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11/12/2006

Le surfer d'argent II, le retour !

medium_surfer_d_argent.jpgLorsqu’on regarde les émissions de divertissement à la télé, il y a une scène à laquelle on assiste souvent : un invité se lance dans une longue tirade humaniste sur les autres, la différence, le respect, la tolérance, bref tout le tremblement tire-larme autosuffisant  habituel, et le public qui assiste à l’émission, vibrant de tant d’humanité affiché entre un spot pub et la promo du dernier bouquin d’actu creux à la mode, applaudit d’un seul homme, marquant ainsi son identification, et par la même occasion celle de l’émission, de son animateur et de toute l’équipe de prod, à ces grandes valeurs déclamées avec autant de vibrato.

 

En tant que spectateur c’est peu de dire qu’en général je supporte très mal ce type de manifestation du grand discount de la conscience collective. En fait, je suis tout à fait prêt à croire que les personnes qui entonnent ces chants d’absolution de l’âme humaine le font avec sincérité, et certaines témoignent d’ailleurs parfois d’un engagement très concret pour les causes qu’elles défendent. Mais ce qui rend invariablement exaspérant ces instants sentimentalo-cathodiques ce sont les applaudissements.

 

Ceux-ci sont en effet toujours, sans que cela souffre malheureusement la moindre exception, l’expression du syndrome du surfer d’argent : le rattachement de la foule à un héros dont la geste témoigne d’une grande âme, auquel il suffit de s’identifier en l’acclamant pour que l’on se croit revêtu des mêmes habits de noblesse humaine, et pour se permettre de se dédire de la même responsabilité que celle assumée par notre héros sans trop de frais. On s’est déclaré admiratif devant untel ou unetelle, on montre ainsi qu’on partage les mêmes valeurs, donc pas besoin d’aller plus loin, dans le fond les autres n’en font pas plus, notre déclaration d’intention leur suffira amplement.

 

Dans mes moments de mégalomanie aggravée, je m’imagine parfois dans la peau du surfer d’argent. Sur un plateau de télévision, à la République des blogs, à n’importe quel endroit où il me serait donné d’être moi-même le héros de cette foule avide de grandeur, mais s’il vous plaît, sans les responsabilités qui vont avec. Et je crois que je ne supporterai pas mieux leurs applaudissements que je ne les supporte lorsque je reste spectateur.

 

Tout ce que j’aurais envie de dire à ces nouveaux supporters c’est de ne surtout pas applaudir. De ne surtout pas manifester leur appui. De ne pas verser de larme d’assentiment, dont certaines ne seraient que des larmes d’a-sentiment. De cesser ces comportements d’auto-lustrage du poil par procuration. S’ils sont si convaincus de la valeur du discours que leur surfer d’argent tient, ce que l’on doit attendre d’eux ce ne sont pas des applaudissements ni des hochements de tête, c’est un alignement comportemental dans le sens des valeurs qu’ils disent être les leurs.

 

Applaudir c’est déjà commencer à se dédire de cette responsabilité de changer soi-même. C’est déjà chercher un ersatz qui permet de rester dans le confort de l’immobilisme.

05/12/2006

La tristesse

medium_laure_-_tristesse.jpgLa tristesse fait partie des émotions simples. Elle se suffit à elle-même pour être décrite au contraire des émotions mixtes qui additionnent plusieurs émotions différentes entre elles. (je reprends ces terminologies d’émotions simples et mixtes directement du site de redpsy déjà indiqué hier dans mon billet sur la crise émotionnelle)

Petit arrêt sur les émotions mixtes d’abord, car leur compréhension éclaircit déjà beaucoup de choses. Celles-ci comme leur nom l’indique bien, mélangent en même temps plusieurs émotions simples entres elles, les font cohabiter chez la personne dans une même unité de temps. Certaines de ces émotions simples étant la cause des autres, et d’autres parfois s’entrechoquant entre elles. On comprend aisément que ce mélange de plusieurs émotions simples est une source de confusion, qui peut être profonde dans certains cas.

D’ailleurs il est probable que dans de nombreux cas, et c’est bien indiqué chez redpsy, une ou plusieurs des émotions intervenant dans l’émotion mixte, soit présente précisément pour en camoufler une autre. Parce que nous avons peur de cette autre émotion, que la seule idée de la ressentir génère une appréhension forte qui nous pousse à tout faire pour l’éviter. Comme si cette émotion risquait de s’emparer de nous, de nous faire perdre le contrôle de nous même, et de nous entraîner dans un mécanisme de crise émotionnelle.

Mais éviter ses propres émotions n’est pas chose aisée. Je crois pour être franc que c’est même parfaitement impossible. Elles s’infiltrent quoi que nous tentions pour les repousser, et malgré tous nos efforts elles finissent par occuper un espace, quelque part dans notre cerveau. Dés lors, puisque nous ne pouvons les repousser tout à fait, nous cherchons à minimiser leur importance et leur impact. C’est ce mécanisme qui est à l’œuvre dans la construction de nombreuses émotions mixtes.

En ce qui concerne la tristesse, celle-ci sera souvent accompagnée de frustration, ou encore de colère. Dans ce dernier cas, bien souvent, elle ne visera pas véritablement la cause de notre tristesse mais plutôt un facteur perçu comme étant cette cause. Pour bien comprendre ce point, tentons d’abord d’identifier ce que peuvent être les sources de la tristesse.

En y réfléchissant un peu, nous serions tentés de lister des événements qui ont pu nous causer de la peine : la disparition d’un proche, une déception sentimentale, le désespoir face à une situation spécifique, etc. Je crois qu’on peut regrouper les causes de tristesse dans deux catégories principales : le manque affectif (probablement la cause la plus importante de la tristesse), et l’abandon (j’entends ici, sur des aspects plutôt matériels comme l’incapacité à se financer, la non reconnaissance dans son travail, etc.).

Or la colère, en s’additionnant à la tristesse, va chercher un coupable à notre manque affectif, ou à notre sentiment d’abandon. Puisqu’elle est présente pour camoufler la tristesse, elle détourne notre attention de l’objet sur lequel elle devrait se porter. C’est en cela qu’elle se porte sur un facteur de la cause de notre tristesse et non sur la cause elle-même.

Cela pose à mon avis deux problèmes. Le premier, évidemment, c’est que cela nous empêche de résoudre notre difficulté puisque la colère nous en détourne. Le fait de trouver un coupable à nos déboires et de reporter sur lui l’intensité de notre tristesse ne permet probablement pas souvent de traiter notre malaise. Le deuxième, qui est quasiment inclus dans le premier, mais je préfère séparer les deux pour être plus clair, c’est que cette colère nous empêche d’exprimer notre tristesse et donc de la gérer convenablement.

Car je crois que très souvent, il faut accepter ses propres émotions, si l’on veut parvenir à les gérer véritablement et même à les utiliser pour notre propre développement personnel. Les émotions sont quasiment exclusivement ce par quoi nous nous construisons. Nous ne le percevons souvent pas car la plupart du temps elles restent à des niveaux d’intensité assez faibles, mais nous sommes aujourd’hui le résultat de nos émotions d’hier, et ce sont elles qui guident notre comportement à tout moment (ce sont bien elles qui construisent nos représentations, ainsi que nos automatismes).

Je n’ignore pas que la tristesse est une émotion difficile à accepter. Que chez certaines personnes, l’intensité qu’elle risque d’avoir peut engendrer un vrai blocage comportemental, et que celui-ci n’est pas souhaitable. Mais je crois que si la personne a accepté à l’avance l’idée de recevoir son émotion telle qu’elle vient, elle va déjà être en mesure de ne pas la vivre d’une façon trop pathologique. Parce qu’en comprenant qu’elle doit accepter l’arrivée d l’émotion, elle comprend simultanément que cette émotion est un élément extérieur, qui arrive à elle, et qui n’est donc pas elle-même. Cette seule conscience de la non identité d’une émotion à soi, permet à mon avis de la remettre en perspective, et constitue le premier pas, sans doute le plus important, pour parvenir à gérer cette émotion.

Et dans ce cas encore plus que dans les autres, il est bon de s’entourer de proches, d’amis, de personnes à qui l’on tient et qui nous offrent cette affection ou cette attention dont nous pensons manquer. Le lien social, vraiment, c’est la clé d’énormément de nos soucis.

Je voudrais terminer ce billet par une dernière suggestion, qui me vient de mes propres expériences sur la question spécifique des cas de manque affectif du fait d’une rupture ou d’une déception sentimentale. Personnellement, je n’ai jamais nourri la moindre colère contre les filles que j’ai aimées et avec lesquelles je n’ai pas pu nouer les relations que j’espérais. Sans doute parce que je me méfie de la haine vers laquelle la colère fait parfois pencher, surtout dans une situation aussi forte émotionnellement.

Mais aussi, parce que, malgré les événements, je continuais à vouloir les aimer. Parce que je sais que je me donne plus de chances de me construire de façon positive en cultivant ce sentiment en moi plutôt qu’en nourrissant des ressentiments. Alors aujourd'hui, quand je repense à ces filles, j’ai toujours un sourire qui me vient, accompagné d’un sentiment apaisé, comme une forme de tendresse qu’elles m’auraient, malgré elles, léguée. Il m’arrive même souvent de les en remercier intérieurement, ou de m’adresser à elles lorsque je me lève le matin. Je ne veux pas perdre ça.

 

P.S: l'image en illustration est une création d'une certaine Laure (une homonyme de ma double, je ne pouvais donc pas choisir autre chose!)

04/12/2006

La colère

medium_colere.jpgLa colère est une émotion négative vécue vis-à-vis d’un facteur (une personne, un événement, etc.) qui engendre une insatisfaction. Elle peut prendre différentes formes, et a différents degré d’intensité (en gros de l’irritation à la fureur). Mais je ne compte pas me perdre dans ces détails, car ce qui m’intéresse dans ce billet, ce n’est pas vraiment le sentiment de colère lui-même, mais plutôt les différentes façons que nous avons de l’exprimer.

Bien souvent, la colère, la vraie (qui n’est donc pas qu’une petite irritation), se traduit par un emballement du langage et un comportement agressif. Je crois même qu’il ne doit pas y avoir grand monde qui croit que la colère puisse être autre chose qu’agressive. N’est-ce pas ? C’est bien votre opinion à vous aussi ? Vous avez cassé toute la vaisselle la dernière fois ? Mince. Parce que pourtant…

Il y a un bon usage que l’on peut faire de la colère, et je dirai même un usage bon (si si, cherchez bien, vous verrez que ce n’est pas pareil). C’est celui de l’expression d’une colère juste, mesurée à la taille de ce qu’elle doit être, posée en quelque sorte (le terme peut sembler contradictoire comme un mauvais slogan politique, et pourtant, il est tout à fait justifié).

C’est le cas en particulier de la colère exprimée face à une personne envers laquelle on nourrit un mécontentement justifié. Une colère d’emportement face à elle est un comportement qui pourrait paraître compréhensible, mais qui ne sera jamais réellement justifié, tout simplement parce qu’il reste parfaitement stérile. Dans l’emportement on ne remet pas les choses à leur juste place, mais on blesse. On contribue donc à détruire un peu plus la relation que l’autre a pu commencer à mettre en péril.

Alors que la bonne colère vise à rétablir l’équilibre que l’autre menace. En exprimant de façon juste son mécontentement, on se cadre soi-même vis-à-vis de l’autre, et on recadre l’autre en même temps. C’est ainsi qu’on peut aider à retrouver l’équilibre initial de la relation. Ce n’est pas une colère froide dont je parle, surtout pas puisque celle-ci prépare des lendemains furieux, mais d’une colère exprimée sur un ton qui ne s’emporte pas, qui ne trempe pas dans l’émotif, mais dans le maîtrisé.

Un petit exemple pour illustrer tout ça. Lors d’une réunion, lorsque votre auditoire se met à chahuter et à ne plus vous écouter, il est souvent inutile de poursuivre. Il vaut mieux s’arrêter un instant et observer attentivement votre auditoire. Cette attitude les troublera, et ils s’arrêteront d’eux-mêmes. Mais s’ils répètent le même comportement à plusieurs reprises, déséquilibrant ainsi la réunion et vous mettant en situation de porte-à-faux, je crois bon d’exprimer la colère que vous en nourrissez.

Posez-vous alors, et faites part de votre colère avec une voix forte et ferme, mais sans vous emballez, en restant posé. Vous pouvez même, pour vous aider à poser votre colère, entamer en disant : « Je suis en colère ! ». Non seulement vos chances sont grandes d’obtenir le silence et l’attention de l’assistance de cette façon, mais vous sortirez en plus de votre réunion en ayant gagné une véritable aura auprès de ces personnes. Parce qu’ils n’auront pas vu ça souvent.

La crise émotionnelle

medium_Crise.jpgVendredi dernier au bureau, une collègue s’est effondrée en revenant d’une réunion de lancement de mission qui s’était mal passée. Rien n’est apparu dans les deux premières heures qui ont suivi son retour, mais ensuite, à partir de la première larme, il fut impossible de tirer quoi que ce soit de sa part durant toute l’après-midi. Désemparée, débordée par sa propre émotion, elle ne parvenait pas à reprendre le dessus, et nous qui assistions à sa crise, nous nous sentions tout à fait incapables de l’aider.

La difficulté de la crise émotionnelle, c’est évidemment qu’elle se traduit par une perte de contrôle. La personne devient elle-même incapable de se maîtriser, et son entourage également n’a souvent pas de réponse à apporter à la crise vécue. C’est d’ailleurs cette impuissance de tous qui fonde la crise, puisqu’elle met chaque intervenant (on comprend en fait qu’il faudrait plutôt utiliser le terme de spectateur) en situation d’inhibition de l’action, et qu’alors aucun ne se sent en mesure d’agir pour modifier la situation.

Cette impuissance renforce donc la détresse émotionnelle de la personne, puisqu’elle ajoute à son malheur le sentiment de ne pouvoir en sortir. Elle entre alors dans un véritable cercle vicieux, qui est le mode sur lequel la crise s’alimente elle-même. Je ne connais pas de remède simple à une crise émotionnelle. Et je serais bien surpris qu’il en existe. Mais on peut toutefois avancer une ou deux idées.

La première c’est que l’essentiel que peuvent apporter les personnes qui assistent éventuellement à la crise, c’est simplement d’être là. Etre là, c’est-à-dire offrir une vraie présence, témoigner de l’appui qu’elles offrent à l’autre. Mais cette présence, ne doit probablement pas se faire sur un mode pathologique (la personne qui pleure avec vous parce que vraiment c’est trop dur), mais plus sur un mode d’accompagnement. D’ailleurs, et je l’ai déjà noté à de nombreuses reprises dans mes premiers billets sur la gestion du stress dans ce blog, cette présence passe bien plus par un comportement, un regard stable et attentif à la fois, un corps serein mais mobilisé, etc., que par des mots, qui trop souvent enferment la douleur dans une interprétation trop subjective pour être juste.

La deuxième c’est que c’est souvent aussi la personne qui est en crise qui est la plus à même à s’aider elle-même. Mais là, toute la difficulté c’est que pour sortir de sa crise, il est nécessaire qu’elle parvienne à s’en détacher, à prendre du recul vis-à-vis de sa situation. Or la crise, par définition, se caractérise par l’absence de recul et, comme on l’a déjà indiqué, par l’entraînement dans un cercle vicieux qui alimente celle-ci.

Quelques idées toutefois peuvent être mises à profit. La première, c’est qu’il me semble tout à fait erroné de chercher à supprimer les émotions en cause. C’est comme en gestion du stress. Il ne s’agit pas de supprimer ces éléments, mais de les gérer, c’est-à-dire de savoir les intégrer en soi d’une façon saine et non destructive. Mais prétendre détruire ses propres émotions, c’est à mon avis une bêtise. D’ailleurs à bien y réfléchir, je ne crois pas que cela soit possible, et les gens qui prétendent y parvenir, ne font probablement que les maquiller. Est-il besoin d’expliquer que ce n’est pas ainsi qu’elles parviendront à retrouver leur équilibre ?

Ensuite, et là je vais être très pragmatique, il faut travailler sur les affects corporels de la crise, notamment sur la respiration. Le simple fait de parvenir à reprendre son souffle convenablement et à le poser lentement peut suffire à sortir de l’engrenage. On peut aussi travailler sur les muscles pour les détendre. La seule détente des muscles du visage est une source d’apaisement importante : surtout le front (penser à le rendre lisse, sans rides), et les joues (notamment en desserrant la mâchoire).

Enfin, le fait d’avoir déjà engagé une démarche de travail sur soi, de réflexion sur ses priorités, de connaissance de ses moyens et de ce qui ne dépend pas de soi, tout ceci peut être mis à profit (notez au passage que vous n’avez nullement besoin de moi, ni de quelque gourou que ce soit pour mener cette démarche, il vous suffit de vous intéresser à vos propres comportements pour cela). Souvenez-vous notamment de la petite phrase « que penserai-je de tout ceci dans un an ? Cela aura-t-il la même importance qu’aujourd’hui ? »

Et maintenant, passons à une forme répandue de crise : la colère.

 

P.S: et j'ajoute une petite référence, le guide des émotions de redpsy. Vraiment pas mal.

01/12/2006

Petite main

medium_img_main_parent_enfant.jpg

 

 

 

 

La main qui tient l’autre est celle qui a le plus sûrement besoin d’être tenue.

 

 

 

Je le tiens de l’enfant qui, l’autre soir,

retenait par sa petite poignée son père,

si roidement debout qu’il

semblait à tout moment devoir tomber

Déjà petit

medium_gosse.JPG

 

 

Déjà petit, déjà tendre

           

Les joueuses dansaient dans ses yeux

 

 

 

Des rosées joufflues aux rires éclatants

 

 

 

Au gré des pentes d’herbes,

    des roulades,

        et des mains sur les yeux

 

Des cerises chipées, et des flaques convoitées,

 

 

 

 

Leur empreinte reste plus forte

    que celle du jouet de bois heurté

 

Elles mènent comme au bal,

    et pour encore des années

 

 

30/11/2006

De la juste utilité du vote blanc

medium_vote-blanc.png[note un peu remaniée pour corriger quelques coquilles]

Découvert hier soir lors de la 4ème république des blogs : le parti blanc, et son représentant, Mehdi, avec qui j’ai pu discuter quelques instants, ainsi qu’avec l’ami Hugues.

 

Pour ma part l’initiative de ce groupe me plaît pas mal, car comme beaucoup d’autres, je regrette que les votes blancs ne soient pas comptabilisés lors des différents votes qui ont lieu. Cela donne une image un peu faussée des résultats sortant des urnes, et surtout, cela fait proprement disparaître des dizaines de milliers d’électeurs, qui manifestent par ce vote leur insatisfaction devant le choix qui leur est proposé.

 

C’est d’ailleurs d’autant plus regrettable que les personnes qui votent blancs, contrairement aux abstentionnistes, manifestent leur intérêt pour la chose publique et montrent par leur démarche qu’ils ont un vrai sens civique. Une démocratie qui déconsidère ces personnes là se tire un peu une balle dans le pied, non ?

 

Mais en revanche, le « programme » proposé par le parti blanc me semble un peu étrange et pour tout dire assez hors sujet. Pour moi la seule bataille qu’ils ont à livrer c’est celle de la reconnaissance et du comptage des votes blancs. C’est déjà pas mal, mais ça s’arrête là.

  

Dans son introduction, et Mehdi a d’ailleurs fortement plaidé hier soir en ce sens, le parti blanc se donne pour mission de rétablir la confiance entre les citoyens et la classe politique. Et, prétend-il, cette confiance viendra lorsque les votes blancs seront comptabilisés. Là, je dois dire que je ne comprends pas la logique.

 

Je crois que l’argument qui serait présenté par le parti blanc pour justifier cette idée, c’est que lorsque les votes blancs seront comptabilisés, on pourra établir une règle disant qu’à partir d’un certain niveau de ceux-ci, le vote qui a eu lieu devra être reconnu comme nul. Et là s’engagerait une procédure de dialogue pour que les personnes qui ont voté blanc indiquent les raisons de leur choix. Et donc on aboutirait à une nouvelle offre politique lors d’un vote ultérieur.

 

Il y a à mon avis plusieurs erreurs dans ce raisonnement. D’abord, je serais surpris que le pourcentage de vote blanc dépasse fréquemment un plafond raisonnable pour annuler des élections. Leur niveau a été indiqué une ou deux fois, grâce à des sondages, lorsqu’ils semblaient particulièrement élevés : ils ne dépassaient pas les 5%. On comprend bien que c’est très insuffisant pour annuler quelque élection que ce soit.

 

Ensuite, parce que je serais encore plus surpris que l’on puisse trouver une véritable unité dans la démarche des votes blancs, si ce n’est celle d’avoir voté blanc. Les raisons de ce type de vote sont naturellement très diverses, et leur réconciliation serait à mon avis bien difficile.

 

Et puis surtout, je trouve que cet un outil plutôt inefficace pour arriver à la fin, louable, que le parti blanc entend lui donner. Car tout de même, il existe d’autres façons, plus directe, pour réconcilier les gens avec la politique non ? Et le dialogue qu’on instaurerait après une annulation d’un vote, pourquoi on ne le fait pas avant ? Ce n’est pas parce qu’on va comptabiliser les votes blancs qu’on va réduire l’incompréhension qu’ont les gens de la politique ni les votes de sanctions.

 

Pour cela, il y a des démarches plus efficaces, de communication plus transparente des partis politiques, de participation plus facile des gens à la constitution des programmes, d’instauration de débats, que ce soit dans un espace public bien défini (les communes organisent souvent des débats dans les salles qu’elles ont à leur disposition), ou chez soi, via Internet et les blogs par exemple.

 

Et surtout, surtout, il y a la nécessaire implication de chacune et de chacun pour découvrir soi-même quelles sont les propositions des uns et des autres. Je l’avais déjà dis dans mon billet de synthèse sur le TCE (n’allez pas relire ça malheureux, c’est affreusement long, je ne l’indique que pour faire chic), on ne peut pas pester contre l’incompréhension que l’on a de telle ou telle position politique et de tel ou tel texte, si l’on ne fait pas déjà soi-même l’effort de s’informer et d’analyser les choses. C’est bien cela la démocratie, la responsabilité de chacun de la faire vivre en se donnant le maximum de chances de faire des choix éclairés. Et on ne peut pas attendre toujours que cet éclaircissement vienne des autres. Les politiques ont un devoir d’effort pour rendre leur démarche plus transparente. Les personnes qui se prétendent citoyennes ont un devoir d’effort pour s’informer de ces démarches.

29/11/2006

Les lettres de motivation d'Albain

medium_geai.jpgBonjour, je m’appelle Albain, je suis jeune et je compte le rester encore longtemps. Je suis né en Isère mais je peux vivre partout. J’aime la nuit, j’aime attendre, j’aime regarder, j’aime être seul. Je me sentirai très bien dans ce travail que vous proposez, dans votre entreprise de télésurveillance. Je voudrais juste savoir une chose : vous surveillez quoi ? Je joins une enveloppe timbrée pour la réponse. Je vous contacterai après.

 

Bonjour, je m’appelle Oriane, quand j’étais petite ma mère me laissait souvent jouer avec les morceaux de tissus qui tombaient de sa machine à coudre. Ce que je préférais, c’était quand elle oubliait un grand morceau et que je pouvais me rouler dedans. Bref, j’aimerais bien travailler dans votre magasin de vêtement. J’ai déjà vendu des gâteaux avant, ça ne doit pas être très différent de vendre des vêtements. Appelez-moi si vous voulez.

 

Bonjour, je m’appelle Eloïse et j’ai 22 ans. Je suis née en Vendée, pas très loin d’une grande ville. J’aime bien me promener et rester seule pour regarder les gens, ou alors les animaux, ou même juste le paysage. Je pensais que je ferai une très bonne gardienne pour votre musée. Qu’en pensez-vous ? Je vous appellerai dans deux jours pour qu’on en discute ensemble.

 

Bonjour,

 

L’autre jour en passant près de la patinoire qui est juste derrière la mairie de ma ville, j’ai vu deux canards qui jouaient en caquetant. J’ai pensé qu’ils avaient de la chance d’avoir cet instrument amusant dans leurs gorges. Et que j’aimerais bien en savoir un peu plus sur eux. Je me demandais si vous cherchiez quelqu’un pour vous assister dans votre cabinet vétérinaire. Si c’est le cas contactez-moi.

 

Bonjour, je m’appelle Benjamin et je suis savoyard. Je suis au chômage depuis 4 mois et j’aimerais bien travailler chez vous dans votre entreprise informatique. Je ne connais rien du tout à tout ça, mais je suis prêt à travailler dur pour apprendre. Ma motivation c’est surtout de gagner de l’argent, mais pas forcément beaucoup, juste ce qu’il faut pour payer mon loyer, ma nourriture, et aussi les cours de piano que je voudrais prendre les samedis. Je laisse ma lettre au concierge de votre immeuble car j’ai vu que votre boîte aux lettres était abîmée. Il vous la remettra.

 

Bonjour, je m’appelle Marc, et depuis que je suis tout petit j’aime beaucoup la musique. Je ne vais plus beaucoup à des concerts ces derniers temps à cause de mon budget réduit, mais je me souviens encore avec beaucoup d’émotion du dernier opéra auquel j’ai assisté il y a deux ans. C’était La Traviata, de Verdi, et le spectacle était vraiment magnifique, surtout l’orchestration et la soprano. Sauf le ténor peut-être qui était bizarrement agressif par moments. Bref, j’ai vu que votre cabinet de conseil était situé juste à côté de l’opéra et je suis sûr que la joie de travailler si près de ce théâtre suffira à me donner tout l’enthousiasme nécessaire pour vous fournir un bon travail. Je vous appellerai très bientôt car je suis curieux de savoir si vous aussi vous avez voulu travailler là pour être près de l’opéra.

 

 

Ce billet est directement inspiré de la lecture ancienne de Geai, de Christian Bobin. Un petit livre que j’ai particulièrement aimé, très tendre et poétique, dont on quitte les pages avec un sourire apaisé et heureux. La première lettre du billet vient du livre.

28/11/2006

Alain et le passé

medium_coast_road.jpgEn ce moment, je lis un petit bouquin du philosophe Alain (Emile Chartier en vrai, mais il a cédé aux sirènes d’un nom vachement plusse pipole), ça s’appelle Propos sur le bonheur. Emi… Alain d’ailleurs, à écrit vachement de propos. Des Propos sur la religion, des Propos sur l’éducation, des Propos sur l’esthétique, vraiment les propos, c’était son truc.

 

Et dans ma lecture métronale (oui, c’est un barbarisme, mais je compte le faire valider par l’académie française avant ce soir) de ce matin j’ai trouvé cette petite chose qui m’a bien plût :

 

 

"Compter sur le passé est justement aussi fou que se plaindre du passé"

 

 

Une petite saveur stoïcienne dans cette phrase je trouve (non, il n’y a pas de virgule quand Yoda m’habite). Vraiment j’aime bien ce type de réflexion. Vous vous souvenez de la remarque faites par un internaute en réponse à la question posée dans les forums Yahoo sur le stress ? Il indiquait qu’il séparait les événements en trois catégories : ceux qui étaient de son ressort et qui étaient importants, ceux qui étaient de son ressort mais qui n’étaient pas importants, et enfin ceux qui n’étaient pas de son ressort.

 

Et bien le passé, fait en quelque sorte partie de la troisième catégorie. On ne peut pas agir sur le passé, on ne peut pas le modifier. Le passé n’est pas de notre ressort. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas s’en inspirer, l’analyser. Cela ne veut pas dire non plus qu’on doit chercher à découdre tous les points d’influence qu’il exerce sur nous (si vous tentez d’ailleurs, bon courage). Mais simplement, qu’il faut le gérer pour ce qu’il est, et ne pas lui accorder, par la force de la représentation que nous nous en faisons (Alain dirait plutôt par notre imagination), une importance excessive.

 

Pour ma part je dois reconnaître que pendant de nombreuses années j’ai été un grand ruminant du passé. Je me souvenais de chaque douleur, et notamment de tous les torts qu’on me faisait, j’enregistrais tout, ne disais à peu près rien, mais chacun avait sa note. Un sacré piège c’était.

 

Alors désormais, même si cette évolution est lente, j’apprends à ne plus grossir le passé. Je lui laisse une petite pièce à lui dans mon cerveau, que j’essaie de maintenir au chaud, mais il ne va plus déranger ses colocataires aussi souvent qu’avant. Et il m’arrive même de plus en plus souvent, seulement quelques microsecondes après un événement désagréable, de faire un grand sourire et de me dire : "C’est le passé, out. Et maintenant ?"

 

Pourrais-je conseiller ce petit remède aux "débatteurs"  (je mets entre guillemets, parce que je ne suis pas sûr qu'ils soient vraiment en train de débattre) qui s’empoignent actuellement chez Embruns ?

27/11/2006

Vers une société de dématérialisation

medium_terre.JPGNicolas Hulot était hier soir l’invité de l’émission France Europe Express dans laquelle il présentait notamment le pacte écologique qu’il a mis au point avec bon nombres de scientifiques réputés au bout d’un travail de plusieurs mois. Le débat fut plutôt intéressant, sans doute grâce à un sujet de départ qui est finalement assez peu polémique et qui oblige plutôt à une vraie réflexion plutôt qu’aux réactions politiciennes pavloviennes habituelles.

 

Mais ce n’est pas vraiment du sujet de l’émission dont je voudrais parler, mais plutôt d’une idée qui m’est venue lors d’une remarque d’un des intervenants.  En effet, vers le milieu de l’émission, Jacques Attali a fait une remarque à Nicolas Hulot, et lui a dit en gros : « le plus grand défi pour l’avenir, c’est de parvenir à gérer notre passage à une société de l’information ».

 

Immédiatement cette formule de « société de l’information » a fait tilt dans ma tête. D’abord parce que je me méfie toujours des formules de ce style que tout le monde feint de comprendre mais que chacun définirait d’une façon différente des autres. Mais aussi, et surtout, parce que je vois une imperfection dans cette formule qui la rend finalement parfaitement inefficace pour rendre compte des défis que justement nous avons à relever.

 

medium_information.jpgCar il est faux de dire que nous entrons dans une société de l’information. Cette formule laisse à croire qu’il s’agit là d’un avenir, alors qu’il n’en est rien. La société de l’information, nous y sommes déjà, et depuis de nombreuses années. Depuis même beaucoup plus longtemps que vous ne l’imaginez en lisant ces mots. Cette société de l’information ne date pas des dernières décennies qui se sont accompagnées de tant d’évolutions technologiques. En réalité, la première société que l’homme a créée, il y a des milliers d’années de cela, était déjà une société de l’information.

 

Aujourd’hui nous avons le réflexe d’associer ce terme d’information à une activité de type tertiaire, abstraite. N’ayant entendu parler d’économie tertiaire étendue que tardivement dans le XXème siècle, nous datons donc l’émergence de la « société de l’information » dans les quelques décennies qui viennent de s’écouler. Certains même estiment qu’elle n’est encore qu’à venir (ça semble être le cas de Jacques Attali).

 

Mais depuis qu’il vit, l’homme ne fait pourtant rien d’autre que de traiter de l’information. L’information de son environnement, qui lui indique ce qu’il va pouvoir manger et boire, l’information venant des autres êtres vivants qui peuplent le même territoire que lui, et qui lui indiquent  notamment quelles sont les limites de sa propre action, l’information lui venant de lui-même, enfin, de son corps, qui lui dis quand il est malade, affamé, assoiffé, triste, heureux, etc. Ce que nous faisons chaque jour, ce n’est rien d’autre que traiter toutes ces informations, les mélanger ensemble et réagir aux messages qu’elles nous envoient.

 

Tout ce qui existe dans notre société n’est que le résultat d’un traitement de l’information. C’était le cas notamment dans les décennies qu’on a baptisées « ère industrielle ». Car lorsqu’un industrie, quel que soit son activité, produit un objet, une barre de fer, une voiture, une coque de navire, tout ce que vous voulez, elle ne fait rien d’autre que transformer une multitude d’informations (de savoirs), et la condenser dans un résultat palpable. Mais que ce résultat soit palpable ne signifie en rien qu’il n’est pas lui-même un condensé d’information.

 

A ce stade on estimera peut-être que la remarque que je fais dans ce billet est un peu oiseuse. Après tout, il ne suffit donc que de définir ce qu’est l’information dans l’expression « société de l’information », en disant qu’il s’agit des informations non matérielles, des pensées, des opinions, etc. et hop, le tour sera joué. Je crois qu’il n’en est rien pourtant, et je persiste dans mon idée.

 

Dans le fond, il me paraît beaucoup plus juste de définir une société par le support qu’elle utilise pour traiter l’information. Puisque toutes les sociétés sont des sociétés de l’information, presque par définition, puisqu’elles sont composées d’hommes, et que les activités de hommes ne consistent qu’à traiter de l’information, il me semble plus pertinent pour les décrire, d’identifier quel est le support par lequel elles traitent prioritairement cette information. Au XIXème siècle, il s’agissait principalement de l’industrie. On a donc, à juste titre, qualifié cette période d’industrielle.

 

Alors aujourd’hui comment peut-on appeler notre société ? Quel support utilise-t-elle en priorité pour traiter ses informations. Et bien je propose une formulation, qui il me semble apporte de vraies lumières pour comprendre notre monde moderne. Notre société utilise de plus en plus des supports immatériels pour traiter son information. Nous sommes dans une société de dématérialisation de l’information. C’est cela la vraie révolution que nous vivons ces dernières années, révolution qui s’accélère, on le comprend sans difficulté, avec le développement d’Internet et de toutes les technologies de télécommunication.

 

Ce terme permet à mon avis de mieux comprendre certains défis qui se posent à nous aujourd’hui. Car je crois que cette tendance à la dématérialisation pose à chacun de nous, de façon individuelle, un problème, hum, vais-je oser le terme, hum, un problème ontologique. Car elle va en quelque sorte à l’encontre des stratégies que notre nature biologique à mises au point pendant tant d’années pour maîtriser son environnement.

 

En effet, la première chose par laquelle nous apprenons à connaître le monde, à l’appréhender et à l’intérioriser, ce sont nos sens. Notre vue, notre ouïe, notre toucher, notre odorat, et notre goût. Nous connaissons le monde avant tout en le palpant, en le sentant, en l’observant de toutes les façons qu’il nous est donné de pouvoir le faire. C’est cette découverte sensorielle qui permet au nouveau-né de progressivement sortir de son « moi tout », en comprenant qu’il ne fait que partie d’un ensemble, d’un univers avec lequel il va devoir création des interactions afin de trouver les bonnes réponses à ses propres besoins.

 

C’est par cette démarche, avant tout autre, que nous nous définissons nous-mêmes, et que nous nous connaissons nous-mêmes. D’ailleurs, il n’y a pas que les bébés qui passent leur temps à s’observer, à se tâter, à se regarder, etc. Les adultes le font également, et au-delà du narcissisme qu’on peut y voir, cela montre aussi que nous avons besoin de ce lien des sens avec notre corps.

 

Les technologies qui se développent de nos jours modifient de plus en plus la façon dont nous pouvons traiter les informations qui nous entourent. Et pour ma part, je me demande si cette remise en cause de l’appréhension de notre environnement et de notre corps par les sens au profit d’une démarche plus immatérielle, n’est pas justement la cause de ce qu’on appelle de plus en plus dans nos sociétés modernes, la crise DU sens.

 

Pourquoi sinon proposerait-on si vivement le retour à la nature, qui n’est rien d’autre qu’un retour à une information primaire, basique ? Pourquoi observe-t-on tant de personnes qui se sentent perdues dans leurs vies, perdues dans leurs activités professionnelles, perdues dans leurs relations avec les autres ? Il me semble très possible, étant donné la place qu’occupe le traitement de l’information dans l’activité des hommes au quotidien, que la dématérialisation, qui en quelque sorte le déracine de lui-même, soit en grande partie la cause de cette crise du sens, de cette crise d’identité, de cette crise ontologique (choisissez l’expression qui vous convient le mieux, pour moi elles sont à peu près équivalentes).

 

Peut-être est-on en train de vivre une nouvelle mutation, d’une forme un peu inédite. Pas une mutation biologique à proprement parler, mais une mutation sociale, une mutation des esprits, qui vont devoir s’acclimater à des supports de traitement de l’information qui relèguent l’utilisation des sens à une place moins dominante.