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08/03/2006

Hommage aux femmes

La journée de la femme me donne l'occasion d'écrire un petit billet pour leur rendre hommage. Car outre leur plus grande qualité qui est d'être moins belliqueuses que nous (combien de guerres aurait-on évité si les femmes étaient au pouvoir depuis le début ?), les femmes réussissent tous les jours une performance qui devrait nous faire réfléchir sur nos propres comportements: en dépit des sources bien plus grandes de stress qu'elles doivent affronter ce sont elles qui savent le mieux le gérer.

 

Je sais que ça fait monomaniaque mon histoire de gestion du stress et vous vous dites peut-être en lisant ça: "mais quel sujet dérisoire ce truc". Mais encore une fois la discipline porte mal son nom. Ce n'est pas juste de la gestion du stress, ça va bien plus loin, c'est de la gestion de vie. Et dans ce domaine je crois en effet que pour beaucoup de choses les femmes sont plus douées que nous les hommes, et que nous serions bien inspirés... de nous en inspirer.

 

D'abord, qu'elles affrontent des sources de stress plus grande que nous ne fait aucun doute. C'est vrai dans nos sociétés occidentales où leurs salaires, et donc la reconnaissance qu'on offre à leur travail, restent moindres que ceux des hommes à mêmes niveaux de qualification, où les accès aux postes de direction et/ou de décision, en entreprise ou en politique, leur sont bien moins ouverts (lien via Kozlika) qu'aux hommes. C'est vrai aussi parce qu'elles supportent encore de nos jours une pression sociale forte, que ce soit pour leur rôle dans la famille, ou pour leur place dans le couple. On le voit notamment au fait que les femmes célibataires sont plus perçues comme des cas anormaux que lorsqu'il s'agit d'hommes.

 

Et surtout, elles sont encore l'objet de maltraitances inadmissibles, et ce dans presque tous les pays du globe. En France plusieurs rapports (via Kozlika également) assez récents témoignent d'une situation alarmante, et ailleurs dans le monde ce n'est guère plus réjouissant. Malgré tout cela, les femmes d'une façon générale gèrent mieux leur stress que nous. Des experts s'étant penchés sur la question de façon précise nous rapporteraient peut-être tout un tas de raisons sociologiques à cela, mais je crois en fait que la raison principale est toute bête, et qu'elle est suffisante pour expliquer l'essentiel: les femmes savent mieux gérer leurs émotions que nous.

 

C'est un poncif? une caricature? Non, ou si peu. Les femmes, en tout cas la plupart d'entre elles, sont bien plus à l'aise que nous pour vivre et exprimer leurs émotions. Bien mieux que nous elles savent se montrer proches, attentives, spontanées. Alors que dans ce domaine les hommes sont un peu resté à l'âge des cavernes. Un des grands défauts des sociétés modernes est qu'elles font grandir les hommes en leur apprenant des valeurs faussées: l'honneur, la force de caractère, la virilité. L'homme c'est le gars qui reste digne et qui ne pleure pas dans l'adversité. Quelle ânerie oui. On confond solidité comportementale (celle qui permet d'affronter les évènements et de s'en relever) et insensibilité. Et on croit qu'un homme qui reste le dos droit en toute circonstance est à admirer. Cette croyance est un piège.

 

Un petit exemple simple pour étayer ceci. Quand j'ai suivi ma formation accélérée en gestion du stress, le formateur nous a proposé un exercice, que j'ai d'ailleurs déjà indiqué sur ce blog dans un ancien billet: il s'agissait de dire à trois personnes que nous les aimions, et de rapporter le lendemain au groupe comment les choses s'étaient passées avec les personnes auxquelles on l'avait dit. Et bien le lendemain en cours, on a constaté que toutes les filles avaient fait l'exercice, mais que les garçons qui l'avaient fait étaient bien rares. Je crois me souvenir que nous étions juste deux sur une quinzaine de gars. On s'est aperçu de quoi au travers de cet exercice? Et bien tout bonnement que les hommes ne l'avaient pas fait simplement parce qu'ils manquaient de courage, et de sensibilité. C'est loin de valoir une palme.

 

Alors aux femmes aujourd'hui je dis bravo et merci, pour ce qu'elles savent montrer dans leur comportement de tous les jours, et pour ce qu'elles nous apportent de spontané. Je vous poutoune.

27/02/2006

Libérer la parole et la plume

Le lundi matin, j'aime bien commencer la journée en parcourant les dernières cartes reçues par Postsecret. Il y en a des drôles, d'autres qui sont touchantes, certaines sont même très émouvantes. J'y reste rarement totalement insensible. Et, chose un peu étonnante, ce qui se dégage presque systématiquement à la lecture des cartes les plus tristes, c'est l'impression d'un soulagement, voire d'une sérénité à les avoir envoyées.

 

Postsecret offre un espace libre et ouvert qui sert certainement à certains de défouloir où ils peuvent enfin livrer leurs secrets les plus lourds. Ces personnes trouvent ainsi ce site un endroit où ils peuvent en toute liberté "mettre des mots sur les maux". C'est là une des démarches les plus bénéfiques pour parvenir à alléger son stress et sa souffrance. Mettre des mots sur les maux est une méthode efficace pour reconnaître la source de son mal et l'alléger.

 

Une expérience de Joshua Smyth et coll. réalisée il y a déjà plus de 15 ans a démontré les bienfaits thérapeutiques qu'apporte le fait d'écrire noir sur blanc ses difficultés. En constituant deux groupes parmis 112 patients souffrant tous de polyarthrite rhumatoïde, les médecins ont constaté des améliorations significatives chez ceux auxquels ils avaient demandé de "relater par écrit l'expérience la plus désagréable de leur vie". Les explications de ces améliorations ne sont pas faciles à établir et on ne peut guère en rester qu'à des hypothèses, mais les patients de ce groupe auraient notamment tous fait état d'un "bouleversement émotionnel très important" durant l'épreuve.

 

En fait on s'aperçoit que cette démarche est un moyen pour la personne qui souffre de rompre sa solitude dans la douleur. Elle peut enfin briser l'inhibition de l'action dans laquelle elle s'était enfermée avec son secret. C'est d'ailleurs d'autant plus facile et efficace sur Postsecret que les envois restent anonymes, qu'ils sont lus, et par beaucoup de monde, ce qui procure sans doute aux personnes qui postent leurs messages le sentiment, même diffus, d'être entendues voire comprises, et qu'ils se fondent dans une masse de messages dont certains sont plutôt humoristiques ce qui allége le poids de l'ensemble.

 

Le mieux est encore de parvenir à trouver quelqu'un à qui on peut livrer ses difficultés. Se sentir accompagné et soutenu est quasiment indispensable pour parvenir à surpasser les difficultés personnelles les plus lourdes. Et il n'y a pas de pire piège que de s'enfoncer dans la solitude. Mais prendre une feuille de papier et commencer à écrire ce qu'on ressent est déjà un pas pour se sentir mieux.

 

P.S: et navré si j'ai déçu certains qui espéraient lire un énième billet sur la liberté d'expression.

22/02/2006

Stress et performance des entreprises

Emmanuel a produit hier une longue note très intéressante sur 5 idées reçues concernant le marché du travail. Je ne compte pas revenir sur son analyse d'un point de vue économique, mais un point particulier dans son billet m'intéresse lorsqu'il esquisse un début d'analyse sur les facteurs de motivation des employés:

 

"On peut par exemple supposer que la garantie d'une relation contractuelle stable entre l'employeur et ses salariés est une condition importante de la motivation des employés"

 

Il appuit ce point notamment en pointant vers une autre note très intéressante de Mark Thoma dont l'argument de fond est qu'un employé est d'autant plus productif qu'il se sent traité avec équité.

 

"Modern behavioural economics and evolutionary psychology suggest ... that people’s response depends on how they are doing relative to others, and how fairly they believe they are treated"

 

Il me semble qu'on entend assez peu ce type d'arguments dans les discours économiques habituels. Dès qu'il est question de compétitivité et de productivité des entreprises, les analyses se focalisent presque exclusivement sur les aspects "entreprise" de ces questions: la réduction des coûts, les procédures, tout ça, et ne prennent quasiment jamais en compte le facteur humain, comme si celui-ci était plus une charge qu'une chance. (est-ce une fausse impression?)

 

C'est là à mon avis une double erreur. D'abord parce que les entreprises ne fonctionnent pas pour elles-mêmes, et que leur rentabilité n'est en aucun cas une fin en soi, pas plus que l'économie n'est une fin en soi. L'économie et les entreprises qui la soutiennent ne sont que des moyens, pour contribuer à un plus grand bien-être des gens. C'est cela leur fin, rien d'autre. Enfin il devrait en être ainsi. Ensuite parce qu'à long terme le raisonnement me paraît mauvais.

 

Alors pour ajouter un peu d'eau au moulin d'Emmanuel et de Mark Thoma, et j'espère qu'on ne pensera pas que je ne fais ça que pour vanter ma crêmerie, je crois qu'un travail sur la gestion du stress peut être bénéfique pour les entreprises. Un rapport du BIT datant de 1993 a analysé de façon assez détaillée l'impact du stress sur la performance des entreprises (rapport pdf ici- je précise que je reste un peu surpris de son manque de qualité rédactionnelle, peut-être a-t-il souffert de défauts de traduction).

 

Ses conclusions sont assez frappantes: le stress coûterait aux Etats-Unis environ 200 milliards de dollars par an, au Royaume-Unis, il représenterait près de 10 % du PNB (attention, ces données datent de 1993). Comment cela s'explique? Par l'impact du stress sur la santé et la motivation des employés. Des conditions de travail difficiles (températures chaudes ou froides, position du travailleur mauvaise pour le corps, travail prolongé sur ordinateur, etc.), un manque de reconnaissance du travail effectué, un manque de possibilité de participation aux décisions, des problèmes de communication, etc, tout cela est facteur de stress.

 

Ce stress a des conséquences importantes sur le travail des gens. Il met leur santé à mal (combien de collègues fument, boivent, ou sont en dépression autour de vous? et vous?), est source d'absentéisme, de perte de motivation parce que certains s'ennuient ou savent qu'ils ne pourront de toute façon pas faire face et abandonnent la partie (combien font justes leurs heures, en attendant la paie en fin de mois?). Le stress dégrade donc la capacité d'une personne à travailler de façon efficace et contribue à faire baisser fortement sa productivité. Au final tout le monde y perd: les employés parce qu'ils risquent leur santé (physique ou mentale), et les entreprises parce qu'elles sont moins performantes.

 

Le problème, c'est que les gains qu'engrangerait une entreprise en s'orientant vers un plus grand bien-être de ses employés sont bien difficiles à évaluer. Je suis financier, je suis bien placé pour savoir que les directeurs aiment avoir des chiffres sous les yeux qui les rassurent avant de prendre une décision. Et là, ils n'en ont pas. Pourtant, je crois que les gains seraient réels. Et ce serait faire preuve d'un vrai management à long terme que de choisir cette voie.

 

P.S: j'avais déjà indiqué quelques points sur la gestion du stress en entreprise dans cette ancienne note. Et on pourra également lire cet article très intéressant, en anglais, d'où j'ai d'ailleurs tiré la photo plus haut.

19/02/2006

Nage en verre d'eau

medium_verre_d_eau.2.jpgCela fait quelques temps déjà que je n'ai plus posté de billet sur la gestion du stress. Une lecture impromptue m'en redonne l'occasion, pour évoquer une idée simple et facile à mettre en pratique dans sa vie de tous les jours (il n'est pas impossible que je l'ai déjà évoqué sous une autre forme, peu importe). Il s'agit d'apprendre à gérer les mauvais moments, ces petits passages désagréables de l'existence et qui trop souvent pourrissent le reste parce que nous leur accordons trop d'importance, que nous dépensons trop d'énergie pour les effacer.

 

Pour mieux gérer ces passages à vide, ces embêtements passagers, il suffit en fait de se poser une question simple: qu'en penserais-je dans un an? M'en souviendrais-je encore? Est-ce qu'ils influeront à long terme sur le cours de ma vie? Dans 99% des cas la réponse sera non. Le seul fait de pouvoir, en répondant à cette question simple, remettre ces évènements à leur juste place, permet de prendre la bonne distance vis-à-vis d'eux, et d'atténuer leur impact sur nous.

 

En feuilletant quelques livres un peu au hasard, j'ai trouvé ce texte, extrait du Livre des sagesses d'Orient, présenté par Gilbert Sinoué, et qui aborde la même idée, d'une façon en plus assez poétique:

 

"Assis sur les marches, j'entends la rumeur du fleuve qui berce la nuit. Le fleuve qui poursuit sa course, imperturbablement, à l'instar des astres qui le surplombent. Guerres, folies, gloire, possession. Le fleuve et les étoiles ignorent la rapacité de l'homme. La nature vibre et s'épanouit. Le vent du désert fait danser la chevelure des palmiers. Les oasis sommeillent, tranquilles. Autant de miracles qui se succèdent en parfaite harmonie, loin de la fureur et du bruit. Ah, si seulement nous possédions le même détachement! Si nous savions prendre nos distances à l'égar de tout ce qui est transitoire. Dis toi que l'homme n'est pleinement affirmé que lorsqu'il a appris à se désintéresser du superflu. Il ne s'agit pas de démissioner du monde et de s'abriter dans une tour d'ivoire. Non, au contraire. Se libérer de l'inutile permet de se rapprocher plus totalement de l'essentiel."

 

Le fond de cette sagesse, c'est un peu celui-ci.

19/01/2006

Garfieldd et le lien social

La gestion du stress, vous l'aurez peut-être déjà compris, porte un peu mal son nom. Bien plus que d'apprendre à gérer son stress, il est question lorsque l'on aborde cette discipline d'apprendre à connaître et reconnaître ses propres moteurs, les choses auxquelles on va réagir, être en particulier sensible, puis de trouver comment agir sur ces éléments pour apprendre à mieux vivre. Il s'agit dans le fond d'un travail relationnel qui doit se faire sur deux plans: les relations que l'on entretient avec soi-même, l'image que l'on a de soi, et les relations que l'on entretient avec les autres, ce que l'on projette et que l'on attend d'eux et ce qu'on est capable de leur donner.

 

Pas étonnant donc qu'un des premiers sujets sur lequel on travaille en gestion du stress est le lien social. Une personne qui aura un lien social fort avec son entourage, sa famille, ses amis, qui saura s'entourer des gens qu'elle aime et qui l'aiment, pourra mieux faire face à une difficulté si elle dispose d'un soutien social fort. C'est quelque chose qui peut être difficile pour certains car lorsque tout va mal on peut être tenté de s'isoler. On risque d'entrer dans une logique négative, une spirale où perdant confiance en tout (en la vie, en soi, et en les autres) on s'éloigne petit à petit de ses proches, s'enlevant ainsi le meilleur outil pour parvenir à remonter la pente.

 

Il est donc important de consacrer un peu de son énergie à la construction de ce lien, de le nourrir régulièrement par l'attention que soi-même on va offrir aux autres, par l'ouverture qu'on va offrir également aux nouveaux venus. Et parfois, ce lien peut se former sans qu'on le veuille, parce que des gens qu'on aura pas remarqués auront senti une proximité, et auront souhaité l'approfondir. Ce lien social qui s'étoffe est comme une chaude couverture, réconfortante, et plus il grandit plus il peut soulever de montagnes.

 

C'est un peu ce que Garfieldd est en train de vivre grâce au concert de protestations et de soutiens que la blogosphère lui apporte dans l'affaire qui l'oppose à sa hiérarchie et à l'éducation nationale au sujet de son blog. Et qu'il remarque aujourd'hui avec émotion (mail publié par Laurent d'Embruns). Laurent recense d'ailleurs tous les billets rédigés sur la question, les meilleurs étant à mon goût celui d'Eolas et ceux de Kozlika qui n'hésite pas à reprendre in extenso certains billets de feu le blog de Garfieldd pour démontrer l'écart existant entre le contenu réel du blog et ce qui lui est reproché.

 

Où l'on voit que, parfois, le soutien social ne vient pas uniquement des "proches" habituels, mais également de ceux qui partagent certaines valeurs, certaines convictions, et les font vivre par leurs actes.

03/01/2006

Retour sur l'écoute avec Will Hunting

Hier soir j'ai regardé, un peu en pointillés parce que je l'avais déjà vu deux fois, Will Hunting à la télévision. J'aime bien ce film, pas vraiment pour son côté "ah vous avez vu ce génie" que je trouve un peu trop appuyé (quand même il explique à un lauréat de la médaille Fields que tel théorème de maths, il "a pas idée à quel point c'est facile"  pour lui le petit génie, alors que l'autre est incapable de n'y rien comprendre ... ), mais pour tous les dialogues entre le personnage principal et son psy.

 

Ces passages sont sans doute un peu simplistes pour les psychologues professionnels (dont je ne suis pas, je le rappelle, même si ça m'aurait beaucoup plût), mais on en retire tout de même une démarche qui me plaît vraiment. Et qui me fournit la petite matière d'un premier billet aux aspects très psychologie de comptoir, j'en conviens, sans pour autant être tout à fait à mépriser.

 

Ce qui m'intéresse c'est la façon dont le contact se noue entre Will et le psychothérapeute (joué admirablement par Robin Williams, sans doute un de ses meilleurs rôles, en tout cas à mon goût). Will fait plusieurs tentatives avec d'autres psys avant de rencontrer Sean. Ces essais se soldent par un échec car il rejette la démarche de la thérapie psychologique et son intelligence exceptionnelle lui permet même de se payer la tête de chacun des médecins qu'on lui propose. C'est d'ailleurs un peu ce qu'il fait lors de sa première rencontre avec le personnage de Robin Williams. Il inverse les rôles, fait la psychanalyse du psy, le pousse dans les cordes, montre son mépris pour son travail, etc.

 

Puis le contact se fait lors de la séance suivante. La scène a lieu dans un parc, devant un étang dont l'objet est probablement de rappeler la mer sur laquelle tangue la barque du tableau peint par Sean, et que Will a disséqué. Que fait alors Sean? Et bien il parle de lui-même. Il révèle en quelques phrases quelles furent certaines des grandes douleurs de sa propre vie: la perte de sa femme après une longue bataille contre sa maladie, la guerre et les amis perdus au combat.

 

Il ne pose pas de question à Will, et celui-ci ne lui a pas demandé de se dévoiler ainsi. On pourrait d'ailleurs avoir une lecture de ce passage plus comme une mise en question du comportement de Will que comme un dévoilement personnel: "Si je te demande ce qu'est la guerre, tu me citeras peut-être Shakespeare, mais tu ne sais pas ce que c'est d'avoir dans ses bras son ami à l'agonie, haletant" (je cite de mémoire). Pourtant je crois que la part de dévoilement personnel est ce qui domine dans cette démarche. Bien sûr pour la première fois Will a trouvé quelqu'un qui a vu clair en lui, et il ne peut plus se cacher. Mais Sean en se dévoilant opère un changement important de méthode par rapport à ce que les autres thérapeutes ont proposé jusque là.

 

En agissant ainsi il ouvre la porte à Will. Il se met au même niveau que lui et ce n'est pas une relation univoque qu'il propose, dans laquelle Will devrait révéler les blessures de son enfance et du reste de sa vie, mais un échange d'égal à égal, dans lequel la confiance (notion que Sean aborde avec sa classe au moment où le professeur qui a pris Will sous son aile intervient) repose sur l'interdépendance qui se noue entre les deux personnages. C'est parce qu'il donne quelque chose d'intime de lui-même que le psychothérapeute parvient à abaisser la garde de Will et à gagner sa confiance.

 

Voilà un très bel exemple d'écoute et d'attention je crois. C'est un peu cette démarche que j'avais cherché à décrire dans cet ancien billet. Sans du tout prétendre indiquer quelle doit être l'attitude d'un thérapeute en général (quelle prétention ce serait !) je crois toutefois que cet exemple est à suivre pour ceux qui cherchent un moyen d'aider un ami ou un proche qui aurait besoin de se confier. En se livrant soi-même on allège la charge que peut ressentir l'autre à se livrer. Il ne craint plus de se mettre dans une situation de dépendance et/ou de vulnérabilité vis-à-vis de soi car d'emblée on s'est mis à son niveau, on a rompu la hiérarchie entre celui qui écoute (le supérieur) et celui qui est écouté (l'inférieur).

 

J'aime bien redécouvrir ainsi le sens d'une idée souvent galvaudée: "c'est en donnant qu'on peut recevoir".

20/12/2005

Stress, humour et commissariat

Une fois n'est pas coutume, je recopie in extenso un passage rédigé sur mon site de gestion du stress pour le sujet d'aujourd'hui, auquel il ne me semble pas utile d'ajouter grand chose.

 

"L'humour permet de prendre de la distance par rapport aux événements qui nous affectent. Du point de vue psychologique, le rire est une détente pour l'esprit. Il possède une action relaxante. C'est une défense contre le stress, et la tristesse. Pour les psychanalystes, l'humour et le rire sont un moyen de détourner la souffrance psychique et de se protéger : c'est un processus de défense, "une sorte de réflexe de fuite dont la tâche est de prévenir la naissance du déplaisir". Beaumarchais disait déjà "je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer". Mais le rire n'a pas qu'une efficacité psychique. Il a aussi des vertus physiologiques. Sous l'effet du rire, le diaphragme subit des contractions/décontractions alternatives qui contribuent à réaliser une véritable gymnastique interne, agissant sur les poumons, les organes abdominaux et le système cardio-vasculaire. Cette sorte de massage interne serait responsable du sentiment de bien-être et de décontraction que l'on ressent après un bon fou rire. Plus globalement, le rire diminue le tonus musculaire général et élimine ainsi tensions et agressivité."

 

 

Par exemple, hier au commissariat au milieu de la plainte déposée pour agression, l'inspecteur reprend un extrait de la déclaration: "son compagnon était sur le trottoir au bout de la rue, et faisait le guet". J'ai d'abord un peu tilté sur l'usage du terme "compagnon" (on dit plutôt complice que compagnon, non?) mais ce n'est que quelques instants après, en repassant toute la phrase dans ma tête, que j'ai éclaté de rire !

 

 

Et ben ça m'a vachement décontracté le diaphragme.

12/12/2005

Stress et croyances

Nos croyances interviennent à plein dans le niveau de notre stress face à telle ou telle situation. Parce qu’elles influencent notre manière de réagir face à ces situations, elles nous conditionnent à les recevoir de telle ou telle manières. Ainsi, un contrôle policier pourra-t-il engendrer des réactions différentes selon la façon d’appréhender le rôle des policiers. Quelqu’un qui aura été éduqué d’une façon très protégée, et n’ayant vu des uniformes que dans Julie Lescaut pourra ressentir un stress important lors d’un banal contrôle d’identité, alors que pour le d’jeun de banlieue ayant la chance d’appartenir aux « minorités visibles » ce sera là l’occasion d’une bonne rigolade et du renouvellement du lien de franche camaraderie qui l’unit aux gardiens de l’ordre public.

 

Il en va de même au travail. Pour celui qui perçoit l’entreprise comme un lieu d’oppression et d’exploitation de l’homme, le stress lié au travail sera très important. En revanche le jeune issu d’école de commerce qui verra dans l’entreprise l’outil par lequel il va enfin pouvoir montrer tout ce qu’il vaut et qui a tant manqué au monde pendant tout le temps de ses études sera beaucoup moins stressé : pour lui l’entreprise n’est pas un lieu d’oppression mais au contraire celui qui va lui donner sa chance, celui par lequel il va se réaliser et s’épanouir.

 

C’est parce que nos croyances ont un impact fort sur notre stress qu’un travail de fond sur soi-même est nécessaire si l’on veut réellement apprendre à gérer son stress. Parce que nos croyances, bien souvent, presque tout le temps même, nous viennent d’expériences lointaines, de conditionnements, d’éléments profonds de notre éducation (ou de notre construction pour reprendre un terme intéressant de Quoique). Travailler sur nos croyances, ce n’est pas pour autant les déconstruire complètement, sous peine de prendre le risque de défaire tout à fait nos repères, ce qui engendrerait sans doute un stress bien plus grand. Il s’agit en revanche de savoir les mesurer pour leur donner leur juste place, et permettre des remises en cause lorsque cela est nécessaire, afin d’acquérir une plus grande fléxibilité.

 

Et bien sûr les croyances religieuses figurent parmi les plus importantes. Une étude étonnante coréalisée en 2000 par David Larson et compilant les données de 42 recherches a d’ailleurs montré que « avoir la foi et pratiquer sa religion prolongerait l’espérance de vie de 29% » ! La prière apparaît notamment comme un très bon « médicament » anti-stress. Elle agit sur l’hypothalamus qui influe sur le rythme cardiaque et la tension artérielle, ainsi que sur la production d’hormone comme le cortisol (le niveau de cortisol est directement en relation avec notre sensation de stress). Qu’on comprenne bien : ce qui importe ici ce n’est évidemment pas les signes extérieurs de la foi, mais l’enracinement de celle-ci pour la personne. Quelqu’un qui vivra pleinement sa foi aura un outil de plus pour gérer son stress. (Je précise que personnellement je suis non croyant).

 

On voit ici qu’en introduisant les croyances dans nos sources de stress, on va pouvoir formuler une critique de l’échelle de Holmes et Rahe, proposée en 1967 et dont voici le détail (mis sous forme Excel). L'échelle Holmes-Rahe est utilisée pour calculer le niveau de stress et déterminer la probabilité que la santé soit affectée au cours de l'année qui vient. Ne tenez compte que des événements qui se sont produits au cours des 24 derniers mois et calculer votre niveau de stress en additionnant les points qui correspondent aux différents évènements listés.

 

medium_echelle_holmes_rahe.4.jpg

Si d'autres événements ou situations stressantes se sont produits au cours des 24 derniers mois, vous devez les noter en leur accordant une valeur identique à celle d'événements comparables (ex: grève et modification des conditions de vie, conflit avec des collègues de travail et problèmes avec les beaux-parents, etc.). Vous ajouterez leur valeur à celle du total de vos points.

Résultats

Moins de 150 points: stress modéré

Entre 150 et 300 points : stress élevé

Plus de 300 points : stress très élevé

 

Quand on lit certains évènements listés sur l’échelle de Holmes et Rahe on peut être surpris. Personnellement, je suis étonné que le mariage figure parmi ceux-ci, et encore plus les voyages ou les vacances. Mais je comprends que ma manière d’appréhender ces évènements peut être différente pour d’autres. Ceux qui n’ont jamais voyagé dans leur vie doivent effectivement se sentir peu à leur aise le jour du départ, et pour ceux qui vivent leur ont une vie privée décevante ou stressante, la venue des vacances n’est pas forcément une bonne nouvelle. Mais on se rend bien compte ici qu’il est nécessaire d’intégrer ces éléments pour bien juger de l’impact de ces évènements. Et c’est la première limite de l’échelle de Holmes et Rahe, que certains relèvent avec humour.

 

Mais à mon sens, il y a un deuxième défaut dans cette échelle, et qui est peut-être encore plus grave, parce qu’il ne concerne pas la méthode de celle-ci, mais son projet. Imaginez quelqu’un qui ne parvient pas à se sortir de ses problèmes et qui va rechercher fiévreusement une solution pour réduire son stress. Si cette personne applique au premier degré la solution implicite de la méthode Holmes et Rahe que va-t-elle faire ? Et bien elle va très logiquement se mettre en situation d’éviter tous les évènements de la liste. Et comment peut-elle réussir ce pari ? En limitant au maximum l’apparition d’évènement dans sa vie, en balisant son environnement et son quotidien de sorte qu’aucune surprise (bonne ou mauvaise si l’on suit la logique de l’échelle) ne vienne « perturber «  la course de sa vie. Bref, en ne vivant plus. On comprend immédiatement que cette logique est néfaste. Quel stress ressentira cette personne lorsqu’à 40 ans elle se retournera sur sa vie et qu’elle ne verra rien ! Le problème n’est donc pas de limiter les facteurs de stress, mais d’apprendre à les gérer, à les accepter pour ce qu’ils sont, et seulement pour ce qu’ils sont.

07/12/2005

Inférences et surinterprétations

Je dois faire un petit retour sur un ancien billet écrit dans ma série sur la communication et l'écoute et qui traitait des inférences. En effet, pour toute personne qui n'a pas travaillé un peu au préalable sur cette question, je m'aperçois que ce que j'écrivais peut porter à confusion en mélangeant inférences et surinterprétations. Les inférences (enfin il ne s'agit ici que de celles qui sont trompeuses) ne sont pas assimilables à des surinterprétations, simplement elles peuvent en être la cause.

 

Petit rappel, sans doute pas inutile. L'inférence est ce par quoi on va aboutir, à partir d'une observation, à une conclusion susceptible de guider un choix, une décision. Ce qui est bien pratique dans la vie de tous les jours. Par exemple, lorsque j'observe un chien avec un collier courrir tout seul dans la rue, je me dis qu'il s'est enfuit de chez lui, et qu'il pourrait être bon de le récupérer et de contacter ses maîtres afin d'éviter un accident malheureux (toute ressemblance avec un évènement vécu serait une sacrée coïncidence).

 

Mais parfois on se laisse berner par nos inférences, on oublie leurs limites, et on s'empresse de conclure sur la base d'observations qui ne sont pourtant pas suffisantes pour le faire. C'est ainsi qu'une personne pourra croire que si elle a gagné au loto, c'est grâce au trèfle à quatre feuilles ramassé plus tôt dans la journée. En dépit du manque évident de lien logique entre les deux évènements. On attribue à un phénomène une cause imaginaire, non corroborée. C'est le même processus qui agit dans certains types de surinterprétations, lorsque l'on veut prêter à des gens des idées qui seraient à la source de certains de leurs discours.

 

Un exemple que j'avais pris dans mon premier billet était celui de personnes très promptes à déceler sous le moindre propos économique une intention libérale nécessairement ennemie du peuple. Et il est bien possible qu'on retrouve le même type de procédé derrière certains discours anti-racistes "faciles" et empressés de stigmatiser l'autre sans vraiment chercher à comprendre son discours. Je pense ici notamment au dernier commentaire de Kryztoff qui me semble aller dans le même sens. Qu'on me comprenne bien, je ne pense pas que Finkielkraut (puisqu'il s'agit encore de lui) ait été très fin dans ses propos recueillis par Ha'aretz. Mais à lire certaines critiques qui lui sont faites, je crois qu'on va un peu trop vite pour vraiment être objectif dans l'analyse de son intention.

 

Et c'est d'ailleurs, chose amusante, la lecture de La sagesse de l'amour, toujours du même, qui vient en renfort de mon idée. Finkielkraut décrypte vers la fin du livre une forme de bêtise qui est je crois très répandue: celle des gens qui savent mieux, de ceux "à qui on ne la fait pas" et qui prétendent lire derrière les paroles des autres la vérité que ceux-ci chercheraient à cacher. Pour ne pas faire de doublon et que cette idée soit bien claire je cite:

"Glorieuse surdité de celui à qui on ne la fait pas parce qu'il a l'oreille plus fine. C'est ainsi que se répand une bêtise travestie en vigilance. Ses adeptes n'invoquent pas pour couper court au dialogue le sceau d'une autorité transcendante. Ils lisent derrière les propos du partenaire la vérité cachée qui le détermine. A leur vis-à-vis ils opposent non le front têtu de qui n'entend pas mais le sourire en coin de qui entend mieux. Leur arrogance et leur ressassement se donnent l'alibi en béton d'une compréhension plus profonde."

 

Ces interprétations sont difficiles à déceler, chez les autres, et probablement encore plus chez soi (notamment à cause de l'entrée en jeu de l'orgueil). Il est pourtant important de le faire si l'on ne veut pas se transformer en sourd. Et pour revenir à l'intention initiale de ce billet, les inférences ne sont donc pas les jumelles des surinterprétations mais le terreau dans lequel ces dernières  peuvent trouver leurs meilleures racines.

01/12/2005

Pensée au matin

Enfin un nouveau billet sur la gestion du stress. je dois dire qu'il va désormais m'être difficile d'en ajouter beaucoup. En effet la gestion du stress, si elle est une discipline riche offre toutefois moins matière a disserter que l'actualité par exemple qui par définition apporte régulièrement de nouveaux sujets. Avec les billets que j'ai déjà rédigé dans ce domaine donc, j'ai un peu l'impression d'avoir fait le tour de l'essentiel, et ce que je pourrais ajouter serait plus de l'ordre de la reformulation. J'invite donc mes lecteurs intéressés par la question à s'en retourner vers mes anciens billets, ou s'ils le souhaitent à m'adresser des demandes spécifiques sur tel ou tel point. Je n'aurais peut-être pas toujours la connaissance suffisante pour les aborder de façon complète, mais je ferais de mon mieux et cela permettrait un échange certainement très intéressant.

 

Aujourd'hui, ce n'est pas un billet de fond que je propose, mais plus une suggestion, une idée à mettre en pratique et qui permet d'orienter sa vie de façon positive et joyeuse. Je l'ai déjà reprise sur mon site de gestion du stress dans la rubrique "friandises", et cette idée vient de la lecture d'un livre de Richard Carlson intitulé, Ne vous noyez pas dans un verre d'eau (un livre intéressant et que je conseille, même si pour ma part je ne reprends pas les idées rattachées à la croyance en Dieu, puisque je ne suis pas croyant).

 

Une des meilleures façon de bien commencer sa journée c'est, juste au moment où vous vous levez, quand vous êtes encore assis sur votre lit avec ces quelques vapeurs de rêves qui s'accrochent encore à vous, de penser à quelqu'un, et de lui adresser par la pensée un message de sympathie, d'amour. Cela peut être n'importe qui, une personne proche, un ami, un collègue, un inconnu croisé la veille et dont le visage vous revient. Ce qui compte, comme toujours, c'est la profondeur et la sincérité de votre démarche. Si vous ne sentez pas vraiment en vous résonner le message de votre pensée, alors c'est inefficace.

 

Une fois que vous avez trouvé la personne, vous lui envoyez une message du type: "je te souhaite une très bonne journée, pleine de joie et de bien-être". Le mieux c'est que vous trouviez vous-même la formulation qui vous convient, qui peut bien sûr changer selon la personne à qui vous adressez votre message. Laissez aller votre spontanéité pour cela, elle fera très bien les choses. Cela permet de démarrer sa journée sur un sentiment positif, et ainsi de se conditionner en quelque sorte à être plus heureux, plus léger, et également plus attentif aux autres. Et peut-être vous apercevrez-vous parfois de ce que vous avez oublié de dire aux gens de vive voix ...

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P.S: certains penseront peut-être que cette idée est un peu trop parfumée à l'eau de rose. Mais prenez le temps d'y réfléchir. C'est pour vous.