tant ils se répètent à l'envie, qui ont retenti dans l'enceinte du Palais Bourbon. En effet, les députés, et visiblement en particulier les députés socialistes, ont vigoureusement pris à parti Jose Manuel Barroso pour sa gestion de "comptable" de la Commission Européenne. Ils lui reprochent notamment le fait que la directive Bolkestein soit toujours dans le circuit des débats.

 

Si je me souviens bien de mes cours de politique européenne suivis en accéléré sur Publius, il n'est pas vraiment du ressort de la Commission de retirer ainsi de façon unilatérale un projet de directive. Les eurosceptiques auraient d'ailleurs à cette occasion beau jeu de dire que cela démontre la faiblesse du Parlement. Mais je trouve que la réaction de Barroso porte également à confusion lorsqu'il rétorque que c'est la commission qui l'a précédé qui a proposé cette directive. Est-ce bien là la question? Pourquoi ne rappelle-t-il pas plus directement à des hommes politiques nationaux de premier plan quels sont les rouages des institutions européennes auxquelles ils participent?

 

Il faut tout de même avouer que, pour les personnes qui ne se penchent pas régulièrement sur les affaires européennes, tout cela contribue à une grande confusion. Comment peut-on ensuite reprocher à des gens que l'on informe mal et auxquels on envoit des signaux contradictoires de prendre des décisions sur la base de mauvais arguments?

20/01/2006

Passerelles & Compétences

J'ai été invité par mry à rédiger un texte sur l'association Passerelles & Compétences sur le blog Ouvrons-nous !. Je le copie ici, afin de faire une publicité encore plus large pour cette association qui pourrait intéresser plusieurs d'entre vous.

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Suite à la proposition de mry, et en accord avec le responsable développement de l’association Passerelles & Compétences, je vous propose aujourd’hui une petite présentation de celle-ci.

 

Passerelles &  Compétences est une jeune association, fondée en 2002 par des professionnels du recrutement et de la direction d’entreprise. Leur idée est de mettre en relation les associations caritatives qui les contactent avec des professionnels désireux de donner un sens humain plus fort à leur vie quotidienne en apportant leurs compétences à ces associations, pour les aider à mener à bien leurs projets, et répondre à certains de leurs problèmes qui nécessitent des compétences précises.

 

L’aide apportée par les volontaires peut être de tout type : support à la gestion financière, stratégie de communication, développement humain, etc. Elle respecte principalement un esprit de gratuité de la prestation fournie, de professionnalisme des volontaires, et d’indépendance de l’association Passerelles & Compétences vis-à-vis de ses associations partenaires. Ces missions ponctuelles sont toujours compatibles avec une activité professionnelle.

 

Pour les associations partenaires, l’intérêt bien entendu est de bénéficier de compétences spécifiques qu’elles ont parfois du mal à trouver par elles-mêmes. Et pour les volontaires, au-delà même de l’intérêt et du plaisir qu’ils peuvent trouver à aider ces associations et à travailler ainsi au contact de gens souvent passionnés, l’exercice de leurs compétences, dans un cadre différent du cadre professionnel habituel, et dans un esprit exempt de considérations financières et commerciales est un grand enrichissement.

 

Si cette association vous intéresse, que vous souhaitez en savoir plus ou vous y inscrire, vous pouvez visiter leur site Internet à cette adresse http://www.passerellesetcompetences.org. Vous y trouverez toutes les informations nécessaires.

 

Construire des passerelles entre les hommes. N’est-ce pas une belle manière de s’ouvrir ?

19/01/2006

Garfieldd et le lien social

La gestion du stress, vous l'aurez peut-être déjà compris, porte un peu mal son nom. Bien plus que d'apprendre à gérer son stress, il est question lorsque l'on aborde cette discipline d'apprendre à connaître et reconnaître ses propres moteurs, les choses auxquelles on va réagir, être en particulier sensible, puis de trouver comment agir sur ces éléments pour apprendre à mieux vivre. Il s'agit dans le fond d'un travail relationnel qui doit se faire sur deux plans: les relations que l'on entretient avec soi-même, l'image que l'on a de soi, et les relations que l'on entretient avec les autres, ce que l'on projette et que l'on attend d'eux et ce qu'on est capable de leur donner.

 

Pas étonnant donc qu'un des premiers sujets sur lequel on travaille en gestion du stress est le lien social. Une personne qui aura un lien social fort avec son entourage, sa famille, ses amis, qui saura s'entourer des gens qu'elle aime et qui l'aiment, pourra mieux faire face à une difficulté si elle dispose d'un soutien social fort. C'est quelque chose qui peut être difficile pour certains car lorsque tout va mal on peut être tenté de s'isoler. On risque d'entrer dans une logique négative, une spirale où perdant confiance en tout (en la vie, en soi, et en les autres) on s'éloigne petit à petit de ses proches, s'enlevant ainsi le meilleur outil pour parvenir à remonter la pente.

 

Il est donc important de consacrer un peu de son énergie à la construction de ce lien, de le nourrir régulièrement par l'attention que soi-même on va offrir aux autres, par l'ouverture qu'on va offrir également aux nouveaux venus. Et parfois, ce lien peut se former sans qu'on le veuille, parce que des gens qu'on aura pas remarqués auront senti une proximité, et auront souhaité l'approfondir. Ce lien social qui s'étoffe est comme une chaude couverture, réconfortante, et plus il grandit plus il peut soulever de montagnes.

 

C'est un peu ce que Garfieldd est en train de vivre grâce au concert de protestations et de soutiens que la blogosphère lui apporte dans l'affaire qui l'oppose à sa hiérarchie et à l'éducation nationale au sujet de son blog. Et qu'il remarque aujourd'hui avec émotion (mail publié par Laurent d'Embruns). Laurent recense d'ailleurs tous les billets rédigés sur la question, les meilleurs étant à mon goût celui d'Eolas et ceux de Kozlika qui n'hésite pas à reprendre in extenso certains billets de feu le blog de Garfieldd pour démontrer l'écart existant entre le contenu réel du blog et ce qui lui est reproché.

 

Où l'on voit que, parfois, le soutien social ne vient pas uniquement des "proches" habituels, mais également de ceux qui partagent certaines valeurs, certaines convictions, et les font vivre par leurs actes.

17/01/2006

Nature, finalité et motivations de l'aide

Les habitués de la blogosphère le savent déjà tous, l'année 2006 sera celle de l'ouverture ou ne sera pas. Depuis le 1er janvier en effet, le blog Ouvrons-nous ! a fait son apparition sur la toile, prônant pour chacun de nous, comme l'indique son nom, une plus grande ouverture sur les autres. Et ses illustres parrains lui augure certainement un bel avenir. Leur objectif est notamment de promouvoir les actions associatives qui s'illustrent de toutes les façons que ce soit dans l'aide aux personnes, quelle que soit la modalité de celle-ci.

 

Certains m'ont déjà critiqué à ce sujet, mais je trouve que l'occasion est excellente pour mener une réflexion sur cette notion d'aide. Il m'est difficile de m'engager avec certitude mais j'aimerais parvenir à rédiger quelque chose de cohérent sur ce sujet d'ici quelques jours, peut-être en plusieurs billets. Mais en attendant, je vous renvoie à ce texte que j'avais trouvé il y a déjà pas mal de temps sur le site de l'association SOS suicide Phénix, qui avait invité à l'occasion de l'une de ses réunions le philosophe Jean-Pierre Cléro, pour mener une première enquête qu'il avait intitulée: "Réflexions sur la nature, la finalité et les motivations de l'aide".

 

Bonne lecture.

 

Billet suivant de la série

16/01/2006

Rêve accrocheur

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Ne pas quitter les méandres du rêve.

Rejeter a tout prix le matin naissant.

S’agripper fiévreusement aux rebords de la nuit.

Résister à l’aube qui arrache à la torpeur, résister jusqu’au bout.

 

 

 

 

Kandinsky, Petit rêve en rouge, 1925

13/01/2006

Kant et l'euthanasie

Avertissement: ce texte, comme la plupart de ceux que je poste dans la catégorie Réflexions et débats, est une tentative, l'expression de ma vision des choses. Mais en aucun cas je ne prétends être capable de répondre de façon définitive sur des sujets parfois ardus. J'essaie simplement d'apporter ma pierre à certains débats.

 

Chez Paxatagore, un débat intéressant (de ceux qui reviennent de façon récurrente sur la place publique) a lieu autour du sujet de l’euthanasie. Parmi les débatteurs, Bodpa argumente en s’appuyant sur la philosophie morale de kant et notamment sur son fameux impératif catégorique qui, dit-il, doit conduire à la conclusion qu’on ne peut en aucun cas vouloir la mort de quelqu’un et qu’il nous revient en toute circonstance de préserver sa vie. Pour appuyez l’argument de Bodpa, le mieux est encore de citer l’illustre philosophe, qui écrivit dans la section 2 des Fondements de la métaphysique des mœurs :

 

« Ainsi je ne puis disposer en rien de l’homme en ma personne, soit pour le mutiler, soit pour l’endommager, soit pour le tuer. »

 

Mes fidèles lecteurs le savent, j’ai lu ce livre de Kant avec beaucoup d’attention et d’enthousiasme, et j’ai d’ailleurs déjà utilisé la citation que je relève ci-dessus dans un ancien billet traitant du dilemme entre peine de mort et prison à perpétuité. J’y avançais que la peine de mort allait précisément à l’encontre de la philosophie morale de Kant, et que c’était un des arguments qui devait permettre de comprendre pourquoi elle devait être rejetée. Il semblerait donc très logique que je me rallie à l’opinion exprimée par Bodpa.

 

Il n’en est rien. Je voudrais proposer une réfutation de l’utilisation qu’il fait de la philosophie morale de Kant en deux parties. La première, que certains jugeront probablement peu argumentée, qui est si j’ose dire, celle du cœur. Et la deuxième dans laquelle je tenterais de montrer en quoi Bodpa va trop vite dans son utilisation de l’impératif catégorique comme argument nécessairement contre l’euthanasie, et quels éléments de la philosophie de Kant me semblent aller à l’encontre de cette interprétation.

 

Première partie.

Pour commencer, et afin de ne tout de même pas trop livrer le flanc à une critique trop forte de ma démarche dans cette première partie, je voudrais indiquer quelques éléments en faveur de cette démarche d’une réponse qui se base plus sur l’intuition personnelle, et sur ce qu’on pourrait appeler nos « intimes convictions » que sur une raison logique pure. J’introduis donc une parenthèse un peu longue, mais qui me semble en valoir la peine.

 

Un ami avec qui je discutais il y a quelques mois me rapportait le grand trouble qu’il avait vécu pendant plusieurs années lorsqu’il était dans sa phase de questions existentielles dont notamment : Quelle place/valeur accorder à la vie des hommes ? A la mienne ? Pourquoi tuer un homme ou au contraire choisir de ne pas le faire ? Il lui fut très difficile de répondre à ces questions, tout du moins il ne parvint pas à mettre dessus des mots et des idées claires qui lui permette de se positionner. Mais il trouva tout de même une réponse que j’ai trouvée tout à fait excellente et qu’il me rapporta en ces termes : « Je me sentais vraiment dans le brouillard, et puis à un moment je me suis dit : « mais après tout, pourquoi me poser ces questions dans ces termes-là ? Tuer quelqu’un, est-ce que j’en ai envie ? Voilà la seule question à laquelle j’ai besoin de répondre ! Que je parvienne à expliquer par a+b pourquoi mon choix est le bon, peu importe. Ce qui compte c’est qu’au fond de moi je sens que c’est la bonne réponse, que je me sens en paix avec ce choix. Le reste… »

 

Excellente réponse oui. Chercher en tout à répondre par la raison ou par des éléments argumentés et balisés par la logique n’est pas nécessairement une bonne démarche. Elle peut être une pure perte de temps, si ce n’est parfois même contre-productive. Et c’est avec un zeste d’ironie que je rappelle ici que Kant lui-même indiquait dans la première section des Fondements de la métaphysique de mœurs, que l’intuition était à n’en pas douter un bien meilleur guide que la raison dans la poursuite du bonheur, et donc dans la prise d’une grande partie de nos décisions. Proposer une opinion de cet ordre ne me semble donc pas ridicule, et peut-être même y trouvera-t-on au final les arguments les plus justes. Fin de la parenthèse.

 

Mon opinion intuitive sur la question de l’euthanasie est qu’elle est un recours qu’on doit pouvoir envisager pour soulager une personne qui souffre de façon excessive et pour laquelle on n’a pas de solution raisonnable pour soulager ses souffrances. Bodpa avance, et en cela il est cohérent, qu’il faut développer les soins palliatifs afin d’atténuer la douleur des patients. Evidemment si ce développement est tel que les gens peuvent être maintenus en vie dans des conditions satisfaisantes, le problème est résolu pour une grande partie. Mais est-ce le cas aujourd’hui ? Que fait-on en attendant que ces soins soient suffisamment développés ? C’est à ces questions qu’il faut répondre. Dire aujourd’hui qu’il faut les développer, et qu’en attendant on doit « à tout prix préserver la vie » c’est en fait botter en touche. Oui il faut développer ces soins. Mais cela ne résout en aucun cas la situation des malades qui aujourd’hui expriment le désir de faire cesser leurs souffrances par la mort.

 

En fait ma réponse est différente de celle de Bodpa car nous n’abordons pas la question avec la même priorité en tête. Dans sa vision, la vie et sa défense intervient avant tout autre considération, tandis que ma priorité c’est le refus de toute forme de maltraitance. Je trouve intéressant de souligner ces priorités car on voit bien que fondamentalement nous avons tous les deux une intention de départ relativement similaire et au moins aussi louable l’une que l’autre. Mais ce sont les conséquences de ces intentions qu’il convient d’analyser pour comprendre ce qu’elles signifient véritablement. Faire cette distinction permettrait d’ailleurs bien souvent à des débatteurs de s’apercevoir par surprise qu’ils ont beaucoup plus de choses en commun que ce que les apparences de leurs discours peuvent laisser à penser.

 

Je me place simplement dans la position d’une personne qui aurait à affronter les plaintes répétées d’un malade, son désarroi, et l’impuissance du centre hospitalier ou de la clinique dans lesquels je serais à répondre à ces appels. Le dilemme est énorme. Je ne crois d’ailleurs pas que ce soit une décision simple, et encore moins un geste simple pour un médecin ou une infirmière, que de décider l’arrêt des appareils qui maintiennent une personne en vie. Ils doivent en avoir gros sur la patate lorsqu’ils en arrivent à de telles extrémités, qui sont en elles-mêmes des aveux d’échecs, presque des dénis du métier qu’ils exercent. Mais quelle douleur que de faire durer la douleur ! Et ce serait un seul principe, moral me dit-on, qui devrait m’interdire de soulager mon patient ? Admettons que ma tête ne sache pas quoi répondre. Mon cœur lui dit non, pas d’accord pour suivre ce principe aveuglément et quoi qu’il en coûte. Surtout pas quoi qu’il coûte.

 

Seconde partie.

L’utilisation par Bodpa de l’impératif catégorique de Kant me semble pour le moins partielle et rapide. Trop manichéenne pour être vraiment juste. Car il ne suffit pas de citer une phrase de Kant comme je l’ai fais plus haut pour dire « boum, voilà la vérité à laquelle on doit se rattacher ». L’argument est tout de même un peu plus subtil que ça.

 

Que dit l’impératif catégorique ? « Toujours se conduire de telle sorte que je puisse vouloir que ma maxime s’érige en loi universelle. » Si on lit bien ceci, on s’aperçoit que brandir l’impératif catégorique, comme argument définitif que l’euthanasie doit être refusée, est en fait parfaitement factice. Parce que la question qu’on a à se poser une fois cet impératif brandit est : « la possibilité de l’euthanasie peut-elle donc devenir une loi universelle ? » Et on en revient donc tout bonnement à la question de départ : faut-il légaliser l’euthanasie ? L’impératif catégorique n’a rien résolu du tout. L’utiliser revient donc dans le fond à répondre « Il ne faut pas, parce qu’il ne faut pas. »

 

Cependant, il est plus ardu de répondre à la citation de Kant que j’ai relevée en premier. Si l’on ne peut user en rien de l’homme pour le tuer, comment tolérer l’euthanasie ? Ce que Bodpa ne perçoit pas, ou de façon partielle il me semble, c’est que cette idée de Kant  est une balise certes essentielle, mais qu’elle ne se situe pas moins dans un contexte de réflexion qu’il ne rappelle pas. Kant ici en est à démontrer en quoi l’homme est une fin en soi, et doit toujours être considéré en tant que tel, et non comme un moyen. Il ne doit donc en aucune circonstance être instrumentalisé, que ce soit par les autres ou par lui-même, sans être en même temps considéré comme une fin (en entreprise par exemple il est bien normal qu’on « utilise » la main d’œuvre, mais les individus qui la compose doivent (devraient) toujours être considérés comme des fins).

 

Mais que signifie précisément que l’homme est une fin en soi ? Qu’est-ce que cela implique ? Pour ma part, je le comprends ainsi : il s’agit essentiellement de préserver notre humanité, notre caractère humain. De faire vivre ce qui en nous est propre à l’homme. C’est ainsi que Kant critique la position du paresseux, qui s’il conserve sa vie, n’est pas moins en contradiction avec l’expression pleine de celle-ci. La paresse est compatible avec la conservation de la vie, mais pas avec son accomplissement. Dans cette mesure, le paresseux corrompt son humanité, partant, ne la préserve pas, et donc ne répond pas à l’impératif moral de Kant.

 

La question à laquelle il faut désormais répondre est donc : maintenir une personne en vie contre sa volonté et en dépit de ses souffrances est-il compatible avec la préservation de son humanité ? Bodpa me répondrait peut-être immédiatement qu’en le privant de sa vie on ne peut certainement pas préserver son humanité puisque précisément il n’en a plus l’usage. Humm… Qu’on ne préserve pas sa vie, certes, mais qu’il en aille de même concernant son humanité, voilà qui mérite une analyse plus approfondie.

 

Tout d’abord répondons à l’anglaise. Quid de la préservation de l’humanité d’une personne qu’on conserve ici à l’état de légume, et là en état de perpétuelle souffrance ? Est-ce bien son humanité que l’on préserve ainsi ? L’image que certains s’en font peut-être, mais si le patient lui-même pouvait répondre je ne suis pas sûr qu’il émettrait le même avis. Pour être clair, j’ai même l’impression que c’est souvent la sensation de cette perte définitive du caractère humain de la personne qui constitue l’argument final en faveur de l’euthanasie. On voit déjà à ce niveau qu’il y a un conflit entre l’exigence de conservation de la vie et l’exigence de conservation de l’humanité de la personne. Ce seul conflit montre bien à mon sens qu’il est trop caricatural de brandir Kant comme argument définitif censé démontré que l’euthanasie est immorale.

 

Il faut bien admettre toutefois qu’il n’est pas aisé de résoudre ce conflit. Pour moi la réponse réside dans la priorité avec laquelle j’aborde ce type de problématique : toujours faire en sorte qu’un homme se sente homme, qu’il soit traité comme tel (donc qu’il ne soit pas maltraité), et qu’il conserve la possibilité de l’accomplissement de son humanité. Je crois que tous les grands arguments, même ceux issus de la lecture des philosophes les plus admirables, s’ils ne sont au final que des mots sur du papier, mais ne tiennent pas compte des réalités des personnes, de leur vécu, perdent complètement leur force. Ce ne sont plus que des lettres mortes, sans aucune vérité. Et ils peuvent alors devenir dangereux. C’est la raison pour laquelle il m’apparaît en fait tout à fait indispensable d’inclure ses intimes convictions, ses idées du cœur, dans ce type de réflexion.