04/12/2005
Yaourtide aigüe
A la demande de Quisti que j'ai vu ce soir, je voudrais aborder un sujet des plus sérieux, et qui recquiert votre plus grande attention, donc merci à ceux du fond de faire silence. S'il vous plaît, je ne le répèterai pas, et on arrête de se lancer des bouts de papier aussi. Merci. Bien, ce soir Pikipoki va vous apprendre à manger un yaourt, mais attention, pas n'importe comment. Il ne s'agit bien sûr pas d'une banale méthode qui permet vaguement de terminer un pot et de passer à sa clémentine ensuite, non, là c'est scientifique, c'est précis, c'est afuté (qui a chuchoté "pshychotique" ?)
C'est une méthode que j'ai mise au point il y a déjà quelques années, un peu involontairement d'ailleurs, comme si je la portais dans mon sang et mes gênes depuis mon enfance, un peu comme d'autres semblent être nés qui pour trouver la théorie de la rélativité générale, qui pour trouver le vaccin contre la grippe, qui encore pour faire le tour du monde en 80 jours. Et je dois dire que chaque audience qui eût la joie et l'honneur d'assister à une scène où je mange un yaourt en a toujours conservé un vif souvenir, teinté d'amiration et d'hébétude. Je me souviens même que quand j'étais en prépa, mes camarades guettaient les fois où je prenais un yaourt pour finir mon repas, attendant ensuite fébrilement le moment où je m'en saisirais, afin d'observer, yeux écarquillés, la fascinante manoeuvre. Et ils restaient là, émerveillés, 10 autour de moi à me scruter pour ne pas perdre la moindre miette du spectacle. Encore aujourd'hui je n'ose imaginer la jalousie que cela a dû susciter chez les tables alentour.
Mais revenons à nos pots de yaourt. Evidemment, je réserve ma démonstration pour le pot de yaourt standard, le bon Mamie Nova nature, que je ne vais d'ailleurs pas sucrer, malgré mon goût pour le sucre, pour pouvoir appliquer ma méthode dans les meilleurs conditions.
Primo: se saisir vigoureusement, mais pas violemment afin de ne pas le faire éclater, le pot de yaourt, dans sa main gauche (enfin là c'est pour les droitiers, les gauchers vous faites l'inverse, et les contrariés d'un sens ou de l'autre vous vous débrouillez).
Deuxio: avec la même vigueur saisir avec la main restante une petite cuillière standard (pas les petites cuillères de bébé qui sont allongées dans l'autre sens). Attention, l'essentiel de la technique dépend de cette saisie. Ferme donc, précise (pas de bras qui tremble s'il vous plaît), affutée (on dirait presque une pub Sharp mon truc).
Tertio: on y va. On enlève d'abord l'opercule protecteur avec finesse, il ne doit surtout pas se déchirer en route, sinon vous avez déjà perdu et vous pouvez donner votre yaourt au chien (pas à la poubelle parce que bon il ne faut pas jeter la nourriture). Le mieux c'est ensuite soi d'être seul, soi entouré de gens habitués, pour pouvoir lécher ledit opercule. Et oui, car alors on est bien plus précis pour en retirer toutes les particules yaourtiennes. A la petite cuillère, il en restera toujours un peu. Mais enfin si vous êtes à un dîner d'affaire ou à une présentation aux parents de votre copine (ou copain), je conseille tout de même d'adopter le deuxième solution.
Quarto: en revanche la suite ne souffre aucune restriction. D'une façon ordonnée, et en rythme, manger progressivement chaque coin du yaourt, en dessinant une croube descendante dans celui-ci. On devra à un moment (en général après le deuxième ronde) faire une halte pour attraper la petite pointe de yaourt qu'on aura ainsi formée au centre. Cette pointe semange bien entendu sans entamer les bords restants. On continue ainsi jusqu'à finir les bords situés au fond du yaourt.
Quinto (je ne suis pas sûr que ce soit comme ça qu'on dise, mais enfin reconnaissez qu'on s'en fout): terminer le fond du yaourt en appliquant la même méthode rotative, jusqu'à éliminer toute trace de yaourt. On pourra (pour les plus maladroits ou les débutants) racler un peu les bords sur lesquels seraient restés quelques résidus lactés.
Sexto (là je suis à peu près sûr de moi): poser son yaourt rendu état neuf (mais vide) eu milieu de son assiette, et sa cuillière sur le bord de l'assiette. L'opération en tout ne doit pas prendre plus de 15 secondes.
Voilà, vous êtes enfin parés pour manger vos yaourts scientifiquement. Vous ferez des jaloux vous verrez.
22:25 Publié dans Un peu de rire | Lien permanent | Commentaires (5) | Facebook |
02/12/2005
Mots perdus
Lenteur résolue aux ombres
des pas si peu décidés,
des élans avortés.
20:05 Publié dans Un peu de poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
01/12/2005
Pensée au matin
Enfin un nouveau billet sur la gestion du stress. je dois dire qu'il va désormais m'être difficile d'en ajouter beaucoup. En effet la gestion du stress, si elle est une discipline riche offre toutefois moins matière a disserter que l'actualité par exemple qui par définition apporte régulièrement de nouveaux sujets. Avec les billets que j'ai déjà rédigé dans ce domaine donc, j'ai un peu l'impression d'avoir fait le tour de l'essentiel, et ce que je pourrais ajouter serait plus de l'ordre de la reformulation. J'invite donc mes lecteurs intéressés par la question à s'en retourner vers mes anciens billets, ou s'ils le souhaitent à m'adresser des demandes spécifiques sur tel ou tel point. Je n'aurais peut-être pas toujours la connaissance suffisante pour les aborder de façon complète, mais je ferais de mon mieux et cela permettrait un échange certainement très intéressant.
Aujourd'hui, ce n'est pas un billet de fond que je propose, mais plus une suggestion, une idée à mettre en pratique et qui permet d'orienter sa vie de façon positive et joyeuse. Je l'ai déjà reprise sur mon site de gestion du stress dans la rubrique "friandises", et cette idée vient de la lecture d'un livre de Richard Carlson intitulé, Ne vous noyez pas dans un verre d'eau (un livre intéressant et que je conseille, même si pour ma part je ne reprends pas les idées rattachées à la croyance en Dieu, puisque je ne suis pas croyant).
Une des meilleures façon de bien commencer sa journée c'est, juste au moment où vous vous levez, quand vous êtes encore assis sur votre lit avec ces quelques vapeurs de rêves qui s'accrochent encore à vous, de penser à quelqu'un, et de lui adresser par la pensée un message de sympathie, d'amour. Cela peut être n'importe qui, une personne proche, un ami, un collègue, un inconnu croisé la veille et dont le visage vous revient. Ce qui compte, comme toujours, c'est la profondeur et la sincérité de votre démarche. Si vous ne sentez pas vraiment en vous résonner le message de votre pensée, alors c'est inefficace.
Une fois que vous avez trouvé la personne, vous lui envoyez une message du type: "je te souhaite une très bonne journée, pleine de joie et de bien-être". Le mieux c'est que vous trouviez vous-même la formulation qui vous convient, qui peut bien sûr changer selon la personne à qui vous adressez votre message. Laissez aller votre spontanéité pour cela, elle fera très bien les choses. Cela permet de démarrer sa journée sur un sentiment positif, et ainsi de se conditionner en quelque sorte à être plus heureux, plus léger, et également plus attentif aux autres. Et peut-être vous apercevrez-vous parfois de ce que vous avez oublié de dire aux gens de vive voix ...
P.S: certains penseront peut-être que cette idée est un peu trop parfumée à l'eau de rose. Mais prenez le temps d'y réfléchir. C'est pour vous.
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28/11/2005
J'ai viré dingo
Non non j'ai pas viré le pote à Mickey de Disneyland, non j'ai viré dingo, moi je veux dire, je suis devenu malade du dessus du cou, accidenté des cellules grises, dérangé du spongieux. Bon j'vous esspique:
La semaine dernière j'étais en déplacement professionnel dans le sud ouest entre Bordeaux et Angoulême. J'avais pris une voiture de location pour effectuer mes trajets hôtel-agence ainsi que pour faire la liaison entre les deux villes. Et à Angoulême, vendredi matin, surprise, plus de voiture! La veille j'avais pas mal tourné en rond dans le centre ville pour trouver une place de parking parce que l'hôtel n'en a pas. J'ai tourné, tourné, et j'ai fini par me garer dans une rue, en contrebas donc. Et le matin en y retournant, plus de voiture, redonc.
Ma première réaction fut de me dire: "merde, j'aurais dû noter l'adresse exacte de l'endroit où je me suis garé". Oui je fonctionne toujours comme ça, je ne note pas l'adresse mais je repère les lieux visuellement, et en général ça me suffit. Mais là, comme j'avais pas pris l'adresse et que c'était la première fois que je venais à Angoulême, ben j'ai commencé à me dire que c'était moi qui ne me souvenais plus de l'endroit où je m'étais garé. Finaud quoi. Alors je commence, avec mes bagages et un sympathique mal de dos, à tourner dans les rues adjacentes pour vérifier si la voiture ne s'est pas déplacée toute seule pour me faire une blague. Au bout de quelques minutes je m'agace, surtout avec mes bagages qui me fatiguent, et puis je décide que bon, ça va bien, je vais reposer mes bagages à l'hôtel et continuer à chercher. Je redescends de l'hôtel vers l'endroit supposé où je me suis garé, et je m'aventure un peu plus loin que précédemment pour vraiment bien vérifier.
Mais rien à faire, pas de voiture. Super. Bon alors coup de téléphone au directeur de l'agence: "oui bonjour, je vais être en retard car ma voiture de location a été volée. - Ah mince. Bon je viens vous chercher, et on ira au commissariat faire le dépôt de plainte ensemble. -Bon à tout de suite". Entre le commissariat qui n'a pas les papiers nécessaires, l'agence, re le commissariat, l'attente et tout, ma matinée est entièrement bouffée. Mais enfin l'affaire se termine pas trop mal: véhicule volé "ça arrive souvent" me dit le sous-brigadier qui enregistre ma plainte avant de me raconter qu'il est quelqu'un hors du commun et qu'il va d'ailleurs bientôt écrire un livre à nul autre pareil pour raconter sa vie (je suis impatient de voir ça à la Fnac). Je me sens donc un peu rassuré et me dis que bon, je me suis pas planté, j'étais bien garé là où je pensais et tout rentre dans l'ordre.
Sauf que depuis la voiture à été retrouvée intacte, porte fermée, sur les remparts de la ville, donc EN HAUT par rapport à l'hôtel. "Hin, quoi?" que je fais à l'agent de police préposé aux appels aux handicapés. "Ben oui votre voiture on l'a retrouvée de l'autre côté du centre ville, sur les remparts, pas très loin remarquez. - Mais c'est impossible je l'ai garé en bas, même qu'il y avait un petit parking en épis sur le côté, où je me suis pas arrêté au premier coup, je suis descendu un peu j'ai vu qu'il y avait quelques places mais comme je voulais pas me garer trop loin je suis remonté vers le parking aux épis, mais comme il était plein finalement je me suis garé encore un peu plus bas. - Ben oui mais là elle est sur les remparts la voiture. - Bon.... ben merci."
Bon, j'ai peut-etre une explication. Vous savez il y a l'histoire de la loi du chaos là en sciences hin. Et puis des trucs où qu'on y comprend pas tout, comme l'autre fois où mon pote (qui est vachement calé en sciences, je fais quand même attention à mes sources) m'a expliquer qu'en théorie il est possible qu'on joue au passe-muraille sans se cogner parce que les atomes ils peuvent ne pas vouloir se rencontrer, surtout si ils peuvent pas se blairer (le problème donc me suis-je alors dit, c'est que les atomes humains et les atomes muraux ils s'aiment bien). Et puis je me souviens aussi du film JFK, quand Kevin explique à l'assistance médusée qu'en physique théorique on peut démontrer qu'un éléphant peut rester suspendu au dessus d'un ravin la queue accrochée à une pâquerette. Alors si le coup du mur et celui de l'éléphant ils sont vrais je me dis qu'il est aussi possible d'imaginer que le sol se déplace, sans nous entraîner avec lui. Du coup, ce qui a pu se passer c'est que durant la nuit, la ville d'Angoulême s'est mise à tourner sur elle-même, autour d'un axe qui passe par mon hôtel, SANS ENTRAINER MA VOITURE DE LOCATION MAIS EN PRENANT TOUT LE RESTE, puis elle a refait un tour un peu plus tard, après qu'elle se soit bien amusée, pour quand même pas que ce soit trop le bordel pour les gens le matin, CETTE FOIS-CI EN PRENANT MA VOITURE AVEC LE RESTE. Du coup ma voiture ne s'est pas retrouvée au même endroit. C'est un peu comme un manège mais avec un moment de flottement où un des canassons ne suit pas le mouvement du reste vous voyez?
J'ai rendez-vous chez le docteur cet après-midi. Je crois que je devine sa prescription...
12:20 Publié dans Un peu de tout | Lien permanent | Commentaires (10) | Facebook |
26/11/2005
Totalitarisme, humanisme et révoltes urbaines
Billet précédent de la série
Je découvre à mon retour chez moi les différents sujets qui ont agité la blogosphère pendant ma courte absence. Et c’est avec un peu de surprise que je vois que Finkielkraut est en première ligne suite à sa récente interview dans Haaretz reprise partiellement par Le Monde. Je ne compte pas revenir sur cette interview qui a déjà été analysée notamment chez Jules, mais en continuant ma note de lecture de La sagesse de l’amour de Finkielkraut je trouve matière à apporter des éléments intéressants au débat, et également à proposer, enfin ?, mon commentaire sur les récents évènements en banlieue (puisque Diner’s room m’a très sympathiquement classé dans les commentateurs de l’actualité politique).
Tout d’abord revenons un peu à la description que j’ai déjà faite des sources du totalitarisme ici ou là. En réfutant le visage de l’autre, en lui faisant porter le masque de ma propre interprétation de ce qu’est sa personne, je néglige la responsabilité qu’il me donne de prendre soin de lui. Mais surtout, je réfute sa qualité d’humain, je ne le réduis plus qu’aux qualificatifs dont je l’ai paré. Il n’est plus homme mais représentation que je fais d’un visage, il devient une image figée, une icône représentative de ce que je veux bien qu’elle soit représentative. Je l’ai réduit à des idées reçues, j’ai transformé son territoire pour le remplacer par ma carte et je lui interdis désormais d’être autre chose que cette carte. Car s’il réaffirme la réalité du territoire qu’il représente il m’oblige à lui, ce que je refuse.
Dès lors le totalitarisme peut prendre place, « sereinement » si je puis dire. Car l’autre n’étant plus homme, il n’y a plus aucune notion morale qui saurait constituer la moindre base de jugement de ce que je vais lui faire subir. Je peux à loisir « le mutiler, l’endommager ou le tuer » sans avoir à ressentir de culpabilité pour cela. Car ce n’est pas un homme que je torture, c’est une icône, un masque de papier. Finkielkraut développe cette idée à travers une analyse de l’histoire de Germana Stefanini, retenue prisonnière par les Brigades Rouges.
Germana Stefanini est jugée par les Brigades Rouge en tant que gardienne de la prison de Rebbibia, en tant que rouage du système contre lequel les Brigades Rouges prétendent se révolter. Et lors de ce procès devant leur tribunal de la Révolution, il apparaît immédiatement que ce n’est pas Germana Stefanini qui est jugée, mais seulement le système dont ils l’ont rendue représentative. Finkielkraut rapporte une partie des minutes du procès qui montrent bien combien sa personne n’est à aucun moment prise en compte. Sa réalité, son « vrai visage » est tout entier inscrit dans l’histoire qui l’englobe. Elle n’est pas Germana Stefanini, elle n’est plus que la gardienne de la prison symbole du régime politique qu’ils combattent. C’est le ‘système’ auquel elle appartient qui parle en elle. Ses mots ne sont plus analysés que comme aveux de son appartenance à son milieu. Quoi qu’elle dise elle ne dit rien d’autre que « je suis la gardienne de la prison de Rebbibia » dans les oreilles de ses ravisseurs. Et il suffit qu’elle prenne la parole pour qu’on la lui retire simultanément, la privant de son altérité, la privant de son visage. Elle est réduite (à un point tout à fait extrême) à sa fonction et n’est plus personne. La tuer devient alors « logique », car cela participera de la grande lutte contre un régime honnis, pour un plus grand bien collectif.
Le totalitarisme c’est donc faire parler en l’autre, contre sa volonté, son origine, son passé, son environnement. C’est réduire la signification de ses paroles aux éléments externes qui ont pu influencer son parcours, et ainsi lui enlever la parole, le priver littéralement de « ses » mots. Le discours n’est plus qu’agitation de la langue et des lèvres, il est privé du logos, réduit aux éléments extérieurs qui participent de sa construction, d’une part de son déterminisme. L’individu, une fois cerné par l’interprétation faite de son « milieu », peut donc toujours pleurer et protester, rien n’y fera. Il n’est plus homme, il n’est qu’une façade de plus dans le paysage d’un système qu’il faut détruire. Ainsi, Finkielkraut écrit que la maxime du totalitarisme peut se résumer à cette phrase : « c’est la société en toi qui est coupable, tu dois donc disparaître. »
Mais Finkielkraut va encore plus loin en trouvant dans le mouvement humaniste moderne des fondements similaires à ceux du totalitarisme. Et voici où j’en viens au débat actuel sur les récents évènements de nos banlieues. Finkielkraut montre que l’humanisme moderne, et on l’a vu dans certains commentaires de responsables politiques sur les problèmes des banlieues, disculpe les fauteurs de trouble, les innocente, en faisant également parler en eux la société, leur milieu. Les jeunes qui jettent des pierres sur les casques des pompiers ne sont plus perçus comme agissant à leur compte, mais comme vecteurs d’un mouvement guidé par leur environnement. Ils ne sont plus coupables mais victimes. L’humanisme leur dit : « C’est la société en toi qui parle, donc tu es innocent. » Si la conclusion de l’humanisme est indubitablement moins destructrice que celle du totalitarisme, du moins elle se fonde sur un processus tout aussi trompeur qui fait autant oublier à ceux qui la prononcent la qualité d’homme des individus pris en compte. Et il leur enlève toute responsabilité quant à leurs actes. « Les hommes ne sont plus responsables, ils sont possédés » écrit Finkielkraut.
On doit bien admettre il me semble qu’il y a une vérité très forte dans cet argument. Disculper des individus qui cassent, brûlent, sous le seul prétexte des errements de la société dans laquelle ils sont est pour le moins léger. Cette tendance à la déresponsabilisation est un risque très grand que l’on fait prendre à un pays. Et j’ai bien peur qu’on en voit encore des avatars tant elle semble fortement ancrée dans la bouche de certains.
Mais pourtant, je crois qu’on peut formuler une critique de l’argument de Finkielkraut. A mon sens il pousse trop loin sa critique de « l’humanisme » moderne. Car il semble tenter de déraciner totalement l’homme de son milieu afin que l’on entende plus en lui que la voix qui lui est propre et que les échos, même les plus ténus, de son histoire individuelle s’effacent. Il procède ainsi à une désincarnation complète de l’individu. Celui-ci n’est plus lui au milieu des autres et du monde, et ne reste que lui-même, et c’est tout. Certes ce qu’il nous rappelle de la nature de l’altérité devrait être réintégré dans notre vision moderne des rapports humains, mais le visage n’est pas qu’une entité abstraite, une sorte d’Idée platonicienne de mon vis-à-vis. Et si celui-ci ne saurait être réduit à ses épithètes, il ne peut pour autant être déraciné de son environnement si l’on désire le comprendre (c’est-à-dire le saisir, en « faire le tour » en quelque sorte). Ainsi si son déterminisme doit être déconstruit et sa place dans l’identité de l’individu démystifiée, on ne peut pour autant nier la réalité des expériences que celui-ci a vécu, et qui ont contribué à faire de lui ce qu’il est. Certes il n’est pas ce qu’il fait, mais il reste tout de même le résultat complexe d’une construction, d’une éducation, à laquelle son environnement, son histoire participent à 100%. Et l’en extraire ainsi serait à mon avis exercer sur lui une autre forme de violence dont Finkielkraut ne parle pas dans son livre, mais qui me semble tout aussi aigue.
Je me souviens d’une phrase lue chez Albert Jacquard dans son petit livre Petite philosophie pour les non philosophes qui disait : « je suis les liens que je tisse avec les autres ». Je trouve cette idée très intéressante. A mon sens il y a en quelque sorte deux moi qui cohabitent chez un homme : le moi individuel, le moi « ontologique », et le moi collectif, le moi avec les autres. C’est à ce deuxième moi que Finkielkraut pourrait faire violence s’il déracine trop l’individu de ce qui le construit.
Et pour incarner un peu plus ce sujet, il me semble qu’il y a une notion fondamentale qui doit être analysée pour bien comprendre le phénomène des révoltes urbaines : l’espoir. J’ai vu récemment un reportage que j’ai trouvé intéressant et qui illustre cette idée. Des associations intéressantes ont vu le jour dans certaines banlieues. Elles offrent notamment leurs services pour aider les habitants de ces quartiers à trouver un travail, une activité. La jeune fille interviewé expliquait ainsi (je cite en gros) : « quand on réussit à faire évoluer positivement le parcours d’un jeune, et qu’on peut l’accompagner jusqu’à ce qu’il trouve un travail et qu’il puisse vivre une vie normale, on sait que c’est très important : parce que les autres voient que c’est possible, alors ils peuvent commencer à espérer. » Je crois pour ma part que si on ignore cet axe de réflexion et d’action on ne peut pas proposer de solution à long terme.
Pour faire (très) court je dirais qu’il faut responsabiliser (c’est-à-dire entre autres choses faire appliquer la loi) et donner espoir. Les deux sont aussi indispensables l'un que l'autre.
Edit du 30 novembre: je conseille la lecture du dernier billet de Damien qui revient de façon intéressante sur la notion d'antiracisme chez Finkielkraut.
Billet suivant de la série
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20/11/2005
Aube trompeuse (dyptique, seconde partie)
Encore, le matin frêle se lèvera.
Et rapportera les doutes que les rêves n'auront pas effacés.
Blog en pause jusqu'à vendredi au soir.
23:30 Publié dans Un peu de poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
Nuit d'hiver (dyptique, première partie)
Ciel nocturne,
grisant, empressé.
Gorge les silences de sa froide douceur.
Puis, le rêve chaud
et enveloppant.
Photo de Bernard Plossu
00:15 Publié dans Un peu de poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
17/11/2005
Blog et cosmétique
J'ai effectué quelques modifications de forme sur ce blog. D'abord le titre et le sous-titre. Ce dernier était particulièrement vaseux, et si le nouveau n'a rien d'extraordinaire, il me semble tout de même plus clair.
Mais surtout les catégories qui étaient franchement en pagaille et qu'il était temps de réordonner. J'en ai supprimées quelques unes, en conservant les billets qui y étaient pour les introduire soit dans des catégories déjà existantes soit dans de nouvelles catégories. Ainsi Divertissons-nous et Détournements ont été intégrées à la catégorie C'est pour de rire, les catégories Haïkus et Poésie ont fusionné pour devenir Haïkus et poèmes (c'est fou ces changements), et enfin la catégorie Général a disparu au profit de la Bloguitude. J'en ai également profité pour modifier certains billets de place. Les catégories Comme ça (je tiens à ce titre, même s'il ne veut sans doute pas dire grand chose pour vous) et Général notamment faisaient vraiment fourre-tout.
Voilà. C'était vraiment très intéressant.
14:50 Publié dans Un peu du nombril des blogs | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook |
Aux sources du racisme et de l'antisémitisme (première tentative)
Billet précédent de la série
Bravant les problèmes techniques et même les adjonctions Languitiennes (mais elle sait que je la poutoune quand même ;o)), je vous propose, comme je l’avais initialement prévu, un billet qui prend encore son inspiration dans ma lecture d’Alain Finkielkraut. Finalement, c’est un peu une grande note de lecture cette série, mais franchement faire plus court aurait été pour le moins « léger ».
Mon intention ici est en fait de livrer mon décryptage des questions du racisme et de l’antisémitisme avant d’avoir lu les paragraphes particuliers dans lesquels Finkielkraut les aborde de façon directe, mais non sans me trouver déjà armé des réflexions que sa lecture, même si elle reste partielle, m’a ouvertes.
On a vu dans le billet précédent que l’autre en apparaissant à ma vue, m’a assigné mission de le considérer, de prendre soin de lui, de me soucier de lui. Dans la mesure où je vois son visage, où je le reconnais comme étant un visage et donc comme étant un homme, je me vois devenir responsable de son devenir. En ne m’étant plus inconnu, il m’oblige à lui. Mais bien qu’il ne me soit plus inconnu, le visage me reste en quelque sorte étranger. Il est autre, et ne se laisse pas saisir. L’altérité du visage qui me fait face est insoluble, quelques soient mes efforts, je ne parviendrais pas à le cerner, à le connaître. A chaque mouvement de ma part pour m’en approcher, pour le scruter, il se dérobe et fuit par toutes les issues. Dans cette intrigue la tentation est forte de barricader l’image de l’autre, de lui désigner enfin une place fixe à laquelle on entend le retrouver, qui nous évite en réalité d’avoir à supporter cette danse incessante du visage qui s’absente. Et pour ce faire on va qualifier l’autre. On va l’entourer de qualificatifs, on va le définir pour le cerner, pour le « saisir » enfin. Et par la même opération on échappe à l’assignation qu’il nous avait donné de s’occuper de lui, de se soucier de lui. L’obligation a disparue lorsque l’on a remplacé son visage par un masque que nous avons nous-même dessiné.
Dès lors, on fait perdre à l’autre sa qualité d’humain. Il n’a plus de visage, et rien à nos yeux ne saurait désormais le reconnaître comme homme. Il n’est plus qu’une image figée, une icône de ce que nous avons finalement voulu voir en lui. C’est bien pour cela que la tendance à coller des étiquettes sur les fronts est si répandue. Cela nous évite d’avoir à véritablement regarder l’autre, nous esquivons sa présence en lui enlevant son caractère vivant puisque nous l’avons figé presque comme une statue. On comprend bien que toutes les formes d’intolérance, de discrimination, jusqu’aux plus grands totalitarismes, peuvent facilement prendre leur source dans une telle forme de définition, de qualification de l’autre. Car l’autre n’est plus, il ne reste que ses descriptifs qui ont annihiler son existence, sa présence. Dès lors il m’est loisible de « le mutiler, de l’endommager ou de le tuer » puisqu’il n’est plus homme. Je ne tue plus personne lorsque je tue une icône ou une caricature.
C’est donc ici que viennent prendre place le racisme et l’antisémitisme. A ce niveau, j’avance dans ma réflexion avec prudence, conscient qu’il me manque certainement quelques outils théoriques pour être plus précis. Il me semble tout d’abord qu’il faut distinguer le racisme et l’antisémitisme. Certes ils ont une souche identique, mais je crois tout de même utile de leur réserver une analyse différenciée. Chaque chose en son temps donc. Commençons par le racisme. Il est je crois une forme accentuée du rejet du visage de l’autre. Parce qu’il me semble que Finkielkraut oublie d’indiquer un détail dans son analyse (punaise, je critique une analyse philosophique de Finkielkraut maintenant… on aura tout vu ici) : c’est que face à la responsabilité que l’autre m’assigne, ma première réaction va être de chercher tout moyens pour me dérober à sa requête. Et si son visage, tout en étant autre, m’apparaît très semblable, alors je peux feindre, et utiliser sa similarité pour prétendre ignorer sa différence. Ou tout du moins je peux me sentir moins en porte-à-faux d’agir ainsi face à un visage dont les traits et la couleur me seront proches.
Et ce seul ressenti, qui atténue l’impression de responsabilité, est déjà beaucoup. Mais plus la différence de l’autre est difficile à nier plus la force de la responsabilité qu’il m’assigne se fait éclatante et pesante. Le racisme envers le noir (pour un blanc, ou du blanc pour un noir) se loge là je crois. La couleur de sa peau stigmatise sa différence, il m’est absolument impossible de la nier, je n’ai aucune échappatoire pour l’esquiver. Quoi que je tente, sa couleur éclabousse son visage et me rappelle à lui à chaque tentative que je fais de l’ignorer. Cette différence est donc encore plus violente contre moi que celle du simple autre individu. Doublement violente même car sa différence remet en cause la légitimité de l’identité que je me suis forgé. Il est autre, très différent de moi, et il ose vivre comme si de rien n’était, comme si son chemin était en fait le bon. Il me dit alors qu’il est possible que je me trompe, que mon chemin soit bien loin de l’absolu auquel j’aurais voulu croire. Le seul fait qu’il mette ainsi à jour la possibilité de mes errements, et par sa seule existence, est une violence de plus. Pas étonnant que les premiers conquérants ayant découverts les populations indigènes des pays qu’ils ont découverts les ai asservis, et que la plupart du temps ils aient remis en cause la qualité d’êtres humains de ces « indigènes ». Le choc était trop fort. La remise en question trop cassante. C’est je crois en grande partie la raison pour laquelle les asiatiques sont bien mieux acceptés dans les pays occidentaux que les noirs ou les arabes. Parce que leur différence n’est pas stigmatisée de façon trop abrupte, parce qu’ils nous laisse ainsi une opportunité d’échapper à leurs visages.
En complément, je voudrais ajouter un autre point. Il me semble qu’il y a deux formes de racisme :
- Le racisme que j’appellerais « ontologique », c’est-à-dire le racisme véritablement issu de l’individu, qui n’est pas lié à des contingences.
- Le racisme que j’appellerais « social », qui naît lui essentiellement dans une logique d’affrontement, qui est conséquence d’un vécu, d’un quotidien.
Le racisme « ontologique » est celui de l’ignorance. Ce racisme là naît de la non connaissance de l’autre. C’est le racisme des campagne, de la peur de l’autre parce qu’on ne sait pas qui il est, parce qu’on ne l’a jamais rencontré et qu’il est dès lors très difficile de « l’appréhender ». Dans l’ignorance de l’autre, l’appréhension de son visage, de son identité est rendue beaucoup plus ardue. Il est encore plus fuyant, plus insaisissable, parce qu’il est encore plus indéterminé. Il devient monstre parce que ses contours me sont totalement inconnus. Finkielkraut reprend au début de son livre l’analyse que fait Levinas de l’expérience d’un enfant qui s’endort dans le noir. Pourquoi l’enfant a-t-il peur du noir? Parce que dans le noir il ne sait plus donner aux choses un contour clair. Parce que tout devient diffus, indéterminé. Le monstre qui se cache sous le lit peut avoir toutes les formes possibles et imaginables. C’est cette indétermination de l’être inconnu qui engendre la peur. Le racisme des villages est celui d’enfants qui ont peur du noir (et hop un jeu de mot, il faut aussi détendre un peu l’atmosphère de ce billet non ? Enfin je dis ça pour ceux qui sont arrivés jusque là).
Le racisme social naît dans l’adversité, dans l’affrontement qui fait s’opposer des communautés de races différentes. C’est le racisme qu’on rencontre dans certaines villes, certaines banlieues. L’autre est alors qualifié d’étranger après la rencontre qu’est la confrontation.
Je trouve important de bien faire cette distinction car elle permet de voir qu’on ne peut pas prétendre combattre le racisme en suivant une seule méthode. Le racisme ontologique se combat par l’éducation, par l’ouverture à l’autre, alors que le racisme social se combat beaucoup plus à travers des politiques économiques et sociales. Si on ne fait pas cette distinction on ne peut pas être efficace.
Venons en maintenant à l’antisémitisme. Au stade où j’en suis, je perçois deux éléments qui s’ajoutent dans l’antisémitisme. Tout d’abord il faut rappeler que le racisme contre les noirs ou les arabes fut et reste majoritairement tourné vers des populations très majoritairement inférieures aux blancs d’un point de vue social. C’est un rejet contre des défavorisés. La violence qui s’est exercée contre eux pendant tant de décennies vient en grande partie de là. Quand on tape sur un faible on fait beaucoup plus mal que quand on tape sur quelqu’un qui peut se défendre. Pendant longtemps les noirs sont restés perçus comme des sous hommes, comme des animaux même. Dès lors l’acharnement qu’on pouvait avoir contre eux était sans limite : non seulement ils n’étaient pas des hommes (donc il n’y avait aucune limite morale à la barbarie), mais en plus ils étaient faibles et dépourvus.
Le premier élément nouveau concernant les juifs, c’est qu’ils ne sont pas perçus comme une communauté faible. Cette perception engendre alors un paradoxe qui augmente l’insupportable : le visage du juif m’oblige tout autant que les autres mais en même temps il me dit qu’il n’a pas besoin de moi. Parce qu’il n’est pas faible, il s’en sort très bien tout seul. Alors même qu’il me demande de lui porter secours il m’indique combien je lui suis inutile. Qu’on me comprenne bien, cette sensation de la « force » du juif n’est pas à mon sens une réalité, elle n’est qu’un sentiment, une impression qui soutient chez l’antisémite sa réaction face au juif.
Le deuxième élément nouveau dans l’antisémitisme est celui-ci : alors que le visage du juif, parce qu’il est autre me rend responsable de son destin, il bloque a priori l’accès à lui. Avant même que j’ai esquissé l’intention de le comprendre, de le prendre en compte, il ferme la porte et me dit : « tu ne passeras pas ». Je (l’antisémite) perçois chez le juif une intention de ne pas être saisi. (ce point notamment reste faible, j’aurais besoin de le développer plus, j’espère dans un prochain billet).
Ici je me rattache à ce que j’ai appris de Laborit. Ces deux éléments que je viens d’indiquer comme étant spécifiques aux juifs renvoient tout à fait à la notion d’inhibition de l’action. Alors que dans le racisme basique contre le noir, ma haine peut se déchaîner à tout va, le juif lui me met dans une situation d’inhibition de l’action. Je ne peux rien pour lui, du moins est-ce ce qu’il me semble, et pire, il met lui-même à jour l’inutilité de mes tentatives pour l’appréhender. Voilà qui est susceptible d’augmenter encore plus ma rage et ma violence.
Il est tard, je vais arrêter ici ce billet qui est déjà un peu long. Il y a des éléments qui me laissent un peu insatisfaits, et notamment une imprécision sur certains points qu’il faudra que je revoie. Je vous livre tout de même ce texte ainsi, ce qui donnera la possibilité aux courageux qui sont allé jusqu’au bout de m’aider s’ils le souhaitent dans cette démarche.
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16/11/2005
Encore en rade
Hum, aujourd'hui nous avons eu droit au troisième blocage de blogspirit en quelques semaines. Il y en avait eu un vendredi dernier, pour installation technique, mais aujourd'hui, pas encore d'explication sur l'arrêt qui a eu lieu durant quelques heures cet après-midi.
François m'indiquait récemment dans un mail que Blogspirit lui semblait être une des meilleures plate-forme gratuite pour les blogs. Je suis assez d'accord. Mais il ne faudrait pas que ces blocages se répètent trop tout de même. Du coup alors que je comptais rédiger un billet dans la poursuite du précédent, je ne suis pas sûr du tout d'en trouver le temps avant ce soir. Je suis frustré. :o(
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