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18/01/2007

Libre arbitre: une définition

Suite à la demande, fort justifiée de Matthieu, je livre enfin ma définition du libre arbitre.

 

C'est la faculté d'exercer une volonté libre, c'est-à-dire dégagée de tout déterminisme (sociaux, génétiques,etc.).

 

 

 

P.S: post le plus court de la vie de ce blog. Low bloging encore cette semaine, j'en suis navré. D'autant que si je bloguais ma vie professionnelle, on rigolerait bien ensemble.

 

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15/01/2007

Court retour sur le pardon

Je voudrais revenir sur la question du pardon que j’avais déjà abordée il y a fort longtemps, et sur laquelle la lecture de Spinoza, encore elle, enfin lui, m’a apporté un nouvel éclairage.

 

Spinoza, dans les parties 3 et 4, de l’Ethique, procède à une démonstration de la nature des sentiments et de la façon dont ils nous affectent. Il distingue trois sentiments principaux, dont les autres ne sont en réalité que des combinaisons plus ou moins complexes : la joie, la tristesse, et le désir. De ces trois sentiments, nous dit-il, découlent l’intégralité de nos comportements et de nos actions.

 

Ainsi, m’appropriant la méthode de Spinoza (sans évidemment prétendre avoir le moindre espoir d’atteindre son niveau de compréhension et de démonstration), je pourrais dire que la fierté est la joie associée à la perception d’une cause intérieure, la compassion la tristesse ressentie avec et pour autrui, avec l’idée d’une cause extérieure, etc.

 

Concernant le pardon, me mettant dans la peau de celui qui pardonne, et donc qui a souffert, je dirais que celui-ci est l’acte par lequel il efface une tristesse qui fut liée à l’action d’un autre, celui qu’il pardonne, et donc d’une cause extérieure.

 

Cette observation, que le pardon est l’effacement de la tristesse vécue, est à mon avis très importante. Car elle permet d’envisager avec précision ce qui permet au pardon d’être bien réel et de n’en point rester à de simples mots vides de sens. Tant que la personne qui pardonne ne parvient pas à dépasser la douleur que l’autre à pu lui causer, je ne donne pas cher de la solidité du lien qu’il propose à ce dernier de reconstituer.

 

J’y suis attentif, car je me suis récemment demandé si j’avais moi-même pardonné à une personne qui m’avait causé du tort il y a déjà quelques années. Pendant longtemps, je lui en ai voulu, mais sans vraiment lui faire part de mon ressentiment. Elle m’avait demandé son pardon, tout juste après avoir commis sa bévue, et je le lui avais accordé en retour, peu enclin à devoir gérer un conflit.

 

Mais j’ai compris rapidement que ce pardon que j’avais donné immédiatement avait bien peu de contenu. Et sentant, plusieurs années encore après les faits, une certaine tristesse en moi en songeant aux événements en cause, j’ai compris que d’une certaine façon, je ne lui avais toujours pas tout à fait pardonné ce qu’elle avait fait. Je crois que tant que j’en ressentirai de la tristesse, même si celle-ci est très atténuée désormais, cela signifiera que mon pardon n’est pas complet.

 

Et pourtant, je ne pense pas qu’il soit bon d’évoluer, après des événements désagréables causés par d’autres, en attendant que la tristesse que ceux-ci nous ont causée ait tout à fait disparue. Je crois bon de savoir forcer ses sentiments dans ce type de cas, et de parvenir, de façon raisonnée, à ne pas écouter cette tristesse afin de limiter ses conséquences sur nous-mêmes. Pardonner devient ainsi l’action raisonné de celui qui préfère faire prévaloir les liens qui l’unit à celui qui  lui a causé du tort, plutôt que ce qui l’en sépare, et qui veut privilégier le bienfait que lui apporte le pardon donné, plutôt que la tristesse ruminée.

 

Mais, me situant désormais dans la peau de celui qui a quelque chose à se faire pardonner, je comprends qu’en ce qui le concerne, si sa démarche lorsqu’il demande pardon recouvre la moindre sincérité, il est nécessaire qu’il cherche à créer les conditions qui permettent à celui dont il doit se faire pardonner d’effacer sa tristesse. Son objectif ne doit pas être en quelque sort de se faire pardonner, mais de faire en sorte que celui à qui il a causé du tort n’en ressente plus de tristesse.

 

Las, trop souvent voit-on les gens qui demandent pardon, ne réclamer là qu’un laissez-passer pour la tranquillité de leur conscience, sans qu’ils attachent une véritable attention au sort de leur vis-à-vis. Dans leur pardon, c’est encore eux-mêmes qu’ils regardent, et le visage de l’autre leur reste inconnu. C’est désormais très évident pour moi lorsque je remarque que malgré leur demande d’être pardonnés, ils n’entreprennent souvent rien qui puisse aider à atténuer la tristesse de celui auquel ils ont causé du tort.

La raison d'être chez Spinoza

Trouvé à nouveau dans l’Ethique de Spinoza, un petit passage de la partie 4 qui m’a encore beaucoup intéressé, et qui se rapproche à nouveau d’une des idées clé de Laborit :

 

Scolie de la proposition XVIII

 

"La raison ne demande rien contre la nature ; elle demande donc que chacun s’aime soi-même, qu’il cherche l’utile qui est sien, c’est-à-dire ce qui lui est réellement utile, et qu’il désire tout ce qui conduit réellement l’homme à une plus grande perfection ; et, absolument parlant, que chacun s’efforce, selon sa puissance d’être, de conserver son être."

 

Evidemment, je rapproche cette idée de Spinoza, de l’idée centrale de la théorie de Laborit qu’il résume ainsi :

"L’être n’a pas d’autre raison d’être, que d’être."

 

Je n’ignore pas toutefois qu’il y a quelque facilité dans le rapprochement que je fais entre ces deux auteurs. D’autant que Spinoza semble ici partir d’une vision individualiste que Laborit aurait probablement réprouvée. Mais là aussi je vais en fait trop vite et il faut vraiment lire toute l’Ethique pour bien comprendre le positionnement de Spinoza sur ces questions.

 

Si je fais tout de même ce parallèle, ce n’est en fait pas pour laisser croire à une quelconque parenté entre Spinoza et Laborit. Un récent commentaire de Vérel m’a fait comprendre que la présentation que je faisais de ces similarités pouvait porter à confusion. En fait ce qui m’intéresse, c’est de voir que, partant de disciplines fort différentes, il est possible de parvenir à des observations très proches. Ce qui, à mon sens, donne un sens très riche à ces observations.

13/01/2007

Campagne au pathos

medium_ligue-contre-cancer.gifJ'ai vu aujourd'hui la dernière campagne télévisée de sensibilisation sur le cancer. Et, troublante coïncidence, juste après avoir lu le billet de David Abiker sur le sujet, billet dont je partage complètement l'opinion. Apparemment, nous apprend David, cette campagne a été montée pour changer notre regard sur cette maladie.
 
Probablement pour le rendre plus adulte, plus responsable, et moins ignorant. Mais si l'idée de base de cette campagne peut être défendue, son procédé lui, est franchement douteux. David Abiker me semble avoir tout à fait raison de s'étonner qu'on veuille faire des héros de gens qui sont malades. On a du mal en effet, à voir où se trouve le regard adulte dans cette vision fabriquée des choses.
 
Bien au contraire, on tombe ici dans une approche émotive qui l'éloigne de son objectif. Car enfin, savoir si des gens malades sont des héros ou non est une question totalement hors sujet. L'important pour eux n'est pas de pouvoir enfiler le collant de superman à la sortie de l'hôpital, mais c'est juste d'en sortir, en bonne santé.
 
Les publicitaires qui ont mis au point ces spots ont voulu construire une argumentation positive pour transformer notre vision des choses, mais ils montrent leur totale déconnection avec le vrai sujet qui se présentait à eux. Et à quel point désormais il est difficile pour certains de sortir d'une vision "Star académie" de la vie courante.
 
Il y a quelque chose d'inquiétant dans cette campagne, car finalement, elle ne fait rien d'autres que ne pas montrer ces gens tels qu'ils sont. Elle reproduit exactement l'inquiétude qu'elle prétend combattre. Comme si elle avait peur de regarder en face la réalité de cette maladie. Ou comme si nous devions nous-mêmes en avoir peur. Elle renforce le tabou qui existe chez certains face à la maladie. On tombe donc vraiment dans le résultat complètement inverse de l'intention affichée au départ.
 
Comment en sont-ils arrivés là? Comment ont-ils pu à ce point se tromper de méthode et de message? A mon avis la réponse est assez simple: les gens qui ont monté cette campagne n'ont pas compris que pour bien parler d'un sujet de ce type, il faut le faire avec la sensibilité de la proximité, en se montrant concernés par le sujet abordé. Les visions fantasmagoriques sont donc à mon avis à bannir de ce type de campagne. On n'ouvre pas les yeux des gens en leur faisant croire en des rêves inaccessibles. Mais en leur parlant de façon juste, vraie. Il faut les aider à apprendre ce que sont ces situations, pour que eux aussi se sentent concernés, et proches des malades. Il faut du réel, sans pathos, ni magie, mais des images qui ont du sens parce qu'elles sont le juste reflet de ce qui existe.

J'ai Internet chez moi !

medium_arobase.jpgCa n'a absolument aucun intérêt de le dire ici, mais étant donné les interminables déconvenues que j'ai connues depuis le mois d'avril dernier, d'abord avec mon ordinateur, que je n'ai pas pu réparer avant plusieur mois, puis avec free, ma première connection sur Internet depuis mon chez moi est, à mon échelle, un vrai événement.
 
Qui pourrait me permettre de poster quelques billets éparses lors des week-end. Ca se fête non? 

12/01/2007

Prédictibilité et libre arbitre

 

J’entame donc ma courte série sur le libre arbitre par un non moins court billet sur la question de la prédictibilité. Je ne serai en effet pas très long sur ce point, car il ne me semble dans le fond pas très compliqué à tirer au clair. Il me semble que l’idée ici est de dire que notre libre arbitre est la source de la grande complexité que nous constatons dans nos comportements. Et que cette complexité est ce qui nous rend fondamentalement imprévisibles. En raisonnant à rebours, on considère que puisque nous sommes imprévisibles, c’est qu’il y a quelque chose en nous qui nous rend trop complexe pour qu’on puisse toujours être sûrs de pouvoir appréhender correctement nos comportements. Et que ce quelque chose, ne peut être que le libre arbitre.

 

A l’inverse, si notre déterminisme est total, alors il semble raisonnable de dire que nos actes peuvent être prédits. Si en effet, nul hasard n’intervient ni dans nos gestes, ni dans nos mots, c’est donc qu’il existe en tout une chaîne causale, que l’on peut penser mécanique, qui fait que tel effet est produit, et pas tel autre. Or nous percevons bien, de façon intuitive, que la prédictibilité est une lubie. C’est même corroboré par le gouffre d’ignorance que nous apercevons sans cesse devant nous, malgré toutes les découvertes que nous avons déjà pu faire ou sommes sur le point de faire. Il est et il restera toujours parfaitement impossible de prévoir nos actes, car ceux-ci sont le résultat de processus bien trop complexes pour que nous puissions jamais les embrasser dans leur globalité.

 

Mais c’est mal raisonner que de penser que l’imprévisibilité que nous sommes forcés de constater induise quoi que ce soit sur l’existence du libre arbitre. Si nous ne savons pas prévoir nos comportements, cela n’a rien à voir avec le fait que ceux-ci puissent être guidés par le libre arbitre. Notre incapacité à prévoir ne montre rien d’autre que… notre incapacité à prévoir, soit du fait de notre ignorance des ressorts de nos actes, soit du fait de l’impossibilité qu’il y a pour nos cerveaux limités à envisager l’ensemble des stimuli, physiques, sociaux, environnementaux, etc. qui agissent sur nous et nous poussent à agir de telle ou telle façon.

 

L’absence de prédictibilité ne montre que notre incapacité à prédire. Cette incapacité à prédire ne dit rien sur notre prétendue liberté d’agir, et donc rien non plus sur notre libre arbitre.

 

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11/01/2007

Slogans soldés

medium_communication_politique.jpgJ’adore les slogans politiques que nos chers candidats nous préparent à chaque élection. C’est toujours formidable de caricature et de drôlerie involontaire. Et cette année, vue la première levée que les grands communicants nous ont proposée, on peut raisonnablement croire qu’enfin, l’apport des spins doctors à la française pour éclaircir le message de leurs clients, non, ne va pas éclater au grand jour.

 

Il y a quelques semaines, c’est l’UMP qui nous servait sa grandiose Rupture tranquille, un concept qui dés les premiers jours fit trembler d’espoir tous les champions du rateau. Mais il faut bien avouer qu’à part les aficionados indéfectiblement attaché à leur Sarko, et près à gober tout ce qui sort de son bureau, il ne devait quand même pas y avoir grand monde à ne pas voir là un concept purement creux, simple montage mécanique et démagogique de deux mots que les spécialistes de l’UMP pensent sonner doux à l’oreille des électeurs, mais qui ne peut pas vraiment recouvrir un grand contenu, tant ces termes sont contradictoires l’un avec l’autre. La Rupture tranquille… non mais franchement, et tu l’as vu mon chien qui miaule ?

 

J’ai préféré Imaginons la France d’après, ça a un côté un peu table rase, mais au moins ça reste sensé. En revanche le Tout est possible qui semble désormais choisi comme étendard définitif me laisse plus circonspect. Tout est possible… Mouais, même les pluies de sauterelles à Crépy en Valois alors. Moi ça me tente pas.

 

Côté PS, un peu plus tard, Ségolène nous a livré sa vision de campagne : Pour que ça change fort. Bon, ce n’est pas aussi absurde que chez son principal concurrent, mais franchement, en lisant ça, on se dit qu’après la tempête qui a dû avoir lieu sous les crânes des conseillers de la dame du Poitou, les portes ont claqué. Fort.

 

J’imagine bien, trois gars dans un grand bureau, à se morfondre sur leur copie blanche. Ils voient pas trop quoi écrire, ils tournent en rond. Puis il y en a un qui sursaute :

 

- "Bon les gars, écrivons un truc au hasard, et les idées viendront après. Pour commencer, comme à chaque campagne, il faut dire qu’on va apporter le changement, on a qu’à écrire Pour que ça change, on verra après ce qui doit changer ou comment ça change, ok ?"

 

Mais patatra, la sieste mentale revient, et ce n’est qu’au moment de rendre la copie que les compères s’aperçoivent que leur mantra reste incomplet.

 

- "Mince, on est à la bourre, bon l’originalité de Ségo, c’est de dire qu’avec elle le PS saura prendre des décisions musclées, alors rajoute fort, avec ça l’essentiel y est."

 

Dommage qu’ils n’aient pas pris le temps de vérifier que tout ça ressemblait à du français correct. Si j’étais prof, je donnerais un demi-point de moins, pour expression maladroite. On écrit pour que ça change fortement, messieurs. Pour que ça change fort, c’est pas beau.

 

Et enfin, l’ami Bayrou, nous gratifie de sa synthèse visionnaire : La France de toutes nos forces. Comme versac, je trouve que ce slogan louche un peu sur la copie de ses camarades. Mais pour moi il sort du lot à sa façon tant il me semble peu clair, et par conséquent, maladroit. J’ai mis du temps à comprendre son sens et à saisir le génitif. Et, je m’en sens un peu idiot, mais je ne peux pas m’empêcher de le lire en mettant une virgule après France,  et d’imaginer tout l’UDF en train de pousser.

10/01/2007

Critique du libre arbitre: plan

medium_arbitre.jpgSuite à l’intéressant débat qui avait eut lieu ici sur la question du libre arbitre, et pour répondre au récent billet de Matthieu sur le sujet, je propose ici ma petite contribution. Mon intention première était de produire d’un bloc mon argumentation, mais il n’en sera rien, car cela serait beaucoup trop long pour un simple billet. De plus, ce procédé présente plusieurs avantages. D’abord il me permet d’avancer pas à pas, et de ne pas vous noyer d’un coup sous un trop grand nombre de questions. Et puis surtout il me laisse le temps d’approfondir une question qui m’intéresse beaucoup à titre personnel.

 

Ce premier billet vous présente donc les jalons de mes prochains billets sur le libre arbitre. Vous y comprendrez déjà quels sont les arguments principaux que je compte développer ensuite. Et à quel point la critique du libre arbitre peut nous pousser loin dans la réflexion sur notre construction personnelle et sur celle des sociétés.

 

[Edit du 18/01/07: j'ajoute la définition que je fais du libre arbitre: à mon sens, c'est la faculté d'exercer une volonté libre, c'est-à-dire dégagée de tout déterminisme (sociaux, génétiques, tout ce que vous voulez)]

 

1. Le libre arbitre et la prédictibilité. L’argument de Mathieu est que si nous n’avions pas de libre arbitre, et que donc notre déterminisme était total, alors nos comportements, nos gestes, nos paroles, nos écrits, seraient tous parfaitement prédictibles. Or, ils ne le sont pas, c’est une évidence. S’ils ne le sont pas, c’est bien que notre déterminisme n’est pas total, et donc que le libre arbitre existe bel et bien. Mathieu se trompe ici de conclusion. L’absence, que je crois parfaitement réelle, de prédictibilité de nos comportements, n’est pas le signe de l’existence du libre arbitre. Elle n’est que l’aveu de notre ignorance. Rien de plus.

 

2. La question morale. Si le libre arbitre n’existe pas, cela pose un problème moral qui semble insurmontable. Car si un individu n’est pas maître en sa demeure et que son comportement n’est pas le résultat de l’exercice de sa volonté mais seulement de son déterminisme, comment le rendre responsable de quoi que ce soit ? Ici je ne répondrai pas réellement aux questions posées, mais je me contenterai de les poser, en proposant de relire les arguments de Saint Thomas d’Aquin. Qui nous permettront d’en arriver à la question de l’instinct, de l’usage de la raison, et de faire un sort à la vision de l’homme robot que craint Mathieu, tout en conservant pourtant notre idée d’absence de libre arbitre.

 

3. La question du mérite. De même que sur le point 2, si le libre arbitre n’existe pas, quid de notre mérite ? Nous sommes nombreux à connaître dans notre milieu professionnel le principe, parfois élevé au rang de vertu, de la méritocratie. Qui n’est en réalité trop souvent qu’une méthode pseudo savante justifiant les évaluations à la tête du client. Et pour cause. Sur ce point nous reviendrons à nouveau sur Laborit, et sur sa critique acerbe de la notion de mérite, que j’adresserai en particulier à ceux qui s’en croit le plus ornés : mon milieu social petit bourgeois.

 

4. La question du choix : nous distinguerons ici deux cas. Celui des alternatives à faibles enjeux, et celles dont les enjeux sont importants. La résolution des premières est un peu piégeuse, puisque les alternatives sans enjeux sont celles qui nous portent le plus naturellement à effectuer des choix que nous jugeons par la suite être le fruit du hasard ou de l’indifférence, et donc celle où nous pourrons, en rompant avec le syndrome de l’âne de Buridan, faire un choix qu’on trouvera d’autant plus lié au libre arbitre que ses ressorts ne nous apparaîtront pas clairement. Mais où est le libre arbitre dans le hasard, ou dans l’indifférence ? Et surtout, je fais une autre réponse sur ce point précis : quelle intérêt y a-t-il à se poser la question du libre arbitre sur des points que nous pourrions aussi bien décider en jouant à pile ou face ? La question est dans ce cas à mon avis à ce point sans objet qu’elle ne devrait pas être posée. Le deuxième type d’alternative est donc celui qui doit nous intéresser, plus que le premier. Mais ici sa résolution est en fait assez facile. On pourra revenir rapidement sur la démonstration de Schopenhauer dans son essai sur le libre arbitre pour montrer que nos choix sont la conséquence à la fois de nos prédispositions naturelles au sens large (disons de nos gênes pour faire très court et très schématique),  de nos contingences, des circonstances dans lesquelles nous nous trouvons, et enfin de nos désirs, de nos pulsions envers nos gratifications, bref, de nos apprentissages.

 

5. La connaissance et l’ignorance. Où nous verrons que  c’est l’ignorance qui constitue le fondement de ce que nous appelons aujourd’hui à tort le libre arbitre. Et encore notre ignorance qui est la source de ce que nous nommons liberté. Car si nous étions des êtres omnisavants, il n’y a pas de raison pour que nous ne fassions pas toujours le choix de ce qui est le mieux pour nous, et donc que nous fassions tous les mêmes choix. La diversité de nos comportements est donc avant tout l’aveu de notre ignorance et de notre imperfection (et je ne dis pas que c’est là quelque chose dont on doit être triste).

 

6. La question de la responsabilité. Où je répèterai, avec l’insistance d’un névrosé, quelle est l’importance de séparer ce que nous sommes, ce que nous faisons, et ce que nous avons. Ce qui nous permettra d’apporter une conclusion qui, alors qu’elle établie bien l’inexistence, et pour tout dire la vacuité de l’idée de libre arbitre, que nous n’en devons pas moins être tenus pour responsables de nos actes. Et où l’on verra qu’être déterminé ne signifie pas être passif. Que c’est un mauvais usage des mots qui nous fait conclure de façon erroné sur ce sujet, car notre déterminisme, est tout entier en nous, et qu’il est donc nous-mêmes. Que ce corps, ces sens, et ces influx nerveux qui nous dirigent, sont les briques qui nous constituent, et qu’en conséquence, si l’on veut bien abandonner l’idée de l’existence de l’âme, nous restons bien nous-mêmes acteurs de nos vies, même si trop souvent, nous les conduisons en aveugles.

 

Enfin, pour ceux qui voudraient lire, outre le billet de Matthieu, un texte intéressant sur le sujet, je conseille fortement la fiche wikipédia du même nom. Ils verront que je m’en inspire en partie.

 

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09/01/2007

La danse des épithètes

J’enfonce encore le clou sur les belles idées que nous aimons nous faire de nous-mêmes, et sur l’utilisation aussi aveugle que frauduleuse que nous faisons du langage (et je sais qu’il reste encore beaucoup de coups de marteau à donner, en particulier chez la population bourgeoise bien comme il faut que je fréquente, et dont je suis).

 

Mais n’est-ce pas étonnant ?

 

Ils sont inconscients

Nous sommes optimistes

 

Ils sont ridicules,

Nous sommes originaux

 

Ils sont calculateurs

Nous sommes prévoyants

 

Ils sont mesquins

Nous sommes prudents

 

Ils sont pointilleux

Nous sommes précis

 

Ils sont rabat-joie.

Nous sommes réalistes.

 

Ils sont jaloux

Nous sommes critiques

 

Ils s’emportent

Nous sommes convaincus

 

Ils sont excessifs

Nous sommes passionnés

 

Ils sont mous

Nous sommes mesurés

 

Etc.

 

 

Je laisse chacun s'interroger sur les occasions qu'il a pu avoir de procéder ainsi.  L'idée n'est pas de s'en accuser. Mais de parvenir à regarder les autres et à se regarder de façon moins biaisée.

 

 

Ce billet va en catégorie gestion du stress. Ce travail de décryptage des représentations que nous faisons de nous-mêmes et des autres est en effet important dans notre recherche d’équilibre. Il permet de se défaire de l’imagerie faussée que nous nous faisons souvent de notre environnement et de notre personne. En cela il participe pleinement à la démarche de recentrage sur soi que préconise, entre autres choses, la gestion du stress.

 

 

Edit de 14:43: quel âne, le titre aurait dû être, La danse des attributs. 

08/01/2007

Les règles du débat

medium_Le_debat.JPGEn ce début d’année électorale, et malgré le peu d’illusion que je me fais des chances que ma présente démarche exerce une quelconque influence sur le déroulement des choses, je voudrais proposer un petit rappel sur ce que sont, à mon avis, les règles de base d’un débat. Au moins je l’aurai dit, et pourrai, à l’occasion, renvoyer les contrevenants à la bienséance à cette lecture.

 

La règle principale du débat, à mon sens, celle qui absolument nécessaire, même si elle n’est pas suffisante, pour le rendre possible, c’est qu’un débat ne doit à aucun moment tomber dans des considérations ad hominem. Dés qu’il quitte le terrain des arguments, pour se porter sur celui des évaluations de personnes, le débat n’existe plus, il disparaît. Bien souvent même, les chances pour qu’il réapparaisse, avec les mêmes intervenants, sont minces.

 

Le fond de cette règle, c’est celui auquel je renvoie désormais assez fréquemment, parce qu’il est une des bases les plus solides et les plus saines de nos comportements : nous ne sommes pas ce que nous faisons ni ce que nous avons (lien être faire et avoir). En particulier nous ne sommes pas ce que nous écrivons ou ce que nous disons. Le débat, donc, ne peut tomber dans les remarques personnelles sous peine de s’engager dans des errements aussi inutiles qu’infondés.

 

Je n’ignore pas pourtant que se tenir à cette règle, que je crois donc fondamentale, relève d’un effort très important. Pour une raison très simple, et qui explique en passant que les procédés d’attaques ad hominem comptent autant de disciples : ceux-ci permettent d’établir une dominance. J’ai déjà assez montré, en m’appuyant sur les travaux de Laborit, combien cette recherche relevait d’un processus naturel, et donc quasiment universel. Que son dépassement nous soit difficile est donc une évidence. 

 

J’en vois déjà qui s’agacent de cette nouvelle référence à Laborit, et sur son concept qui remet le plus fortement en cause les grandes idées que nous aimerions pouvoir continuer de nous faire tranquillement sur nous-mêmes. Que ceux-là me disent alors, ce qui peut bien intervenir d’autres que le désir de dominance, lorsqu’on lance des attaques personnelles en fait d’arguments.

 

Je profite d’ailleurs de cette remarque pour faire un nouveau petit aparté sur le langage. On a vu déjà, que le langage, parce qu’il s’est incroyablement complexifié au fil des siècles, camoufle désormais une part importante des causes pour lesquelles il agit. Et qu’aujourd’hui, du moins est-ce le cas dans les sociétés développées et dites « modernes », il est l’outil le plus important du pouvoir.  Ceux en effet qui possède la maîtrise de l’abstraction et de la rhétorique, sont aujourd’hui les dominants. Il n’est donc pas étonnant que les comportements de recherche de dominance interviennent aussi fréquemment dans un débat où s’affrontent la rhétorique des uns à celle des autres.

 

Pour en terminer avec des indications un peu moins théoriques, voici quatre points qui me semblent devoir être gardés à l’esprit lorsque l’on entend débattre avec quelqu’un :

 

 

  • Refuser, pour soi, et en provenance des autres, tout ce qui ressemble de près ou de loin à de l’agressivité ou à des menaces. Les attaques physiques bien sûr, mais également les insultes, sont absolument à proscrire. Elles ne sont acceptables dans aucun cas. De même que les comportements menaçants. Qu’il soit définitivement dit que je ne les accepterai jamais sur mon blog, même si elles venaient de quelque illustre blogueur qui perdrait momentanément les pédales. Et que tout commentaire qui s’y apparenterait sera systématiquement supprimé. Je note toutefois que ma faible notoriété m’expose peu à ce type de dérive. Et que mes rares commentateurs montrent au contraire une tenue dans leurs discussions dont je les remercie.

 

  • Refuser, pour soi, et en provenance des autres, tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la moquerie, à des sarcasmes et à des persiflages prétentieux. Ils sont la plus pure expression de la recherche de dominance. C’est peu de dire que je les trouve ridicules et méprisables. Parce que ceux qui en usent ne se rendent même pas compte que ceux-ci leur servent plus à justifier leurs propres actions et donc leurs propres désirs que leurs arguments. Ils me font ainsi l’effet d’aveugles dressés fièrement sur leur rocher, et clamant avec un rictus en coin avoir une meilleure vue que quiconque à la ronde.

 

  • Essayer, autant que possible, même si c’est là également un difficile exercice, d’abandonner sa carte, ou au moins d’entrer dans le débat en étant conscient que sa carte n’est pas le territoire, que notre représentation de la réalité n’est pas la réalité, mais seulement la représentation que nous-mêmes nous en faisons, et que cette représentation est très probablement différente chez les autres débatteurs. C’est cela qui permet de réellement écouter.

 

  • Savoir se taire. Penser à toutes les fois où l’on s’est senti frustré d’être coupé alors que nous parlions ; songer à toutes ces autres où nous avons vu notre vis-à-vis n’avoir fait qu’attendre son tour pour enfin nous asséner sa vérité, sans avoir le moins du monde pris en compte ce que nous avions pu dire. S’appliquer à soi-même les conseils que nous voulions lui donner.