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25/07/2007

Sur le Tour de France, les perfs se succèdent ...

a16dbfe67f6150e2b86b33c8f88ec9e9.jpgCette année encore, le Tour de France propose un spectacle stupéfiant.
 
Cela a commencé avec les organisateurs qui ont encore promis au début de l'épreuve que celui-ci serait enfin celui du rachat, si si vous allez voir, parce que non mais on vous a pas dit, là les coureurs ont tous signé une charte. Si, une charte, vous vous rendez compte !
 
Puis il y a eu l'affaire Sinkewitz, suite à laquelle les médias allemands sont partis du Tour, une décision enfin courageuse et normale de la part d'un des acteurs de la grosse machine qu'est le Tour.
 
Puis les soupçons, comment dire, chargés, concernant Rasmussen, qui n'a pas respecté la procédure de diffusion de son programme d'entraînement des derniers mois, échappant ainsi aux contrôles inopinés, alors que lui-même dit à qui veut l'entendre qu'il prépare le Tour depuis l'automne dernier, et qui surtout, à l'instar des plus grands, s'est miraculeusement transformé en spécialiste du contre la montre pour compléter ainsi merveilleusement sa panoplie de pur grimpeur.
 
Et enfin, raah lovely, les primés, les ceux qui font aimé le bouzin, avec en tête de peloton Vinokourov le grand, qui applique avec zèle la méthode Landis, nous livrant deux fois coup sur coup le spectacle du courreur perdu puis incroyablement retrouvé le lendemain. Celui-là même qui fit écrire à un journaliste tout pantois, qu"il n'y a que lui pour faire ça". Ah oui ?
 
L'article, de Florian Egly, publié suite à la 15è étape victorieuse de Vinokourov, vaut d'ailleurs son pesant de cacahuètes pour le nombre de perles qu'on y trouve. Quelques extraits :
 
"Tour de France extrêmement chargé pour Alexandre Vinokourov" - Chargé, chargé, comme vous y allez...
 
"Du pur Vino
Il n’y a que lui pour faire ça. Sur une autre planète un jour. Redevenu le plus commun des mortels le lendemain. Pour retrouver les sommets 24 heures plus tard. En l’espace de trois jours, Alexandre Vinokourov a tout connu"
Ah ben oui en effet, en trois jours il a déjà fait mieux que Landis l'an dernier. C'est merveilleux quand même !
 
" La tête avait lâché
N’empêche. Il y a à peine dix jours, Alexandre Vinokourov sortait de l’hôpital avec quinze points de suture aux genoux, après sa chute dans l’étape d’Autun"
Ouais, n'empêche.
 
"«Vino», ce fils de fermier kazakh, n’est pas du genre à lâcher comme ça. A l’orgueil, au panache, à la «Vino» finalement, le coureur d’Astana a eu la réaction du champion qu’on lui connaît"  A la Vino ok, mais In vino veritas ?
 
Le plus drôle dans son cas, c'est sa défense style Chewbaca comme l'écrit versac, où après le couplet attendu sur le complot, Vino tente un truc osé (ah si quand même) en suggérant que sa chute dans les alpes à peut-être déréglé son organisme et pourrait expiquer son contrôle positif aux transfusions sanguines homologues. C'est-à-dire que selon lui, si on a trouvé dans ses veines un sang qui ne lui appartenait pas c'est peut-être parce que sa chute a entraîné une transformation de ses globules rouges. Ben tu m'étonnes, moi quand je me pète la gueule et que je m'égratigne, je change de couleur de cheveux, alors hey, pourquoi le génôme de tes globules rouges il pourrait pas changer quand ça t'arrive dans les Alpes ?
 
Mais même après Vinokourov, le meilleur restait à venir, puisqu'aujourd'hui on apprend qu'un coureur de la Cofidis a lui aussi été testé positif, cette fois-ci à la testéstérone. Et cette fois-ci, ça fait très mal à ceux qui juraient hier la main sur le coeur que eux ils sont propres. Car l'équipe Cofidis fait partie de celles qui militent activement pour un Tour propre, notamment à travers le "Mouvement pour un cyclisme crédible", qu'elle a participé au sit-in de ce matin pour protester contre les tricheurs du Tour, et que son directeur d'équipe déclarait la veille suite au cas Vinokourov que cela salissait le Tour... Il est possible que ceux-là soient un peu moins coupables que les autres, même si personnellement j'ai du mal à croire qu'un coureur puisse se doper sans que son équipe le sache, mais quand même, c'est balot. Et on ne parle pas des déclarations outrées de certains angelots auto-proclamés qui il y a quelques années étaient eux-mêmes pris la main dans le sac.
 
Il faut dire aussi que cette année encore, c'est toute la machine habituelle du Tour qui s'est mise en marche, les médias n'hésitant pas à faire appel comme hier aux symboles les plus vibrants d'un sport pur où les côtes se gravissent à l'eau fraîche. Richard Virenque est en effet intervenant direct auprès de la chaîne eurosport, et consultant sur yahoo sport (lire ses articles concernant les affaires actuelles vous a quelque chose d'assez gratouillant quand on songe que le Tour se cherche une virginité), et Laurent Jalabert, un des shootés les plus célèbres du Tour, est l'intervenant préfére de notre service public.
 
Mais pour redevenir un peu sérieux, tout ceci explique en fait le plus grand mystère humain (en tout cas à mon sens) de cette épreuve "sportive". J'y reviendrai. 
 
Edit de 23.37 : ah tiens, Rasmussen est prié ce soir de quitter le Tour par son équipe suite à la découverte d'un mensonge de sa part sur son emploi du temps du mois de juin (il avait prétendu être au Mexique pour son entraînement, alors qu'il était en Italie).

21/07/2007

Un peu de pikipoki

J'ai apporté quelques modifications de présentation du blog aujourd'hui. J'ai modifié le titre, qui ne me plaisait en fait pas du tout depuis le début, mais que j'avais la flemme de changer jusque là. J'ai également modifié le nom des catégories de mes billets, qui me paraissaient beaucoup trop fouilli. Tout n'est sans doute pas encore très clair dans cette nouvelle classification, mais ça me semble un peu mieux. Et j'ai enfin réajouté l'icône et le lien vers lieu-commun, qui avaient disparus depuis la piratage du site, ce qui date donc d'il y a déjà quelques mois ...
 
J'aurais bien aimé pouvoir apporter d'autres modifications, surtout sur le desgin de tout ça, que je trouve un peu ennuyeux, mais je ne sais pas comment faire, et je ne me sens pas le courage d'y travailler pour tout dire. Pour l'instant donc, cela reste en l'état. Si vous avez des suggestions pas trop compliquées à mettre en oeuvre, n'hésitez pas à m'en faire part.
 
Edit du 22/07 : finalement j'ai pu faire quelques modifications. J'aime mieux comme ça. :o) 

20/07/2007

Apprendre la flexibilité

72443d054e22b80c0735a8870fff5710.jpgUn certain Yog a publié un article récemment sur Naturavox un article qui me laisse mi-figue mi-raisin qu'il a intitulé : Désapprendre. Son idée centrale, comme ce titre l'indique, est qu'il nous faut parvenir à désapprendre afin de retrouver qui nous sommes (?) et d'avoir un regard neuf sur les choses. Il y a des choses que je trouve intéressantes dans son article, notamment lorsqu'il aborde la notion de conditionnements, et de la forme d'emprisonnement auquel ceux-ci aboutissent.

 

Mais il y a trop d'imprécisions et de confusion dans ce qu'il écrit pour que son article puisse vraiment apporter quelque chose d'utile à ceux qui le lisent. Lorsqu'il aborde le processus de connaissance notamment, présentant cela comme un processus d'accumulation, qui naturellement semble nous conduire plus tard à accumuler des possessions: "Plus de connaissances, plus d’expériences, plus d’argent, plus de réussites, etc." écrit-il. Je ne vois pas bien comment le lien logique entre ces éléments peut être justifié, tant le glissement d'un élément à un autre est léger.

 

Mais surtout, bien que son idée de départ, se défaire de ses conditionnements, ne soit pas fondamentalement mauvaise, Yog se trompe dans la formulation qu'il en produit, et aboutit à de vrais non-sens. Car désapprendre ne veut pas dire grand-chose. Le mot, par la démarche qu’il appelle, porte même en lui sa propre contradiction.

 

Car de quoi s’agit-il exactement ? Yog présente cela comme le fait de désapprendre tout ce que nous avons appris depuis notre naissance, nos connaissances, comme nos automatismes culturels et sociaux. Pour appuyer cette idée, il fait appel à quelques grands noms, comme Krishnamurti, qui selon lui avait une vision favorable au désapprentissage. Certains savent déjà le piège de ces références qui se suffiraient à elles-mêmes pour donner de la profondeur à une idée, alors qu’elles peuvent être utilisées à mauvais escient voire à contresens, simplement à cause d’une trop grande légèreté d’approche ou par manque de réflexion. Le billet de Yog me semble malheureusement tomber dans ce piège. J’y reviendrai un peu plus loin dans ce billet.

 

Mais comment envisage-t-on de désapprendre ? Comment fait-on pour oublier, puisqu’il doit bien s’agir de cela à un moment ou à un autre, sinon ce n’est pas de désapprendre dont il s’agit, mais de faire mine de ne plus savoir ? Voyons cela pour les deux types d’éléments qu’il nous faudrait désapprendre : nos connaissances et nos automatismes culturels.

 

Désapprendre des connaissances c’est parvenir à les oublier, pour ne plus être affecté par les réponses qu’elles nous portent à mettre en œuvre dans les situations que nous vivons. Pour oublier, de telles choses, on ne peut envisager que de se forcer à ne plus faire usage de ces réponses que nous connaissons, pour petit à petit en perdre l’usage. Plus qu’un processus de désapprentissage, c’est d’un processus de démémorisation, si l’on me passe ce barbarisme, dont il est en réalité question. Techniquement, cela semble certes possible, mais s’il s’agit de tout oublier, combien de temps cela peut-il prendre ?

 

Désapprendre des automatismes culturels, automatismes que l’on pourrait appréhender comme des connaissances pour certains d’entre eux, mais les aborder séparément me semble être plus clair, les désapprendre donc, voilà qui pour le coup pose un problème assez complexe. Puisque l’on touche là à deux éléments sensibles : les automatismes qui nous permettent d’être insérés dans le groupe social dans lequel nous sommes, qu’il nous sera difficile de rejeter étant donné ce qu’ils nous apportent, et les automatismes inconscients du quotidien, qu’il nous sera difficile d’identifier et donc également, de rejeter. Entre désagrément à perdre un gain perçu et quasi impossibilité de détecter certains éléments, l’individu se trouve en grande difficulté pour désapprendre ces automatismes.

 

On comprend donc, même si cette analyse reste très courte, que désapprendre est une démarche quasiment impossible, et on suspecte déjà sans doute, que cela n’est en réalité pas souhaitable. Et puisque j’ai lu un peu Krishnamurti, je vais moi aussi me hisser sur ses épaules pour éclairer un peu notre sujet et commencer à entrevoir quelle démarche Yog aurait pu proposer en lieu et place de celle de désapprendre. Krishnamurti, me semble-t-il, ne parlait pas de désapprendre. En revanche, l’une des idées qu’il martelait était celle de l’indépendance d’esprit, c’est-à-dire de la faculté de l’individu à s’extraire des automatismes de pensée l’environnant afin d’être en mesure de développer une vision réellement personnelle des choses, qui serait donc plus riche que de simples redites plus ou moins bien régurgités.

 

Son idée principale, me semble-t-il, était donc de parvenir à lutter contre nos propres automatismes culturels, intellectuels, sociaux, de nous en affranchir pour produire une pensée originale et neuve. Il n’est pas question pour autant de désapprendre, ce qui paraît être un objectif absurde. Mais plutôt d’apprendre à gérer nos connaissances et nos automatismes d’une nouvelle manière, afin de mieux les exploiter et de ne pas en devenir esclaves. Il s’agit donc essentiellement d’appréhender ce que l’on sait autrement que nous sommes habitués à le faire, de prendre du recul vis-à-vis de certains de nos automatismes et de nos réflexes (certaines valeurs de politesse, pour donner un exemple, peuvent être remises en cause pour mieux comprendre ce qu’elles apportent et ne pas en dévoyer l’usage – appliquer ces règles coûte que coûte, parce que c’est « comme ça qu’on fait » - pour les essentialiser en quelque sorte).

 

Il s’agit donc d’apprendre à apporter de la flexibilité à notre pensée et à nos comportements, de les dérigidifier (encore un barbarisme – c’est la marque des prétentieux apprentis philosophes que voulez-vous ;o) ). Qu’on ne se méprenne pas sur cette notion de flexibilité. Il ne s’agit pas ici de devenir adaptable à toute situation, devenant en cela un individu caméléon sans personnalité réelle, mais d’apprendre à déceler les connaissances et les automatismes qui nous enferment dans des comportements standardisés privés de sens. L’objectif n’est pas de devenir une anguille, mais de redonner un vrai sens à nos actes, afin que ceux-ci ne soient plus seulement la réponse de celui qui réagit ainsi parce qu’il a grandit dans tel groupe social (j’écris « seulement », parce qu’il me semble absurde de prétendre ne pas réagir au moins en partie à cause de cela), mais plus parce que « c’est lui ».

 

Il ne s’agit pas non plus ici de refuser d’être en partie ce que les autres font de nous. Ce refus serait lui aussi absurde puisqu’il reviendrait à exister dans un groupe et à en refuser tout ce qu’il apporte, à ne pas être un individu social, ce qui n’existe tout simplement pas. En revanche, cela signifie que l’on reste critique vis-à-vis du comportement de ce groupe et des chemins vers lesquels il nous oriente (cela nous permet d’ailleurs d’y apporter quelque chose à ce groupe).

 

Il reste alors à découvrir comment on peut acquérir cette flexibilité de pensée et de comportement. C’est un sujet long à traiter, on s’en doute, et je ne ferai donc ici que l’effleurer en donnant quelques pistes, surtout sur l’aspect comportemental.

 

La difficulté dans cette démarche est que l’on intervient en fait sur la mémoire. Les connaissances, les automatismes, tout cela est lié à la mémoire. Or le travail sur la mémoire comportementale et sur la flexibilité qui peut en découler est beaucoup plus aisé dans les premières années de la vie que lorsque l’on est adulte. En gros, si vous avez déjà la vingtaine passée et que vous n’êtes pas flexible, ça ne va pas être simple de le devenir. C’est pour cette raison que dans les premières années de l’éducation d’un enfant, il est intéressant de lui proposer des expériences variées. On suggère ainsi, par exemple, que les plus jeunes puissent dormir dans des pièces différentes sans être trop cantonnés à leur seule chambre attitrée. Et de ne pas brider leur curiosité par peur de ce qui va arriver, même si s’inquiéter est naturel (bon ça se mesure hein, vous n’allez pas non plus laisser un enfant mettre la main au feu sous prétexte qu’il va ainsi vivre une expérience nouvelle).

 

Pour le reste, je dirai qu’en grande partie il faut être attentif à tout ce que nous faisons de façon automatique et répétée, en détectant les impacts réels qu’auraient des comportements différents, afin d’identifier d’abord quels sont nos prisons comportementales, et ensuite où nous pouvons agir afin de modifier notre comportement. Il faut savoir ouvrir les yeux sur des idées répandues, être vigilant face aux effets de mode, et se demander si dans un autre contexte, à une autre époque, dans un autre pays, avec d’autres personnes, etc. on agirait de la même façon, pourquoi ? pourquoi pas ? qu’est-ce qu’on peut y trouver qui semble généralisable ? au contraire de très particulier ? des tas de questions en perspective… Pour faire court, je dirais, en imaginant que chacun de nous est une armoire (une image chouettement poétique non ?), qu’il s’agit de savoir laisser nos connaissances et nos automatismes dans leurs tiroirs, de n’ouvrir ceux-ci qu’à bon escient, et de ne pas les laisser devenir l’armoire toute entière.

 

Dernière chose rapide. Yog semble contester la logique d’accumulation des connaissances, comme si cette accumulation nous était nuisible. La aussi cela me semble trop simpliste et au final erroné. Il ne s’agit pas de ne pas accumuler ou de se désemplir et de devenir ainsi une coquille vide. Ce qui compte c’est de savoir gérer et organiser en soi ce que l’on emmagasine. D’identifier ce qui nous pollue et le séparer de ce qui nous construit.

 

Désapprendre donc, me semble être une fausse bonne idée. Cela apparaît proche des idées de décroissance, de déconstruction. Celles-ci rencontrent un franc succès chez certaines populations déçues, à juste titre ou non, par leur mode de vie actuel. Mais autant je peux saisir une certaine logique dans la décroissance (je ne dis pas une certaine justesse, juste qu’il y a une cohérence dans le raisonnement à mes yeux), autant désapprendre m’apparaît seulement flirter avec ces idées à la mode en dé- et ne pas avoir de contenu réel, tant la démarche s’avère absurde quand on la décortique. Tant et si bien que là aussi on est dans un effet de mode, et donc dans la situation inverse de celle qu’on souhaitait obtenir.

18/07/2007

Crever l'abcès des secrets

42f77c200c486a2ddd1568a76c5f288a.jpgDans le cours d'une vie, il est parfois quelque expérience que l'on garde par devers soi, dont on ne parle pas, ou seulement à ses âmes soeurs, et encore. Des moments particuliers que l'on cache, le plus souvent parce qu'ils nous ont laissé un goût amer en bouche. Ce sont nos secrets personnels, les parts assombries de notre intimité.
 
Ces secrets, sont en général bien durs à porter avec soi, surtout lorsqu'ils restent secrets trop longtemps. Pour une raison assez simple : c'est que la personne qui garde un secret de ce type se retrouve alors enfermée dans une forme de solitude dont aucune présence ne peut la sortir. Elle est enfermée de l'intérieur, s'étant rendue, par son secret, inaccessible. Cette solitude là est de celles qui nous détruisent le plus sûrement.
 
Et pourtant il n'est pas simple d'y trouver remède. Car ce qu'il faut alors à la personne, c'est une véritable oreille, quelqu'un qui peut vraiment l'écouter et prendre en compte son histoire. Tout le reste ne peut que justifier son mutisme.
 
 
Ces secrets peuvent être plus lourds encore à porter lorsqu'ils nous sont imposés par les autres, par nos proches en particulier, par notre famille. Ces choses que les autres ne doivent pas savoir et qu'il leur faut cacher, alors qu'on ne les comprend parfois pas soi-même. Il arrive d'ailleurs que l'on se voit intimer cet ordre de garder secret des événements parfaitement futiles, ce qui sans doute est moins stressant, mais qui agace plus tant la démarche est absurde.
 
Pour ma part j'ai toujours exécré les secrets de ce type. Ces mensonges imposés par les autres lorsqu'ils ne veulent pas assumer leurs choix. Quand ils ne pensent plus qu'à protéger leur tranquillité au détriment de ceux qu'ils attachent à leurs secrets. Ils ne font alors que polluer leurs semblables avec des histoires qui bien souvent ne devraient pas les regarder, ou en tout cas pas de cette manière.
 
Ces comportements sont des parasites qu'ils convient de démasquer et de dénoncer. Les secrets des autres sont les leurs, et ils ne doivent pas venir ternir nos relations avec notre entourage. Pour ma part je décourage la plupart du temps les gens qui m'entourent de me confier de tels secrets, car je n'aime vraiment pas devoir les garder. Cela ne signifie pas qu'on ne peut pas me faire confiance, mais je préfère qu'on me fasse confiance pour des choses plus sensées. Je crois qu'il ne faut pas hésiter à évoquer ce doute si l'on sent que le secret à garder risque de peser sur notre humeur et nos journées. Cela participe de notre équilibre.
 
Parfois sans doute cela n'est pas possible, pas facilement. Mais si on le peut, il vaut mieux ne pas taire les secrets.
 
 
Et peut-être en va-t-il d'ailleurs des secrets lourds comme des légers. Ceux-là non plus, il ne faut pas les taire. Les secrets légers, eux, répondent à une toute autre logique, mais les dire est la seule façon de leur donner toute leur magie. C'est ce que l'on lit dans Geai, de Christian Bobin :
 
"Un secret, c'est comme de l'or. Ce qui est beau dans l'or, c'est que ça brille. Pour que ça brille, il ne faut pas le laisser dans une cachette, il faut le sortir dans le plein jour. Un secret, c'est pareil. Si on est seul à l'avoir, ce n'est rien.Il faut le dire pour que cela devienne un secret."

16/07/2007

Un petit ajout

Très rapidement, j'ai ajouter une nouvelle liste, pour répertorier les séries que j'ai produites ici depuis le début. Vous les trouverez en dessous du logo big blogger, à gauche, en attendant que je sois un peu plus courageux et que je les place à un endroit qui conviendra mieux...

A Bercy, où l'on mange et boit sous les platanes

94de4c6f3e20b231755b20d161396d41.jpgDimanche après-midi, à la faveur d'un beau soleil, j'ai réparé une maladresse comise il y a déjà deux ans. A cette époque je découvrais tout juste les blogs. Le mien n'avait que quelques jours d'existence, et encore, pas sous la forme que vous lui voyez actuellement. Cette version-ci, sous blogspirit, aura deux ans seulement demain.
 
Mais donc cette année là, c'était en 2005, alors que je feuilletais mes premières pages virtuelles et que mon intérêt grandissait pour ces productions tantôt expertes, tantôt personnelles, parfois futiles, ou encore humoristiques, Kozlika sur son blog, proposa un pique-nique aux blogueurs qui voudraient se retrouver pour un après-midi sympathique à flaner et manger dans un parc. La démarche était simple, bon enfant, très accueillante surtout. Du coup j'avais demandé si n'importe qui, même le premier inconnu venu, pouvait participer. Bien sûr sa réponse fut positive, et je répondis alors que probablement j'y passerais.
 
Quelques jours plus tard je me ravisai, surtout pris par la timidité et la pensée de ces groupes déjà formés et au milieu desquels je ne sais parfois pas où me mettre.
 
Puis mon blog s'est un peu développé, j'ai fais quelques rencontres virtuelles, d'autres réelles, qui m'ont un peu rapproché de certaines personnes du cercle de ces blogueurs qui partagent leurs tartines. Alors cette fois-ci, j'y suis allé, pas tout à fait rassuré au début, démarrant d'ailleurs avec une bonne heure de retard, craignant à moitié de ne pas les trouver et songeant que quoi qu'il arrive je pourrais toujours manger mon sandwich tranquillement sur la pelouse du parc et piquer une petite sieste.
 
J'hésitai au détour d'un premier bosquet, choisissai d'avancer un peu plus, puis découvrai un groupe dans lequel je reconnu rapidement deux visages déjà vu sur la toile: ceux de Kozlika et de Samantdi. C'est elle d'ailleurs, Samantdi, qui me voyant hésiter dans le dos des autres arrivants, me fit la première un sourire pour m'indiquer que oui, c'était bien là le repas des blogueurs. Puis de franchir une jambe, de se présenter, et de m'embrasser gentiment lorsque je lui dis mon pseudonyme.
 
J'ai passé ensuite un moment très agréable, sans doute pas encore tout à fait libéré ne connaissant que peu de monde, et n'étant connu de presqu'aucun des présents. Je me souviens avoir discuté un peu avec Karmara, Vroumette également, Denys juste avant de partir, dis prétentieusement à quelqu'un que je faisais sur mon blog de l'analyse comportementale (mazette, rien que ça), et de quelques visages reconnus même si peu connus. En tout cas j'y retournerai avec plaisir, en espérant que les prochaines fois le temps sera également de la partie.
 
Un vrai merci à Kozlika et Samantdi qui ont été très chouettes et qui apportent, sans doute comme d'autres, mais ceux-là il me faut encore les découvrir, un vent de simplicité et de fraicheur vraiment agréable dans ces rencontres.
 
 
 
P.S: je ne sais pas bien comment ajouter ce billet dans la liste des comptes-rendus prévue sous le wiki. J'ai essayé, mais il y a des détails qui ne vont pas. Si quelqu'un veut le faire, qu'il n'hésite pas... 

06/07/2007

La pression de nécessité

87e02e3f4ac8a692d0f6c2880206018b.jpgLa question du changement et notamment du changement comportemental, du changement personnel, est intéressante à se poser lorsque l’on entend analyser nos modes de fonctionnement. Vérel a produit sur son blog depuis quelques semaines déjà plusieurs billets intéressants (ça commence ici) qui abordent plus particulièrement la conduite du changement en entreprise. Sans doute sont ils plus complets que ce que je voudrais évoquer ici, puisque je n’ai l’intention de m’attarder, du moins pour aujourd’hui, que sur un point particulier, mais qui me semble majeur, de ce sujet.

La question principale qui se pose sur le changement est de savoir ce qui peut en être la cause, ce qui le permet, voire ce qui le facilite. On peut à ce titre évoquer maintes techniques et méthodes qui poussent les individus à changer, notamment dans le cadre professionnel. La plupart du temps il me semble, ces techniques vont devoir s’appuyer sur l’identification d’un avantage que l’individu va pouvoir trouver au changement : si celui-ci lui apporte du mieux par rapport à sa situation présente, il sera enclin à accepter le changement voire à en devenir un acteur. Sinon, il risque plutôt de s’y opposer.

Mais il n’y a pas que l’intérêt personnel découvert sous la couverture du changement qui peut mener une personne à l’adopter. Un autre ressort important, et qui me semble même être le plus clairement en jeu dans la modification de nos comportements les plus profondément enracinés, est la pression de nécessité.

Celle-ci désigne la contrainte exercée par un élément extérieur qui s’avère nécessaire, c’est-à-dire indispensable, ou au moins perçu comme tel, pour l’individu, et qui oblige la personne à modifier sa façon de faire afin de ne pas subir les désagréments liés au non respect de cette contrainte. Elle s’exerce par exemple contre celui qui vit dans la misère et qui en est réduit à devoir voler pour assurer sa survie. Même si cela le conduit à aller contre les règles comportementales qu’il a pu établir pour lui-même pendant des années, la nécessité de se nourrir l’emporte assez évidemment sur le respect de ces règles et l’oblige donc à voler.

On retrouve cette pression de nécessité dans une très grande partie des événements qui ont guidés l’évolution des hommes. Lorsque les premiers hominidés ont commencé à se déplacer sur terre et à changer de région d’habitation, ils l’ont fait notamment en étant poussés par la nécessité de trouver de nouveaux terrains de chasse et un climat plus aisé. Ce n’est d’ailleurs que lorsqu’ils ont pu maîtriser suffisamment leurs conditions de vie en inventant l’agriculture et en réduisant leur vulnérabilité face au climat qu’ils ont pu cesser d’être des nomades et qu’ils sont devenus des sédentaires. Ils avaient alors supprimé la pression de nécessité qu’ils subissaient avant.

Je crois pas mal pour ma part que ce n’est que par elle que nous sommes capables de modifier certains de nos comportements. D’une façon générale, je nous crois naturellement assez peu enclins en changement. Ce que nous recherchons c’est un niveau de stabilité et de sécurité dans lequel on se sent à l’aise, et dans lequel souvent l’habitude joue un grand rôle. Cela signifie que même une situation peu confortable pour nous sembler difficile à quitter dés lors qu’on s’y est habitué et qu’on a trouvé les clés pour s’y faire sa place. Si je ne me trompe pas, cela signifierait que la notion de stabilisation de niveau de satisfaction utilisée notamment dans certaines études sur le bonheur, dont j’ai rapporté un exemple ici il y a quelques temps, joue autant à la hausse qu’à la baisse.

En effet, on a vu que lorsqu’un individu atteint un niveau de satisfaction supérieur à celui qu’il avait à une certaine période, ce bien-être, ce bonheur, suit une évolution qui ressemble à une courbe logarithmique. Elle augmente d’abord puis elle se stabilise : l’individu s’habitue à sa nouvelle situation et le bonheur intense qu’il ressentait d’abord s’atténue et se transforme en normalité. C’est en partie ce qui explique que l’augmentation forte du niveau de vie constaté dans les pays modernes ne s’accompagne pas de la même courbe d’augmentation du bonheur des individus.

Il me semble que ce procédé fonctionne également en sens inverse, à savoir que notre niveau d’insatisfaction s’il s’accentue sur une période donnée, finit lui aussi par se stabiliser avec le temps et la situation dans laquelle on est plongée devient alors une normalité pour nous. Dés lors, cela expliquerait la réticence au changement que nous manifestons même devant ce qui vu de l’extérieur peut sembler parfois clairement plus bénéfique.

D’autre part, la pression de nécessité me semble également intervenir d’une façon prépondérante dans le changement des comportements addictifs. Un très bon exemple de ceci me semble être celui de la cigarette, que nombres de fumeurs ne parviennent à quitter que lorsqu’ils se retrouvent confrontés à des situations qui exercent une pression forte contre leur habitude de fumer : un enfant qui va naître, la menace d’être quitté par son partenaire, une maladie intense, quand ils n’attendent pas le début de leur cancer. Je l’ai vu récemment chez une personne qui est tombée fortement malade, qui toussait beaucoup, et qui a du coup arrêté de fumer … pendant 3 semaines, le temps de se remettre d’aplomb et d’oublier la peur de la maladie grave.

Il y a là quelque chose d’ironiquement paradoxal : on entend souvent cette maxime qui dit qu’il faut profiter des instants présents, soulignant ainsi notre incapacité chronique à le faire. Mais ce constat est d’autant plus amer que nous constatons également combien nous vivons englués dans le présent et comme nous avons du mal à nous projeter dans le futur. Peu aptes à envisager nos vies d’une façon globale et à préparer un bonheur futur lorsque cela nous coûte un tant soit peu à court terme, nous en restons pourtant également inaptes à profiter du présent.

Le changement, donc, nécessite à mon avis, pour devenir possible sans attendre que s’exerce une pression de nécessité sur nous, une démarche sur soi assez importante, qui s’attarde notamment sur la notion de la flexibilité. Je reviendrai sur ce dernier point dans quelques temps.

03/07/2007

Correction sur le libre arbitre et les déterminismes

a538a31920f7ae6d0fa28bcfa93a8505.jpgIl m’arrive de relire les billets que je produis ici, pour évaluer avec un peu de recul ce que j’en perçois et si j’en suis satisfait ou non. C’est ce que j’ai fais récemment concernant certains billets écris au sujet du libre arbitre (je ne mets qu'un seul lien, je suis un peu flemmard aujourd'hui). Cette série est probablement celle qui m’a posé le plus de difficulté depuis le début de l’existence de ce blog, notamment parce que pour parvenir à faire passer certaines idées, et surtout celle de la force de nos automatismes culturels, j’ai voulu alors forcer le trait, peut-être jusqu’à l’excès, excès avec lequel je n’étais pas très à l’aise.

 

Dans l’un de ces billets notamment, j’ai insisté sur le poids de nos déterminismes, biologiques notamment, dans nos comportements d’aujourd’hui. Pourtant, on aura lu, sur ce même blog, et seulement quelques mois plus tard, mon opposition à cette vision de déterminismes biologiques qui nous avait valu la ridicule sortie de Sarkozy au sujet de la prédestination des pédophiles et des suicidaires. Cette opposition n’a pas changé. En revanche je vois la nécessité d’amender ce que j’avais dit préalablement au sujet des déterminismes biologiques, pour apporter un peu de précision sur ce point.

 

Lorsque je parlais alors de ces déterminismes, j’avais principalement une idée en tête : celle de notre déterminisme majeur, énoncé par Laborit, que notre organisme tout entier est orienté vers sa conservation, et que l’être n’a pas d’autre raison d’être que d’être. En aucune manière je n’y voyais une quelconque notion de prédestination comportementale de l’ordre de l’orientation sexuelle, morale, ou de quoi que ce soit qui puisse un jour faire l’objet d’un jugement de valeur. Personne à mon sens ne naît voleur, bon, mauvais, tennisman, artiste, ou philosophe. C’est d’ailleurs ce que j’ai beaucoup martelé en insistant à plusieurs reprises sur l’importance à mon avis prépondérante de l’éducation comprise au sens large, c’est-à-dire de l’acquis, sur l’inné, dans le développement personnel des individus, prépondérance qui me semble démontrée par quelques expériences que j’ai utilisées dans certains exemples.

 

En revanche, il existe à mon sens bel et bien un déterminisme premier qui est guidé par ce besoin de notre être de travailler à sa conservation et à son homéostasie. Ce qui signifie que pour une part majeure, et sans doute trop souvent sous-estimée, cette sous-estimation étant probablement ce qui m’a porté à exagérer mon propos, nos comportements sont liés à cette nécessité biologique. Qu’ils sont principalement une réponse stratégique pour parvenir à nous faire plaisir et à nous gratifier. Et que de ce déterminisme là, on ne saurait sortir, en tout cas pas vivant, puisque c’est bien lui qui est le premier, et même le seul, en œuvre, dans notre survie.

 

La deuxième idée, moins liée à la notion de déterminisme, mais assez proche en ce qu’elle rappelle elle aussi la faiblesse de notre liberté comportementale, est celle des automatismes culturels, que nous acquerrons tout au long de notre existence. Ce que nous nommons libre arbitre aujourd’hui n’est parfois rien d’autre que l’expression de notre rattachement à certains automatismes culturels, à notre environnement proche, notre famille, nos amis, l’endroit où nous vivons, etc. et les « choix » que nous réalisons ne sont dans le fond bien souvent que l’expression de notre conformisme social, c’est-à-dire qu’ils ne sont que des appels que nous envoyons pour être perçus comme conformes. On ne peut clairement pas parler ici de libre arbitre tant ces comportements sont peu libres, mais sont plutôt des réponses pratiques à des nécessités engrammées en nous par notre milieu et nos expériences passées.

 

On le comprend à cette lecture, ces automatismes culturels agissent finalement en nous d’une façon très proche de celle des déterminismes biologiques, en ceci qu’ils nous obligent et que nous savons bien peu nous en extraire et donc nous en libérer. L’absence de liberté et donc de libre arbitre est pour moi principalement comprise dans ces deux blocages. J’espère que ce point est désormais plus clair, du moins pour ceux qui se sont un peu intéressés à ce que j’avais alors écrit. Je reviendrai sans doute prochainement sur la notion de liberté comportementale, en évoquant ma vision des limites de l’intelligence telle qu’on la perçoit aujourd’hui dans nos sociétés modernes.

30/06/2007

La proximité : les méandres d'une caresse

d147c1d9f7d19dbf36f7280f90a5de7d.jpgIl serait dommage, après avoir redécouvert le sens du toucher et la proximité humaine que celui-ci peut apporter, de ne pas poursuivre plus avant pour en savourer l’expression la plus aboutie et la plus sublimée, pour explorer d’une façon neuve ce geste si particulier, tendre, sensuel et charnel à la fois : la caresse.

 

On trouve dans la philosophie de Lévinas, et dans son approche éthique de la relation interpersonnelle qui se noue entre deux êtres à travers leurs visages, une approche originale de la caresse, très clairement reliée à la vision qu’il développe sur la découverte du visage de l’autre.

 

En effet, le surgissement du visage de l’autre dans notre champ de vie entraîne plusieurs bouleversements en nous. Il nous déracine d’abord de notre quiétude intérieure et de la tranquillité dans laquelle nous laissait la solitude : nous n’étions alors responsables que de nous-mêmes, et nous pouvions agir à notre guise puisque nous ne pouvions être jugés par le regard de l’autre. Mais dés lors qu’il apparaît, l’autre nous arrache à cette tranquillité, de deux façons, aussi contraignante et douloureuse l’une que l’autre : il nous rend d’abord responsable de lui, et en même temps, il nous dessaisit de nous-mêmes par son regard.

 

Car d’une certaine façon ce regard cherche à nous connaître, c’est-à-dire à nous définir, à nous décrire, à nous caractériser. A nous border d’épithètes et d’attributs, qui lui permettront d’obtenir in fine une image rassurante, parce que cadrée, de celui que nous sommes et qu’il n’est pas acceptable pour sa tranquillité de laisser dans le flou de l’inconnu. En procédant ainsi, le regard de l’autre nous fait correspondre à une image que lui-même a forgée, qui nous extrait de notre identité propre pour nous faire soudain porter un masque qui supprime dans les yeux de l’autre notre indétermination, notre altérité. Il nous façonne à l’aune de ce qu’il souhaite que nous soyons.

 

C’est ce jeu du regard, intégrant le visage de l’autre dans son monde, qui m’intéresse ici. Je n’aime pas beaucoup les proverbes et autre sagesses populaires en général. J’y vois la plupart du temps une abdication de la pensée, qui pour ne pas perdre la face se dissimule derrière une phrase toute faite dans laquelle chacun est censé trouver un peu de bon sens. L’absence de pensée en réalité, mal cachée sous les traits d’une expression imprécise et parfois parfaitement infâme (« pas de fumée sans feu », « les chats ne font pas des chiens », quelles horreurs…). Mais il en est un qui, envisagé à travers le philosophie de Lévinas, trouve un sens d’une précision et d’une sensibilité que j’apprécie beaucoup, et qui fait accéder à une compréhension qui me semble très humaniste de la relation amoureuse : celui qui dit que l’amour est aveugle.

 

On a vu que dans la relation interpersonnelle, un jeu s’installe entre les individus (entre deux individus pour rester dans le cadre exact de la description faite par Lévinas, l’introduction d’un tiers renvoyant à une autre notion que celle qui m’intéresse ici). Par ce jeu, chacun tente d’intégrer l’autre dans son imaginaire et de le border, de le décrire, de le saisir afin qu’il ne s’échappe plus par l’indétermination première qu’il oppose au regard de l’autre. C’est cette démarche, probablement assez instinctive chez chacun de nous puisque cette forme de connaissance que nous tentons de former vis-à-vis d’autrui, ce rappel du passé et de notre expérience pour trouver comment appréhender l’autre, est le mode sur lequel nous essayons toujours de nous rendre maîtres de notre environnement, afin de ne pas le subir, mais de l’exploiter à notre profit, c’est cette démarche disais-je qui constitue l’agression principale que nous pouvons exercer contre autrui. Car ce faisant, nous le dessaisissons de son identité, de ce qu’il est, pour ne plus le laisser vivre qu’à travers le filtre contraignant que nous avons formé.

 

L’amour au contraire, est une démarche dont l’un des fondements est de préserver, et je dirai même pour ma part de faire irradier, la notion d’identité de l’autre. Aimer l’autre « parce qu’il est » plutôt que « pour ce qu’il est », comme je l’ai déjà évoqué, c’est l’aimer sans condition de valeur, de caractère, de quoi que ce soit qui « affecte » son être. C’est l’aimer presque simplement « parce que » comme dirait un enfant. Or cette identité de l’autre est d’abord définie, quoique cela puisse paraître paradoxal, par son altérité, c’est-à-dire par son indétermination, ou plutôt même par son indéterminabilité, si l’on me passe ce barbarisme.

 

Cela signifie que le regard de l’amoureux, lorsqu’il se porte sur l’autre, ne cesse d’échouer dans sa quête de le découvrir. Il avance en terrain meuble, instable, et l’autre, sous ses appels, toujours se dérobe et s’échappe. Son visage reste une place imprenable, toujours en mouvement sous les tentatives de fixation de l’autre. Le regard de l’amoureux ne pourra que le traverser de part en part, sans jamais y trouver de point d’attache, ni donc de sécurité. Et tant que ce regard amoureux saura continuer sa quête et y échouer, il restera amoureux. Le jour où le regard parviendra à se fixer sur l’autre et à en constituer une image stable, l’amour en même temps, disparaîtra.

 

L’amour, pour exister, doit donc être aveugle. C’est son fondement. Lévinas disait plutôt que c’était sa sagesse. Sans cette incapacité à voir et à saisir l’autre dans le champ de notre compréhension, nous ne saurions réellement aimer.

 

On peut tenter une approche similaire de la caresse.

 

L’acte amoureux réalise lui aussi la même démonstration d’amour que le mot incertain ou le regard instigateur et perdu. La caresse en est une expression particulière. Car la main constitue elle aussi une tentative de voir l’autre et de le découvrir par les sens. Sous  ses glissements et les méandres qu’elle dessine, le corps de l’être aimé se fait tout entier visage, indéterminé et fuyant. Qu’elle glisse sur une hanche ou sur un torse, qu’elle s’aventure autour d’une nuque ou d’un pied, sur un dos ou le long d’une jambe, la main caressante poursuit sa course, car elle n’a nul terrain où s’arrêter et où saisir le corps de l’être aimé pour s’en satisfaire. Le tracé qu’elle inscrit sur la peau de l’autre est l’expression de son envie intriguée, mais toujours inassouvie.

 

Sous la caresse, l’être aimé est rendu par son corps plus vivant, son altérité plus forte, que de toute autre façon. L’effleurement des peaux qui s’aimantent et se jouent l’une de l’autre, l’enivrement des courbes de chacun, des recoins qui s’offrent toujours à redécouvrir, la fièvre du corps sur lequel il faut sans cesse accepter de se perdre, cela constitue la forme charnelle sous laquelle s’exprime la liberté de vie, l’altérité constitutive de l’être de l’autre. La caresse se fait caresse parce qu’elle avance et évolue indéfiniment sur un corps inconnu qui s’offre et se dérobe en même temps.

 

On trouvera tout cela peut-être un peu théorique et « compliqué ». J’y trouve toutefois quelque chose de très vrai dans l’approche de l’attention que deux personnes peuvent se porter mutuellement. Peut-être cela est-il un peu poétisé (surtout dans ma version, sur laquelle je me suis un peu amusé, peut-être au détriment d’une meilleure précision), mais le fond m’apparaît profondément juste. Et là aussi, se pose la question de la distance entre les personnes, même lorsque celle-ci se montre la plus réduite qui soit. Peut-être comprend-on que la distance dont il s’agit ici n’est pas uniquement une distance géographique (n’est-ce pas évident en réalité) ?

 

Billet précédent de la série

27/06/2007

Si je dis la vérité, je serai aimé? Alors non.

ee3b7b766f593bf07d879c1952cda877.jpgC'est la phrase qu'on peut lire tout en haut du blog de Katar, juste en dessous du titre.
 
 
Elle m'a intrigué pendant quelques temps, j'avais l'impression de ne pas bien la comprendre. J'y voyais l'intention de quelqu'un de dire les choses telles qu'elles sont, mais dérangé que cela lui vale l'amour des autres, et le refusant donc. Parce que cela lui apportait l'amour des autres. C'est cela qui me dérangeait.
 
Puis avant hier je l'ai lu différemment, et tout à coup j'ai eu l'impression de la comprendre avec clarté, comme une évidence, comme si je tenais enfin le seul message qu'elle offre véritablement à lire. Je l'ai lu ainsi : "Si je dis la vérité, alors je serai aimé? Alors non." Je l'ai lu comme indiquant le refus de la condition exprimée comme cause de l'amour des autres. C'est-à-dire en fait, refusant qu'il existe une condition pour pouvoir être aimé.
 
Comme si ce "si ?" était en réalité un "seulement si ?". La lisant de cette façon, j'ai tout à coup trouvé cette phrase très juste, frappant vraiment là où il faut. Car l'amour que l'on donne, ou que l'on reçoit, n'en est à mon avis pas un s'il se trouve conditionné par quoi que ce soit.
 
On loue souvent, et je me demande si je n'ai pas déjà fait ce commentaire ici, la capacité de ceux qui savent aimer les autres "pour ce qu'ils sont", et pas seulement pour leur physique. Je trouve pour ma part que cette représentation des choses est bien mauvaise, et qu'elle ne fait en réalité que faire tomber les gens dans un nouveau piège, peut-être un peu plus subtil que celui de l'attachement à l'apparence, mais guère plus reluisant.
 
Car tant que l'on aime les gens "pour ce qu'ils sont" je crois qu'on ne les aime pas vraiment. Ce que l'on aime alors, c'est notre façon de les voir, c'est l'interprétation que nous avons fait de "ce qu'ils sont", et qui est toujours susceptible de varier avec le temps. Cette phrase en effet, aimer quelqu'un pour ce qu'elle est, signifie que l'on connait cette personne. Sinon comment l'aimerait-on "pour ce qu'elle est" ? Cela fait donc l'aveu que nous avons fait entrer cette personne dans notre cadre de pensée, que nous l'avons définie, caractérisée, que nous l'avons entourée d'épithètes et d'attributs qui sont autant de barrières posées pour aboutir à une soi-disant connaissance de l'autre.
 
C'est l'antithèse exacte du comportement amoureux, celui que décrit notamment Lévinas, par lequel, sans cesse, l'on doit renouveler la quête de la découverte de l'autre, tout en sachant toujours que cette quête restera insatisfaite, impossible à mener, car le visage aimé se dérobe toujours sous notre regard inquisiteur. C'est cette acceptation de l'altérité irréductible de l'autre qui constitue à mon avis le fondement le plus vrai de l'amour. J'y reviendrai.
 
Si l'on aime, donc, on n'aime pas quelqu'un "pour ce qu'il est", mais parce qu'il est. Aucune condition ne pouvant interférer dans l'existence de ce sentiment.